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Appel au "Peuple de France !" de juillet 1940 (dit Appel du 10 juillet 1940)

A la fin de juillet 1940, soit un mois après la signature de l'armistice franco-allemand illustrant la volonté du Maréchal Pétain de mettre fin à la guerre et d'engager dans les plus brefs délais des négociations de Paix avec Hitler, le Parti communiste lance un Appel au "Peuple de France". (Doc. 1)

Signé "Au nom du Comité Central du Parti Communiste Français" par Maurice Thorez et Jacques Duclos, secrétaire général et secrétaire du PCF, cet appel est un véritable plaidoyer pour la constitution... d'un Gouvernement de Paix communiste.

Pour justifier cette revendication et en même temps marquer la différence entre son projet pacifiste et celui du Maréchal Pétain, le Parti communiste affirme que seuls les communistes sont en mesure de négocier avec Hitler une "Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France" ou encore "une paix véritable" car "seuls, les Communistes ont lutté contre la guerre".

Autres caractéristiques marquantes du texte : la condamnation de "l'impérialisme britannique", la célébration du "Pacte germano-soviétique", l'éloge de la fraternité franco-allemande ("la fraternité des peuples que de toutes nos forces nous voulons") ou encore la revendication portant sur "la libération des défenseurs de la Paix".
 
Par son contenu, ce tract prouve que la défaite de la France en juin 1940 et l'occupation allemande qui en a été la conséquence n'ont provoqué aucun changement dans la ligne pacifiste, anglophobe et germanophile défendue par le PCF depuis le début du conflit européen.
 
Sur ce constat, on posera la question suivante : doit-on considérer l'appel du PCF de juillet 1940 comme un acte de Résistance ou un acte de Collaboration ?

Le 22 juin 1941, Hitler met fin à son alliance avec Staline en attaquant l'URSS. A la suite de cette attaque le Parti communiste s'engagera dans la lutte contre l'occupant allemand pour libérer sa patrie : l'Union soviétique.

Dans la Résistance, il mènera aussi un combat contre la vérité en niant son pacifisme de la période antérieure avec un procédé très efficace : la citation tronquée qui permet de falsifier le contenu réel d'un texte.

Ainsi, l'appel au "Peuple de France" de l'été 1940 dans lequel il revendiquait la constitution d'un Gouvernement de Paix sera désormais célébré par la propagande communiste comme un appel à la Résistance sur la base d'un extrait falsifié du texte original dans lequel on aura supprimé toute référence à la Paix avec l'Allemagne et à l'impérialisme britannique.

Illustration de ce dernier point :

- phrase originale : "Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves et si, malgré la terreur, ce peuple a su, sous les formes les plus diverses, montrer sa réprobation de voir la France enchaînée au char de l'impérialisme britannique, il saura signifier aussi à la bande actuellement au pouvoir, SA VOLONTE D'ETRE LIBRE."

- phrase falsifiée : "Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves."

On notera que par la magie d'une coupe, une condamnation explicite de l'impérialisme britannique devient une condamnation implicite de l'impérialisme allemand. Le texte falsifié étant présenté comme un appel à la Résistance, les esclavagistes sont nécessairement les Allemands.

A la Libération, preuve que le mensonge est une vertu révolutionnaire, les communistes se présenteront comme des Résistants de la première heure en mettant en avant leur appel de juillet 1940 (rapport de Jacques Duclos à la réunion du Comité central du 31 août 1944).
 
Pour ajouter à leur gloire, ils affirmeront aussi, et ce pour la première fois, que cet appel a été diffusé dans un numéro de l'Humanité clandestine en date du 10 juillet 1940, soit le jour du vote de l'Assemblée nationale attribuant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain (discours d'André Marty à la réunion du Comité central du 22 janvier 1945). Rappelons que sous la IIIe République l'Assemblée nationale désignait la réunion de la Chambre des députés et du Sénat.

La date de l'appel à la Résistance du PCF sera donc fixée... le 22 janvier 1945 soit près de 4 ans et demi après sa supposée diffusion. Elle sera désormais une date de commémoration pour le Parti, ses militants et ses sympathisants.

Le 10 juillet 1945 sera l'occasion d'une première célébration de l'événement... fabriqué par les communistes. Un exemple, l'Humanité du jour publiera un article titré... "Le 10 juillet 1940 / Le Parti communiste français appelait à la lutte".
 
L'appel du 10 juillet 1940 sera l'argument massue qui sera systématiquement opposé à tous ceux qui mettront en cause le PCF pour son attitude entre juin 1940 et juin 1941.
 
Il est ainsi utilisé par la députée communiste Denise Ginollin au cours d'une polémique qui s'étale sur les séances des 5, 6, 9 et 11 décembre 1947 de l'Assemblée nationale (IVe République) et qui l'oppose au député MRP Pierre de Chevigné.

La polémique a porté sur l'attitude de la militante communiste en juin 1940. Cette dernière a été accusée d'avoir engagé au nom du PCF des négociations avec les Allemands pour obtenir la légalisation de l'Humanité et d'avoir bénéficié, après son arrestation par la police française, de leur intervention pour être libérée. Pour prouver ces accusations le député des Basses-Pyrénées a lu dans l'hémicycle plusieurs pièces du dossier d'instruction ouvert en juin 1940.

Denise Ginollin a dénoncé ces accusations comme des calomnies et les pièces utilisées comme des "faux dignes des officines de la Gestapo".

Pour prouver que son accusateur n'était qu'un menteur et un falsificateur, elle a mis en avant l'engagement du PCF dans la Résistance et marqué sa fierté d'avoir participé à la diffusion d'un numéro de l'Humanité clandestine en date du 10 juillet 1940 dans lequel était publié un appel à la lutte contre les Allemands sous les signatures de Maurice Thorez et de Jacques Duclos.

Le 12 décembre 1947, pour soutenir, document à l'appui, les déclarations de Denise Ginollin dans l'hémicycle, l'Humanité reproduit dans son édition du jour un fac-similé de l'Humanité du 10 juillet 1940 dans un article intitulé "A l'Assemblée nationale Denise Ginollin est accusatrice".

Dans un ouvrage publié en 1948 sous le titre Physiologie du Parti communiste français, Amilcare Rossi (pseudonyme d'Angelo Tasca) sera le premier à porter un jugement critique sur ce numéro de l'Humanité clandestine.
 
Dans une note consacrée à l'appel au "Peuple de France" de juillet 1940 et à sa falsification par le PCF après son entrée dans la Résistance, l'auteur montre que ce document historique n'est qu'un... "faux grossier".
 
Sur le fond, l'appel publié est un collage de phrases tirées du tract de juillet 1940. Sur la forme, première incohérence, la date de cette édition ne permet pas de la classer logiquement dans la série régulière des Humanités clandestines. Seconde incohérence : le nom du Directeur indiqué en manchette.
 
Composé en grande partie d'un exposé documenté et argumenté sur l'attitude du PCF pour la période allant de juin 1940 (défaite de la France) à juin 1941 (invasion de l'URSS par les armées allemandes), le livre de Rossi est un démenti factuel aux thèses officielles sur la Résistance communiste au cours de cette période. Il sera donc ignoré par tous ceux qui continueront de propager ces mensonges.

Dernier élément, le rôle des historiens qui sont a priori les intermédiaires entre le passé et le présent.
 
Les faits précédemment exposés n'empêcheront pas l'historiographie communiste pour les décennies à venir : 1) de célébrer l'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940 comme un appel à la Résistance, 2) de le désigner comme l'Appel du 10 juillet 1940 en référence au texte publié dans le (faux) numéro de l'Humanité clandestine du 10 juillet 1940, 3) de mettre en avant la phrase suivante : "Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves" !!!

Quant aux historiens et auteurs qui ne sont pas liés au PCF, ils adopteront trois positions distinctes. Il y a ceux qui reprendront la thèse communiste. Parmi ceux qui la contesteront, il y a ceux qui décriront le tract de juillet 1940 comme un appel à lutter contre Vichy et ceux, plus rares, qui en donneront le véritable contenu : un appel à la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste.
 
On développera tous ces points dans un texte composé de douze parties. Les Parties I, II et III seront consacrées au pacifisme du PCF pendant la guerre franco-allemande de 1939-1940, à la situation de la France en juin 1940 et à la Directive de l'IC du 22 juin 1940.
 
Les Parties IV, V et VI porteront sur l'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940, l'analyse de son contenu et la célébration de ce tract pacifiste dans une brochure communiste de janvier 1941.

Dans les Parties VII, VIII et IX, on évoquera l'entrée du PCF dans la Résistance, on montrera qu'à la suite de cet événement il a falsifié le texte de son appel de juillet 1940 pour en faire un tract anti-allemand et qu'à la Libération il s'est appuyé sur ce texte falsifié et sa supposée publication dans un numéro de l'Humanité clandestine en date du 10 juillet 1940 pour établir qu'il s'était engagé dans la lutte contre l'occupant allemand dès l'été 1940, et enfin on étudiera le contenu du texte falsifié.

Dans la Partie X, on reviendra sur la polémique qui a opposé Denise Ginollin à Pierre de Chevigné en décembre 1947 à l'Assemblée nationale. La Partie XI sera consacrée au fac-similé de l'Humanité du 10 juillet 1940 publié en 1947. La partie XII traitera brièvement de l'historiographie relative au tract "Peuple de France".   


Partie I


"Paix immédiate"

Le 1er septembre 1939, Hitler attaque la Pologne avec comme motif le refus du gouvernement polonais de satisfaire des revendications territoriales qu'il juge légitimes et limitées. Alliées des Polonais, la France et l'Angleterre réagissent le 3 septembre en déclarant la guerre à l'Allemagne nazie.

Moins de trois semaines après le début des combats entre les armées françaises et la Wehrmacht, suivant des Instructions de l'Internationale communiste motivées par le Pacte germano-soviétique, le Parti communiste abandonne sa ligne favorable à la défense nationale pour s'engager en faveur de la Paix. Dissous le 26 septembre 1939, il poursuivra son action dans la clandestinité.

Sa position : la guerre est une guerre impérialiste et sa cause n'est pas le nazisme mais le capitalisme. Ses mots d'ordre : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate" et "L'ennemi est dans notre propre pays". Ses objectifs : la Paix et, pour en garantir la pérennité, la destruction du régime capitaliste. On peut les résumer d'une phrase : la Paix par la Révolution socialiste.

Ces deux objectifs ont été fixés par l'IC qui justifiera sa positions dans un texte de son secrétaire général, Georges Dimitrov, diffusé en novembre 1939 sous le titre "La guerre et la classe ouvrière des pays capitalistes" :

"Les impérialistes des pays belligérants ont commencé la guerre pour un nouveau partage du monde, pour la domination universelle, en vouant à l'extermination des millions d'hommes. La classe ouvrière est appelée à en finir avec cette guerre à sa façon, dans son intérêt, dans l'intérêt de toute l'humanité travailleuse, et à supprimer, ainsi, à tout jamais, les causes essentielles qui engendrent les guerres impérialistes".


"Pour un gouvernement de Paix"

Dans une lettre du 25 mars 1940, Maurice Thorez et André Marty envoient depuis Moscou des Instructions à la direction parisienne du PCF.

Dirigeant du PCF, André Marty est aussi secrétaire de l'Internationale communiste. C'est pour cette raison qu'il a rejoint la capitale russe au mois d'août 1939 avant que ne débute le conflit.

Secrétaire général du PCF, Maurice Thorez a déserté au mois d'octobre 1939 sur les Instructions de l'IC. Après un court séjour en Belgique, il s'est réfugié en Russie. Ce départ a été caché aux militants pour ne pas les démobiliser.

Dans cette lettre, les deux dirigeants indiquent que la revendication d'un Gouvernement de Paix communiste doit être la priorité du Parti, et précisent les formes dans lesquelles cette revendication doit être formulée :

Dans cette situation, il nous semble que le Parti pourrait résumer tout son programme de lutte contre la guerre et la réaction, unir toutes ses revendications politiques et économiques autour du mot d'ordre : "Pour un gouvernement de Paix", s'appuyant sur les masses populaires, donnant des garanties contre la réaction et assurant 1a collaboration avec l'URSS pour le rétablissement de la paix générale.
Le gouvernement de paix que nous réclamons sera en réalité ce gouvernement du front populaire que les masses populaires ont voulu établir en France malgré la résistance et le sabotage des Blum, Daladier, Jouhaux et Cie. Ce gouvernement, nous devons l'opposer au gouvernement actuel qui accomplit les volontés du grand capital financier et des cliques impérialistes, ces responsables de la catastrophe de la guerre, ces responsables de la destruction des conquêtes du Front Populaire, et de la sauvage réaction, maîtresse actuelle de la France. Ce gouvernement sera celui de la France du Peuple, et non celui des tyrans au service de la France des 200 familles. Ce gouvernement, véritable gouvernement de Front populaire.
Ces précisions nous semblent nécessaires après avoir lu dans La Vie Ouvrière la revendication d' "un pouvoir qui s'appuie sur le peuple (ouvriers, paysans et soldats)" et dans la déclaration des députés le mot d'ordre "d'un gouvernement ouvrier et paysan, émanation de la nation".
Or, ce mot d'ordre du "gouvernement ouvrier et paysan" nous semble prématuré. La crise n'est pas encore si profonde dans les milieux dirigeants et la poussée consciente des masses laborieuses telle, que notre Parti puisse sérieusement poser la question de la prise du pouvoir. Les masses ouvrières sont contre la guerre; elles seront contre le gouvernement Reynaud, parce que c'est un gouvernement de guerre, un gouvernement de spoliation, un gouvernement de répression et de terreur, un gouvernement qui ment, qui trompe le peuple. Les masses populaires, la classe ouvrière demandent un gouvernement qui exprime leur désir, leur volonté de paix, un gouvernement qui fasse sortir le pays du gouffre de la guerre, un gouvernement qui assure la paix et qui assure avec la paix la sécurité du pays. C'est à ces préoccupations que répond la précision que nous proposons ci-dessus.
Le mot d'ordre de gouvernement ouvrier et paysan faciliterait en ce moment la tâche de nos ennemis; il permettrait au gouvernement de la réaction de concentrer toutes les forces autour de lui. Alors que nous devons tendre au contraire à rassembler sur une seule plate-forme les masses éprises de paix, mais non encore de révolution, tout en approfondissant sous leur pression les divergences dans les milieux dirigeants et en nous efforçant de dissocier le camp de la bourgeoisie.
Naturellement, la formulation donnée ci-dessus n'empêche pas - au contraire - la propagande de principe contre la dictature du capital, pour la dictature du prolétariat, pour le socialisme.


"Thorez au pouvoir"

Le 25 avril 1940, sur le constat qu'après huit mois de guerre le gouvernement français est toujours déterminé à combattre Hitler, le Parti communiste appelle les Français à se mobiliser pour la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste.

Désormais centrale dans son projet politique, cette revendication est formellement formulée par Maurice Thorez dans un article publié dans l'Humanité clandestine sous le titre "Les Pitt et Cobourg de 1940" :

LES "PITT ET COBOURG" DE 1940
Par MAURICE THOREZ
[...]
Ecoutez-les, ces représentants des 200 familles ! Ils défendent la France. Leur guerre, la guerre des capitalistes, c'est la guerre du droit, de la justice, de la civilisation, de l'indépendance.
Rien de neuf dans ces mensonges usés de 1914 à 1918. Mais leur cynisme ne connaît aucune borne. Tandis qu'ils s'enrichissent du sang et de la misère du peuple de France, ils se présentent comme les défenseurs de la Patrie.
Tout ce qui ne s'incline pas devant leur malfaisance, leurs vols et leurs crimes, est jugé ennemi de la Patrie, traître, agent de l'étranger.
Quels sont-ils ces vertueux personnages ? Comment conçoivent-ils l'indépendance de la France ? Tout simplement à la façon de leurs ancêtres, les aristocrates de 1792.
"Pitt et Cobourg" tel était le qualificatif que le peuple de France décernait aux contre-révolutionnaires qui complotaient avec les ennemis de la France et de la Révolution, avec l'Autriche, le roi de Prusse et l'Angleterre.
Les "Pitt et Cobourg" de 1940 ne sont pas émigrés, ils ne sont pas en prison, ils dirigent momentanément, et pour son malheur, les destinées de la France. [...]
Quant à ceux qui exécutent les ordres des impérialistes de Londres, ils sont également légion. Notre Président du Conseil [Paul Reynaud] se distingue parmi ceux-là. Ce qu'on dit de l'alliance franco-anglaise est particulièrement insultant pour notre pays : "La France est un dominion de l'Angleterre". Le malheur est que c'est vrai et que les responsables se présentent encore comme les défenseurs de l'indépendance de la France.
En 1792, les "Pitt et Cobourg" avaient leurs girondins. En 1940, les "Pitt et Cobourg" ont les leurs. Les "Brissotins" s'appellent aujourd'hui Léon Blum [dirigeant de la SFIO], Paul Faure [secrétaire général de la SFIO], Jouhaux [secrétaire général de la CGT], Déat [secrétaire général de l'Union Socialiste et Républicaine]. [...]
Peuple de France, il faut nous débarrasser des "Pitt et Cobourg" de 1940. Notre pays mérite un autre sort que celui d'être cité comme l'exemple de la réaction et comme dominion de l'Angleterre. [...]
Le gouvernement que veut le pays n'est pas celui des "Pitt et Cobourg". C'est un gouvernement de paix, s'appuyant sur les masses populaires, donnant des garanties contre la réaction, assurant la collaboration avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la paix générale.
Seulement un tel gouvernement assurera l'indépendance de notre pays en le libérant de la tutelle des agents du capital français et anglais.
Maurice THOREZ,
secrétaire général du P.C.

Illustration de cette nouvelle orientation, le mot d'ordre "Thorez au pouvoir". Est-il un meilleur choix qu'un déserteur pour négocier la Paix avec Hitler ?
 
La revendication d'un Gouvernement de Paix communiste sera une constante de la propagande communiste jusqu'au... 22 juin 1941 et l'invasion de l'URSS par les armées allemandes.

On fera quatre remarques supplémentaires sur l'article.

Tout d'abord, dans sa forme développée, la revendication communiste comprend quatre éléments distincts et significatifs :

1) un gouvernement "s'appuyant sur les masses populaires".
2) un "gouvernement de paix".
3) un gouvernement "assurant la collaboration avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la paix générale".
4) un gouvernement "donnant des garanties contre la réaction".

Dans les mois précédents, les communistes ont occasionnellement plaidé pour un "gouvernement paysan et ouvrier". Thorez a écarté cette formulation car il l'a jugeait trop... bolchévique.

Ensuite, point central du projet pacifiste communiste, le texte indique qu'une alliance avec l'URSS garantira le succès d'une négociation de Paix franco-allemande. Cette proposition est un rappel explicite que Moscou et Berlin sont des alliés.
 
De plus, logique communiste, le silence sur les ennemis allemands est compensé par une ferme condamnation des alliés anglais. 

Démonstration de l'anglophobie du Parti communiste, Maurice Thorez accuse le gouvernement français "d'exécuter les ordres des impérialistes de Londres", affirme que la France n'est qu'un "Dominion de l'Angleterre" et enfin appelle à libérer la France "de la tutelle des agents du capital français et anglais".
 
Enfin, sur le plan intérieur, le Gouvernement Thorez s'engage à libérer la France du capitalisme. On retrouve ainsi les deux objectifs fixés par l'IC : la Paix et la Révolution socialiste.
 

Offensive allemande de mai 1940

Le 10 mai 1940, l'Allemagne prend l'initiative sur le front Ouest en envahissant la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Après avoir percé le front français dans le secteur de Sedan le 13 mai, les divisions blindées allemandes foncent en direction de la Manche pour prendre à revers les unités françaises et le contingent anglais qui sont entrés en Belgique pour repousser la Wehrmacht. Victorieuse, cette première phase de l'offensive allemande se termine le 4 juin. Les armées françaises qui ne se sont pas engagées en Belgique constituent dans l'intervalle une ligne de défense sur la Somme et l'Aisne. Le 5 juin, les Allemands déclenchent la seconde phase de leur plan en attaquant sur la Somme puis sur l'Aisne quelques jours après. La ligne de défense française est rapidement enfoncée permettant ainsi aux unités allemandes d'avancer à l'Ouest, à l'Est et sur Paris, déclarée ville ouverte la capitale tombe le 14, puis de se répandre sur tout le Sud. Le 17 juin, jugeant la situation militaire catastrophique, le Maréchal Pétain, nommé la veille à la présidence du Conseil, demande l'armistice qui est signé le 22 juin.

Les combats de mai et juin 1940 sur le territoire français n'ont provoqué aucun changement dans la ligne pacifiste du PCF comme l'attestent tous les numéros de l'Humanité qui ont été diffusés au cours de cette période.

 
L'Humanité clandestine

Du 10 mai 1940 (début de l'offensive allemande) au 17 juin 1940 (demande d'armistice), l'Humanité a appelé dans tous ses numéros à la formation d'un Gouvernement de Paix communiste :

N° 46 du 15 mai 1940 / n° 47 du 17 mai 1940 / n° 48 du 20 mai 1940 / n° 49 du 24 mai 1940 / n° 54 du 14 juin 1940 / n° 55 du 17 juin 1940.

Aucun exemplaire des numéros 50, 51, 52 et 53 n'a été archivé. Soit ces numéros n'ont pas été préparés, soit ils n'ont pas été diffusés, soit ils n'ont pas été conservés.

Un exemple de l'attitude des communistes, l'appel publié dans l'Humanité n° 47 du 17 mai 1940 sous le titre "Pour sauver notre pays et notre peuple de la misère, de la ruine et de la mort" :

"Le Parti Communiste a dit et répété que cette guerre a été provoqué par les capitalistes. Pour avoir réclamé la paix, avant que les massacres ne commencent, des milliers de ses membres ont été jetés en prison, dans les camps de concentration ou dans les bagnes africains. D'autres sont menacés de la peine de mort ! [...]
Aujourd'hui où l'angoisse étreint des millions d'hommes et de femmes de notre pays le Parti Communiste dit, comme toujours, ce qu'il considère être l'intérêt des travailleurs et du peuple de France.
Le rétablissement de la paix, la sécurité et l'indépendance du pays, la liberté et le progrès social exigent que soit impitoyablement chassé le gouvernement des 200 familles qui a entraîné notre pays dans l'aventure présente. [...]
PEUPLE DE FRANCE ! Pour la paix, le pain, la liberté, l'indépendance, SOIS UNIS !
Lutte pour :
Un gouvernement de paix, s'appuyant sur les masses populaires, prenant des mesures contre la réaction, un gouvernement qui s'entende sans délai avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la Paix générale dans le monde."


Partie II


Gouvernement Pétain

Le 16 juin 1940, réfugié dans la ville de Bordeaux depuis deux jours, le Gouvernement Reynaud démissionne à 22 heures en raison de sa division entre opposants et partisans de l'armistice.

A la tête de ceux qui veulent mettre fin au conflit avec l'Allemagne et qui défendent au sein du gouvernement la même position que le Commandant en chef des armées françaises, le Général Weygand : le Maréchal Pétain, vice-président du Conseil et ministre d'Etat. Ce dernier est aussitôt chargé par le Président de la République de former un nouveau gouvernement. Dans ce Gouvernement de Paix qui sera formé en moins d'une heure entreront deux représentants de l'Union Socialiste et Républicaine (USR), le parti de Marcel Déat, deux radicaux-socialistes (PRRRS), dont Camille Chautemps à la vice-présidence, et avec l'accord de Léon Blum deux socialistes (SFIO) qui étaient membres du cabinet démissionnaire : André Février et Albert Rivière. Unis avec le PCF dans une coalition appelée le Front Populaire, ces trois partis de gauche avaient remporté les élections législatives de 1936.

Parmi ceux qui veulent continuer de se battre contre les Allemands : le Général de Gaulle, sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale et à la Guerre attaché à la présidence du Conseil. Après s'être illustré dans les combats contre la Wehrmacht à la tête de la 4e Division Cuirassée, ce dernier a rejoint le gouvernement le 5 juin 1940. N'ayant pas une fonction ministérielle, il n'assiste jamais au Conseil des ministres. En mission en Angleterre, il apprendra la démission du gouvernement à son retour à Bordeaux dans la soirée. Après la constitution dans la nuit d'un cabinet marquant la victoire du clan des défaitistes, il décide le lendemain matin de repartir pour Londres. Il s'embarquera dans l'avion ramenant en Angleterre l'envoyé spécial de Churchill, le Général Spears. Les Anglais espéraient la venue d'un homme politique de premier plan comme Paul Reynaud ou Georges Mandel pour poursuivre la guerre au nom de la France. Les circonstances leur imposeront un colonel nommé au grade de général de brigade à titre temporaire (2 étoiles) en mai 1940, un éphémère sous-secrétaire d'Etat, un homme inconnu des Français...


Demande d'armistice

Le 17 juin, en début d'après-midi, le nouveau président du Conseil prononce à la radio une courte allocution dans laquelle il déclare qu'il faut mettre fin au conflit avec l'Allemagne ("il faut cesser le combat") avant d’annoncer qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

Illustration de l'alliance germano-soviétique, quelques heures après cette annonce, Viatcheslav Molotov, président du Conseil et commissaire du peuple aux Affaires étrangères, convoque l'ambassadeur allemand à Moscou, Friedrich Werner von der Schulenburg, pour lui exprimer "les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes". (Télégramme n° 1167 du 17 juin 1940)

Le lendemain, à Londres, le Général de Gaulle s'exprime à la BBC pour condamner la demande d'armistice et appeler les Français à poursuivre le combat contre l'envahisseur allemand. Initiative d'un officier supérieur refusant la défaite quand tous l'acceptent, coup d'éclat motivé par son patriotisme, message d'espérance dans une France en pleine débâcle, l'Appel du 18 juin 1940 est l'acte fondateur de la Résistance française : "Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".

A l'inverse de la position gaullienne, le Parti communiste, qui s'est engagé pour la Paix avec les nazis dès septembre 1939 en arguant que la guerre contre l'Allemagne d'Hitler était une guerre impérialiste, approuve la démarche du Gouvernement Pétain dans l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 qui présente la particularité de reproduire un communiqué... de la Wehrmacht :

"Tous les hommes qui constituent le gouvernement portent, à des titres divers, la responsabilité de la politique qui a conduit la France à la guerre, à la catastrophe. Le maréchal Pétain a dit qu'il faut tenter de cesser le combat. Nous prenons acte, mais le peuple prendra acte aussi du fait que si, en septembre dernier les propositions des députés communistes avaient été retenues, nous n'en serions pas où nous en sommes.
Les députés communistes qui, en septembre proposaient une paix qui auraient laissé intactes la puissance et l'économie française, en même temps qu'elle aurait épargné bien des vies humaines et des destructions, furent jetés en prison et aujourd'hui ceux qui ont fait cette criminelle besogne sont acculés à la paix après la défaite."

Soumis aux autorités allemandes comme un numéro modèle de l'Humanité légale, ce numéro rappelle que les députés communistes ont été emprisonnés parce qu'ils avaient demandé l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens" dans une lettre remise au président de la Chambre quelques jours après la victoire des armées allemandes et soviétiques en Pologne.


Armistice franco-allemand

Signé le 22 juin 1940 par le Gouvernement Pétain, l'armistice franco-allemand marque la défaite de la France.
 
Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix, cet armistice impose au pays vaincu l'occupation d'une zone couvrant les trois-cinquièmes de son territoire et comprenant sa capitale, le maintien en captivité de 1,5 million prisonniers de guerre, la démobilisation et le désarmement de ses forces armées, et enfin le paiement d'une indemnité journalière dont le montant sera fixé quelques semaines tard à 400 millions francs et représentera pour le budget français un prélèvement massif et abusif relevant plus des réparations de guerre que de l'entretien d'une armée d'occupation.

Dans une allocution prononcée le lendemain à la radio de Londres, le Général de Gaulle déclare que cet armistice est une véritable "capitulation" et que de ce fait le Gouvernement Pétain a perdu toute légitimité :

"L'armistice accepté par le gouvernement de Bordeaux est une capitulation.
Cette capitulation a été signée avant que soient épuisés tous les moyens de résistance. Cette capitulation livre à l'ennemi qui les emploiera contre nos alliés nos armes, nos avions, nos navires, notre or. Cette capitulation asservit complètement la France et place le gouvernement de Bordeaux sous la dépendance immédiate et directe des Allemands et des Italiens. 
Il n'existe donc plus sur le territoire de la France métropolitaine de gouvernement indépendant susceptible de soutenir au dehors les intérêts de la France et ceux des Français."

Pour connaître la réaction du PCF à la défaite de la France et à l'occupation allemande qui en est la conséquence, il suffit de lire l'Humanité du 24 juin 1940 et son article leader intitulé... "Construire la paix" :

"L'armistice est signé.
Ah, certes nous serrons les poings à la pensée qu'une autre paix eut pu être conclue en Septembre-Octobre dernier comme la proposaient les Communistes. Mais à cette époque Daladier jugeait que les ordres de la Cité de Londres devaient être obéis.
Construire la Paix ! Voilà donc la tâche urgente.
Nous savons bien, nous autres communistes, qu'il n'y aura de paix véritable que lorsque auront été extirpées les racines profondes de la guerre. LA PAIX C'EST LE SOCIALISME.
Lutter pour la paix, c'est coordonner l'action des prolétaires de tous les pays dans la lutte pour la victoire du socialisme, de ce socialisme dont l'URSS offre au monde le resplendissant exemple. Tel est notre but.
Préparer cette paix implique que la France est un gouvernement capable de comprendre et de traduire les aspirations populaires. La France de juin 1940 ne possède pas un [tel] gouvernement. [...]
Pour négocier la paix, il faut pouvoir parler au nom du peuple. On ne parle pas au nom du peuple quand on tient en prison et dans les camps des milliers de militants du peuple. Seul, sera digne de négocier une paix équitable, le gouvernement qui rendra au prolétariat ses droits et sa liberté. [...]
Que disparaissent les fauteurs de guerre, les responsables du désastre, les valets de la Cité de Londres : PLACE AU PEUPLE !".

Dans ce texte approuvant l'armistice franco-allemand, l'Humanité affirme que seul le Parti communiste est en mesure de négocier avec Hitler "une paix véritable" ou encore une "paix équitable" car il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre et à pouvoir en outre bénéficier du soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne.

Ajoutons quatre remarques supplémentaires.

Tout d'abord, l'Humanité rappelle l'initiative pacifiste des députés communistes à la fin de la Campagne de Pologne et en attribue l'échec à la soumission du gouvernement français aux "ordres de la Cité de Londres".

Ensuite, formulé dans le but de prouver que les communistes sont des pacifistes de la première heure, ce rappel est aussi une dénonciation implicite du Maréchal Pétain qui est accusé par la propagande communiste de n'être qu'un belliciste au service du capitalisme français et anglais dont l'engagement tardif en faveur de la Paix n'est qu'un opportunisme.

C'est d'ailleurs pour mettre en avant le bellicisme de ce dernier que le texte décrit le président du Conseil ainsi que les membres de son Gouvernement de Paix comme des "fauteurs de guerre" (impérialisme français) et des "valets de la Cité de Londres" (impérialisme anglais).

De plus, toujours dans le but de montrer que seul le projet pacifiste du Parti communiste est légitime, l'Humanité plaide pour une "paix équitable" ou encore une "paix véritable" par opposition à une paix inéquitable ou à une fausse paix négociée par le Maréchal Pétain.

Enfin, par son contenu, cet article est en totale conformité avec le projet défendu par les communistes depuis le début du conflit à savoir la Paix par la Révolution socialiste ("LA PAIX C'EST LE SOCIALISME"). 


Défaitisme révolutionnaire

Preuve que le pacifisme des communistes était en réalité synonyme de défaitisme révolutionnaire, les Instructions que le Parti communiste a envoyées à ses cadres en juillet 1940 pour guider leur action dans une France défaite et occupée par les nazis :

"L'impérialisme français vient de subir sa plus grande défaite de l'Histoire.
Résultat et suite logique de Munich : trahison et politique réactionnaire.

BILAN. - L'ennemi - qui est à l'intérieur dans toute guerre impérialiste - est par terre.

La classe ouvrière française et mondiale doit retenir cet événement comme une victoire et comprendre qu'il faut voir là un ennemi de moins. Il importe donc de mettre tout en œuvre pour que la chute de l'impérialisme français soit définitive. Il ressort, à la constatation de cet état de chose, que la lutte du peuple français a eu le même objectif que la lutte de l'impérialisme allemand contre l'impérialisme français. Il est exact qu'en ce sens ce fut un allié occasionnel. 
(Lénine nous a appris qu'il nous faut pas hésiter, lorsque la situation le commande et lorsqu'il y va de l'intérêt du peuple, de s'allier - occasionnellement - même eu diable.) Se souvenir de la lettre de Lénine aux ouvriers américains (1918) et disant que quiconque ne comprend pas cela n'est pas révolutionnaire."

Dans cet extrait, le Parti communiste se félicite de la défaite de la France : "l'impérialisme français vient de subir sa plus grande défaite de l'Histoire".

Sur ce constat enthousiaste, il rend hommage à son engagement contre la guerre en rappelant que son ennemi dans le conflit franco-allemand n'était pas Hitler mais l'impérialisme français incarné par le gouvernement français et tous ses soutiens : "L'ennemi - qui est à l'intérieur dans toute guerre impérialiste - est par terre".

Considérant que par sa mobilisation il a contribué à la défaite de la France, il affirme que "la classe ouvrière française et mondiale" doit célébrer cet événement comme "une victoire" et voir dans la chute de l'impérialisme français "un ennemi de moins".
 
Il va même jusqu'à reconnaître Hitler comme un "allié occasionnel" dans ce combat contre l'impérialisme français. A ceux qui pourraient être choqués par cette alliance, il répond que quiconque la désapprouve "n'est pas révolutionnaire".

Dernier élément, il indique qu'il importe de "mettre tout en œuvre pour que la chute de l'impérialisme français soit définitive". Autrement dit même après la signature de l'armistice franco-allemand, l'ennemi est toujours l'impérialisme français.
 
Autre document dans lequel le Parti communiste se félicite de la défaite de la France : la "Lettre aux militants communistes" de novembre 1940. Dans ce tract rédigé au mois d'octobre, on peut notamment lire : 

"Nous sommes au quatorzième mois de la deuxième guerre impérialiste en Europe et nous avons sous les yeux le bilan suivant : un puissant impérialisme a été abattu [La France]; ceux qui avaient l'habitude faire la guerre par procuration sont obligés de se battre directement [L'Angleterre]; ceux qui déclarèrent la guerre au dernier moment dans l'espoir qu'elle durerait quinze jours, sont obligés de continuer la lutte [L'Italie] et ceux qui comptaient sur de fulgurantes et décisives victoires doivent tout recommencer au moment où ils croyaient avoir tout fini [L'Allemagne]".


Partie III

 
Directive de l'IC

Le 22 juin 1940, à Moscou, l'Internationale communiste adopte une Directive en relation avec sa section française autrement dit le Parti communiste français.

Cette Directive est envoyée le jour même à Eugen Fried dans un télégramme signé par Georges Dimitrov, secrétaire général de l'IC, et Maurice Thorez, secrétaire général du PCF.

Signalons que le texte du Télégramme présente quelques différences de rédaction avec le texte de la Directive. (1)
 
Représentant de l'IC auprès du PCF, Eugen Fried a quitté Paris au mois de septembre 1939 pour s'installer à Bruxelles. Sa mission dans la capitale belge : organiser une antenne de l'IC en vue d'assurer le contrôle des tous les partis communistes d'Europe occidentale. Il transmettra les Instuctions de Moscou à Jacques Duclos, secrétaire du PCF, qui assume à Paris la direction du Parti communiste clandestin.

Texte fondamental, la Directive du 22 juin 1940 définit l'action du Parti communiste dans une France défaite et occupée par les armées du IIIe Reich.

Trois facteurs en déterminent le contenu. Tout d'abord, l'alliance germano-soviétique fondée sur le plan politique par le Pacte germano-soviétique du 23 août 1939 et le Traité de frontières et d'amitié du 28 septembre 1939. Ensuite, la position de l'IC sur le conflit européen qui est analysé comme une guerre impérialiste qui doit être combattue par la classe ouvrière de tous les pays belligérants. Enfin, l'armistice demandé par le Gouvernement Pétain le 17 juin 1940 et conclu le 22 juin. Rappelons que Moscou a réagi à cet événement en envoyant à Hitler un message le félicitant "pour le magnifique succès des forces armées allemandes".

Pour l'IC la défaite de la France constitue avant tout une opportunité offrant au PCF la possibilité de prendre le pouvoir.

C'est pour cette raison qu'elle lui fixe en matière de propagande l'objectif suivant : expliquer aux Français qu'il est le seul Parti légitime pour diriger la France au motif qu'il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre.

Autre considération d'importance, l'IC demande au PCF de tirer profit de la présence des nazis pour reprendre une activité légale. L'occupation allemande ne constitue donc pas un obstacle à la prise du pouvoir par les communiste. Au contraire elle est vue comme une circonstance favorable !!!

Dernier élément prouvant que la Directive de l'IC n'appelle nullement les communistes à combattre les Allemands : la recommandation demandant au PCF d'encourager les contacts entre les travailleurs français et les soldats allemands.

Reçues à Paris au début du mois de juillet, les Instructions de Moscou seront formellement approuvées par Jacques Duclos comme l'atteste son rapport du 3 juillet 1940 :

"Nous venons de recevoir vos indications avec lesquelles nous sommes entièrement d'accord" (2)

(1) La Directive de l'IC du 22 juin 1940 a été publiée dans les Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993 (pp. 186-187). Quant au Télégramme de l'IC du 22 juin 1940, on peut lire son contenu dans Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003 (pp. 240-242).
(2) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993, p. 209.


Propagande

Adoptée le jour même de la signature de l'armistice franco-allemand, la Directive du 22 juin 1940 définit le contenu de la propagande que le Parti communiste doit diffuser dans une France vaincue et occupée par les armées allemandes :

"Désastres militaires subis et occupation de la France provoquent souffrances et indignation illimitées masses. La banqueroute bourgeoisie et socialistes est totale. Indispensable expliquer peuple cette banqueroute, démasquer trahison bourgeoisie, ses partis, ses politiciens, ses socialistes, démasquer leurs responsabilités pour guerre, désastres militaires, occupation France, afin détruire chez peuple derniers restes confiance envers eux.
Indispensable expliquer et démontrer par les faits que seulement classe ouvrière dirigée par parti communiste est capable réaliser unité de la nation en puissant front défense ses intérêts vitaux et de lutte contre le joug étranger pour une France indépendante et réellement libre." (1)

Pour Moscou, l'objectif prioritaire de la propagande communiste doit porter sur la constitution d'un gouvernement communiste. L'argumentaire justifiant cette revendication s'articule autour de deux axes. Tout d'abord, le discrédit de tous les partis politiques qui ont soutenu la guerre. Ensuite, la légitimité du seul Parti communiste pour diriger la France en raison de son opposition à la guerre.
 
L'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940 suivra fidèlement cet argumentaire.

Partie IV


Appel du PCF

A la fin de juillet 1940, soit un mois après la signature de l'armistice franco-allemand, suivant des instructions de l'IC, le Parti communiste diffuse un Appel au "Peuple de France !" dans lequel il exhorte les Français à se mobiliser pour un gouvernement communiste qui se fixera pour tâche de faire la Paix avec l'Allemagne (libération nationale) et de renverser le régime capitaliste (libération sociale).

Exposant avec clarté le projet du PCF pour la France, cet appel est signé "Au nom du Comité Central du Parti Communiste Français" par Maurice Thorez et Jacques Duclos, secrétaire général et secrétaire du PCF.

Cette mention indique que le texte exprime la position de l'organe supérieur du Parti (entre deux Congrès). Les deux secrétaires pouvant aussi signer des textes au nom du Bureau politique.

Autre élément, la signature de Maurice Thorez vise un objectif secondaire : convaincre les militants que c'est le secrétaire général qui dirige l'action du Parti dans la clandestinité et qu'il est donc présent sur le territoire français.

L'appel du PCF sera le tract plus important diffusé par le Parti communiste au cours de l'été 1940 comme en témoigne cette prescription de La Vie du Parti de septembre 1940 :

"Nous attirons l'attention de tous nos camarades sur le manifeste "Peuple de France" signé de M. THOREZ et J. DUCLOS qui doit être étudié attentivement et largement reproduit et diffusé."
 
Avant d'étudier le contenu de cet appel, on apportera des précisions concernant son auteur, sa date de diffusion et son tirage.


Auteur

Chef du Parti communiste clandestin, Jacques Duclos est l'auteur de l'Appel au "Peuple de France !" de juillet 1940.

Il a rédigé ce tract entre le 1er et le 6 juillet 1940 avant d'apporter des modifications au texte initial pour tenir compte des événements des 10, 11 et 12 juillet 1940 :

- 10 juillet 1940 : vote de l'Assemblée nationale attribuant sur le plan constitutionnel les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Rappelons que sous la IIIe République l'Assemblée nationale désignait la réunion de la Chambre des députés et du Sénat.
 
- 11 juillet 1940 : institution du régime de l'Etat français, communément appelé régime de Vichy, en vertu des Actes constitutionnels n° 1 et n° 2 portant la signature du Maréchal Pétain et aux termes desquels ce dernier est désigné "Chef de l'Etat français" cumulant sur sa personne les pouvoirs exécutif et législatif.
 
- 12 juillet 1940 : constitution du premier gouvernement du régime de Vichy sous la direction de Pierre Laval, vice-président du Conseil.

Pour justifier la date du 1er juillet 1940, jour de l'installation du Gouvernement Pétain à Vichy, on s'appuiera sur le texte qui fait référence au "Gouvernement de traîtres et de vendus qui siège à Vichy".

Quant à celle du 6 juillet 1940, on se reportera au rapport daté de ce jour dans lequel Jacques Duclos informe l'IC qu'il a achevé la rédaction du "manifeste" du Parti :

"nous avons rédigé un manifeste s'inspirant de vos indications [Directive de l'IC du 22 juin 1940], manifeste signé au nom du CC [comité central] de Maurice [Maurice Thorez] et Yves [pseudonyme de Jacques Duclos]. Ce manifeste est imprimé par nos soins et nous allons en assurer l'envoi partout y compris dans la partie du pays non occupée." (1)

Après un premier tirage, le texte initial a été modifié afin d'y ajouter une condamnation du nouveau régime.

Ces modifications ont porté sur les deux chapitres suivants : "La France veut vivre libre et indépendante" et "Un Gouvernement du Peuple".

Dans le premier chapitre, la phrase "aujourd’hui ils essaient d'imposer leur dictature" du texte initial a été remplacé dans la version finale par "aujourd’hui ils imposent leur dictature".

Dans le second chapitre, on peut constater deux changements. Tout d'abord, les quatre premiers paragraphes de la version finale n'étaient pas dans la version initiale, ils ont donc été ajoutés. Ces paragraphes condamnent à la fois le régime de Vichy ("nouvelle constitution") et les membres composant le Gouvernement Laval. Ensuite, le cinquième paragraphe a été réécrit. Ce paragraphe était le premier dans la version initiale. (2)

On peut établir que le tract a été modifié avant le 18 juillet en s'appuyant sur un rapport de Jacques Duclos daté de ce jour. Dans ce rapport le chef du Parti communiste clandestin informe l'IC que les manifestes du Parti ("Peuple de France !") et des Jeunesses communistes ("Jeunesse de France !") ont été imprimés :

"Nous avons édité le manifeste dont nous vous parlions dans notre précédente lettre et nous avons édité aussi un manifeste de la Jeunesse dont nous avons réorganisé la direction et que nous aidons de notre mieux." (3)

On peut même faire l'hypothèse que les modifications sont antérieures au 14 juillet. En effet, dans le document final, il n'est pas fait référence à René Belin, secrétaire de la CGT nommé le 14 juillet ministre de la Production industrielle et du Travail. 

(1) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993, p. 212.
(2) Dans le texte initial, le premier paragraphe du chapitre "Un Gouvernement du Peuple" est ainsi rédigé : "A la porte le Gouvernement de traîtres de Vichy ! Gouvernement de honte où se retrouvent aux côtés de militaires battus des affairistes notoires et des politiciens tarés qui déshonorent la France.
(3) Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes, n° 52-53, 1993, p. 224.


Diffusion

En s'appuyant sur la presse communiste de l'époque, on peut affirmer que le tract "Peuple de France !" a été diffusé à Paris à la fin du mois de juillet 1940.

En effet, La Relève, organe de l'Union des Etudiants et Lycéens Communiste de France (UELCF), indique dans son n° 5 du 30 d'août 1940 que deux étudiants communistes ont été incarcérés le 31 juillet 1940 à la suite de la distribution de ce tract à la Sorbonne :

"Pour avoir répandu le Manifeste du Comité central du Parti communiste à la Sorbonne, deux étudiants sont à la Santé depuis le 31 juillet !"

L'organe central des Jeunesses communistes, L'Avant-Garde, fait aussi référence à cet événement dans son numéro du 10 août 1940 :

"Lors d'une conférence à la Sorbonne des jeunes Etudiants lancèrent à la volée des "MANIFESTE du PEUPLE de FRANCE" de M. THOREZ et J. DUCLOS.
L'impression fut grande, on ramassait les tracts, on se les passait; les inspecteurs surgirent pour les reprendre mais les gens les cachèrent. On discutait à la sortie, on se renseignait, on promettait de se passer le manifeste, on admirait le courage des communistes.
"Chacun conservait ce document historique." comme dit un professeur.
Oui, les communistes ont raison et disent la vérité, mais pourtant 2 jeunes Etudiants furent arrêtés."

Le tract n'a pas été le seul support utilisé par les communistes pour faire connaître sur l'ensemble du territoire leur appel. En effet, ce texte a été publié dans l'Humanité, édition zone non occupée, du 15 août 1940. Il a été repris dans les Cahiers du Bolchévisme du 3e trimestre 1940 sous le titre "Appel au peuple français". La première partie de cette publication était consacrée aux tracts les plus importants diffusés au cours de l'été 1940. Enfin, les organes régionaux du Parti ont aussi participé à la diffusion de cet appel. Un exemple : des extraits ont été reproduits dans le n° 13 de septembre 1940 de l'Enchaîné, organe de la Région Nord-Pas-de-Calais du PCF.


Tirage

Dans son rapport du 5 août 1940 destiné à l'IC, Jacques Duclos indique qu'à cette date le manifeste du Parti a été tiré à 120 000 exemplaires :

"Du point de vue de nos moyens d'édition il y a des améliorations comme en témoigne le fait que nous avons pu éditer le manifeste du parti imprimé à 120000 et l'impression continue". (1)

Ce rapport fait aussi mention de l'arrestation des deux étudiants communistes à la Sorbonne :

"Deux jeunes ont été arrêtés ces jours derniers à la Sorbonne où ils avaient distribué le manifeste du Parti ce qui avait provoqué une très grosse impression, le professeur ayant été contraint malgré ses protestations à rendre le manifeste à la sortie, manifeste dont il ne se gênait pas pour vanter ses mérites." (2)

(1) Cahiers d'histoire l''IRM, n° 42 , 1990, p. 95.
(2) Ibid. p. 96.


Partie V


Gouvernement de Paix communiste

Véritable plaidoyer pour la constitution d'un Gouvernement de Paix dirigé par le Parti communiste, l'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940 se compose de huit parties et de sept intertitres.
 
Les quatre premières Parties du texte ont pour finalité de montrer que seul le Parti communiste est légitime pour gouverner la France. Les Parties 5 et 6 exposent le projet du Parti communiste sur le plan intérieur. La Partie 7 est consacrée à la politique étrangère du PCF. La dernière Partie réaffirme que seul un gouvernement communiste, appelé "Gouvernement du Peuple", pourra mettre en œuvre les mesures précédemment exposées. 

On peut aussi décrire le texte en s'appuyant uniquement sur le titre et les sept intertitres : "Peuple de France", "Seuls, les communistes ont lutté contre la guerre", "La France veut vivre libre et indépendante", "Qui donc peut relever la France ?", "La France au travail", "Les  droits du peuple", "Une Paix véritable", "Un Gouvernement du Peuple".
 
 
Légitimité du seul Parti communiste
pour diriger la France

Le Parti communiste débute son appel par une ferme condamnation de tous ceux qui ont soutenu la guerre contre Hitler.
 
Sur ce point, non seulement, il les accuse d'être les responsables "de la GUERRE, de la DÉFAITE, de L’OCCUPATION" mais en plus il demande qu'ils soient jugés pour trahison :
 
"La malédiction de tout un peuple trahi monte, vengeresse, vers ces hommes qui ont voulu la guerre et préparé la défaite."

Il célèbre ensuite le Pacte germano-soviétique et son action héroïque en faveur de la Paix en soulignant que "Seuls, les Communistes ont lutté contre la guerre !".

Dans la Partie suivante titrée "La France veut vivre libre et indépendante", il condamne le Gouvernement Pétain ainsi que "l'impérialisme britannique" pour un même motif : leur volonté de faire du peuple de France "un peuple d'esclaves".

On notera que l'accusation d'esclavagisme ne vise pas les Allemands. Un oubli sûrement...

Au vu de tous ces faits le Parti communiste juge qu'il est le seul parti légitime pour "relever la France". (Partie 4)
 
Revendiquant la direction du pays, il appelle au rassemblement des Français dans un "Front de la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France".
 
Contrôlée par le PCF, cette structure constitue une réminiscence du Front Populaire et vise à faire oublier que les communistes défendent un projet fondé sur un parti unique. Elle changera régulièrement de nom. Ainsi, en mai 1941, les communistes appelleront les Français à se rassembler dans un Front national de lutte pour l'indépendance de la France.


Révolution socialiste

Dans les Parties 5 et 6, le Parti communiste présente son projet en politique intérieure : la Révolution socialiste.

Les mesures devant mettre fin au régime capitaliste sont détaillées dans le chapitre "La France au travail". Un exemple :

"IL FAUT REMETTRE LA FRANCE AU TRAVAIL, mais pour cela les voleurs capitalistes doivent être mis hors d’état de nuire, les mines, les banques, les chemins de fer, les chutes d’eau et autres grosses entreprises doivent être restitués à la Nation.

On notera que l'objectif de "Remettre la France au travail" est plus conforme aux intérêts des Allemands que celui de la lutte armée. Signalons qu'après le 22 juin 1941 et l'agression allemande contre l'URSS le Parti communiste lancera... des appels au sabotage des productions destinées à l'Allemagne.

Dans le chapitre "Les droits du peuple", le Parti communiste évoque sa politique pénale : "mise en accusation des responsables de la guerre" et... "libération des défenseurs de la Paix".
 

"Une Paix véritable"

Le principal objectif du PCF en politique étrangère forme le titre de la Partie 7 : "Une Paix véritable".

On retiendra de cette Partie qui constitue le point central du tract l'extrait suivant :

"Le Peuple français qui paie si cher les crimes des fauteurs de guerre, veut de toutes ses forces la Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France. Il n’y a de Paix véritable que dans l’indépendance des peuples et les Communistes qui revendiquent pour la France le droit à son indépendance, proclament aussi le droit à l’indépendance des peuples coloniaux asservis par les impérialistes. [...]
L’URSS de Lénine et de Staline, pays du Socialisme et espoir des travailleurs du monde, est le rempart de la Paix comme elle vient de le montrer une fois de plus en réglant pacifiquement avec la Roumanie la question de la Bessarabie et de la Bukovine du Nord. En défendant le pacte germano-soviétique, en Août 1939, nous avons opposé à la politique des fauteurs de guerre, la politique stalinienne de paix et aujourd’hui, nous avons conscience de servir la cause de la paix et de l’indépendance de notre pays, en demandant la conclusion d’un pacte d’amitié franco-soviétique."

Le texte pose trois objectifs en matière de politique étrangère : la Paix avec l'Allemagne, l'indépendance des peuples coloniaux et une alliance avec l'URSS.
 
Paix avec l'Allemagne
 
Dans l'extrait cité, le Parti communiste s'engage sans aucune équivoque à négocier avec Hitler une "Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France" ou encore "Une Paix véritable".

On fera trois remarques.

Tout d'abord, rendons hommage à tous les historiens qui ont célébré l'appel de juillet 1940 comme un appel à la Résistance...

Ensuite, on notera que les termes de la Directive de l'IC ("une France indépendante et réellement libre") sont repris dans le texte.

Enfin, par son contenu, l'engagement du PCF vise à marquer une claire distinction entre son projet pacifiste (paix dans l'indépendance et paix équitable) et celui du Maréchal Pétain (paix dans la servitude et paix inéquitable).

Pour terminer on indiquera que Parti communiste publiera en février 1941 un programme de gouvernement sous le titre "Pour le salut du peuple de France" dans lequel une longue citation tirée de son manifeste de juillet 1940 servira d'introduction.

Ce programme proposera d'établir "des relations PACIFIQUES" entre la France et l'Allemagne et d'instaurer des "rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand" !!!
 
Indépendance des peuples coloniaux
 
Autre mesure de politique étrangère proposée par les communistes : "l’indépendance des peuples coloniaux".

Cette mesure vise un double objectif : empêcher l'implantation de la France Libre sur les territoires de l'Empire français et la mobilisation de ces peuples dans la guerre contre l'Allemagne nazie.

Preuve que ces motivations expliquent la mesure proposée, l'Appel au "Peuple de Paris" du 25 juin 1940 :

"L'armistice est signé. Nos soldats ne se battent plus et, tandis qu'a cessé le bruit du canon, nos pensées vont à tous ceux qui sont restés sur les champs de bataille, aux mères, aux veuves, aux orphelins, aux mutilés, à toutes les pitoyables victimes de la guerre.
C'est en vain que les agents de l'impérialisme britannique essayent maintenant de persuader le peuple de France qu'il doit poursuivre maintenant la guerre pour le compte des financiers de la Cité et, tandis que ces messieurs tentent d'étendre le feu de la guerre aux colonies, les communistes disent aux peuples coloniaux : « Mettez à profit les difficultés de vos oppresseurs pour briser vos chaînes, pour vous libérer, pour conquérir votre indépendance »."

Alliance avec l'URSS

Les alliances conclues par un pays structurent sa politique étrangère et sont aussi le révélateur des valeurs qu'il veut défendre.

Aussi anglophobe que le régime de Vichy, le Parti communiste s'engage à remplacer l'alliance traditionnelle avec l'Angleterre par une alliance franco-soviétique.

On notera que pour justifier ce rapprochement avec l'URSS, le Parti communiste célèbre... sa patrie comme "le rempart de la Paix", marque sa fierté d'avoir défendu "la politique stalinienne de paix" en général et "le Pacte germano-soviétique" en particulier, et enfin affirme qu'en faisant cette proposition il a conscience "de servir la cause de la paix et de l’indépendance de notre pays".

On terminera en indiquant que les éléments décrivant l'URSS et sa politique étrangère permettent de répondre à la question suivante : en juillet 1940, Staline était-il l'allié de Hitler ou de Churchill ?


Gouvernement du Peuple

Dans la dernière Partie du texte, nouvelle illustration de son argumentaire sur deux axes, le Parti communiste condamne le régime institué par le Maréchal Pétain le 11 juillet et affirme que seul un gouvernement communiste, appelé "Gouvernement du Peuple", pourra mettre en œuvre le projet de libération nationale et de libération sociale qu'il a précédemment exposé.

Rappelons que la libération nationale renvoie à la Paix avec l'Allemagne nazie autrement dit la fin de l'occupation allemande sera la conséquence d'un traité de Paix et non le résultat d'une lutte armée.
 
Sur ce point particulier, signalons que le texte du tract associe une nouvelle fois Paix et indépendance de la France :  "Pour relever la France, [....] pour assurer son indépendance dans la Paix [...]."

Quant à la libération sociale elle signifie l'abrogation du régime républicain synonyme de régime capitaliste et l'instauration d'un régime de type soviétique.

Autre élément d'intérêt, le Parti communiste expose en une phrase les principes qui guideront son action à la tête du pays :

"Sous le signe de la lutte contre le régime capitaliste générateur de misère et de guerre, d’exploitation et de corruption, qui a déjà disparu sur un sixième du Globe en URSS, sous le signe de l’unité et de l’indépendance de la Nation; sous le signe de la fraternité des Peuples, nous serons les artisans de la renaissance de la France."
 
Ces principes sont : 
 
1) "la lutte contre le régime capitaliste" générateur "de guerre". Ce principe constitue le fondement du projet défendu par les communistes depuis le début du conflit à savoir la Paix par la Révolution socialiste.
 
2) "l'unité" et "l'indépendance" de la Nation. Le rassemblement des Français dans un Front de la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France sous le contrôle exclusif du PCF permettra de réaliser l'unité de la Nation. Quant à l'indépendance de la Nation, elle sera la conséquence directe d'un traité de paix conclu avec Hitler ("Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France", "servir la cause de la paix et de l’indépendance de notre pays" ou encore "Pour relever la France, [....] pour assurer son indépendance dans la Paix [...].").
 
3) "la fraternité des Peuples" autrement dit la fraternité franco-allemande.
 
Aucune référence à la lutte contre... l'envahisseur nazi.
 
 
Partie VI


Aveux du Parti communiste

Pour démontrer le caractère pacifiste de l'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940, on peut aussi s'appuyer sur les aveux du Parti communiste formulés dans une brochure de janvier 1941 intitulée "Nous accusons".

Rédigé en grande partie en octobre 1940, ce texte est un véritable réquisitoire contre... le gouvernement français et son bellicisme pendant la guerre de 1939-1940. Il est aussi - à l'inverse - une célébration du Parti communiste et de son combat pour la Paix.

Les 9 dernières pages de cette publication sont consacrées à l'occupation allemande : "Occupation - La répression contre les communistes champions de l'indépendance française".

On fera remarquer que ces pages font de nombreuses références à "l'occupant" sans jamais mentionner ni sa nationalité, ni son idéologie, ni le nom de son chef. Des oublis sûrement...

Evoquant les premières semaines de l'occupation, la brochure célèbre dans un long développement l'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940 :

"Et seul, une fois encore, le Parti communiste, uni, homogène, confiant, fait entendre la revendication du peuple de France. Au moment de l'armistice, au nom du Comité Central du Parti, Maurice Thorez et Jacques Duclos publient le Message au Peuple de France. Ils dénoncent les responsables de la guerre, de la misère, de l'occupation vers lesquels monte la malédiction vengeresse de tout un peuple. Ils rappellent les attestations de clairvoyance dont a fait preuve avant et pendant la guerre le Parti communiste et lui seul. La France encore meurtrie et sanglante veut vivre libre. « Le Peuple de France veut régler lui-même, conformément à ses traditions et à son génie les questions sociales et politiques surgies de la trahison des classes possédantes. C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération sociale et nationale, et c'est seulement autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et courage parce que l'avenir lui appartient, c'est seulement autour de la classe ouvrière guidée par le Parti communiste, parti de la propreté, d'honneur et d'héroïsme que peut se reconstituer le Front de la Liberté, de l'Indépendance et de la Renaissance française. » Pour remettre la France au travail, le Parti communiste propose la confiscation des bénéfices de guerre, le prélèvement sur les grosses fortunes, la nationalisation sans indemnité de toute les richesses de la nation. Il déclare que la Paix doit être fondée sur la collaboration internationale, dans l'égalité des droits et non sur l'oppression, car un peuple qui en opprime un autre n'est pas un peuple libre; sur l'indépendance des populations opprimées; sur l'amitié étroite de la France et l'URSS.
Et le manifeste conclut : « C'est un tout autre gouvernement que celui des faillis, des forbans et des ploutocrates de Vichy qu'il faut à la France, un gouvernement que l'unité de la nation rendra possible demain; un gouvernent qui sera le gouvernement de la Renaissance nationale, composé d'hommes honnêtes et courageux, de travailleurs manuels et intellectuels, n'ayant trempé en rien dans les crimes et combinaisons malpropres de la guerre; un gouvernement du Peuple, tirant sa force du peuple, du peuple seul, et agissant exclusivement dans l'intérêt du peuple. »
Dans le silence mortelle que trouble seulement le pas cadencée de l'armée d'occupation, le Parti communiste a fait retentir la voix vibrante du peuple qui souffre et qui espère. D'autres s'agenouillent. Le Parti qui a lutté contre le Traité de Versailles, pour la fraternisation des peuples français et allemand, contre la guerre impérialiste, garde le front haut." (1)

L'extrait cité évoque non seulement le contenu de l'appel de juillet 1940 mais aussi les circonstances dans lesquelles il a été diffusé.


Plaidoyer pour la Paix

La brochure communiste décrit avec justesse l'appel de juillet 1940 en indiquant que ce tract plaide pour la constitution d'un Gouvernement communiste et qu'il définit ses objectifs sur le plan intérieur : la destruction du régime capitaliste (libération sociale), et sur le plan extérieur : la Paix avec l'Allemagne (libération nationale), l'indépendance des peuples coloniaux et une alliance avec l'URSS.

Le pacifisme du tract est exposé en ces termes : "Il [Le Parti communiste] déclare que la Paix doit être fondée sur la collaboration internationale, dans l'égalité des droits et non sur l'oppression, car un peuple qui en opprime un autre n'est pas un peuple libre".

Si les communistes doivent convaincre les Français de s'engager en faveur de la Paix avec l'Allemagne et donc de rejeter la Résistance. Ils doivent aussi les convaincre d'adhérer à leur projet pacifiste et non à celui du Maréchal Pétain.
 
C'est pour cette raison qu'ils affirment que leur Paix sera fondée sur la "collaboration internationale dans l'égalité des droits" par opposition à la Paix pétainiste qu'ils dénoncent dans leur propagande comme un acte de soumission à l'impérialisme allemand.

  "L'égalité de droit"

Première manifestation de "l'égalité de droit" : la négociation avec Hitler d'un traité de Paix qui soit conforme aux intérêts du peuple français et du peuple allemand.

Cet engagement communiste met en évidence deux différences notoires avec le Maréchal Pétain. Tout d'abord, le PCF est le défenseur des intérêts du peuple français et non de ceux des oligarchies capitalistes représentées par le Maréchal qui acceptera toutes les demandes allemandes pour préserver leur système d'exploitation. Ensuite, il peut garantir le succès d'une négociation avec les Allemands grâce au soutien de l'URSS qui est  l'alliée... de l'Allemagne.

"La collaboration internationale"

Pour les communistes, le futur traité de Paix franco-allemand sera à la base des bonnes relations qu'entretiendront à l'avenir la France de Thorez et l'Allemagne d'Hitler.
 
Pour décrire cette future entente franco-allemande, ils mettent en avant la notion de "collaboration internationale".

On notera que le Parti communiste s'est approprié le mot de "collaboration".
 
Rappelons que ce mot a été utilisé par le Maréchal Pétain dans son discours prononcé le 30 octobre 1940 ("j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration"), quelques jours après sa rencontre avec le Chancelier Hitler à Montoire-sur-le-Loir, pour décrire sa volonté d'établir des relations de confiance avec l'Allemagne et ce dans le but de bénéficier de la bienveillance de Berlin à la fois à court terme (libération des prisonniers de guerre, diminution des frais d'occupations, passage de la ligne de démarcation) et dans les futurs négociations de Paix.
 
Le Parti communiste a réagi à cette nouvelle politique du gouvernement français dans un texte publié dans La Politique communiste n° 1 de décembre 1940 sous le titre "La politique de Montoire-sur-Loir".
 
Ce texte se compose de deux parties. Dans la première partie, le Parti communiste affirme que "la politique de Montoire" n'apportera pas "la Paix" mais la guerre au motif que cette politique n'est pas fondée sur "la collaboration" avec l'Allemagne mais sur la soumission à l'impérialisme allemand. C'est donc la collaboration pétainiste qui est condamnée et non le principe de la collaboration. D'ailleurs, la politique du Maréchal Pétain est dénoncée en ces termes : "c'est une tromperie que de représenter ce système comme une victoire de l'esprit de collaboration". Quant au mot collaboration, le texte précise que c'est un "mot séduisant" qui renvoie à l'idée de relations franco-allemandes équilibrées et fructueuses pour les deux parties, et que c'est pour ce motif qu'il ne peut être utilisé pour qualifier la politique du Maréchal Pétain.

La seconde partie du texte présente une alternative à la politique de Montoire : "la politique communiste". En matière de politique extérieure, le PCF expose avec clarté son projet pour la France : "Les communistes sont les champions de l'Entente Internationale des peuples. Ils sont les champions de la Paix". Il ajoute que le succès de cette politique pacifiste sera garantie par une collaboration communiste qui sera fondamentalement distincte de celle proposée par le Maréchal Pétain : "La collaboration que conçoivent les communistes est fondée sur l'égalité des droits et le respect de l'indépendance nationale". D'ailleurs, pour bien souligner cette distinction entre collaboration communiste et collaboration pétainiste, le PCF défend sa politique pacifiste en ces termes : "C'est la politique des communistes, c'est la politique de la collaboration vraie".

Au final, en plaidant pour la "collaboration internationale", le Parti communiste réussit l'exploit de défendre un projet pacifiste distinct de celui du Maréchal Pétain en reprenant à son compte un mot qui décrit fondamentalement la politique de ce dernier.
 
Axiome marxiste
 
Pour terminer on indiquera que le Parti communiste justifie les deux principes précédemment exposés en mettant en avant l'axiome marxiste selon lequel un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre.

En d'autres termes, les communistes s'engagent à ne pas imposer au pays... vainqueur des conditions humiliantes comme dans le Traité de Versailles négocié à la fin de la Première Guerre mondiale que les Allemands dénoncèrent comme un diktat.

Dans une future négociation de Paix entre les communistes et les nazis, Hitler adoptera-t-il cet axiome ? Abandonnera-t-il toute idée de domination pour redevenir libre ? L'allié de Staline répondra à ces deux questions le 22 juin 1941...

Circonstances

Publié en janvier 1941, la brochure "Nous accusons" rend hommage au Parti communiste pour avoir fait "retentir la voix vibrante du peuple qui souffre et qui espère" en lançant au mois de juillet à un appel en faveur de... la Paix avec les nazis.

Elle souligne l'héroïsme de cette initiative... pacifiste en indiquant que tous les autres partis se taisaient lâchement ("D'autres s'agenouillent").

Enfin, le plus significatif, elle affirme que les communistes sont fiers de leur appel de l'été 1940 au motif que ce tract exprime la fidélité du PCF à ses engagements pro-allemands passés et récents : "Le Parti qui a lutté contre le Traité de Versailles, pour la fraternisation des peuples français et allemand, contre la guerre impérialiste, garde le front haut."

Signé en 1919, le Traité de Versailles a mis fin à la guerre de 1914-1918. Son abrogation a été le fondement de la politique étrangère de Hitler.

Le second point fait référence à l'occupation de la Rhur par les armées françaises en 1923 contre laquelle les communistes se sont mobilisés notamment en appelant les soldats français à fraterniser avec la population allemande.

Enfin, la guerre impérialiste désigne la guerre franco-allemande de 1939-1940 qui s'est achevée par la défaite de la France.

(1) Brochure "Nous accusons" de janvier 1941 pp. 41-42 (brochure consultable sur le site Pandor)


Partie VII


Invasion de l'URSS

Le 22 juin 1941, l'Allemagne est en mesure d'envahir l'Union soviétique en raison de leur frontière commune issue de leur partage de la Pologne en septembre 1939. Cette attaque marque la fin de l'alliance germano-soviétique dont le fondement politique était le Pacte de non-agression du 23 août 1939 et le Traité de frontières et d'amitié du 28 septembre 1939.

Un commentaire : les communistes peuvent remercier Hitler car sans cette attaque ils seraient encore les alliés des nazis aujourd'hui.

Pour sa défense l'URSS peut compter sur le soutien de l'Internationale communiste qui mobilise immédiatement ses membres.

La Section Française de l'Internationale Communiste (SFIC) autrement dit le Parti Communiste Français (PCF) reçoit ses Instructions dans un télégramme du 25 juin 1941 co-signé par Maurice Thorez :

"Le moment est venu rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste, dont partisans comprennent que lutte héroïque peuple soviétique contre agression hitlérienne répond intérêts peuple français et que libération France est liée à victoire Union soviétique. Collaboration doit s'établir sur la base suivante. Lutte commune pour libération nationale. Efforts communs contre ennemi commun, le fascisme allemand". (1)

Dans ce télégramme, Moscou recommande aux communistes français de "rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste" pour combattre ensemble un "ennemi commun : le fascisme allemand".
 
(1) B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, pp. 441-442.


Résistance communiste

C'est sur la base des Instructions du 25 juin 1941 que le Parti communiste s'engagera dans la lutte contre l'occupant allemand.

Point important, les communistes se battront pour libérer... l'Union soviétique, leur véritable patrie.

Preuve que cet objectif sera bien celui des staliniens français, l'IC précise dans son télégramme que "libération France est liée à victoire Union soviétique" autrement dit la libération de la France sera la conséquence de celle de l'Union soviétique. La première sera donc subordonnée à la seconde.
 
L'entrée du PCF dans la Résistance changera radicalement le contenu de sa ligne politique. On pourra illustrer ce fait en mettant en avant les éléments suivants :

Tout d'abord, preuve de la souplesse de l'idéologie marxiste, la guerre contre l'Allemagne nazie ne sera plus analysée par les communistes comme une guerre impérialiste, elle sera désormais décrite comme une guerre de libération nationale. Ensuite, conséquence logique de sa nouvelle ligne politique, le Parti communiste abandonnera son programme de gouvernement de février 1941 dans lequel il plaidait pour la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste. Autre élément, au mois de juillet, pour la première fois depuis le début du conflit, il s'attaquera à Hitler dans un tract intitulé "Qui est Hitler ?". Au vu des circonstances, on pourrait interpréter ce titre comme un lapsus et l'aveu qu'après 22 mois de silence sur l'allié de Staline les communistes ont vraiment oublié qui était Hitler. Enfin, les staliniens français n'accuseront plus les gaullistes d'être des traîtres au service de l'impérialisme anglais mais les célébreront comme des frères d'armes dans la lutte contre les nazis.
 
Illustration du changement de la propagande communiste concernant le Général de Gaulle et preuve aussi de la volonté du PCF de prendre seule la direction de la Résistance : l'Humanité n° 122 du 29 juillet 1941.
 
Dans un texte intitulé "La Bataille des V" (référence au V des Résistants, symbole du mot victoire depuis le début de 1941, que les Allemands on tenté de combattre en lançant pour leurs troupes un V (victoria) symbolisant leurs succès militaires), l'organe central du PCF propose l'ajout de la faucille et du marteau au V pour marquer l'union des communistes et des gaullistes, et de fait l'abandon du V avec la croix de Lorraine :
 
"Les allemands volent tout; ils ont même voulu voler le V. mais si notre V signifie VICTOIRE, le leur signifie VERBRECHER (criminel) qualificatif qui s'applique bien à Hitler. Afin de différencier nos V des leurs, dessinons-les ainsi :

[image représentant un V surmonté d'une faucille et d'un marteau] ainsi s'affirme l'union des gaullistes, des communistes et de tous les patriotes dans le Front National de l'Indépendance de la France."
 
 
Résistance française

Tous les faits précédemment exposés imposent de faire une claire distinction entre Résistance française et Résistance communiste. 

La première fondée par le Général de Gaulle en juin 1940 avait pour objectif la libération de la France. La seconde initiée par le PCF en juin 1941 était un soutien à l'effort de guerre soviétique.

La création par le Parti communiste de structures non partisanes ayant pour objectif la libération du territoire national n'a été qu'une tactique visant à recruter des Français pour combattre les Allemands. L'objectif stratégique a toujours été le même.


Partie VIII


Falsification

Dans la Résistance, le Parti communiste mènera aussi un combat contre la vérité en niant son pacifisme de la période antérieure avec un procédé très efficace : la citation tronquée qui permet de falsifier le contenu réel d'un texte.

Ainsi, l'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940 dans lequel il revendiquait la constitution d'un gouvernement de Paix sera désormais célébré par la propagande communiste comme un Appel à la Résistance sur la base d'un extrait falsifié du texte original.

On peut prouver ce fait majeur avec trois textes significatifs diffusés clandestinement par les communistes entre juin 1941 (entrée du PCF dans la Résistance) et août 1944 (Libération de Paris) :
 
1) le tract "Réponse à des mensonges boches"  de mars 1943.
2) le tract "L'activité nationale et le Parti communiste : Constance et Inflexibilité" de octobre ou novembre 1943.
3) un texte de Maurice Thorez du 15 avril 1944. 

A la Libération, preuve que le mensonge est une vertu révolutionnaire, les communistes se présenteront comme des Résistants de la première heure en mettant en avant un extrait falsifié de leur appel de juillet 1940 (rapport de Jacques Duclos à la réunion du Comité central du 31 août 1944).
 
Pour ajouter à leur gloire, ils affirmeront aussi, et ce pour la première fois, que cet appel a été diffusé dans un numéro de l'Humanité clandestine en date du 10 juillet 1940, soit le jour du vote de l'Assemblée nationale attribuant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain (discours d'André Marty à la réunion du Comité central du 22 janvier 1945).
 
La date du 10 juillet sera désormais une date de commémoration pour les communistes. Un exemple de la première commémoration : l'Humanité du 10 juillet 1945 dans laquelle on peut lire un article titrée... "Le 10 juillet 1940 / Le Parti communiste français appelait à la lutte".
 

"Réponse à des mensonges boches" de mars 1943

En mars 1943, le Parti communistes publie le tract "Réponse à des mensonges boches" en réaction aux propos tenus par le Dr. Friedrich sur les antennes de Radio-Paris le 3 mars 1943 dans son émission hebdomadaire, un journaliste allemand vous parle : "En 1940, dès l'armistice, le parti communiste se déclare pour la collaboration franco-allemande contre l'Angleterre et l'Amérique capitalistes". (1)

Dans ce tract, reproduit en partie dans l'Humanité du 1er avril 1943, le Parti communiste s'appuie sur plusieurs textes publiés entre juillet 1940 et mai 1941 pour démontrer "qu'il a toujours été à la pointe du combat contre l'oppresseur" :

"Le Dr. Friedrich, bonimenteur radiophonique, essaye de faire croire que le Parti Communiste Français aurait été partisan de la  "collaboration" avant l'agression hitlérienne contre l'URSS, le 22 juin 1941. C'est là un mensonge impudent que les textes ci-après vont dégonfler une fois pour toute.
En Juillet 1940, quelque jours après l'armistice, dans un appel au peuple français signé au nom du Comité Central par Maurice Thorez et Jacques Duclos, le Parti Communiste disait :
« La France encore toute sanglante veut vivre libre et indépendante. Le Peuple de France veut régler lui-même, conformément à ses traditions et à son génie, les questions sociales et politiques surgies de la trahison des classes possédantes. La France ne veut pas être mise au pas par les aventuriers de Vichy. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves... La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé; la France au passé si glorieux ne s’agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes... C’est dans le Peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale... Et c’est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage, que peut se constituer le Front de la liberté, de l'indépendance et de la Renaissance de la France ». [...]
Le Parti communiste a donc toujours été à la pointe du combat contre l'oppresseur et il a été le premier à subir ses coups, ce dont il s'honore comme il s'honore d'avoir été choisi pour cible principale par les ennemis de la Patrie.
Telle est la vérité que tous les Friedrich de la terre ne parviendront pas à camoufler."

(1) A. Rossi, Physiologie du Parti communiste français, 1948, p. 425.


"L'activité nationale et le Parti communiste :
Constance et Inflexibilité" de l'automne 1943


Ce texte vise à "rétablir la vérité" en démontrant que la Résistance du Parti communiste est antérieure au 22 juin 1941 puisque sa lutte contre Hitler est constante et inflexible depuis... 1933, date de son arrivée au pouvoir. Concernant la période de 1939-1941 on peut notamment lire :

"Qu'a dit le Parti Communiste aussitôt après la capitulation de 1940 ? Il a dit, dans son appel au peuple de France lancé au début juillet 1940 sous la signature de Maurice Thorez et Jacques Duclos :
« La France, encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves. La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé, la France au passé si glorieux ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes. C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c'est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage que peut se constituer Le Front de la Liberté, de l’Indépendance et de la renaissance de la France. »"
.

Texte de Maurice Thorez du 15 avril 1944

Dans la rubrique "Pages d'histoire" de leurs numéros de mars, avril et mai 1945, les Cahiers du communisme reproduisent la totalité du texte qui a été rédigé par Maurice Thorez à Moscou le 15 avril 1944 et qui a été diffusé clandestinement sur le territoire français sous forme de brochure.

Cette publication est précédée d'une note dans laquelle la revue communiste souligne que ce texte met en relief "le rôle immense joué par notre parti dans les années qui précédèrent la guerre pour rassembler les forces nationales et écarter le péril extérieur, son rôle capital durant l'occupation allemande".

Dans l'extrait suivant, le Parti communiste est décrit comme le fondateur de la Résistance française sur le territoire nationale :

"Contre les occupants allemands et contre les traîtres de Vichy peu à peu s'organisa la résistance nationale. Elle débuta dans Paris et dans les centres ouvriers où la population était foncièrement antifasciste et où l'influence du Parti communiste français était grande. Les travailleurs et tous les vrais patriotes avaient présents à l'esprit les efforts du Parti communiste pour conjurer la catastrophe. L'Humanité, organe central du Parti, n'avait jamais cessé de paraître malgré l'interdiction, malgré la répression. Elle parut clandestinement, comme d'habitude, le 14 juin 1940, jour de l'entrée des Allemands à Paris. Elle parut régulièrement les jours suivants, dégageant la leçon des événements, dénonçant les traîtres, appelant à l'union de tous les Français pour rendre au pays sa grandeur et son indépendance. Dès le coup d'Etat de Vichy en juillet 1940, le Comité central du PCF lançait sous la signature de ses secrétaires, un grand appel au peuple de France dans lequel on pouvait lire :
« La France connaît la défaite, l'occupation, l'humiliation. La France, encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves. La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé. La France au passé si glorieux ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes. Ce ne sont pas les généraux battus ni les affairistes, ni les politiciens tarés qui peuvent relever la France. C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c'est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage que peut se constituer le front de la liberté, de l’indépendance et de la renaissance de la France. »

De Londres, le général de Gaulle avait également lancé son appel à la résistance."

Signalons que Maurice Thorez fait preuve d'une certaine amnésie en célébrant la résistance de l'Humanité clandestine dont plusieurs numéros ont paru à l'été 1940 puisque tous ces numéros appelaient à la constitution d'un Gouvernement de Paix sous sa direction !!!

Un exemple, l'Humanité du 14 juin 1940, diffusé le "jour de l'entrée des Allemands à Paris" comme l'écrit le secrétaire général, plaide pour la formation d'un "gouvernement qui s'entende avec l'Union soviétique pour rétablir la paix générale dans le monde".


Réunion du Comité central du 31 août 1944

Le 31 août 1944, dans un Paris libéré depuis peu, le Comité central du PCF tient sa première réunion légale.

L'organe supérieur du Parti (entre deux Congrès) élève au rang de vérité officielle le mensonge concernant la date d'entrée des communistes dans la Résistance en adoptant le rapport présenté par Jacques Duclos.

Célébration de la Résistance communiste, ce rapport indique qu'elle a débuté en... "juillet 1940":

"Dès juillet 1940, notre parti appelait à la résistance dans un appel signé Maurice Thorez et Jacques Duclos, et dans lequel on pouvait lire :
« La France, encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves. La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé, la France au passé si glorieux ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes. C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c'est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage que peut se constituer le Front de la Liberté, de l’Indépendance et de la renaissance de la France. »
Ainsi, le général de Gaulle n'était pas seul à parler de Londres pour faire appel à la résistance. Nous engagions la lutte sur le sol même de la patrie meurtrie et notre lutte, depuis ce moment à été ininterrompue." (1)

(1) Jacques Duclos, Les Communistes dans la bataille pour la libération de la France, Rapport présenté au Comité central Parti communiste français le 31 août 1944, p. 5
 
 
Réunion du Comité central du 22 janvier 1945
 
A la réunion du Comité central du 22 janvier 1945, André Marty prononce un discours qui sera publié en brochure sous le titre "Vaincre et vivre".

Sur le constat que "la fin de la guerre domine toutes les questions de l'heure", le dirigeant communiste formule des "propositions sur la question de la guerre et de la formation d'une grande armée nationale".

On retiendra aussi de ce discours le passage suivant évoquant l'attitude du PCF à l'été 1940 :

"Et c'est alors qu'une fois encore, au 10 juillet 1940, dans « l'Humanité » clandestine paraissait, l'appel au peuple de France, signé de Maurice Thorez et de Jacques Duclos :
« ....La France, encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves. La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé : la France au passé si glorieux ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes.
C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale.
Et c'est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage que peut se constituer le Front de la liberté, de l’indépendance et de la Renaissance de la France. »" (1)

Dans ce passage, André Marty affirme que les communistes ont lancé un appel à la Résistance à l'été 1940, cite le texte de cet appel et enfin, nouveauté dans la propagande communiste, indique que ce texte a été publié dans un numéro de l'Humanité clandestine en date du 10 juillet 1940.
 
Symbole fort, l'appel des communistes a donc été diffusé le jour même du vote de l'Assemblée nationale attribuant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.
 
Un fac-similé de l'Humanité du 10 juillet 1940 sera publié en 1947 dans l'Humanité. Sur la base de ce document, l'appel du PCF sera désigné comme l'appel du 10 juillet 1940.
 
(1) André Marty, Vaincre et vivre, Discours prononcé au Comité Central Elargi du Parti communiste français le 22 janvier 1945 à Ivry-sur-Seine, p. 7.
 
 
L'Humanité du 10 juillet 1945
 
La date de l'appel à la Résistance du PCF a été fixée... le 22 janvier 1945 soit près de 4 ans et demi après sa supposée diffusion. Elle sera désormais une date de commémoration pour le Parti, ses militants et ses sympathisants.
 
Le 10 juillet 1945 sera l'occasion d'une première célébration de l'événement... fabriqué par les communistes. Un exemple, l'Humanité du jour publiera l'article suivant titrée... "Le 10 juillet 1940 / Le Parti communiste français appelait à la lutte" :

"Le 10 juillet 1940, alors que les deux tiers de la France étaient occupés, le Parti Communiste, travaillant clandestinement sur le sol de la Patrie, appela le peuple français à la lutte contre les envahisseurs et les traîtres de Vichy.
Le manifeste du Comité Central du Parti Communiste Français, portant les signatures de Maurice Thorez et Jacques Duclos, disait notamment :
 
« ....La France, encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves. La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé, la France au passé si glorieux ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes. C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c'est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage que peut se constituer le Front de la Liberté, de l’Indépendance et de la renaissance de la France. »
MAURICE THOREZ - JACQUES DUCLOS"

On notera que le texte de l'appel est identique à celui mentionné dans le rapport de Duclos du 31 août 1944.
 
 
"NON, le 10 juillet 1940
 vous n'étiez pas encore antiallemands"
 
Ancien de la France Libre, directeur du quotidien pro-gaulliste L'Epoque, Jean-Louis Vigier réagira avec ironie aux numéros de l'Humanité des 10 et 26 juillet 1945 célébrant la Résistance communiste à l'été 1940 dans son éditorial du 28 juillet 1945 intitulé "NON, le 10 juillet 1940 vous n'étiez pas encore antiallemands" :
 
"AVANT-HIER, "l'Humanité" entendait démontrer à nouveau que le patriotisme du parti communiste n'avait jamais dévié d'une ligne inflexible et qu'il était bien, lui et nul autre, le parti des premiers résistants de France.
Nous ne lui contesteront pas ce titre puisqu'il résistait en effet dès le 2 septembre 1939.
Il fallait répondre à la drôle de guerre par une drôle de résistance.
Après l'armistice, puisque la lutte contre Hitler ne pouvait être continuée que dans la clandestinité, il convenait de pousser la clandestinité jusqu'à la forme la plus susceptible de tromper l'ennemi : la fraternisation avec les soldats de la Wehrmacht.
A ce degré de clandestinité, personne n'y voyait que du feu.
Aussi y a-t-il de la part de "l'Humanité" quelque injustice à nous reprocher de nous y être, nous aussi, laissé prendre.
Il aurait fallu être plus clairvoyant que nous ne le sommes pour comprendre que lorsque M. Thorez, appelé sous les drapeaux, "prenait le maquis", il se comportait tout simplement en précurseur.
C'est encore pour nous convaincre que le Comité central du parti communiste a publié dans "l'Humanité" du 10 juillet dernier, jour anniversaire, et fait afficher dans toute la France (avec l'argent de quels trusts ?) un extrait de l'appel lancé le 10 juillet 1940, par lequel le parti communiste "appela le peuple français à la lutte contre les envahisseurs et les traîtres de Vichy" :

« ....La France, encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves. La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé, la France au passé si glorieux ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes. C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c'est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage que peut se constituer le Front de la Liberté, de l’Indépendance et de la renaissance de la France. »
Maurice Thorez et Jacques Duclos

En lisant ces lignes enflammées pleines d'une fierté belliqueuse, nous fûmes consternés et tout près de nous traiter nous-mêmes de ces noms d'hitléro-vichyssois, d'hommes de la cinquième colonne et d'agents des trusts, qui sont les meilleurs arguments employés par notre confrère "l'Humanité" dans ses aimables controverses. Le parti qui avait adressé aux Français, dès les premières semaines de l'occupation ennemie, ce courageux appel, ne pouvait être accusé d'aucune manœuvre antipatriotique.
Si un court extrait disait tout cela, que devait dire le texte intégral ?
Peut-être aurions-nous pu en demander communication au siège même du parti communiste.
Nous avons estimé que ce parti, dont la devise est : "du passé faisons table rase", devait être hostile à toute forme de conservation, même quand il s'agit de la conservation de ses propres archives.
Aussi, avons-nous frappé à une autre porte. Le texte avait été, à l'époque, distribué en tracts sous le titre de "Peuple de France".
Nous eûmes d'abord quelque peine à retrouver la citation que nous connaissions déjà. Les phrases de cette citation existaient bien, mais disséminées dans un contexte qui en modifiait complétement le sens. Par exemple :

"Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves et si, malgré la terreur, ce peuple a su, sous les formes les plus diverses, montrer sa réprobation de voir la France enchaînée au char de l'impérialisme britannique, il saura signifier aussi à la bande actuellement au pouvoir, sa volonté d'être libre. Les politiciens, civils et militaires ont conduit le Peuple de France à la guerre sous prétexte de défendre la liberté..." 

Mais nous n'étions pas au bout de nos surprises :

"Seuls les communistes se levaient contre la guerre et seul, debout dans la tempête, fidèle à sa politique de paix, notre grand parti s'est dressé contre la guerre comme il s'était dressé seul contre l'occupation de la Rhur par Poincaré, parce qu'il a toujours été contre l'oppression d'un peuple par un autre peuple. Nous, communistes, nous avons défendu le pacte germano-soviétique parce qu'il était un facteur de paix et dès les premiers de la guerre, alors que la répression s'était abattue sur nous, face à tous les profiteurs, affairistes et politiciens pour qui la guerre était une fructueuse entreprise, nous avons réclamé la paix par une lettre des députés communistes au président de la Chambre."

Toujours curieux, nous nous sommes reportés à cette lettre : elle est très instructive, on nous donnera surement l'occasion d'en publier le texte.
Ainsi, en juillet 1940, MM. Thorez et Duclos appelaient les Français à la "lutte". C'était la lutte non pas contre Hitler, mais contre les hommes "responsables de la guerre à Hitler".
C'est sans plaisir, encore une fois, que nous citons de tels textes. Nous ne le ferions pas sans l'insistance maladive des chefs communistes à justifier l'injustifiable.
Avec M. Léon Blum nous diront seulement que si nous pouvons chercher à comprendre les explications d'une mystérieuse attitude, nous nous refusons à en endosser les apologies.
Celles-ci meurtrissent à la fois le simple bon sens, la vérité historique et la probité intellectuelle la plus élémentaire.
Nous en donnerons une preuve nouvelle :
Par arrêté du 20 mars 1945, Me F... [Me Robert Foissin], avocat à la Cour, membre du parti communiste, a été rayé du barreau. Il a été établi et reconnu par Me F... lui même, au cours des débats, qu'il avait été en relation avec Abetz et deux membres influents de la Gestapo, le colonel Boemelburg et un certain Pfannstiel, en juin et juillet 1940.
Au nom du parti communiste et en compagnie de deux autres membres du parti, il était entré en relation avec ces honorables personnages pour obtenir l'autorisation allemande de faire reparaître "l'Humanité" afin, écrivait Me F... lui-même dans une lettre du 25 juin [la lettre est datée du 26 juin 1940], "de poursuivre une politique de pacification européenne".
Cette autorisation leur fût accordée.
Il s'en est, en somme, fallu de peu que le manifeste du parti communiste du 10 juillet 1940 ne parût sur une "Humanité" publiée à Paris, sous le contrôle allemand, avec les premiers en date des journaux de la "Nouvelle Europe".
Il s'en est fallu de l'assentiment des autorités vichyssoises.
Les ingrats !


Partie IX


Extrait falsifié

Pour démontrer que son engagement dans la lutte contre l'occupant allemand date de l'été 1940, le Parti communiste s'appuie sur un appel au Peuple de France qu'il aurait publié dans l'Humanité clandestine du 10 juillet 1940 et dans lequel on pourrait lire :

"La France, encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves. La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé, la France au passé si glorieux ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes. C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c'est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage que peut se constituer le Front de la Liberté, de l’Indépendance et de la renaissance de la France.

Ce texte est en réalité une juxtaposition de phrases tirées du tract "Peuple de France" de juillet 1940 et correspond à la version adoptée par le Comité central du 31 août 1944.

Altération substantielle du tract original, il n'en reflète absolument pas le contenu.
 
Sur la forme, les coupes faites dans les phrases (la seconde phrase de l'extrait est une phrase tronquée) ou entre les phrases ne sont pas indiquées par des points de suspension. Conséquence : une sélection de citations devient un texte à part entière. 
 
Sur le fond, l'intérêt du texte réside dans ce qu'il ne contient pas. Le plus flagrant étant l'absence de toute référence... aux Allemands. Tout aussi significatif, le texte ne reprend pas les éléments fondamentaux qui caractérisaient la ligne du PCF avant le 22 juin 1941 : la Paix avec l'Allemagne nazie et la condamnation de l'impérialisme britannique.
 
 
Paix avec l'Allemagne nazie

L'extrait cité ne fait aucune référence à l'objectif du Parti communiste en politique extérieure : la Paix avec l'Allemagne nazie.

Rappelons que le mot "paix" est mentionné 13 fois dans le texte original sans compter les périphrases comme "seuls, les communistes ont lutté contre la guerre !" ou "la fraternité des peuples que de toutes nos forces nous voulons" qui renvoie à la fraternité franco-allemande.

Cet extrait manifeste toutefois le contenu pacifiste de l'Appel au "Peuple de France !" de juillet 1940 en ne désignant aucun ennemi. En effet il ne dit pas un mot sur les Allemands. On pourra s'en étonner pour un supposé appel à la "résistance".

Ajoutons que non seulement le tract original ne contient aucune attaque visant les Allemands mais en plus il fait l'apologie du "Pacte germano-soviétique" à deux reprises :

1) "nous avons défendu le Pacte germano-soviétique parce qu'il était un facteur de paix",
2) "En défendant le pacte germano-soviétique, en août 1939, nous avons opposé à la politique des fauteurs de guerre la politique stalinienne de paix et aujourd'hui, nous avons conscience de servir la cause de la paix et de l'indépendance de notre pays en demandant la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique."
 

Condamnation de l'impérialisme britannique

Dans un texte qui ne comprend que cinq phrases du tract original, le Parti communiste réussit l'exploit d'en tronquée une.
 
Au vu du résultat, on peut comprendre ce choix :

- phrase  originale : "Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves et si, malgré la terreur, ce peuple a su, sous les formes les plus diverses, montrer sa réprobation de voir la France enchaînée au char de l'impérialisme britannique, il saura signifier aussi à la bande actuellement au pouvoir, SA VOLONTE D'ETRE LIBRE."

- phrase tronquée :  "Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves."

Dans le premier texte, le Parti communiste condamne explicitement le Gouvernement Daladier (septembre 1939 - mars 1940) et le Gouvernement Reynaud (mars 1940 - juin 1940) qui ont mené la guerre contre Hitler et combattu ses alliés... communistes ("la terreur"), le Gouvernement Pétain qui leur a succédé ("la bande actuelle au pouvoir") et enfin l'impérialisme britannique" pour un même motif : leur volonté de faire du peuple de France "un peuple d'esclaves". Aucune référence aux Allemands. Un oubli sûrement...
 
Dans le second, par la magie d'une coupe, il condamne implicitement l'impérialisme allemand. Le texte falsifié étant présenté comme un appel à la Résistance, les esclavagistes sont nécessairement les Allemands.
 
Une dernière remarque, la phrase tronquée "Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves" sera la phrase fétiche de tous ceux qui affirmeront que le PCF a lancé un appel à la Résistance en juillet 1940.

Elle sera même inscrite sur la plaque commémorative apposée à l'initiative du PCF, le 10 juillet 1977, au 88 du boulevard Mortier dans le XXe arrondissement, sur la façade de l'immeuble dans lequel Jacques Duclos a rédigé l'Appel au "Peuple de France !" de juillet 1940 qui sera désigné par les communistes comme l'Appel du 10 juillet 1940 :


"JAMAIS UN GRAND
PEUPLE COMME LE NÔTRE
NE SERA UN PEUPLE D'ESCLAVES"
10 Juillet 1940
Maurice THOREZ-Jacques DUCLOS
Cet appel fut rédigé dans cet immeuble
le 1.7.1940 par J. DUCLOS.

Une plaque commémorative, trois... inexactitudes (pour être poli) : la citation, la date de diffusion et la date de rédaction.


Partie X


Négociations des 18, 19 et 20 juin 1940

A l'été 1940, sur les instructions de l'Internationale communiste, le Parti communiste a mené une série de négociations avec les autorités allemandes pour obtenir la légalisation de ses activités.

La première de ces négociations s'est tenue les 18, 19 et 20 juin 1940. Elle a eu pour unique objet la reparution de l'Humanité dont la publication avait été suspendue le 26 août 1939 en raison de son soutien au... Pacte germano-soviétique.

Elle a pris la forme de plusieurs rencontres entre une militante communiste, Denise Ginollin, et un officier de la Propaganda Staffel Frankreich, le lieutenant Weber.
Cette militante a agi sur les ordres de Maurice Tréand, membre du Comité central, responsable de la commission des cadres et adjoint de Jacques Duclos, chef du Parti communiste clandestin.

Quelques faits marquants de cette première négociation :

1) Elle a débuté avant même la signature de l'armistice et donc l'arrêt des combats.

Négocier avec les envahisseurs allemands avant même la fin des hostilités est une preuve incontestable de... la Résistance communiste.

2) Pour obtenir l'accord des nazis, les communistes ont préparé un numéro modèle de l'Humanité légale : l'Humanité du mercredi 19 juin 1940.

En totale conformité avec la ligne défendue par le PCF depuis le début du conflit, ce numéro plaidait pour la paix avec Hitler, faisait l'éloge de la fraternité franco-allemande et condamnait l'Angleterre : autant d'engagements politiques qui n'ont pas dû pas heurter la censure allemande.

Autre élément significatif : la publication dans ce numéro d'un "communiqué officiel allemand".

Cette publication devait prouver la bonne foi des communistes en montrant qu'ils acceptaient non seulement de se soumettre aux règles fixées par les Allemands en matière de presse mais aussi de faire de l'Humanité légale un relais de leur propagande.

3) Pour réussir sa mission, Denise Ginollin a rédigé sous la dictée de Maurice Tréand un argumentaire. Dans ce texte on peut notamment lire :

"2) Sommes communistes avons appliqué ligne PC sous Dal [Daladier] Ray [Reynaud] juif Mandel
Juif M [Mandel] après Dal [Daladier] nous a emprisonnés. Fusillé des ouvriers qui sabotaient défense nat [nationale]
Sommes PC français pas eu peur
3) pas cédé face dictature juif M [Mandel] et du défenseur des intérêts capitalistes anglais Raynaud [Reynaud]
4) [...]
avons été d'accord avec pacte G S [pacte germano-soviétique]
notre lutte contre Bonnet, Dal [Daladier], Ray [Reynaud], Man [Mandel], cela a facilité votre victoire
notre défense du pacte
cela vous a avantagé
pour l'URSS nous avons bien travaillé par conséquent par ricochet pour vous". (1)

Dénoncer l'action du "Juif Mandel" (ministre de l'Intérieur dans le Gouvernement Reynaud), célébrer la mobilisation du PCF en faveur de la Paix, saluer les sabotages communistes dans les usines de la défense nationale, faire l'éloge du Pacte germano-soviétique et condamner l'Angleterre impérialiste, tels sont les arguments devant permettre aux communistes d'obtenir des nazis la légalisation de l'Humanité.

Le 20 juin, à son rendez-vous de 16 heures avec le lieutenant Weber, Denise Ginollin a obtenu l'autorisation de publier l'Humanité. Ses arguments ont dû être convaincants...

A 18 heures, elle lui a soumis les articles devant paraître dans le premier numéro de l'Humanité légale. Des changements ayant été demandés, la militante communiste devait revenir à 22 heures pour obtenir le visa définitif de la Kommandantur. Preuve des bonnes relations entre les deux parties, l'officier allemand lui a remis... un laissez-passer lui permettant de circuler après le couvre-feu.

A 20 h 30 près du Métro Saint-Martin, la militante communiste a rencontré comme prévu Maurice Tréand et Jeanne Schrodt pour faire le point sur les négociations.
 
C'est à ce moment qu'ils ont été arrêtés par des policiers français qui les soupçonnaient de vouloir faire reparaître l'Humanité et d'avoir de ce fait enfreint deux textes de loi. Tout d'abord, le décret-loi du 24 août 1939 en vertu duquel le journal communiste avait été suspendu le 26 août 1939 par un arrêté ministériel. Ensuite, le décret de dissolution du PCF du 26 septembre 1939 interdisant notamment toutes les publications communistes.

Ce sont les démarches entreprises tant auprès de l'imprimeur Dangon que des Allemands qui avaient suscité ces soupçons.

Sans nouvelles de la représentante du PCF, le lieutenant Weber, passé le délai d'une heure qu'il avait accordé, a informé l'Etat-major que l'Humanité ne paraîtrait pas le lendemain :

"Le 20 juin à 23 heures, l'envoyé de l'Humanité n'ayant pas présenté les modifications demandées, ce journal ne paraîtra pas le 21 juin". (2)

C'est donc l'intervention de la police française qui a empêché la parution du premier numéro de l'Humanité sous censure allemande !!!

Le 21 juin, les trois suspects et une quatrième personne arrêtée le jour même, Valentine Grunenberger, ont été auditionnés par le commissaire Lafont. Le lendemain, sur la décision du Juge Pihier, Maurice Tréand et les trois militantes ont été incarcérés respectivement à la Santé et à la Petite Roquette.

Le 25 juin, les quatre staliniens ont été libérés... à suite d'une intervention d'Otto Abetz, le représentant d'Hitler en France, qui avait été sollicitée par Me Robert Foissin, avocat communiste de Maurice Tréand.

Le lendemain, à l'invitation du diplomate allemand, une délégation du Parti communiste s'est rendue à l'ambassade d'Allemagne pour reprendre les négociations interrompues par la police française....

(1) Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, Juin 40, la négociation secrète, 2006 pp. 10-11.
(2) Ibid. p. 57.


Séance du 5 décembre 1947

Le 5 décembre 1947, à l'Assemblée nationale (IVe République), un député communiste interpelle le ministre de l'Intérieur, Jules Moch, socialiste, sur les événements de la veille à Valence où une tentative de réoccupation de la gare qui avait été évacuée de ses grévistes dans la matinée a été marquée par la mort de trois manifestants selon l'interpellateur, de deux selon le gouvernement.

Dans le débat qui suit la réponse du ministre de l'Intérieur, Denise Ginollin, députée communiste de la Seine, monte à la tribune pour une intervention au cours de laquelle elle s'emporte contre "un Gouvernement qui répond par les coups et les balles lorsque les travailleurs réclament du pain". (1)

Après quelques phrases supplémentaires, une voix s'élève pour accuser l'élue du Parti communiste d'avoir été libérée par la Gestapo après son arrestation en juin 1940 par la police française.

Sur les bancs communistes on s'indigne de cette calomnie qu'on attribue au député MRP Pierre de Chevigné.

Mis en cause, le député des Basses-Pyrénées répond en indiquant qu'il n'est pas l'auteur du propos incriminé et en formulant une double question : est-il exact que Mme Ginollin a été arrêtée par la police française en juin 1940 ? et dans quelles conditions a-t-elle été libérée ?

Le président met fin à l'incident en affirmant que "si un député a déclaré que Mme Denise Ginollin avait été délivrée par la Gestapo, il a eu tort et je le rappelle à d'ordre". (2)

(2) Ibid.


Séance du 6 décembre 1947

Le 6 décembre, Denise Ginollin tient dès le début de la séance à répondre aux accusations de la veille même si l'auteur supposé est absent :

"M. le président. Le procès-verbal de la séance du vendredi 5 décembre a été affiché et distribué.
Il n'y a pas d'observation.

Mme Denise Ginollin. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à Mme Ginollin. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Mme Denise Ginollin. M. de Chevigné est absent et je le regrette; mais, comme il a voulu me mettre en cause hier, j'ai à répondre à l'accusation qu'il a lancée contre moi.
Il s'est, en effet, permis de poser une question qui met en cause mon honneur de française et mon honneur de communiste. Je dis bien « de Française et de communiste », car ce n'est pas sur les bancs de ce côté de l'Assemblée (l'extrême gauche) ! qu'il faut chercher les collaborateurs mal blanchis. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
L'accusation qu'il lance n'est d'ailleurs pas très précise; je vais apporter à notre collègue les précisions qui lui manquent. M. de Chevigné indique que j'ai été libérée par la Gestapo en 1940. Il a sans doute trouvé cette accusation dans les poubelles de l'Epoque, du Figaro ou dans celles de M. Daladier, l'homme de Munich, l'homme qui a trahi la France et qui a ouvert les camps de concentration dans lesquels les Allemands ont pu trouver les patriotes et les assassiner à leur aise. (Applaudissements à l'extrême gauche.) Mais il s'agit de mes titres de résistance. Et, comme j'ai l'habitude de ne parler que de ce que je connais bien, je suis à l'aise pour les mentionner.
J'ai été arrêtée en 1940. C'est vrai je n'ai pas à en rougir aujourd'hui, je l'ai été par la police française en tant que militante communiste. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
J'ai été relâchée en juillet 1940. C'est vrai. Je n'ai pas non plus à en rougir. J'ai été relâchée avec un groupe de femmes de la prison de la Roquette arrêtées pour propos dans les queues ou faits de ce genre sans aucune intervention de personne. Quand elle s'aperçut de son erreur, au lendemain de ma libération, la police française aux ordres des boches, se présenta à mon domicile, dans le XXe arrondissement pour m'arrêter de nouveau, définitivement cette fois, comme elle avait arrêté les militants communistes de cette époque. [Pour la cohérence du récit, on doit supposer qu'elle était absente de son domicile]
Après ma sortie, j'ai repris immédiatement contact avec mon organisation. J'ai participé - et je m'en fait gloire - à la diffusion de notre Humanité du 10 juillet 1940, dans laquelle paraissait l'appel de nos camarades Maurice Thorez et Jacques Duclos, appel à la résistance française, le premier appel lancé sur le sol de la patrie.
Je pose alors la question à M. de Chevigné, directeur du journal Le Pays, organe gaulliste comme on sait, journal qui a été donné à M. de Chevigné par le général de Gaulle au lendemain de la libération, et journal qui n'a jamais paru clandestinement sous l'occupation. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
Je demande à M. de Chevigné s'il peut mettre en parallèle des titres de résistance équivalents." (1)

Deux remarques sur ces déclarations. Tout d'abord, le motif et la date de libération indiqués par Denise Ginollin sont faux.

Ensuite, preuve à la fois de la Résistance du PCF à l'été 1940 et de son engagement dans la Résistance communiste, elle met en avant la diffusion d'un numéro de l'Humanité clandestine en date du 10 juillet 1940 dans lequel était publié un appel à la lutte contre les Allemands sous les signatures de Maurice Thorez et de Jacques Duclos. 
 
Mentionné pour la première fois par André Marty en janvier 1945 avec une citation, ce numéro n'a toujours pas fait l'objet d'une publication permettant d'en connaître la totalité du contenu...

(1) Journal officiel du 7 décembre 1947, pp. 5535-5536.


Séance du 9 décembre 1947

Le 9 décembre, dans une séance où cette fois c'est Denise Ginollin qui est absente, Pierre de Chevigné prend la parole pour répondre lui même aux questions qu'il a posées à la députée communiste et auxquelles elle n'a pas répondu dans son intervention du 6 décembre.

Son objectif : révéler que l'élue du Parti communiste a sollicité en juin 1940 la Kommandantur pour obtenir l'autorisation de publier l'Humanité et qu'après avoir été arrêtée par la police française pour cette démarche elle a été libérée par les Allemands.

Ses preuves : plusieurs pièces du dossier d'instruction ouvert en juin 1940 et notamment la déposition de Denise Ginollin dans laquelle elle décrit ses négociations avec le lieutenant Weber de la Propaganda Staffel Frankreich.

La lecture de ces documents est ponctuée par les réactions indignées des députés communistes qui contestent toute négociation avec les autorités allemandes :

- Fernand Grenier : "Entre 1940 et 1944, les collaborateurs et rédacteurs de l'Humanité ont été fusillés par suite de l'action de ce journal et parce qu'il paraissait clandestinement. Voilà la vérité !";
- Georges Cogniot : "Vous devriez avoir honte de la besogne que vous faites"; "C'est absolument faux.", "Qui vous a remis ces documents ?" "Signé Jules Moch [ministre de l'Intérieur].", "C'est du Jules Moch !";
- Madelaine Braun : "C'est un roman d'Agatha Christie que vous nous racontez là.";
- Jacques Duclos : "C'est un rapport de flic. Vous en êtes alors ?", "Vingt-deux, v'là les flics !";
- Eugénie Duvernois : "C'est de la provocation.", "C'est une insulte à nos morts !", "C'est du roman policier !";
- Marcel Servin : "Quand aurez-vous fini de calomnier le parti qui à verser son sang plus que tous les autres partis réunis.", "Quand on parlait de poubelles, tout à l'heure, on était trop modeste.", "Je constate simplement qu'il a fallu deux ans pour forger ces documents.";
- Arthur Ramette : "On a mis deux ans pour fabriquer un faux.", "Oh oui ! c'est « moche » [moche / Moch]. Les rédacteurs manquent d'imagination." (1)

(1) Journal officiel du 10 décembre 1947, pp. 5560, 5561, 5562, 5563 et 5564.


Séance du 11 décembre 1947

La polémique entre Denise Ginollin et Pierre de Chevigné prend fin à la séance du 11 décembre avec un dernier échange entre les deux protagonistes.

Indignée par les déclarations du député des Basses-Pyrénées à la précédente séance, l'élue du Parti communiste prend la parole dès le début de la séance pour affirmer que ces déclarations ne sont que des calomnies, des mensonges et des insultes visant à discréditer le Parti communiste avec des documents qui ne sont que des "faux dignes des officines de la Gestapo".

Accusé d'être un menteur et un falsificateur, Pierre de Chevigné propose à Denise Ginollin de régler leur différent devant la justice en précisant que si les faits qu'il dénonce sont exacts alors une instruction pour intelligence avec l'ennemi devra être ouverte contre PCF, et fait cette proposition en lui rappelant à demi-mot sa présence dans la délégation communiste reçue à l'ambassade d'Allemagne le 26 juin 1940 :

"M. Pierre de Cheyigné. C'est entendu monsieur le président. Je vous remercie. Je ne garderai pas la parole plus d'une minute.
Je comprends très bien l'émotion de Mme Ginollin et celle de son parti. (Rires et exclamations à l'extrême gauche.) J'ai apporté, à la tribune de cette Assemblée,...

M. Arthur Ramette. Mouchard !

M. Pierre de Chevigné. ...des documents, des faits...

A l'extrême gauche. Des calomnies.

M. Pierre de Chevigné. ...qui, s'ils sont exacts, sont, en effet, très graves, accablants, car, s'ils sont exacts, ils constituent un crime d'intelligences avec l'ennemi ! (Très bien ! très bien ! au centre à droite. — Exclamations à l'extrême gauche.) [...]

M. Pierre de Chevigné. Je partage l'opinion de M. le président de cette Assemblée; cette affaire ne doit plus être évoquée dans cette enceinte.
Il y a quelques jours, j'ai proposé au parti communiste de la transporter dans une autre enceinte, dans une enceinte de justice. Dans cette enceinte de justice, si les faits ne sont pas reconnus exacts, c'est moi qui serai condamné; s'ils sont reconnus exacts, nul doute qu'il sera ouvert une instruction pour intelligences avec l'ennemi contre Mme Ginollin et contre son parti nom duquel elle a agi. (Applaudissements sur de nombreux bancs au centre, à gauche et à à droite. — Vives protestations à l'extrême gauche.) [...]

M. Pierre de Chevigné. Je demande donc à Mme Ginollin de venir avec moi devant la justice. [...]

M. Pierre de Chevigné. Je tiens en passant à l'informer — car elle n'a pas l'air de le savoir — que si Le Pays n'a pas paru sous l'occupation, c'est parce que j'avais quitté la France et que j'étais... [...]

M. Pierre de Chevigné. J'étais alors, depuis juin 1940, dans les forces françaises combattantes. (Applaudissements au centre.) Je suis certain que, de son côté, Mme Denise Ginollin justifiera sa conduite du 20 juin et qu'elle justifiera aussi sa conduite au lendemain de sa libération, quand elle est allée faire quelques autres visites dont nous pourrons reparler un jour ou l'autre.

A l'extrême gauche. Calomniateur !

M. Pierre de Chevigné. Je donne rendez-vous maintenant à Mme Ginollin et surtout au parti communiste, qui se solidarise avec elle, devant la justice. (Applaudissements sur de nombreux bancs au centre, à gauche et à droite.) [...]

M. le président. L'incident est clos." (1)

(1) Journal officiel du 12 décembre 1947, pp. 5623-5624.


Partie XI


L'Humanité du 12 décembre 1947

Le 12 décembre 1947, pour soutenir, document à l'appui, les déclarations de la veille de Denise Ginollin dans l'hémicycle, l'Humanité reproduit dans son édition du jour un fac-similé de l'Humanité du 10 juillet 1940 dans un article intitulé "A l'Assemblée nationale Denise Ginollin est accusatrice.

Le texte de l'article présente le contenu suivant :

"Au début de la séance d'hier après-midi, notre camarade Denise Ginollin a démoli avec force les allégations du gaulliste de Chevigné, qui avait tenté de mettre en doute, mardi, son activité de résistante.
— Vous avez fait état de documents — accuse-t-elle — qui sont des faux qui déshonorent ceux qui les utilisent !
Rappelant l'action qu'elle a menée en 1939 — après la dissolution du Parti Communiste par Daladier — « pour dénoncer les vrais buts d'une guerre qu'on faisait non à Hitler mais au peuple français », elle précise qu'en juin 1940 elle fut arrêtée par la police française pour son activité illégale contre le gouvernement de trahison.
Le lendemain de sa libération, la police se présentait à son domicile pour l'arrêter de nouveau, mais elle n'était pas retournée chez elle.
— Ayant repris mon activité de résistante, poursuit Denise Ginollin, après avoir failli être prise à Troyes en 1942, je fus arrêté en 1943 par la SPAC, condamnée à mort par le tribunal militaire allemand de Nantes et déportée à Ravensbruck, puis à Mathausen.

Le Parti Communiste Français et « l'Humanité »
ont, les premiers, bravé la Gestapo et la police de Pétain
.

Notre camarade s'écrie alors à l'adresse du calomniateur : « Vous savez bien que l'Humanité fut le premier journal clandestin. (Applaudissements communistes). Elle a paru le lendemain de son interdiction et vous en êtes encore à chercher un texte qui n'ait pas constitué un appel à la lutte contre l'occupant et ses collaborateurs. Il y avait certes des risques et si Le Pays n'a pas été un journal clandestin, c'est qur M. de Chevigné n'a pas voulu les courir. C'est l'honneur de notre Parti que d'avoir le premier bravé la gestapo et la police de Pétain. Vos faux n'effaceront jamais cela et c'est ce qui vous fait enrager ! ». Piteux, l'accusé se tient coi, tandis que notre camarade conclut avec force son réquisitoire : « Vous savez très bien que si j'avais été libérée par la Gestapo, je n'aurais pas, ensuite, été condamnée à mort et je ne porterais pas, sur moi, les traces des coups et violences qui m'ont fait subir les Allemands. Il s'agit pour vous de salir la Résistance ».


L'Humanité du 10 juillet 1940

L'Humanité du 12 juillet 1947 reproduit un cliché d'un numéro de l'Humanité clandestine en date du 10 juillet 1940. 

Le cliché est accompagné d'une légende qui donne tous son sens à la première publication de... ce document historique :

"Aux imbéciles et aux odieuses calomnies des hommes de la réaction, l'appel du 10 juillet 1940 de Maurice Thorez et Jacques Duclos, « l'Huma » clandestine, les souffrances et le martyr de dizaines de milliers de nos héros répondent et attestent que le Parti communiste constitue le Parti de l'indépendance française".

Dans ce numéro du 10 juillet 1940, on peut lire le texte suivant :

MAURICE THOREZ ET JACQUES DUCLOS S'ADRESSENT AU PEUPLE DE FRANCE

Depuis un mois que nous vivons sous la botte nazie, où tout s'est écroulé, il n'y a plus d'autre Parti Politique que notre grand PARTI COMMUNISTE FRANCAIS.
Tous les autres se sont effondrés dans la honte de Munich, de l'occupation, de la trahison et de l'invasion.
DEUX HOMMES qui, sur le sol national, représentent la FRANCE qui résiste à l'envahisseur vous adresse cet appel à la lutte:
« La France, encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves. La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé. La France au passé si glorieux ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes. Ce ne sont pas les généraux battus ni les affairistes, ni les politiciens tarés qui peuvent relever la France. C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c'est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage que peut se constituer Le Front de la Liberté, de l’Indépendance et de la Renaissance de la France. »

Dans ce texte, l'Humanité condamne à la fois l'occupation allemande et l'idéologie de l'occupant : "nous vivons sous la botte nazie", célèbre "le grand PARTI COMMUNISTE FRANCAIS", s'attaque à tous autres les partis politiques qui "se sont effondrés" pour les accuser d'avoir soutenu les Accords de "Munich" de septembre 1938 et de porter la responsabilité de "l'invasion" et de "l'occupation", affirme que Jacques Duclos et Maurice Thorez sont présents "sur le sol national" et qu'ils "représentent la FRANCE qui résiste à l'envahisseur" et enfin reproduit l'intégralité de leur "appel à la lutte" dans lequel on peut lire : "Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves".

Par son contenu, ce document historique apporterait la preuve formelle que le 10 juillet 1940 le Parti communiste a lancé dans l'Humanité clandestine un appel à la Résistance. Il permettrait en conséquence de rejeter comme des calomnies les accusations de collusion avec l'occupant à l'été 1940.
 
Cette preuve irréfutable s'avérera être un faux numéro fabriqué pour la circonstance. Quant à l'appel publié c'est un collage de phrases tirées du tract de juillet 1940. On notera que le texte est identique à celui adopté au Comité central d'août 1944.

Conclusion : 1) l'Humanité du 10 juillet 1940 est un numéro imaginaire conçu par les communistes sept ans après sa supposée publication;  2) ce faux numéro devait permettre d'effacer une vérité inacceptable pour les communistes : en juillet 1940, non seulement ils n'ont pas appelé à lutter contre les envahisseurs allemands, mais en plus ils ont négocié avec les nazis pour obtenir la légalisation de leurs activités et notamment l'autorisation de faire paraître l'Humanité dont la publication avait été suspendue le 26 août 1939 en raison de son soutien... au Pacte germano-soviétique; 3) Denise Ginollin n'a jamais distribué ce numéro dans lequel, selon ses déclarations, était publié un "appel à la résistance française, le premier appel lancé sur le sol de la patrie".


"Un nouveau faux patriotique"

En 1948, Amilcare Rossi (pseudonyme de Angelo Tasca) publie un livre intitulé Physiologie du Parti communiste français dans lequel il suit l'action du PCF entre juin 1940 et décembre 1941 en s'appuyant sur de nombreux documents communistes de la période.

Plusieurs notes sont publiées en appendice de l'ouvrage. Intitulée "Un nouveau faux patriotique", la note F est consacrée à l'appel au "Peuple de France" de juillet 1940 et à sa falsification par le PCF après son entrée dans la Résistance. Dans cette note, l'auteur montre que le numéro de l'Humanité du 10 juillet 1940 reproduit dans l'Humanité du 12 décembre 1947 est un "faux grossier" :

"Ce texte [le texte du tract "Peuple de France"], qui s'est rétréci en cours de route comme une peau de chagrin, figure dans l'Humanité du 12 décembre 1947, sous la forme d'un numéro d'une soi-disant Humanité clandestine, qui porte la date du 10 juillet 1940, et dont un cliché reproduit la première page. Pourquoi le parti, qui jusqu'à présent, s'était contenté de fausses citations, s'efforce-t-il de fournir, avec quelques années de retard, un semblant de preuve ? Le mystère n'est pas difficile à percer. Quelques jours avant, Mme Denise Ginollin avait déclaré à l'Assemblée nationale pour se défendre contre les accusations de M. de Chevigné : « Après ma sortie, j'ai repris immédiatement contact avec mon organisation. J'ai participé - et je m'en fais gloire et honneur - à la diffusion de notre Humanité du 10 juillet 1940, dans laquelle paraissait l'appel de nos camarades Maurice Thorez et Jacques Duclos, appel à la résistance française, le premier appel lancé sur le sol de la partie ».
Cette thèse n'a, en ce qui concerne l'appel, aucun fondement. Le cliché publié par l'Humanité, au lieu de l'appuyer, la compromet définitivement, parce qu'il s'agit d'un faux grossier, qui ne résiste pas à un examen même superficiel." (1)

Sur le fond, "le texte publié par la soi-disant Humanité du 10 juillet 1940 est présenté comme l'appel même adressé par Thorez et Duclos au Peuple de France (1). Cet appel, qui, sous sa forme authentique, comprend plus de cinq cents demi-lignes (plus de quatre page et demi des Cahiers du bolchévisme, sur deux colonnes), est réduit désormais à... vingt-trois demi-lignes". (2)

La note (1) indique : "« Deux hommes qui, sur le sol national, représentent la France qui résiste à l'envahisseur, vous adressent cet appel à la lutte. »". (3)
 
Sur la forme, première incohérence, la date de cette édition ne permet pas de la classer logiquement dans la série régulière des Humanités clandestines : "Aucun numéro n'a paru le 10 juillet : le n° 60 est du 7 juillet, le n° 61 du 13." (4)

Seconde incohérence : "le cliché de la soi-disant Humanité du 10 juillet porte en tête l'indication : Directeur : Marcel Cachin. Ce détail seul suffirait à prouver qu'il s'agit d'un faux. Car aucun des numéros de l'Humanité parus depuis l'armistice (et il y en a quelques centaines) ne contient cette mention; on y trouve habituellement la suivante : « Fondateur : Jean Jaurès. — Rédacteur en chef (1928-1937) : Paul Vaillant-Couturier ». Le PCF aurait violé une règle constante du travail clandestin en mettant en tête de l'Humanité le nom d'un de ses dirigeants, vivant en France et pouvant être arrếté à chaque instant. Pourquoi les faussaires de 1947 ont-ils commis cette bévue ? La seule explication possible est la suivante : le faux numéro du 10 juillet tend à rétrodater l'activité « résistante » de Thorez et Duclos. Puisque « Maurice » et « Jacques » sont à l'honneur, pourquoi ne pas en profiter, du même coup, pour réhabiliter aussi « Marcel », dont la qualité de « résistant » a été quelque peu ternie par sa déclaration de mars 1942 contre les attentats individuels ? « Marcel » n'est pas l'auteur du manifeste, mais c'est tout de même dans un numéro de l'Humanité dirigée par lui que le manifeste — ou ce qui en reste — aurait paru. Il participe ainsi, par ricochet, à la gloire patriotique qui couronne les deux autres leaders du Parti. Pendant qu'on y était..." (5)
 
Composé en grande partie d'un exposé documenté et argumenté sur l'attitude du PCF pour la période allant de juin 1940 (défaite de la France) à juin 1941 (invasion de l'URSS par les armées allemandes), le livre de Rossi est un démenti factuel aux thèses officielles sur la Résistance communiste au cours de cette période. Il sera donc ignoré par tous ceux qui continueront de propager ces mensonges.
 
(1) A. Rossi, Physiologie du Parti communiste français, 1948, p. 428.
(2) Ibid. p. 429.
(3) Ibid. p. 429. 
(4) Ibid. p. 429 (note 2)
(5) Ibid. pp. 429-430.
 

Partie XII

 
Historiographie

Pour terminer, on évoquera brièvement le rôle des historiens qui sont a priori les intermédiaires entre le passé et le présent.

Les faits précédemment exposés n'ont pas empêché l'historiographie communiste dans les décennies qui ont suivi la Libération de se conformer à sa mission consistant à propager les "vérités" du PCF et donc :
 
1) de célébrer l'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940 comme un appel à la Résistance, 
2) de le désigner comme l'Appel du 10 juillet 1940 en référence au texte publié dans le (faux) numéro de l'Humanité clandestine du 10 juillet 1940, 
3) de mettre en avant la phrase suivante : "Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves" !!!
 
Première illustration de cet engagement : une Histoire de la Résistance publiée en 1950 par Jean Dautry et Louis Pastor dans laquelle on peut lire ce qui suit :

"Suite logique de ses propositions de combat à outrance du 6 juin, le Comité central du Parti communiste lance par le moyen de l'Humanité clandestine, le 10 juillet, un manifeste, signé Maurice Thorez et Jacques Duclos, où on lit : « Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple colonisé.. Ce ne sont pas les généraux battus, ni les affairistes, ni les politiciens tarés qui peuvent relever la France. C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c'est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage, que peut se constituer le front de la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France »".

Signalons que dans son numéro du 18 juin 1964, jour anniversaire... de l'appel du Général de Gaulle, l'Humanité a republié le numéro du 10 juillet 1940 dans un article intitulé... "Comment dans la France défaite naquit la Résistance".
 
Quant aux historiens et auteurs qui n'étaient pas liés au PCF, ils ont adopté trois positions distinctes. Il y a ceux qui ont repris la thèse communiste. Parmi ceux qui l'ont contesté, il y a ceux qui ont décrit le tract de juillet 1940 comme un appel à lutter contre Vichy et ceux, plus rares, qui en ont donné le véritable contenu : un appel à la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste.


Document 1 :

Appel au "Peuple de France !" de juillet 1940
(dit Appel du 10 juillet 1940)

PEUPLE DE FRANCE !

Notre Pays connaît maintenant les terribles conséquences de la politique criminelle suivie par des gouvernements indignes, responsables de la GUERRE, de la DÉFAITE, de L’OCCUPATION.
Des milliers et des milliers de jeunes gens et de pères de famille sont tombés, des milliers et des milliers d’évacués chassés de leurs foyers ont connu le plus lamentable des exodes sur les routes de France, de nombreuses villes, de nombreux villages ont été détruits, des malades et des blessés souffrent dans les hôpitaux, des centaines de milliers de prisonniers se morfondent loin de leur famille, des veuves, des vieux parents, des orphelins pleurent leurs disparus.
La France meurtrie, douloureuse, trahie par ses dirigeants subit la rançon de la défaite. Voilà où nous ont  conduits les politiciens à la DALADIER, à la REYNAUD, à la MANDEL, qui soutenus par un Parlement de VALETS et de corrompus, ont poussé la France à la guerre pour servir les intérêts des ploutocrates, pour supprimer les libertés publiques, pour faire régner la terreur, écraser le peuple et porter les armes contre l’URSS, pays du socialisme (envoi de matériel de guerre aux gardes blancs finlandais et constitution de l’armée Weygand en Syrie).
Les faits sont là qui montrent à quel point cette politique a fait faillite, à quel point elle a été néfaste. L’heure est venue de situer les responsabilités de tous ceux qui ont conduit la France à la catastrophe.
La clique des dirigeants banqueroutiers de la politique de guerre a bénéficié de l’appui de tous les partis, unis dans une même besogne de trahison et dans une même haine de la classe ouvrière et du communisme.  Le Parti Radical avec ses Daladier, ses Bonnet, ses Chautemps et ses Chichery; le Parti Socialiste avec ses Blum, ses Sérol, ses Ziromski, ses Paul Faure; les Partis de droite avec Flandin, Marin, Fernand Laurent, Laval, Chiappe; l’USR avec Frossard, De Monzie, Déat, Marquet; le PSF avec La Rocque et Ybarnegaray; la bande à Doriot et les chefs usurpateurs de la CGT, les Jouhaux, Belin, Dumoulin, etc. SONT TOUS RESPONSABLES DES MALHEURS DE LA FRANCE.
La malédiction de tout un peuple trahi monte,   vengeresse, vers ces hommes qui ont voulu la guerre et préparé la défaite.
A cause de ces hommes, la moitié du territoire français subit l’occupation de l’armée allemande, aux frais de la France comme l’indique le traité d’armistice.
A cause de ces hommes, le Peuple de France connaît l’humiliation de cette occupation et ne se sent pas chez lui. Il voit en même temps, que le Gouvernement de traîtres et de vendus qui siège à Vichy en attendant de venir à Versailles, pour imiter le sinistre Thiers, mise sur des concours extérieurs pour se maintenir au pouvoir contre la volonté de la Nation.
Mais rien ne pourra empêcher que les comptes soient réglés et les masses laborieuses en demandant que LA FRANCE SOIT AUX FRANÇAIS expriment à la fois LA VOLONTÉ D’INDÉPENDANCE DE TOUT UN PEUPLE et sa ferme résolution de se débarrasser à tout jamais de ceux qui l’ont conduit à la catastrophe.

Seuls, les Communistes
ont lutté contre la guerre !

Seul, debout dans la tempête, fidèle à sa politique de paix, notre Grand Parti Communiste s’est dressé contre la guerre, comme il s’était dressé seul contre l’occupation de la Ruhr par Poincaré, parce qu’il a toujours été CONTRE L’OPPRESSION D’UN PEUPLE PAR UN AUTRE PEUPLE.
Nous, Communistes, nous avons défendu le Pacte germano-soviétique parce qu’il était un facteur de paix, et dès le premier mois de la guerre, alors que la répression s’était abattue sur nous, face à tous les profiteurs, affairistes et politiciens pour qui la guerre était une fructueuse entreprise NOUS AVONS RÉCLAMÉ LA PAIX par l’envoi d’une lettre des Députés Communistes au Président de la Chambre.
C’est pour cela que ces députés ont été emprisonnés et condamnés, c’est pour cela que des milliers de communistes ont été jetés dans les cachots et les camps de concentration cependant que, sous la menace de la prison et du peloton d’exécution, nos militants ont continué vaillamment la lutte pour la Paix.
Désormais, chaque Français est à même de constater que si les propositions communistes, toutes de clairvoyance et de sagesse avaient été suivies, la guerre avec ses désastres aurait été épargnée à notre pays.  Mais les GOUVERNANTS FRANÇAIS QUI N’ONT PAS VOULU LA PAIX ne se sont pas préparés à la guerre et ont sciemment organisé la trahison.
Avant la grande offensive allemande de Mai dernier, politiciens et généraux français ont fait la guerre à l’intérieur contre les ouvriers et en même temps ils ont désorganisé la production, saboté la fabrication des chars et des avions, puisé dans les stocks de l’armée française pour ravitailler les réactionnaires finlandais. Ils n’ont rien prévu, rien organisé, ils ont renoué la tradition d’incurie criminelle des généraux du Second Empire.  Tous ces hommes, civils et militaires, ont trahi la France et sont indignes de la moindre parcelle de confiance.
Seul, un Parti a vu clair, seul, un Parti a eu raison, seul, un Parti n’a été ni dupe, ni complice, seul un Parti a eu le courage de lutter; ce Parti, C’EST LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS, PARTI DU PEUPLE, AU SERVICE DU PEUPLE.

La France veut vivre libre et indépendante

La France encore toute sanglante veut vivre libre et indépendante.
Le Peuple de France veut régler lui-même, conformément à ses traditions et à son génie, les questions sociales et politiques surgies de la trahison des classes possédantes. La France ne veut pas être mise au pas par les aventuriers de Vichy.
Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves et si, malgré la terreur, ce peuple a su, sous les formes les plus diverses, montrer sa réprobation de voir la France enchaînée au char de l’impérialisme britannique, il saura signifier aussi à la bande actuellement au pouvoir, SA VOLONTÉ D’ÊTRE LIBRE.
Les politiciens, civils et militaires, à la solde du capitalisme ont conduit le Peuple de France à la guerre sous prétexte de DÉFENDRE LA LIBERTÉ et, aujourd’hui ils imposent leur dictature parce qu’ils ne veulent pas rendre de comptes, parce qu’ils veulent que les ploutocrates puissent s’enrichir de la défaite comme ils se sont enrichis de la guerre,
CELA NE DOIT PAS ÊTRE; CELA NE SERA PAS ! La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé; la France au passé si glorieux ne s’agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes.
La France doit se relever, elle se relèvera; il le faut, dans l’intérêt même de la fraternité des peuples que de toutes nos forces nous voulons.
La France doit se relever en tant que grand Pays avec son industrie et son agriculture. Aucun travailleur français ne pourrait admettre que soient anéanties ou laissées à l’abandon les richesses industrielles de la France qui doivent revenir à la collectivité nationale.
La France doit se relever, mais elle ne se relèvera que par le travail et dans la liberté. Les usines doivent toutes rouvrir et travailler pour les besoins quotidiens des hommes; les paysans doivent être ramenés à leur terre d’où la guerre les a chassés en grand nombre. Ce n’est pas en enrôlant des jeunes gens, ainsi que semblent vouloir le faire les traîtres de Vichy, pour les amener à la campagne comme des serfs, que seront résolus les problèmes économiques posés devant notre pays.
La France doit se relever pour être une terre de travail et de liberté, mais non une terre de servitude et de misère

Qui donc peut relever la France ?

Qui peut relever la France ? C’est la question qui se pose.
Ce ne sont ni les généraux battus, ni les affairistes, ni les politiciens tarés qui peuvent relever la France; ils ne sont bons qu’à la trahir et à la vendre. Ce n’est pas dans les milieux corrompus du capitalisme que peuvent se trouver les éléments de la renaissance nationale. C’est dans le Peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale.
Et c’est seulement autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage, parce que l’avenir lui appartient; c’est seulement autour de la classe ouvrière guidée par le Parti Communiste, Parti de propreté, d’honneur et d’héroïsme, que peut se constituer LE FRONT DE LA LIBERTÉ, DE L’INDÉPENDANCE ET DE LA RENAISSANCE DE LA FRANCE.
Nous appelons à s’unir pour sauver notre pays, pour l’arracher des mains de ceux qui l’ont conduit au désastre, les Paysans, les Petites Gens qui ont été si abominablement trompés par le Parti Radical, les Travailleurs socialistes que le Parti de Blum et de Paul Faure ainsi que les chefs traîtres de la CGT ont placé à la remorque des potentats du capital, les travailleurs chrétiens à qui les princes de l’Église ont prêché la confiance en des gouvernements indignes, tous les Français honnêtes qui veulent que la France se relève et se libère des chaînes du capitalisme qui a préparé le désastre pour détruire les conquêtes sociales de 1936.
L’UNITÉ DE LA NATION PEUT SE FAIRE. Elle doit se faire et elle peut se faire tout de suite, pour alléger le fardeau de misère qui pèse sur notre pays.
Que tous les hommes et femmes de bonne volonté, que les vieux et les jeunes s’unissent à la ville, au village, partout, en des comités populaires de solidarité et d’entr’aide, pour organiser l’assistance aux réfugiés, aux malheureux, aux démobilisés, aux chômeurs, aux malades, aux blessés; pour organiser le ravitaillement qui, dans de nombreuses communes isolées n’est pas assuré; pour créer d’un bout à l’autre du Pays, un esprit de solidarité fraternelle fondé sur le principe « UN POUR TOUS, TOUS POUR UN ».


La France au travail

Mais s’il faut panser les plaies, il faut aussi reconstruire : reconstruire pour le bien de la collectivité et non pour fournir l’occasion de nouveaux profits aux maîtres et protégés de ces Messieurs du gouvernement de Vichy,
IL FAUT REMETTRE LA FRANCE AU TRAVAIL, mais en attendant, il faut assurer le pain quotidien aux sans-travail. Et pour remettre le pays au travail il faut mobiliser les ressources de la Nation, EN CONFISQUANT TOUS LES BÉNÉFICES DE GUERRE ET EN EFFECTUANT UN PRÉLÈVEMENT MASSIF SUR LES GROSSES FORTUNES.
IL FAUT REMETTRE LA FRANCE AU TRAVAIL, mais pour cela les voleurs capitalistes doivent être mis hors d’état de nuire, les mines, les banques, les chemins de fer, les chutes d’eau et autres grosses entreprises doivent être restitués à la Nation.
IL FAUT REMETTRE LA FRANCE AU TRAVAIL, mais pour cela il faut assurer aux petits et moyens paysans des livraisons d’engrais à bas prix, livraisons que rendrait possibles le retour à la collectivité nationale des industries chimiques, et il faut aussi remettre à ceux qui les travaillent les grosses propriétés foncières appartenant aux banquiers, seigneurs et autres exploiteurs du Peuple.
IL FAUT REMETTRE LA FRANCE AU TRAVAIL, mais pour cela il faut que les pouvoirs publics au lieu de se désintéresser du sort des paysans fassent droit à leurs revendications :
a) paiement des récoltes détruites ou perdues du fait de la guerre; b) livraison de semences sélectionnées; c) paiement de dommages pour la reconstruction des maisons détruites et le renouvellement des instruments aratoires détériorés ou anéantis, ce qui donnera du travail à de nombreux ouvriers; d) livraison d’animaux aux paysans sinistrés pour la reconstitution du cheptel; e) versement d’une indemnité aux petits paysans sinistrés pour qu’ils puissent vivre en attendant la prochaine récolte.
IL FAUT REMETTRE LA FRANCE AU TRAVAIL, sans subordonner la reprise de l’activité économique du pays au profit des capitalistes, et en s’attaquant, au contraire, aux privilèges des classes possédantes.

Les droits du Peuple

Le Peuple a le droit d’exiger que son travail profite à la collectivité et non à quelques parasites capitalistes, et il a le droit de demander des comptes à ceux qui ont fait le malheur du pays, fauteurs et profiteurs de guerre, ministres d’hier et d’aujourd’hui, généraux traîtres et incapables.
Le Peuple a le droit d’exiger la mise en accusation des responsables de la guerre et des désastres de la France.
Le Peuple a le droit d’exiger la libération des défenseurs de la Paix et le rétablissement dans leurs droits et fonctions des élus qui ont combattu la guerre.
Le Peuple a le droit d’exiger l’abrogation des mesures de dissolution prises contre les groupements politiques, syndicaux, coopératifs, culturels et autres en raison de leur hostilité à la guerre.
Le Peuple a le droit d’exiger le rétablissement des libertés syndicales et le rétablissement dans leurs fonctions des délégués élus et des conseillers prudhommes déchus par le gouvernement des fauteurs de guerre.
Le Peuple a le droit d’exiger la parution en toute liberté des journaux en qui il avait confiance, qui lui disaient la vérité et qui ont été interdits à cause de cela.
Le Peuple a le droit d’exiger que soient reconnus les droits sacrés des mutilés, des veuves, des orphelins, des vieux parents dont le fils a été tué. Les victimes de la guerre ne laisseront pas Pétain déclarer que l’État ne fera rien pour elles en même temps que les profiteurs de guerre gardent les milliards volés au Pays.
Mais ces droits, le Peuple devra les imposer par son union et par son action.

Une Paix véritable

Le Peuple français qui paie si cher les crimes des fauteurs de guerre, veut de toutes ses forces la Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France. Il n’y a de Paix véritable que dans l’indépendance des peuples et les Communistes qui revendiquent pour la France le droit à son indépendance, proclament aussi le droit à l’indépendance des peuples coloniaux asservis par les impérialistes.
Au surplus, le Peuple de France peut constater que c’est guidés par la haine du peuple que les gouvernants français nous ont conduits à la guerre et se préparaient à attaquer le Pays du Socialisme comme le prouvent les télégrammes échangés entre Gamelin et Weygand sur le bombardement de Bakou et de Batoum.
L’URSS de Lénine et de Staline, pays du Socialisme et espoir des travailleurs du monde, est le rempart de la Paix comme elle vient de le montrer une fois de plus en réglant pacifiquement avec la Roumanie la question de la Bessarabie et de la Bukovine du Nord. En défendant le pacte germano-soviétique, en Août 1939, nous avons opposé à la politique des fauteurs de guerre, la politique stalinienne de paix et aujourd’hui, nous avons conscience de servir la cause de la paix et de l’indépendance de notre pays, en demandant la conclusion d’un pacte d’amitié franco-soviétique.

Un Gouvernement du Peuple
 
Pour relever la France, pour remettre la France au travail, pour assurer son indépendance dans la Paix, pour assurer la sauvegarde des droits du Peuple, pour libérer notre Pays des chaînes de l’exploitation capitaliste et de l’oppression il faut chasser le Gouvernement de traîtres et de valets dont le chef Pétain a dit cyniquement aux blessés, aux réfugiés, à ceux qui ont tout perdu :  « l’Etat ne pourra rien pour vous ».
Le gangster de la politique Laval, le radical staviskrate Chautemps, les Socialistes Rivière et Février, le PSF Ybarnegaray et autres politiciens vendus à la Frossard et à la Marquet ont imposé la Constitution de Vichy pour faire peser sur le Peuple de France la dictature des forbans.
Avec la Constitution de ces Messieurs, plus de liberté d’opinion, de presse, d’association, plus de libertés syndicales, plus de pensions pour les anciens combattants, plus d’assurances sociales, plus d’élections pour désigner les membres de la Chambre qui seront nommés par les Ministres, et puis enfin, un seul Parti autorisé, le Parti de Laval, La Rocque, Doriot, Chautemps, Frossard, Rivière, Février et Cie.
La complicité du Parti Radical et du Parti Socialiste a permis à Pétain de se faire nommer dictateur, mais derrière lui c’est Laval, son remplaçant éventuel qui détient le pouvoir, A peine les ministres radicaux et socialistes avaient-ils assuré l’étranglement des libertés publiques qu’ils disparaissent de la scène pour laisser place aux réactionnaires Lémery et Piétri et à M. Mireaux, directeur du  « Temps », « la bourgeoisie faite journal », comme disait autrefois Jules Guesde.
Ce Gouvernement de honte où se retrouvent aux côtés de militaires battus, les Bazaine de 1940, et aux côtés d’affairistes notoires, des politiciens tarés, déshonore la France.
Voilà travailleurs et démocrates français les résultats de la politique de Daladier, Blum et consorts qui, en frappant le Parti communiste français, ont préparé la destruction des libertés républicaines dans notre pays et viennent d’aider Laval-Marquet et Weygand à devenir les maîtres de la France.
Mais le Peuple de France ne se laissera pas faire. A la ville, dans les campagnes, dans les usines, dans les casernes doit se former le front des hommes libres contre la dictature des forbans.
A la porte le gouvernement de Vichy ! A la porte le gouvernement des ploutocrates et des profiteurs de guerre !
C’est un tout autre gouvernement qu’il faut à la France.
Un gouvernement que l’unité de la Nation rendra possible demain; un gouvernement qui sera le Gouvernement de la renaissance nationale composé d’hommes honnêtes et courageux, de travailleurs manuels et intellectuels n’ayant trempé en rien dans les crimes et combinaisons malpropres de la guerre; un gouvernement du Peuple, tirant sa force du Peuple, du Peuple seul et agissant  exclusivement dans l’intérêt du Peuple.
Voilà ce que pense le Parti Communiste, voilà ce qu’il te dit, Peuple de France, en ces heures douloureuses en t’appelant à t’unir dans tes Comités populaires de solidarité et d’entr’aide, dans les syndicats, dans les usines, les villes, les villages, sans oublier jamais que tous unis, nous relèverons la France, nous assurerons sa liberté, sa prospérité et son indépendance.
Sous le signe de la lutte contre le régime capitaliste générateur de misère et de guerre, d’exploitation et de corruption, qui a déjà disparu sur un sixième du Globe en URSS, sous le signe de l’unité et de l’indépendance de la Nation; sous le signe de la fraternité des Peuples, nous serons les artisans de la renaissance de la France.
A bas le capitalisme générateur de misère et de guerre !
Vive l’Union Soviétique de Lénine et Staline, espoir des travailleurs du Monde.  
Vive l’unité de la Nation Française. Vive la France libre et indépendante.  
Vive le Parti Communiste Français, espoir du Peuple de France.  
Vive le Gouvernement du Peuple au service du Peuple !

Au nom du Comité Central 
du Parti Communiste Français :

    MAURICE THOREZ                                           JACQUES DUCLOS
                 Secrétaire Général                                                     Secrétaire