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Août 1939

19 août
➤ Accord de commerce et de crédit germano-soviétique.

22 août
L'Humanité annonce l'ouverture de négociations politiques entre l'URSS et l'Allemagne.

Ce Soir fait de même.

➤ L'IC adresse des instructions à toutes ses sections et notamment au PCF.

23 août
➤ Pacte de non-agression germano-soviétique.

➤ Editorial de Léon Blum sur les négociations annoncées la veille entre Moscou et Berlin.

➤ Dans un tact titré "Moscou montre la voie de la PAIX", les communistes approuvent ces pourparlers.

24 août
➤ Résolution du Parti communiste approuvant le Pacte Hitler-Staline.

Ce Soir défend le Pacte germano-soviétique.

➤ Décret-loi permettant au gouvernement de suspendre tout journal dont la publication est de nature à nuire à la défense nationale.

➤ Résolution de la CGT condamnant le Pacte germano-soviétique.

25 août
L'Humanité soutient le Pacte Hitler-Staline.

➤ Attitude identique du Groupe parlementaire communiste.

➤ Editorial de Léon Blum condamnant le Pacte germano-soviétique.

➤ Saisie de l'Humanité et de Ce Soir.

➤ Lettre du député socialiste Aimé Quinson demandant l'interdiction du PCF.

➤ Suspension de l'Humanité et de Ce Soir.

27 août
➤ Article de Léon Blum appelant les communistes à rompre avec Staline.

29 août
➤ Résolution du Parti socialiste dénonçant le Pacte Hitler-Staline

31 août
➤ Le Pacte germano-soviétique est ratifié par l'Allemagne et l'URSS.

➤ Molotov célèbre cet accord dans un discours prononcé devant le Soviet Suprême.

➤ Tract "Sauvons le pays et la paix !" dans lequel les communistes défendent le Pacte germano-soviétique.

➤ Tribune du chef du Parti socialiste, Paul Faure, jugeant comme contraire à l'honneur du Socialisme toute relation entre les socialistes et les communistes.



19 août 1939

●  Accord de commerce et de crédit germano-soviétique

Le 18 juillet 1939, l'Allemagne et l'URSS reprennent les négociations suspendues depuis le mois de février concernant le renouvellement de l'accord de crédit de 1935 et la conclusion d'un accord de commerce.

Officiellement, ces discussions ne concernent que les relations économiques entre les deux pays. En réalité, elles s'inscrivent dans des pourparlers secrets engagés depuis avril et constituent pour les deux parties la première étape d'un processus devant aboutir à la conclusion d'un accord politique.

Ces négociation économiques seront menées par Evgeny Babarin, chef adjoint de la représentation commerciale soviétique à Berlin et Karl Schnurre (1), conseiller de légation au Département économique du ministère des Affaires étrangères allemand. Ce dernier est en charge des relations commerciales avec l'Europe de l'Est, secteur auquel appartient l'URSS.

En cas de succès, elles permettront de développer les échanges commerciaux germano-soviétiques qui ont connu une forte diminution avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933.

En effet, de 900 millions de reichsmarks en 1932 ces échanges sont tombés à 80 millions de reichsmarks en 1938. Plus précisément, dans sa relation avec la Russie, les exportations et importations allemandes s'élevaient pour la première année à 630 M. et 270 M. et pour la seconde à 30 M. et 50 M.

Le 20 août, à 2 h du matin, un accord de commerce et de crédit daté du 19 août 1939 est signé par les deux parties. (2)

Aux termes de la convention de crédit l'Allemagne accorde à l'URSS un crédit de 200 millions de reichsmarks au taux nominal de 5% avec une durée de 7 ans remboursable à terme pour chaque tranche utilisée. Un protocole secret prévoit une réduction de 0,5% du taux d'intérêt. Ce crédit permettra à l'URSS de financer sur une période de deux ans ses achats de produits industriels allemands : machineries, machines-outils, matériel de guerre (optiques, blindage). L'Union soviétique remboursera à partir de 1946 par des livraisons de matières premières.

L'Allemagne a conditionné l'octroi de ce crédit à l'engagement de l'URSS de lui livrer sans délai des matières premières (pétrole, platine, coton, bois, céréales...) dans le cadre de relations commerciales courantes. Les termes de ce partenariat commercial sont les suivants : l'URSS s'engage à livrer des matières premières pour un montant de 180 millions de reichsmarks dans les deux années qui suivent la signature de l'accord. En contrepartie, l'Allemagne fournira des produits industriels pour un montant de 120 millions de reichsmarks.

(1) Organigramme du ministère des Affaires étrangères allemand.
(2) Texte de l'accord.


22 août 1939

● L'Humanité annonce l'ouverture de négociations politiques entre l'URSS et l'Allemagne

"L'agence Havas publiait cette nuit la dépêche suivante :
Berlin, 21 août. L'agence officielle « D. N. B. » communique :
Le gouvernement du Reich et le gouvernement soviétique ont décidé de conclure entre eux un pacte de non-agression.
M. von Ribbentrop, ministre des affaires étrangères du Reich arrivera à Moscou le 23 août pour mener à bien les négociations.
Aucune note ne nous a été transmise par l'agence Tass concernant les rapports germano-soviétiques."

(L'Humanité du 22 août 1939)

Le 22 août 1939, l'Humanité annonce en "Dernière heure" l'ouverture de pourparlers germano-soviétiques portant sur la conclusion d'un pacte de non-agression en reproduisant le communiqué diffusé la veille par l'agence DNB, agence de presse dépendant du pouvoir allemand. Pour seul commentaire, l'organe central du PCF indique que l'agence Tass, agence de presse officielle soviétique, n'a pas confirmé cette information.

Dans une note de 1949, A. Tasca décrit les réactions que suscita au sein du PCF la dépêche du DNB du 21 août 1939 ainsi que son traitement par le journal l'Humanité en s'appuyant sur ses conversations avec l'ancien rédacteur en chef adjoint du quotidien communiste, Pierre-Laurent Darnar :

"La masse du Parti eut comme première réaction : "Ce n'est pas possible". Plusieurs crurent à un faux des Allemands, parmi eux Monmousseau (1), qui erra dans les rues de Paris sa chemise de nuit sur le bras. Fernand Grenier (2), revenu tout récemment de Moscou (?) (3), était abruti, hébété. Le soir du 21 la rédaction de "L'Humanité" n'avait à sa disposition que la dépêche DNB annonçant le départ de Ribbentrop. Darnar, souffrant, avait quitté le journal avant et était rentré chez lui. On lui téléphona le texte de la dépêche; il revint à "L'Humanité". Personnellement, il croyait à son authenticité. Il téléphona à l'ambassade soviétique; on lui répondit; la personne au bout du fil commença à lui parler en français, mais quand Darnar lui annonça la nouvelle pour lui en demander confirmation, cette personne lui répondit en russe, et ses tentatives de ranimer la conversation en français échouèrent, à tel point qu'il dut y renoncer. Il est possible que, tout au moins en un premier moment, le type ait été tellement frappé par cette annonce qu'il se soit réfugié dans l'usage de sa langue maternelle. D'autres tentatives auprès des agences liées à l'ambassade ne purent apporter aucun élément nouveau. Darnar se borna donc à donner la nouvelle en dernière heure et sous réserve, ce à quoi il était autorisé par l'heure tardive à laquelle la dépêche était arrivée, et aussi par une "consigne" permanente, qui enjoignait de ne pas utiliser directement des dépêches provenant des agences de l'Axe." (4)

(1) Membre du Bureau politique du PCF, député de la Seine.
(2) Député-maire communiste de Saint-Denis, responsable de L'Association des amis de l'URSS.
(3) Entre parenthèses : commentaire de Tasca sur le retour de Grenier.
(4) D. Peschanski, Vichy 1940-1944 Archives de guerre d'Angelo Tasca, p. 330. [Angelo Tasca est l'auteur sous le pseudonyme de Amilcare Rossi de plusieurs ouvrages sur le Parti communiste français pendant la seconde guerre mondiale.]

Ce Soir annonce de nouveaux pourparlers germano-soviétiques

"UN SUCCÈS DE LA POLITIQUE DE PAIX DE L'URSS
MOSCOU ANNONCE
l'ouverture de pourparlers pour un pacte de non-agression
"


Trois jours après la signature d'un accord économique entre Berlin et Moscou, Ce Soir, le second quotidien communiste, annonce dans son numéro du 23 août 1939 (diffusé le 22 au soir) l'ouverture de nouvelles négociations germano-soviétiques ayant pour objet la conclusion d'un pacte de non-agression.

Compte tenu de la demi-journée séparant la diffusion des deux quotidiens communistes, le traitement de cette information dans Ce Soir se distingue sur plusieurs points de celui de l'Humanité.

Tout d'abord, elle est publiée en Une et non en "Dernière heure".

Ensuite, elle est attribuée à Moscou et non à Berlin sur la base d'une dépêche de l'agence Tass publiée dans le matinée.

Enfin, elle est accompagnée d'une Déclaration de Marcel Gitton, secrétaire du PCF et député de la Seine. Seul membre du Secrétariat présent à Paris, ce dernier dirige le Parti. Respectivement secrétaire général et secrétaire du PCF, Maurice Thorez et Jacques Duclos sont en vacances sur la Côte d'Azur pour le premier, dans les Pyrénées pour le second.

Preuve d'un contact avec Moscou - le plus probable l'ambassade soviétique - le dirigeant communiste approuve avec enthousiasme les pourparlers germano-soviétiques en expliquant que la signature d'un Pacte de non-agression entre l'URSS et l'Allemagne est une "victoire pour la paix"

"Qu'à ce moment même l'Union soviétique contraigne l'Allemagne à la conclusion d'un pacte de non-agression, c'est la défaite pour les fauteurs de guerre fascistes, c'est une victoire pour la paix. C'est donc un succès profitable à la classe ouvrière internationale, aux peuples du monde entier".

● L'IC adresse des instructions à toutes ses sections et notamment au PCF

"Communiquez tous les partis communistes notre conseil au sujet des pourparlers de l'Allemagne avec [l'] URSS. Il faut que nos camarades passent à l'offensive contre presse bourgeoise et social-démocrate.
Premièrement, il faut souligner que, même si l'URSS conclut pacte non-agression avec l'Allemagne, [cela] n'exclut aucunement possibilité et nécessité accord entre Angleterre-France-Union Soviétique pour résistance commune contre agresseurs. [...]
Quatrièmement, URSS, par son désir conclure pacte non-agression avec l'Allemagne, porte une aide aux petits pays baltique voisins et contribue efficacement à la consolidation de la paix générale. [...]
Sixièmement, URSS divise force des agresseurs et a mains libres contre Japon pour aider effectivement peuple chinois.
Septièmement enfin, c'est un moyen pour obliger gouvernement anglais et français passer à la conclusion du pacte avec URSS. Il est nécessaire en même temps indiquer aux partis qu'ils doivent continuer avec encore plus énergie leur lutte antifasciste contre agresseur et surtout fascisme allemand".

(Télégramme de l'IC du 22 août 1939 / B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, pp. 60-62)

Le 22 août 1939, l'Internationale communiste transmet des instructions à toutes les partis communistes dans un télégramme signé par son secrétaire général, Georgi Dimitrov.

Informée des négociations portant sur un Pacte de non-agression entre l'URSS et l'Allemagne sans avoir connaissance du Protocole secret qui sera signé, l'IC ne remet pas en cause sa ligne qui est fondée sur la défense de la paix et la lutte contre le fascisme.

Sur la base de ces éléments, elle recommande à toutes ses sections de :

- Soutenir le Pacte germano-soviétique en avançant comme argument qu'il est une contribution à la paix générale et un facteur de dislocation du Pacte antikomintern qui rassemble l'Allemagne, le Japon, l'Italie, l'Espagne, la Hongrie et le Mandchoukouo.
- Demander la conclusion de l'accord anglo-franco-soviétique négocié depuis avrril en soulignant que cet accord n'est pas incompatible avec la signature du Pacte germano-soviétique.
- Renforcer la lutte contre l'hitlérisme.

L'engagement en faveur d'un accord anglo-franco-soviétique sera en réalité de pure forme et permettra à la propagande communiste : 1) d'affirmer que l'échec de ces négociations est dû à la France et à l'Angleterre et non au rapprochement diplomatique entre l'URSS et l'Allemagne, 2)  de soutenir que la signature du Pacte germano-soviétique est la conséquence directe de cet échec et non la concrétisation du changement de politique esquissé par Staline dans le discours qu'il a prononcé le 10 mars 1939 au XVIIIe Congrès du Parti communiste de l'URSS.


23 août 1939

Pacte germano-soviétique

Dans la nuit du 23 au 24 août à Moscou, après quelques heures de négociations auxquelles ont participé Joachim Ribbentrop, Viatcheslav Molotov et Joseph Staline, l'Allemagne et l'URSS signent un Pacte de non-agression.

Daté du 23 août 1939, cet accord est accompagné d'un Protocole secret qui définit les zones d'intérêts soviétique et allemande en Pologne et dans les Etats baltes (Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie) ainsi que le statut d'une région roumaine limitrophe de l'URSS, la Bessarabie. A la demande de Moscou, la ligne délimitant les zones d'intérêts soviétique et allemande en Pologne fera l'objet d'un ajustement qui sera formalisé dans une convention signée le 28 août 1939 par Molotov et Schulenburg. Le tracé définitif de cette ligne suivra le cours des fleuves Pisa, Narew, Vistule et San.

Immortalisée par des photographies, la signature du Pacte est suivie d'une réception au cours de laquelle Staline portera un toast en l'honneur de Hitler en déclarant : "Je sais combien la nation allemande aime son Führer; en conséquence je voudrais boire à sa santé." (1)

Autre fait marquant, avant de quitter ses nouveaux amis, le chef des antifascistes du monde entier fera la déclaration suivante à Ribbentrop : "Le gouvernement soviétique prend le nouveau pacte très au sérieux. Il peut garantir sur son honneur que l'Union soviétique ne trahira pas son partenaire". (2)

Acte diplomatique inimaginable compte tenu de l'antagonisme idéologique des deux signataires, spectaculaire revirement d'alliance par son contenu et son protocole secret, le Pacte germano-soviétique est le fruit de négociations secrètes initiées par le gouvernement soviétique le 17 avril 1939 avec les propos tenus par son ambassadeur à Berlin, Alexei Merekalov, suggérant à Ernst Weizsäcker, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, que l'URSS souhaiterait une normalisation de ses relations avec l'Allemagne.

Ces négociations secrètes se sont déroulées en même temps que celles que le Kremlin menait officiellement avec les gouvernements français et anglais en vue de conclure un pacte d'assistance mutuelle.

Par ce qu'il contient et ne contient pas, le Pacte Hitler-Staline garantit aux nazis de ne faire la guerre que sur un seul front dans l'hypothèse d'un conflit avec la France et l'Angleterre.

C'est pour cette raison qu'il sera condamné par tous les partis politiques à l'exception du Parti communiste qui défendra la thèse que cet accord est une contribution à la paix générale au motif qu'il établit des relations pacifiques entre l'URSS et l'Allemagne et divise le camp fasciste.

L'invasion de la Pologne par les armées hitlériennes sera un parfait démenti à cette thèse et la preuve que le Pacte germano-soviétique aura été le facteur déclencheur de la Seconde Guerre mondiale.

L'URSS est la grande gagnante du Pacte germano-soviétique au vu des bénéfices qu'elle est en retire.

Tout d'abord, la garantie de rester à l'écart d'une guerre européenne qu'elle aura de surcroît provoquée en pactisant avec Berlin. Ensuite, des gains territoriaux importants dans toute l'Europe de l'Est de la mer Baltique à la mer Noire. Autre avantage, le renforcement de sa position dans une Europe affaiblie par la guerre. Enfin, la perspective d'un développement du communisme dans les pays européens ravagés par plusieurs années de guerre.

Un événement remettra en cause les prévisions soviétiques : la défaite de la France en juin 1940 après seulement six semaines de combats.

Malgré ce bouleversement de la situation internationale, Staline restera fidèle au Pacte germano-soviétique et à la promesse qu'il a faite à Ribbentrop. C'est Hitler qui rompra l'alliance germano-soviétique en attaquant l'URSS le 22 juin 1941. Cette alliance était fondée non seulement sur le Pacte du 23 août 1939 mais aussi sur le Traité de frontières et d'amitié signé le 28 septembre 1939 sur le cadavre de la Pologne.

Dernier élément, c'est au Procès des criminels nazis organisé à Nuremberg du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 que seront révélés à l'initiative d'un avocat de la défense et en dépit des objections répétées du Procureur général soviétique l'existence et le contenu du Protocole secret.

(1) Nazi-Soviet relations, 1939-1941 p. 72 / Site Avalon.
(2) Ibid.


Editorial de Léon Blum sur les négociations annoncées la veille entre Moscou et Berlin

"J'ESSAIERAIS vainement de dissimuler ma stupeur. Un pacte de non-agression, en soi-même, ce n'est rien. Il y en a un entre l'Allemagne et la Pologne. Il y en a un entre l'Allemagne et la France. Que dis-je, il y en avait un entre l'Allemagne et la Tchécoslovaquie. Le pacte Briand-Kellogg n'était pas autre chose qu'un pacte de non-agression généralisé. Si l'on devait considérer seulement le contenu du pacte que M. von Papen est allé, paraît-il, négocier secrètement et que M. von Ribbentrop doit aller signer d'un jour à l'autre, on n'y attacherait peut-être pas plus d'importance qu'à tous les autres papiers de la même espèce. Mais qu'aujourd'hui, en pleine crise européenne, dans le fracas des mouvements de troupes et des préparations diplomatiques, alors que les missions militaires d'Angleterre et, de France sont à Moscou, alors qu'on attendait d'un jour à l'autre la signature du pacte tripartite, le Reich hitlérien et la Russie soviétique aient pu conclure entre eux une convention politique, Suivant d'ailleurs à vingt-quatre heures d'intervalle un arrangement commercial, c'est vraiment un événement extraordinaire, presque incroyable, et sous le coup duquel on reste d'ailleurs étourdi. L'étonnement redouble quand on se souvient que l'horreur et la haine du communisme sont les sentiments par lesquels Hitler a prétendu justifier toutes ses entreprises récentes, y compris la destruction de la République espagnole et de la République tchécoslovaque, que l'idéologie anticommuniste est à la base du nazisme, que l'instrument diplomatique qui a permis à l'Allemagne et à l'Italie de rassembler leurs alliés autour d'elles est un pacte, antikomintern. Et c'est maintenant Hitler qui non seulement accepte, mais même, selon toute apparence, propose un rapprochement politique avec les Soviets. De son côté, la Russie soviétique n'a cessé d'exciter partout la propagande antifasciste. Le communisme n'a cessé de dénoncer Hitler comme l'ennemi public de toute justice, de toute liberté, de toute civilisation. Et dans l'instant le plus aigu, le plus périlleux de la crise européenne, c'est du côté d'Hitler que la Russie soviétique semble pencher ! On ne saurait guère pousser plus loin l'audace, le mépris foncier de l'opinion, le défi,à la moralité publique."

(Le Populaire du 23 août 1939)

Dans son éditorial du 23 août, Léon Blum exprime sa "stupeur" à l'annonce de pourparlers germano-soviétiques portant sur la signature d'un Pacte de non-agression.

Il justifie sa réaction en rappelant premièrement que des délégations militaires française et anglaise sont à Moscou dans le cadre des négociations pour un Pacte tripartite et deuxièmement que la haine de Staline pour l'Allemagne nazie n'a d'égale que celle de Hitler pour la Russie soviétique.

● Tract "Moscou montre la voie de la PAIX"

Moscou montre la voie de la Paix !
 
L'URSS vient de signer un traité de commerce [Accord du 19 août 1939] très avantageux pour elle avec l'Allemagne et celle-ci s'apprête à signer avec l'Union Soviétique un pacte de non-agression. [...]
Moscou nous montre 
la voie de de la PAIX !
Français,
Nous voulons la Paix. [...]
Et maintenant, que nos ministres aillent vite à Moscou signer le Pacte Anglo-Franco-Soviétique !
Cinq mois ont déjà été perdus PAR LA FAUTE DES NEGOCIATEURS FRANCO-ANGLAIS !
Exiger que l'on signe, ET VITE.
L'URSS avec nous et
la Paix est sauvée !

[...]
- Lecteur de ce tract : Aidez notre action pour la Paix, envoyez-nous 4 frs en timbres-postes, vous recevrez 100 tracts de ce modèle que vous pourrez diffuser dans votre entourage, (à Mme Suzanne Cagé, 24 rue des Augustins, Lille, Nord).

(Exemplaire du tract)

En réaction à l'ouverture de pourparlers germano-soviétique portant sur un Pacte de non-agression, la section de Lille des Amis de l'URSS prend l'initiative de publier un tract intitulé "Moscou montre la voie de la Paix".

Diffusé le 23 ou le 24 août, ce tract approuve par avance la signature du Pacte germano-soviétique en arguant qu'il permettra de préserver la Paix et appelle pour la même raison l'Angleterre et la France à conclure un accord avec l'URSS.

Responsable lilloise des Amis de l'URSS, Suzanne Cagé ainsi que deux de ses camarades seront condamnés à des peines de prisons pour la diffusion de ce texte :

"Le tribunal correctionnel de Lille a condamné à six mois de prison et 1.000 francs d'amende Suzanne Cagé, vingt-huit ans, secrétaire de la Fédération des Amis de l'URSS et à trois mois de prison, Henri Tarre et Adonis Duval, pour distribution de tracts approuvant le pacte germano-soviétique." (1)

Dirigée par Fernand Grenier, député-maire de Saint-Denis, L'Association des Amis de l'URSS est une organisation communiste dont la mission est de faire connaître et aimer l'Union soviétique. Elle publie la revue Russie d'aujourd'hui.

(1) Le Petit Parisien du 10 septembre 1939.


24 août 1939

Résolution du Parti communiste approuvant le Pacte Hitler-Staline

"Au moment où l'UNION SOVIETIQUE apporte une nouvelle et inappréciable contribution à la sauvegarde de la paix constamment mise en péril par les fauteurs de guerre fascistes, le Parti communiste français adresse au Pays du socialisme, à son Parti et à son grand chef Staline, un salut chaleureux. [...]
Ce succès que l'Union soviétique vient de remporter, nous le saluons avec joie car il sert la cause de la paix.
La conclusion d'un tel pacte de non-agression ne peut que réjouir tous les amis de la paix, communistes, socialistes, démocrates, républicains. `
Tous savent qu'un tel pacte aura comme unique conséquence la consolidation de la paix. Tous savent qu'il ne privera aucun peuple de sa liberté, qu'il ne livrera aucun arpent de terre d'une nation quelconque, ni une colonie. [...]
Le pacte de non-agression qui vient d'être signé à MOSCOU est un coup direct à l'agression.
Comme l'attestent les nouvelles du Japon agresseur de la Chine, et de l'Espagne franquiste, il divise, et par conséquent affaiblit, le camp des fauteurs de guerre qui s'étaient unis sous le signe du pacte antikomintern.
Le désarroi qui règne parmi les alliés du fascisme hitlérien suffit à montrer, et dans les semaines qui viennent les peuples s'en convaincront mieux encore, que l'U.R.S.S. vient de rendre un inoubliable service à la cause de la paix, à la sécurité des peuples menacés, et de la France en particulier.
Et si quelques chefs socialistes ont estimé devoir prendre place dans le chœur fasciste et réactionnaire pour injurier l'UNION SOVIETIQUE, ils seront condamnés par tous les travailleurs, y compris les travailleurs socialistes. [...]
La paix, c'est le bien précieux des hommes. [...]
Dans le vrai combat contre le fascisme agresseur, le Parti communiste revendique sa place au premier rang."

(L'Humanité du 25 août 1939)

Le 24 août, le Parti communiste approuve le Pacte germano-soviétique dans une Résolution adoptée par son Bureau politique.

Pour justifier son soutien, il avance deux arguments : tout d'abord, le Pacte Hitler-Staline "apporte une nouvelle et inappréciable contribution à la sauvegarde de la paix", ensuite il "divise, et par conséquent affaiblit, le camp des fauteurs de guerre qui s'étaient unis sous le signe du pacte antikomintern". Le Parti communiste suit ainsi fidèlement les consignes de l'IC contenues dans le télégramme du 22 août.

On notera aussi que le Parti communiste affirme incarner "le vrai combat contre le fascisme agresseur" par opposition aux "chefs socialistes" qui en condamnant le Pacte germano-soviétique ont estimé que leur devoir était de "prendre place dans le chœur fasciste et réactionnaire pour injurier l'UNION SOVIETIQUE".

Cette Résolution sera publiée le lendemain dans l'Humanité sous le titre "Déclaration du Parti Communiste Français".



Ce Soir défend le Pacte germano-soviétique

"Le Pacte de non-agression
GERMANO-SOVIETIQUE
n'annule pas le traité franco-soviétique d'assistance mutuelle
Il isole le Japon en Exrême-Orient
Il n'empêche pas l'alliance France-Angleterre-URSS
".

(Ce Soir du 25 août 1939 diffusé le 24 au soir)

Dans son numéro du 25 août 1939 (diffusé le 24 au soir), Ce Soir défend la signature du Pacte germano-soviétique en mettant en avant qu'il favorise la division entre le Japon et l'Allemagne et qu'il n'écarte aucune alliance passée ou future.

Consacré au même sujet et développant les mêmes arguments, l'éditorial de Louis Aragon intitulé "Tous contre l'agresseur" se termine sur cette exhortation :

"Et si on veut poursuivre vraiment la lutte contre l'hitlérisme avec l'appui entier des antihitlériens convaincus. Il n'y a pas à hésiter : que les gouvernements français et anglais signent à Moscou le pacte de la paix.
« Tous contre l'agresseur »...
Est-ce clair ?"

Au nom de la lutte contre l'hitlérisme - "« Tous contre l'agresseur »" - le directeur de Ce soir appelle la France et l'Angleterre à conclure un Pacte d'assistance mutuelle avec l'URSS. Appel totalement cynique puisque les articles 2 et 4 du Pacte germano-soviétique interdisent à l'URSS de signer ce type de convention :

"Article 2. Au cas où l'une des deux parties contractantes serait l'objet d'un acte de guerre de la part d'une autre puissance, l'autre partie n'assistera, sous aucune forme, cette tierce puissance; [...]
Article 4. Aucune des deux parties contractantes ne participera à un groupement de puissances dirigé, directement ou indirectement, contre l'autre partie;"

En approuvant la signature du Pacte germano-soviétique, en attribuant à la France et à l'Angleterre l'échec des négociations d'un Pacte d'assistance mutuelle anglo-franco-soviétique et en expliquant que cet échec traduit le refus des gouvernements français et anglais de "poursuivre vraiment la lutte contre l'hitlérisme", Aragon respecte scrupuleusement les recommandations de l'IC du 22 août 1939.

A suite de la diffusion de ce numéro, le dernier légalement publié, Ce Soir sera successivement saisi, suspendu et interdit.

Dans l'après-midi du 25 août, la police se présente au journal où elle procède à la saisie du numéro prêt à être diffusé dans la soirée : Ce Soir du 26 août 1939. Le lendemain, le ministre de l'Intérieur Albert Sarraut suspend par arrêté le quotidien communiste en vertu du décret-loi du 24 août 1939 qui autorise la suspension de "tout journal ou écrit périodique ou non dont la publication est de nature à nuire à la défense nationale". La saisie et la suspension de Ce Soir reposent sur un même motif : le soutien du quotidien communiste au Pacte germano-soviétique. Quant à son interdiction elle sera fondée sur le décret-loi du 26 septembre 1939 prononçant la dissolution des organisations communistes.

Pour terminer on mentionnera qu'à l'été 1940, le Parti communiste négociera avec les autorités allemandes pour obtenir l'autorisation de faire paraître légalement Ce Soir qui est alors suspendu depuis le 26 août 1939 en raison de son soutien... au Pacte germano-soviétique.

● Décret-loi permettant au gouvernement de suspendre tout journal dont la publication est de nature à nuire à la défense nationale

Le 24 août, le Conseil des ministres adopte un décret-loi stipulant en son article 1er que le Ministre de l'Intérieur pourra suspendre tout journal "dont la publication est de nature à nuire à la défense nationale".

Publié au Journal officiel du 26 août, ce nouveau texte de loi sera immédiatement utilisé contre la presse communiste avec l'arrêté pris le jour même par le Ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut, radical-socialiste, dans lequel il ordonne la suspension des deux quotidiens communistes, l'Humanité et Ce Soir, en raison de leur soutien au Pacte germano-soviétique

● Résolution de la CGT condamnant le Pacte germano-soviétique

"La Confédération Générale du Travail a toujours condamné la diplomatie secrète et elle continue de la condamner, quel que soit le pays qui la pratique.
Elle a toujours soutenu que la loyauté est indispensable à l'établissement de rapports de paix entre les nations; elle ne peut donc pas approuver la signature d'un pacte de non-agression duquel sont absentes toutes réserves."

(Texte de la Résolution)

Le 24 août, la Commission administrative de la CGT, adopte par 18 voix contre 8 et 2 abstentions une résolution dans laquelle elle condamne le Pacte germano-soviétique.

Elle confirmera sa position dans une résolution adoptée le 31 août : "La commission administrative, après un examen de la situation internationale, confirme la position prise au cours de sa séance du 24 août." (1)

(1) Le Populaire du 1er septembre 1939.


25 août 1939

L'Humanité soutient le Pacte germano-soviétique

"L'action  de  l'Union  Soviétique
par  le  pacte  de  non-agression  avec  l'Allemagne 

CONCOURT A RAFFERMIR
LA PAIX GENERALE

Elle jette le désarroi dans le camp fasciste
et transforme heureusement la situation en Extrême-Orient
A Paris et à Londres de conclure l'accord avec l'URSS
pour organiser la résistance commune à l'agresseur !
"

(L'Humanité du 25 août 1939)

Dans son numéro du 25 août (édition parisienne), l'Humanité apporte son soutien au Pacte germano-soviétique.

Dans sa manchette l'organe central du PCF affirme que ce pacte contribue à la "paix générale" et divise "le camp fasciste". Ces deux arguments étaient mentionnés dans le télégramme de l'IC du 22 août.

A suite de la diffusion de ce numéro, le dernier numéro légalement publié, l'Humanité sera successivement saisi, suspendu et interdit.

Dans l'après-midi du 25 août, la police se présente à l'imprimerie du journal où elle procède à la saisie de l'Humanité du 26 août 1939 (édition de province) et empêche la préparation de l'Humanité du 26 août 1939 (édition parisienne). Le lendemain, le ministre de l'Intérieur Albert Sarraut suspend par arrêté le quotidien communiste en vertu du décret-loi du 24 août 1939 qui autorise la suspension de "tout journal ou écrit périodique ou non dont la publication est de nature à nuire à la défense nationale". La saisie et la suspension de l'Humanité reposent sur un même motif : le soutien du quotidien communiste au Pacte germano-soviétique. Quant à son interdiction elle sera fondée sur le décret-loi du 26 septembre 1939 prononçant la dissolution des organisations communistes.

Pour terminer on mentionnera qu'à l'été 1940, le Parti communiste négociera avec les autorités allemandes pour obtenir l'autorisation de faire paraître légalement l'Humanité qui est alors suspendu depuis le 26 août 1939 en raison de son soutien... au Pacte germano-soviétique.

Le Groupe parlementaire communiste approuve le Pacte Hitler-Staline

"M. Maurice Thorez, à la réunion du groupe parlementaire communiste qui s'est tenue cet après-midi, a fait un exposé de la situation générale. Il a notamment déclaré :
« Nous nous trouvons de nouveau, un an après Munich, en présence d'une situation où les peuples peuvent être entraînés, d'un moment à l'autre, dans la guerre.
Le fascisme hitlérien, toujours avide de nouvelles conquêtes, est une menace constante pour la sécurité des peuples.
Que peut-on faire pour empêcher toute nouvelle agression?
L'Union soviétique, fidèle à sa politique de paix, a entrepris une politique de dislocation du bloc des agresseurs qui s'étaient unis sur la base du pacte antikomintern.
Le pacte germano-soviétique, comme le signalait encore ce matin le Petit Parisien « remplit de stupeur les Japonais, les Espagnols et les Hongrois ».
En agissant ainsi, l'U.R.S.S. a mis en échec le plan de Munich.
Mais si Hitler, malgré tout, déclenche la guerre, alors qu'il sache bien qu'il trouvera devant lui le peuple de France uni, les communistes au premier rang, pour défendre la sécurité du pays, la liberté et l'indépendance des peuples.
C'est pourquoi notre parti communiste approuve les mesures qui ont été prises par le gouvernement pour garantir nos frontières et apporter le cas échéant l'aide nécessaire à la nation qui pourrait être agressée et à laquelle nous sommes liés par un traité d'alliance.
C'est parce que nous avons le souci de la paix et de la sécurité française que nous souhaitons la conclusion de l'alliance franco-anglo-soviétique qui reste parfaitement possible et nécessaire.
Une telle alliance compléterait et préciserait utilement le pacte franco-soviétique d'assistance mutuelle toujours en vigueur.
Les communistes, en ces graves circonstances, appellent à l'union de tous les Français grâce à laquelle les fauteurs de guerre fascistes seront contraints de reculer. »
Le groupe parlementaire a approuvé entièrement l'exposé de M. Maurice Thorez."

(Le Temps du 27 août 1939 - diffusé le 26 août au soir)

Le 25 août, les députés et les sénateurs communistes se réunissent à la Chambre pour définir la position du Groupe parlementaire sur le Pacte de non-agression conclu entre l'URSS et l'Allemagne.

Au terme de cette réunion, il adopte un communiqué de presse dans lequel il approuve le Pacte germano-soviétique en reproduisant l'exposé que lui a fait Maurice Thorez, secrétaire général du PCF et député de la Seine.

Dans son intervention, Maurice Thorez affirme que l'accord signé par Berlin et Moscou contribue à la Paix et à la "dislocation du bloc des agresseurs". Il plaide, ensuite, en faveur de la signature d'un accord anglo-franco-soviétique. Enfin, dans l'hypothèse d'une guerre déclenchée par l'Allemagne, hypothèse impossible si l'on considère que le Pacte germano-soviétique est un facteur de paix, il souligne que les communistes seront "au premier rang" du combat contre le fascisme allemand. C'est donc dans ce cadre qu'il apporte le soutien du Parti communiste au gouvernement Daladier et à "la nation qui pourrait être agressée et à laquelle nous sommes liés par un traité d'alliance" c'est-à-dire la Pologne.

Cette intervention, qui est totale conformité avec les Instructions de l'IC du 22 août, permet à Maurice Thorez de concilier provisoirement ces deux engagements :
- Soutien à l'URSS et au Pacte germano-soviétique dont le principal intérêt est d'écarter tout risque de guerre entre l'Etat soviétique et le régime hitlérien.
- Défense de la France dans l'hypothèse d'une guerre déclenchée par l'Allemagne.

En désaccord avec la position du groupe parlementaire, les deux députés de Dordogne, Gustave Saussot et Paul Loubradou, rompent avec le PCF en adressant le lendemain leur lettre de démission à Jacques Duclos, secrétaire du groupe communiste à la Chambre. Ce sont les deux premiers élus du PCF à condamner le Pacte germano-soviétique.

Dernier élément, si ce communiqué n'a pas été publié dans les deux quotidiens communistes en raison de leur suspension le 26 août, plusieurs journaux l'ont reproduit dans leurs pages politiques comme L'Œuvre du 26 août 1939 ou Le Temps du 27 août (diffusé dans la soirée du 26).

● Editorial de Léon Blum condamnant le Pacte germano-soviétique

"Je n'ai pas de goût pour la polémique avec les communistes. Chacun le sait. Le débat actuel est par surcroît installé par eux sur un terrain tel qu'on éprouve plus que de la gène à les suivre. Je suis pourtant obligé de noter :
1° Que le texte du pacte germano-soviétique ne contient en aucune façon la clause de style insérée par les Soviets dans tous leurs pactes antérieurs de non-agression et dont la presse communiste ou communisante avait d'avance fait ressortir l'importance, à savoir la clause permettant la dénonciation unilatérale du pacte en cas d'agression contre une tierce puissance ;
2° Que non seulement le pacte ne comporte pas cette clause de style, qui aurait permis aux Soviets de se dégager en cas d'agression allemande contre la Pologne ou la Roumanie, mais qu'il contient deux clauses toutes contraires, les articles 2 et 4, qui eux ne se trouvaient pas dans les pactes antérieurs, et qui stipulent, en premier lieu, l'obligation pour chacune des deux puissances contractantes de n'intervenir ni directement ni indirectement dans une guerre où l'autre serait engagée ; en second lieu, l'interdiction pour chacune des deux parties de participer à un groupement de puissances dirigé contre l'autre.
Si l'on interprète ces deux articles selon leur lettre et leur esprit, ils mettraient la Russie soviétique hors d'état de signer, ou en tout cas d'exécuter, le pacte tripartite avec l'Angleterre et la France sur lequel elle se déclarait cependant prête à poursuivre les négociations.
Le coup de barre donné par le gouvernement soviétique est donc encore plus marqué qu'on n'avait pu le supposer tout d'abord. C'est ce qu'un instinct puissant et spontané avait permis à l'opinion de pressentir. L'annonce du pacte germano-soviétique a marqué le commencement vrai de l'état d'alarme universelle. Cela montre assurément que nous avions eu raison d'insister, comme nous l'avons fait depuis des mois et je puis même dire depuis des années, pour l'incorporation de la Russie soviétique dans un front défensif de la paix, car on sent aujourd'hui, par le vide que creuse son absence, que sa présence avait une valeur véritable. Mais cela montre autre chose. Cela montre qu'en signant leur pacte équivoque avec tant d'éclat au moment le plus aigu de la crise, quand la guerre dépend de la seule détermination de Hitler, quand le plus léger déplacement de forces en sa faveur, le plus léger signe de trouble et de désarroi de la part des opinions et des gouvernements démocratiques peut faire prévaloir dans l'esprit du Führer la décision fatale, les Soviets ont porté un coup bien rude à la cause de la paix."

(Le Populaire du 25 août 1939)

Dans son éditorial du 25 août, Léon Blum montre que par ce qu'il contient et ne contient pas le Pacte germano-soviétique porte "un coup bien rude à la cause de la paix".

● Saisie de l'Humanité et de Ce Soir.

Ce Soir a été saisi
ainsi qu'une édition de remplacement
tirée sous un autre titre

Hier après-midi (Ndb : 25 août), plusieurs cars bondés d'agents, venant de la préfecture de police, se sont rangés rue de Monthyon. Une partie de l'effectif a alors pris position rue Bergère et à l'angle de la rue du Faubourg-Montmartre, faisant circuler les curieux et gardant la porte menant aux bureaux et à l'atelier d'imprimerie du journal Ce soir.
MM. Roches, Zamarron, Luce et Bayet, commissaires divisionnaires et leurs collaborateurs ont pénétré dans les locaux et ont saisi la première édition du journal qui était prête à partir (Ndb : Ce Soir du 26 août 1939). Ils ont ensuite saisi les flans et rendu le plomb inutilisable.
Un peu plus tard la direction de Ce Soir avait fait composer une feuille de remplacement, sous le titre « Nouvelles de Ce Soir », celle-ci a subi le même sort.

Saisie des éditions départementale
et parisienne de « l'Humanité »

Les policiers se sont encore rendue à l'Humanité. Toutes dispositions ont été prises pour empêcher la parution de l'édition départementale (qui devait sortir hier soir) (Ndb : l'Humanité du 26 août 1939 (éd. départementale)). et de l'édition parisienne de ce matin (Ndb : l'Humanité du 26 août 1939 (éd. parisienne)). C'est M. Roches, chef de la brigade spéciale de la Police judiciaire, qui dirigeait l'opération.

(Le Populaire du 26 août 1939)

Dans l'après-midi du 25 août, en réaction à la célébration du Pacte Hitler-Staline dans les deux quotidiens communistes, le gouvernement fait procéder à la saisie des numéros de l'Humanité et de Ce Soir devant paraître le lendemain.

Indigné, le Groupe parlementaire communiste sollicite immédiatement le Groupe parlementaire socialiste présidé par Léon Blum pour l'associer à sa condamnation de cette mesure jugée attentatoire à la liberté de la presse. 

Au terme d'un vote unanime, ce dernier répondra par la négative comme l'indique son communiqué de presse du 25 août :

"En réponse à une communication du Groupe communiste, le Groupe socialiste, unanime, estime que la signature du pacte germano-soviétique et l'attitude prise à son égard par le Parti communiste le mettent dans l'impossibilité d'envisager avec lui une action commune." (1)

(1) Le Populaire du 26 août 1939.

● Lettre du député socialiste Aimé Quinson demandant l'interdiction du PCF

"Pendant quinze ans, de 1920 à 1935, le parti communiste, après avoir déchiré la classe ouvrière, a tenté, par tous les moyens, de saboter notre défense nationale. Nos soldats étaient l'objet de tentatives les plus odieuses; nos gradés insultés dans la rue; tout cela par ordre, puisqu'un nombre important de députés communistes actuels sont condamnés de deux à dix ans de prison pour provocation de militaires à la désobéissance ou sabotage de la défense nationale. [...]
À partir de 1935, et encore par ordre, le parti communiste, reniant tout son passé, toute sa doctrine devenait le parti de la main tendue à n'importe qui, le parti de « Vive l'armée », le parti du service de trois ans, le parti de la guerre par tous les moyens et tout de suite. [...]
Par ordre de qui ? Par ordre du traître du jour, le chef du communisme mondial, Staline. [...]
J'avais espéré jusqu'à ce matin que l'immense clameur provenant du fond de nos campagnes et de nos usines, de nos casernes et de nos tranchées irait jusqu'au cœur des chefs communistes français. J'avais espéré qu'ils relèveraient les premiers la tête face à la trahison de leur chef Staline. J'avais espéré qu'ils songeraient à sauver l'honneur de la classe ouvrière française. Eh bien non ! La trahison de Staline passe pour Thorez, Cachin et Duclos. La trahison de Moscou passe pour la France. Elle se perpétue, elle s'enfle avec l'arrogance et le cynisme dont sont seuls capables des traîtres. [...]
A cette heure, des hommes partent, quittant leurs femmes, leurs enfants, leurs foyers. Nous ne saurions supporter plus longtemps les menées criminelles des traîtres. Les ouvriers communistes français se ressaisiront, mais il faut les protéger contre eux.
Aussi je vous demande, monsieur le Président du Conseil, d'interdire sans délai le parti communiste et de convoquer les Chambres pour nous permettre de jeter hors de nos assemblées les traîtres à la nation et à la classe ouvrière."

Le 25 août, Aimé Quinson, député socialiste de l'Ain, adresse une lettre au président du Conseil, Edouard Daladier, dans laquelle il accuse le Parti communiste d'avoir trahi la France et la classe ouvrière en approuvant le Pacte germano-soviétique et demande en conséquence qu'il soit dissous et que ses parlementaires soient déchus de leur mandat.

Le Parti communiste, dont la presse sera suspendue à partir du 26 août, évoquera cette initiative socialiste dans les communiqués de presse de son groupe parlementaire des 30 et 31 août 1939.

Dans le premier, le groupe parlementaire communiste indique qu'il a sollicité le groupe socialiste pour savoir si l'un de ses membres avait effectivement réclamé la dissolution du Parti communiste :

"En outre, le gouvernement [groupe] a décidé d’adresser une lettre à Léon Blum pour lui demander s’il est exact qu’un député de son parti a osé demander la dissolution du parti communiste, réclamée par ceux qui veulent diviser le peuple de France, à l’heure où l’intérêt national exige l’union de toutes les forces vives du pays." (1)

Dans le second, il fait état d'un démenti socialiste sous forme verbale :

"Il [le Groupe] a, en outre, pris acte du fait que, par une communication verbale, le Groupe socialiste a démenti la nouvelle qu’un député socialiste aurait préconisé la dissolution du Parti communiste et il a décidé d’écrire une nouvelle lettre à Léon Blum pour lui demander de publier ce démenti." (2)

En réaction à ce dernier communiqué Aimé Quinson décide le jour même de rendre public sa lettre.

C'est ainsi qu'à l'exception notoire du Populaire, organe du Parti socialiste, la presse parisienne du 1er septembre 1939 rend compte de sa démarche en faveur de la dissolution du Parti communiste en s'appuyant sur des extraits plus ou moins longs de sa lettre du 25 août 1939.

Les numéros du Figaro, du Temps (3), de L'Action française et de L'Epoque présentent la particularité de reproduire plusieurs paragraphes de cette lettre.

(1) Cahiers d'histoire de l'IRM n° 39, 4e trimestre 1989, pp 76-77.
(2) Ibid., p. 77.
(3) Le Temps est un journal du soir. Son numéro publié dans la soirée du 1er septembre 1939 est daté du 2 septembre 1939.


26 août 1939

● Suspension de l'Humanité et de Ce Soir.

Le 26 août paraît au Journal officiel un décret-loi permettant au gouvernement de suspendre tout journal "dont la publication est de nature à nuire à la défense nationale".

Le jour même, sur la base de ce nouveau texte de loi, le ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut, radical-socialiste, prend un arrêté ordonnant la suspension de l'Humanité et de Ce Soir  en raison de leur approbation du Pacte germano-soviétique.

Au mois de novembre, en parallèle aux Humanité clandestines ronéotées, est diffusé un premier numéro spécial de l'Humanité qui présente la particularité d'être imprimé.

L'éditorial de ce numéro spécial de novembre 1939 revient sur l'interdiction de l'Humanité et choisit de mettre en avant comme motif de sa suspension non pas son soutien au Pacte germano-soviétique mais son opposition à la guerre impérialiste alors en préparation :

"Le 26 août dernier, le gouvernement Daladier suspendait « l'Humanité », organe central du Parti communiste français.
Il voulait étouffer la voix du journal de la paix pour préparer la guerre impérialiste."

Rappelons qu'au mois d'août, le Parti communiste expliquait que sa mobilisation en faveur du Pacte germano-soviétique ne remettait pas en cause son soutien à la défense nationale. Ce numéro de l'Humanité apporte un parfait démenti à cette affirmation. 

Suspendus au mois d'août, les deux quotidiens communistes seront formellement interdits par le décret-loi du 26 septembre 1939 aux termes duquel est proscrit la publication de "tout matériel de diffusion tendant à propager les mots d'ordre de la Troisième Internationale ou des organismes qui s'y rattachent".

Un bilan d'ensemble de la répression des activités du Parti communiste et notamment de sa presse sera fait par le ministre de l'Intérieur dans son discours prononcé au Sénat le 19 mars 1940 :

"Passons à la presse. Le parti communiste disposait d'une très importante presse quotidienne ou hebdomadaire en tête de laquelle s'inscrivaient l'Humanité, avec un tirage quotidien de plus de 300 000 exemplaires qui, le dimanche, allait jusqu'à 500 000, et le journal Ce Soir, dont le tirage quotidien était de 240 000 exemplaires.
Cette presse est morte. Il n'en reste plus rien. En effet, après la suspension de l'Humanité et de Ce Soir, dès le 27 août, 159 autres journaux communistes ou revues, dont 92 pour Paris et 67 pour la province, ont disparu de la circulation, y compris les journaux étrangers communisants auxquels nous avons interdit de paraître en France."


27 août 1939

● Article de Léon Blum appelant les communistes à rompre avec Staline

"Je m'adresse maintenant aux communistes français, comme un homme qui a le sens des dangers de l'heure, mais qui croit aussi avoir le sens des devoirs et du destin de la classe ouvrière. Je leur dis : cessez ce jeu. Vous ne pouvez pas croire à ce que vous dites. On goûterait dans un autre temps l'agilité de vos exercices dialectiques. Mais le moment est trop grave. Et quand on joue aujourd'hui on joue avec la vie ou la liberté de millions d'hommes. Je sais ce que sont et ce que valent la discipline et la solidarité de Parti. Mais il n'est pas supportable que l'existence d'un parti prolétarien repose en fin de compte sur le dogme de l'infaillibilité d'un homme. Si pénible que puisse vous être l'effort, trouvez en vous-mêmes le courage de vous affranchir, laissez sortir de vous-mêmes les pensées et les mots qui sont déjà formés dans votre esprit. Vous avez été déliés de vos vœux. Laissez-vous redevenir des hommes libres.
Et je m'adresse avec la même franchise au gouvernement de la République. Les deux quotidiens communistes de Paris ont été suspendus. Les réunions communistes sont interdites. Si j'étais journaliste ou militant communiste, je ne crierais sans doute que pour la forme et je me sentirais au fond fort soulagé de n'avoir pas à m'expliquer devant mes lecteurs ou auditeurs. Les protestations communistes trouveront assurément peu d'écho, tant est profonde et légitime l'indignation générale ; on a vu qu'hier le groupe socialiste avait refusé de s'y associer. Je sais cela. Je sais aussi qu'il est tentant pour un gouvernement d'exploiter à fond contre le Parti qui les a provoqués, l'émoi et la révolte de l'opinion publique. Mais je manquerais à ma conscience si je ne déclarais, sous ma responsabilité propre, au gouvernement, qu'il est en train de commettre une redoutable erreur. La conclusion du pacte germano-soviétique et surtout l'incroyable entêtement du Parti communiste français à en dresser contre toute raison la justification ou même l'apologie, lui ont porté un coup meurtrier. Toute mesure de force, au delà de celles que des nécessités précises de défense nationale motiveraient strictement, fera refluer autour de lui une partie des masses ouvrières qui s'en détachaient."

(Le Populaire du 27 août 1939)

Dans Le Populaire du 27 août, Léon Blum appelle les communistes français à trouver en eux-mêmes "le courage" de rompre avec Staline et le "dogme de l'infaillibilité d'un homme" pour "redevenir des hommes libres".

Autre élément de son article, considérant que le soutien du PCF au Pacte germano-soviétique lui a porté "un coup meurtrier", il juge que la suspension des journaux communistes est "une redoutable erreur" qui poussera les militants sur le départ à se solidariser avec le Parti.


29 août 1939

● Résolution du Parti socialiste condamnant le Pacte Hitler-Staline

La C.A.P. [Commission Administrative Permanente] du Parti socialiste condamne et flétrit publiquement le pacte germano-russe qui montre sous leur vrai jour la fourberie et la félonie du gouvernement soviétique, qui n'ont d'égales que les contradictions grossières et l'hypocrisie révoltante du fascisme allemand.
Elle invite ses sections et fédérations à cesser tous rapports avec ceux qui restent solidaires de cette abominable politique, et à sonner le ralliement de tous les travailleurs de l'usine, de la terre et des administrations autour du socialisme français, qui n'a besoin d'aucune inspiration de gouvernement étranger pour se donner tout entier à l'indépendance et au salut de la nation.
Devant le renversement total de la politique du gouvernement de Moscou à l'égard du fascisme international, le Parti socialiste s'adresse aux travailleurs communistes, pour leur demander de poursuivre la lutte antifasciste que le Parti socialiste continue à mener, et qui doit répondre à leurs sentiments d'attachement aux libertés démocratiques.

(Le Populaire du 30 août 1939)

Dans une résolution adoptée par sa direction le 29 août 1939 à l'unanimité, le Parti socialiste condamne avec virulence le Pacte germano-soviétique, appelle ses membres à ne plus avoir de relations avec tous ceux qui approuvent cet accord et enfin tend la main aux communistes qui veulent poursuivre le combat anti-fasciste.


31 août 1939

● Ratification du Pacte germano-soviétique par l'Allemagne et l'URSS.

● Discours de Molotov célébrant le Pacte Hitler-Staline

"Le 23 août 1939, date à laquelle a été signé le pacte de non-agression soviéto-allemand, doit être considéré comme une date d'une grande portée historique. [...]
L'histoire a montré que l'animosité et les guerres entre notre pays et l'Allemagne n'ont pas profité à nos pays, mais qu'elles ont été nuisibles pour eux. La Russie et l'Allemagne sont, d'entre tous les pays, ceux qui ont été le plus éprouvés à l'issue de la guerre de 1914-1918. C'est pourquoi les intérêts des peuples de l'Union soviétique et de l'Allemagne ne se trouvent pas sur la voie d'une animosité entre eux. Au contraire, les peuples de l'Union soviétique et de l'Allemagne ont besoin de rapports pacifiques entre eux. Le pacte de non-agression soviéto-allemand met fin à l'animosité entre l'Allemagne et l'U.R.S.S., ce qui est dans l'intérêt des deux pays. La différence dans l'idéologie et dans les systèmes politiques ne doit et ne peut être un obstacle pour l'établissement de bons rapports politiques entre les deux Etats, de même que la même différence n'empêche point l'U.R.S.S. d'ouvrir de bons rapports politiques avec d'autres pays non-soviétiques, capitalistes. Seuls les ennemis de l'Allemagne et de l'U.R.S.S. peuvent tenter de créer et d'accroître une animosité entre les peuples de ces pays. Nous étions et nous sommes pour l'amitié des peuples de l'U.R.S.S. et de l'Allemagne, pour le développement et l'épanouissement de l'amitié entre les peuples de l'Union soviétique et le peuple allemand. [...]
Nous devons être en garde contre ceux qui voient un avantage dans les mauvais rapports entre l'U.R.S.S. et l'Allemagne, dans l'animosité régnant entre elles, qui ne veulent pas que la paix et des rapports de bon voisinage soient établis entre l'Allemagne et l'Union soviétique. [...]
Le principal sens du pacte de non-agression soviéto-allemand réside dans le fait que deux des plus grands Etats d'Europe se sont mis d'accord pour mettre fin à l'animosité qui existait entre eux, pour éliminer tout danger de guerre et pour vivre en paix. [...]
L'Union soviétique en est venue à conclure un pacte avec l'Allemagne, sûre qu'elle était que la paix entre les peuples de l'Union soviétique et de l'Allemagne répond aux intérêts de tous les peuples, aux intérêts de la paix générale. Chaque sincère partisan de la paix en conviendra."

(Bulletin périodique de la presse russe n° 289 du 25 septembre 1939 / Texte)

Le 31 août, quelques jours après la signature du Pacte germano-soviétique, Viatcheslav Molotov, président du Conseil et commissaire du peuple aux Affaires étrangères, prononce à la 4e session extraordinaire du Soviet suprême un discours consacré à la politique extérieure de l'URSS.

Dans la première partie de son intervention, Viatcheslav Molotov accuse les gouvernements français et anglais d'être responsables de l'échec des négociations qui se sont déroulées d'avril à août 1939 en vue de conclure un Pacte d'assistance mutuelle anglo-franco-soviétique. Dans la seconde partie, le chef du gouvernement soviétique justifie la signature d'un Pacte de non-agression entre l'URSS et l'Allemagne.

Point central de ce discours, Molotov affirme qu'en signant le Pacte germano-soviétique la Russie de Staline et l'Allemagne d'Hitler "se sont mis d'accord pour mettre fin à l'animosité qui existait entre eux, pour éliminer tout danger de guerre et pour vivre en paix."

Preuve du changement radical des relations entre les deux pays, le dirigeant soviétique va même jusqu'à plaider " pour l'amitié des peuples de l'URSS et de l'Allemagne, pour le développement et l'épanouissement de l'amitié entre les peuples de l'Union soviétique et le peuple allemand".

Pour écarter tout critique sur le plan international, Molotov soutient que l'instauration de relations pacifiques entre l'Allemagne et l'URSS sera la garantie d'une "paix générale".

L'invasion de la Pologne par les armées hitlériennes apportera un démenti formel à cette affirmation.

A la suite du discours prononcé par le Molotov, le Soviet suprême ratifiera le Pacte germano-soviétique.

Dernier élément, approuvé par les députés soviétiques, le rapport du commissaire du peuple aux Affaires étrangères le sera aussi par... le Chancelier Hitler qui déclarera dans une allocution prononcée le lendemain devant le Reichstag : "Je puis souscrire mot pour mot au discours qu'a prononcé le commissaire du peuple Molotov."


● Tract "Sauvons le pays et la paix" !"

SAUVONS LE PAYS ET LA PAIX !

Les Communistes sont les meilleurs combattants de la Paix [...]
Aujourd'hui encore, les communistes sont les meilleurs combattants de la Paix et de la Démocratie. C'est pourquoi on veut étouffer leur voix c'est pourquoi on suspend L'HUMANITE.
Victoire de la Paix  
LE PACTE DE NON-AGRESSION GERMANO-SOVIETIQUE est une victoire de l'Union Soviétique et une victoire de la Paix. [...]
LE PACTE GERMANO-SOVIETIQUE a jeté la désunion parmi les dictateurs fascistes. Il porte un coup au pacte antikomintern. Il a affaibli le fascisme international et servi ainsi la cause de la Paix. [...]
Si la guerre surgit malgré leur volonté, les Communistes sauront remplir leur devoir pour la défense du Pays et de la Démocratie contre la barbarie fasciste.

(Exemplaire du Tract)

A la fin du mois d'août, les communistes diffusent un tract intitulé "Sauvons le pays et la Paix".

Rédigé entre le 26 août (suspension de l'Humanité) et le 1er septembre (déclenchement de la guerre avec l'invasion de la Pologne), ce tract :

1) approuve le Pacte germano-soviétique en arguant que cet accord est un facteur de Paix et de division des dictatures fascistes.
2) affirme que les communistes défendront la France en cas de guerre avec l'Allemagne.

Par son contenu, il est conforme à la ligne défendue par le PCF depuis la réception du télégramme de l'IC du 22 août.


● Tribune du chef du Parti socialiste jugeant comme contraire à l'honneur du Socialisme toute relation entre les socialistes et les communistes

"NOTRE C.A.P. a été unanime pour condamner et flétrir le pacte germano-russe et, conséquence toute naturelle, pour inviter les sections et fédérations du Parti socialiste à cesser tous rapports avec ceux qui « restent SOLIDAIRES de cette abominable politique ».
Le Parti ouvrier belge vient de voter une résolution du même ordre, plus vigoureuse encore, qui se termine par ces phrases :
« Plus que jamais, nous considérons le Parti communiste comme moralement disqualifié en tant que représentant d'une fraction de la démocratie ouvrière.
« Confirmant et accentuant ses résolutions antérieures, le bureau du Parti estime que tous les liens ou rapports entre les Partis socialiste et communiste et leurs membres doivent être considérés comme contraires à l'honneur du Socialisme. »
On peut en être sûr, si tous les Partis socialistes du monde étaient consultés, ils tiendraient, vis-à-vis de l'acte du gouvernement soviétique et de tous les hommes, groupes et partis qui s'en déclarent solidaires, le même langage de condamnation impitoyable et sans appel.
Mais ne parlons pas des autres, pour le moment. On verra plus tard.
En ce qui concerne notre pays et notre Parti l'émotion et la colère y ont été sans doute plus grandes qu'ailleurs. Cela se conçoit.
Le Parti communiste avait pris la position qu'on sait dans les événements. Tous ceux qui prononçaient seulement le mot de paix ou qui demandaient que tous les efforts fussent tentés et renouvelés en faveur d'un règlement pacifique des problèmes internationaux, étaient vilipendés, injuriés, dénoncés comme des capitulards et des traîtres.
Le pacte Staline-Hitler est venu démontrer aux yeux des plus aveugles que les chefs bolchevistes étaient des instruments entre les mains de Moscou même aux heures où le sort du pays allait se jouer. Et Moscou et Berlin sont d'accord.
Le Socialisme français s'est dégagé unanimement et avec éclat de ces odieuses machinations.
Il proclame une fois pour toutes qu'il « n'a besoin d'aucune inspiration de gouvernement étranger pour se donner tout entier à l'indépendance et au salut de la nation. » .
Très bien. Les travailleurs de France comprendront et parmi eux, on veut l'espérer, une grande partie de ceux gui avaient été entraînés dans la sinistre entreprise bolcheviste."

(Le Populaire du 31 août 1939)

Le 29 août, la Commission Administrative Permanente du Parti socialiste adopte à l'unanimité une résolution condamnant le Pacte germano-soviétique ainsi que le Parti communiste.

Secrétaire général de la SFIO, Paul Faure réaffirme la positon du Parti dans une tribune publiée dans Le Populaire du 31 août 1939 sous le titre "Position nette".

Dans ce texte, citant la résolution adoptée par le parti socialiste belge, le chef du Parti socialiste affirme que "« que tous les liens ou rapports entre les Partis socialiste et communiste et leurs membres doivent être considérés comme contraires à l'honneur du Socialisme »".