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Juin 1940

4 juin
➤ La chute de Dunkerque marque la fin de la Bataille du Nord et la stabilisation du front sur une ligne qui suit les cours de la Somme et de l'Aisne.

5 juin
➤ L'offensive allemande lancée sur la Somme puis sur l'Aisne marque le début de la Bataille de France qui sera marquée par la rupture des lignes françaises après quelques jours de combats, l'avancée des armées allemandes en direction de l'Ouest, de l'Est et de Paris qui tombera le 14 juin, la poursuite des combats vers le Sud et la signature d'un armistice le 22 juin.

➤ Entrée du Général de Gaulle dans le Gouvernement Reynaud au poste de sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale et à la Guerre.

6 juin
➤ Sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais diffusent un tract titré "Pour la Paix, le Pain, la Liberté, l'Indépendance !" dans lequel ils appellent à la constitution d'un "gouvernement qui s'entende sans délai avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la Paix dans le monde".

10 juin
L'Italie déclare la guerre à la France et à l'Angleterre.

➤ Message de Paul Reynaud adressé au Président Roosevelt dans lequel il appelle les Etats-Unis à s'engager pleinement dans le conflit européen en rompant avec la neutralité et en fournissant une aide militaire ayant désormais pour seul limite l'envoi d'un contingent.

➤ Le Gouvernement Reynaud quitte Paris pour s'installer à Tours.

11 juin
➤ Sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais diffusent un tract titré "Pour sauver notre pays !" dans lequel ils plaident pour un gouvernement qui soit "capable de s'entendre sans délai avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la Paix dans le monde."

12 juin
➤ Entendu au Conseil des ministres qui se tient au Château de Cangé dans la banlieue de Tours, le Chef des armées françaises, le Général Weygand, affirme qu'il n'est pas en mesure d'établir une ligne de défense continue face à l'avancée des armées allemandes et recommande en conséquence d'entrer rapidement en pourparlers avec l'Allemagne pour négocier un armistice.

➤ Chef du Parti communiste clandestin, Benoît Frachon quitte Paris. Quelques jours auparavant les dirigeants communistes ont décidé de quitter la capitale en raison de la progression des armées allemandes. Une exception : Jean Catelas qui reçoit la mission de mener l'action du Parti dans la région parisienne.

➤ L'Union des Etudiants et Lycéens Communistes de France (UELCF) lance un Appel intitulé "Etudiants, lycéens communistes, à l'action !" dans lequel elle demande la formation d'un gouvernement communiste "qui instaurera la paix grâce à une collaboration loyale avec l'URSS".

13 juin
➤ Conseil suprême interallié organisé à Tours au cours duquel Winston Churchill refuse d'aborder la question de l'armistice et convainc Paul Reynaud de solliciter une intervention militaire des Etats-Unis pour sauver la France.

➤ Discours radiodiffusé de Paul Reynaud affirmant que seule une entrée en guerre des Etats-Unis empêchera la défaite de la France.

14 juin
➤ Entrée des troupes allemandes dans Paris.

➤ Dans un texte titré "Sauvons-nous nous-même", l'Humanité clandestine appelle à la constitution d'un "gouvernement qui s'entende avec l'Union soviétique pour rétablir la paix générale dans le monde".

➤ Avant de quitter Tours, Paul Reynaud adresse un message au Président Roosevelt dans lequel il lui demande de déclarer la guerre à l'Allemagne et lui précise qu'en cas de refus il verra "la France s'enfoncer comme un homme qui se noie et disparaître, après avoir jeté un dernier regard vers la terre de liberté d'où elle attendait le salut."

➤ Le Gouvernement Reynaud s'installe à Bordeaux.

15 juin
➤ Réfugiés en Belgique, Jacques Duclos, secrétaire du PCF, et Maurice Tréand, membre du Comité central, arrivent à Paris. Le premier prendra la direction du Parti communiste clandestin. Le second sera son adjoint.

16 juin
➤ A Bordeaux, le Maréchal Pétain est nommé Président du Conseil.

17 juin
➤ Allocution du Maréchal Pétain annonçant qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

➤ Ambassadeur allemand à Moscou, Schulenburg informe Berlin que Molotov l'a convoqué pour lui exprimer "les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes".

L'Humanité clandestine lance à sa Une un appel à l'union des prolétaires français et... allemands dans un texte rédigé en français et en... allemand.

➤ Dans un article titré "Pour la Paix, par l'entente avec l'URSS", l'Humanité clandestine dénonce "l'Angleterre impérialiste" qui s'oppose à tout armistice franco-allemand, et plaide pour "un gouvernement s'appuyant sur les masses populaires, s'entendant avec l'URSS, pour le rétablissement de la paix générale dans le monde."

➤ Le tract "Appel de Charles Tillon (17 juin 1940)" n'a jamais été diffusé. Décrit comme un appel à la Résistance par de nombreux auteurs, dont Charles Tillon, ce tract est en réalité une version falsifiée d'un tract pacifiste diffusée à la fin de juin 1940 par les communistes bordelais sous le titre "Appel au Peuple de France" .

18 juin
➤ Appel du Général de Gaulle : "Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".

Sur les instructions de Maurice Tréand, Denise Ginollin se présente à la Kommandantur pour demander l'autorisation de publier l'Humanité. On l'invite à revenir le lendemain.

➤ Diffusion clandestine du tract "Il y a des comptes à régler" qui fera partie des textes soumis à la censure allemande en vue d'une publication dans l'Humanité légale.

19 juin
➤ Les communistes préparent un numéro modèle de l'Humanité légale : l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 dans laquelle est reproduit "un communiqué allemand".

L'Humanité clandestine lance une nouvelle fois à sa Une un appel à l'union des prolétaires français et... allemands dans un texte rédigé en français et en... allemand.

➤ De retour à la Kommandantur, Denise Ginollin expose sa demande au lieutenant Weber. Accord de principe. Elle doit toutefois revenir le lendemain pour obtenir une réponse définitive.

➤ Les communistes préparent un argumentaire pour la rencontre du lendemain dans lequel on peut notamment lire : "2) Sommes communistes avons appliqué ligne PC sous Dal [Daladier] Ray [Reynaud] juif Mandel / Juif M [Mandel] après Dal [Daladier] nous a emprisonnés. Fusillé des ouvriers qui sabotaient défense nat [nationale] / Sommes PC français pas eu peur / 3) pas cédé face dictature juif M [Mandel] et du défenseur des intérêts capitalistes anglais Raynaud [Reynaud]".

20 juin
➤ A 16 heures, le lieutenant Weber annonce à Denise Ginollin que l'Humanité est autorisée à paraître. Les arguments de la militante communiste ont dû être convaincants...

➤ A 18 heures, elle soumet à la censure de l'officier allemand le premier numéro de l'Humanité légale. Ce dernier formule des critiques, lui demande des modifications et l'invite à revenir à 22 heures avec le numéro amendé.

➤ A 20 heures 30, Denise Ginollin et Maurice Tréand sont arrêtés par des policiers français pour avoir enfreint le décret de dissolution du PCF en tentant de faire reparaître l'Humanité. Cette intervention policière met fin à la première négociation entre le PCF et les nazis.

21 juin
➤ Sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais diffusent un tract titré "Pour la défense de la liberté et de l'indépendance / Rassemblement" dans lequel ils accusent le Maréchal Pétain de négocier une "paix fasciste" et proposent une alternative : former "immédiatement un gouvernement appuyé sur les masses populaires, brisant le complot fasciste de la réaction et faisant appel à l'URSS pour le rétablissement d'une Paix véritable dans le monde".

22 juin
➤ Signature de l'armistice franco-allemand.

➤ Dans un Télégramme signé par Georges Dimitrov et Maurice Thorez, l'IC fixe au PCF les tâches suivantes : 1) revendiquer la direction du pays avec comme argument que seul le Parti communiste s'est opposé à la guerre, 2) reprendre une activité légale dans la zone occupée sous certaines conditions et 3) encourager la fraternisation entre les travailleurs français et les soldats allemands.

24 juin
L'Humanité clandestine approuve la signature de l'armistice franco-allemand dans un article titré... "Construire la Paix".

➤ Ambassadeur allemand à Moscou, Schulenburg informe Berlin que l'agence Tass a publié un communiqué de presse démentant les rumeurs propagées par la presse étrangères sur une dégradation des relations entre l'URSS et l'Allemagne, et soulignant que ces relations ne peuvent être altérées au motif qu'elles sont fondés sur "les intérêts fondamentaux" des deux pays. 

➤ Signature de l'armistice franco-italien.

25 juin
➤ Dans un Appel au "Peuple de Paris !", le Parti communiste accuse le Général de Gaulle d'être un "agent de l'impérialisme britannique" et plaide pour la constitution d'un gouvernement communiste "décidé à maintenir la paix" avec l'Allemagne nazie.

➤ Denise Ginollin et Maurice Tréand sont libérés à la suite d'une intervention d'Otto Abetz qui a été sollicitée par Me Robert Foissin, avocat de Maurice Tréand.

➤ Entrée en vigueur des armistices franco-allemand et franco-italien.

26 juin
➤ Représentant d'Hitler en France, Otto Abetz reçoit à l'ambassade d'Allemagne une délégation du Parti communiste composée de Denise Ginollin, de l'avocat communiste Robert Foissin et de deux membres du Comité central : Maurice Tréand et Jean Catelas.

➤ A la suite de cette rencontre, Maurice Tréand et Jean Catelas rédigent une lettre demandant officiellement aux autorités allemandes l'autorisation de publier l'Humanité.

27 juin
➤ Foissin remet à Abetz la lettre de ses deux camarades.

28 juin
➤ Abetz transmet la demande communiste au Chef de l'Etat-Major administratif du Commandant militaire de Paris.

➤ Foissin se rend à l'ambassade d'Allemagne pour connaitre la réponse des autorités allemandes. Abetz lui indique qu'aucune décision n'a encore été prise.

30 juin
➤ Jacques Duclos rédige un rapport à l'attention de l'IC dans lequel il détaille son action à la tête du Parti depuis sa prise de fonction le 15 juin. Dans ce rapport, il expose notamment le contenu du "programme revendicatif" du Parti :

Politique intérieure
Libération de tous les défenseurs de la paix, communistes et autres, jetés en prison ou internés dans les camps de concentration pour avoir combattu la guerre. [...]

Politique Extérieure 
Maintien de l'armistice et répression énergique de toute action tendant à entraîner à nouveau le peuple français dans la guerre.
Soutien des peuples coloniaux dans la lutte pour leurs revendications et leur indépendance
Conclusion d'un pacte d'amitié avec l'URSS qui compléterait le pacte germano-soviétique et constituerait un important facteur de pacification européenne".

➤ Parution du premier numéro de La France au Travail. Financé par l'ambassade d'Allemagne, dirigé par André Picard et destiné à la classe ouvrière, ce journal se caractérise par son contenu anticapitaliste et antisémite.

## juin
➤ A la fin de juin ou au début de juillet, sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais diffusent un "Appel au Peuple de France" dans lequel ils plaident pour un gouvernement communiste "s'entendant avec l'URSS pour une paix équitable".



4 juin 1940

● Chute de Dunkerque

Après avoir rompu la ligne de défense des armées françaises dans la région de Sedan le 15 mai, les blindés allemands ont poursuivi leur avancée en direction de la Manche afin de prendre à revers les unités françaises et le contingent britannique qui s'étaient engagés en Belgique. En tentant de se replier, les troupes franco-britanniques ont été acculées dans une poche autour de Dunkerque d'où elles ont été évacuées vers l'Angleterre entre le 27 mai et le 4 juin. La chute de Dunkerque le 4 juin 1940 marque la fin de la Bataille du Nord. Le front est alors stabilisé sur la Somme et sur l'Aisne.


5 juin 1940

● Offensive allemande sur la Somme puis l'Aisne

L'offensive allemande lancée le 5 juin sur la Somme puis sur l'Aisne marque le début de la Bataille de France qui sera marquée par la rupture des lignes françaises après quelques jours de combats, l'avancée des armées allemandes en direction de l'Ouest, de l'Est et de Paris qui tombera le 14 juin, la poursuite des combats vers le Sud et la signature d'un armistice le 22 juin.

● Entrée du Général de Gaulle dans le Gouvernement Reynaud au poste de sous-secrétaire d'Etat à la défense nationale et à la guerre



Vers le 6 juin 1940

● Tract "Pour la Paix, le Pain, la Liberté, l'Indépendance !" (Bordeaux)

"Après l'abandon de l'Espagne Républicaine, livrée au fascisme par la non-intervention, nous avons été trahis à Munich lorsque Daladier et tous les Munichois, de Flandin à Blum, ont donné à Hitler les clefs de l'Europe, un armement moderne considérable, les plans de la ligne Maginot, et les usines où l'Allemagne a fabriqué les chars lourds qui marchent sur Paris. [...]
Pour le rétablissement de la Paix et de la Liberté. [...]
Il faut un gouvernement s'appuyant sur les masses populaires et prenant des mesures contre la réaction.
Un gouvernement qui s'entende sans délai avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la Paix dans le monde."

(R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, pp. 38-40)

Après la percée de Sedan et l'élimination des forces anglaises et françaises qui s'étaient engagées en Belgique, les Allemands attaquent sur la Somme le 5 juin.

Sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais réagissent à cette nouvelle offensive allemande en publiant un tract intitulé "Pour la Paix, le Pain, la Liberté, l'Indépendance !"

Signé Le Parti communiste français (SFIC), ce tract a été rédigé entre le 5 et le 10 juin.

On peut déterminer cette période en s'appuyant sur le texte qui mentionne "les chars lourds qui marchent sur Paris" (offensive allemande du 5 juin), signale la démission de "Daladier" (5 juin) et fait référence à plusieurs reprises à "Mussolini" sans évoquer l'entrée en guerre de l'Italie (10 juin).

Sur le fond, le tract "Pour la Paix, le Pain, la Liberté, l'Indépendance !" appelle à la formation d'un "gouvernement qui s'entende sans délai avec l'Union soviétique pour le rétablissement de la Paix dans le monde" (souligné deux fois dans le texte).



10 juin 1940

● L'Italie déclare la guerre à la France et à l'Angleterre

● Message de Paul Reynaud adressé au Président Roosevelt

"Depuis six jours et six nuits, nos divisions se battent sans une heure de répit contre une armée disposant d'une supériorité écrasante en effectifs et en matériel. L'ennemi est aujourd'hui presque aux portes de Paris.
Nous lutterons en avant de Paris, nous lutterons en arrière de Paris, nous nous enfermerons dans une de nos provinces et, si nous en sommes chassés, nous irons en Afrique du Nord, au besoin dans nos possessions en Amérique. [...]
A l'heure où je vous parle, une autre dictature [L'Italie] vient de frapper la France dans le dos. Une nouvelle frontière est menacée. Une guerre navale va s'ouvrir.
Vous avez généreusement répondu à l'appel que je vous ai lancé il y a quelques jours à travers l'Atlantique. Aujourd'hui, 10 juin. c'est un nouveau concours, plus large encore, que j'ai le devoir de vous demander. 
En même temps que vous exposerez cette situation aux hommes et aux femmes d'Amérique, je vous conjure de déclarer publiquement que les Etats-Unis accordent aux Alliés leur appui moral et matériel par tous les moyens, sauf l'envoi d'un corps expéditionnaire. Je vous conjure de le faire pendant qu'il n'est pas trop tard. Je sais la gravité d'un tel geste. Sa gravité même fait qu'il ne doit pas intervenir trop tard."

( Messages de Paul Reynaud au Président Roosevelt des 10 et 14 juin 1940)

Le 10 juin, avant de quitter Paris pour Tours, Paul Reynaud remet à l'ambassadeur américain un message destiné au président Roosevelt dans lequel il manifeste la détermination de la France à poursuivre le combat avant d'appeler les Etats-unis à s'engager pleinement dans le conflit européen en rompant avec la neutralité et en fournissant une aide militaire ayant désormais pour seul limite l'envoi d'un contingent.

● Le Gouvernement Reynaud quitte Paris pour s'installer à Tours.


11 juin 1940

● Tract "Pour sauver notre pays !" (Bordeaux)

"Aujourd'hui, Hitler encercle Paris, et Mussolini, « l'ange de Paix » des munichois, a déclaré la guerre. [...]
PEUPLE DE FRANCE !
Pour sauver notre pays des désastres préparés par les deux cents familles et leurs Daladier, Blum, Flandin, écoute la voix du Parti communiste qui ne t'a jamais trompé, soutiens son action !
SOIS UNIS et LUTTE POUR UN GOUVERNEMENT S'APPUYANT SUR LES MASSES POPULAIRES, agissant contre le fascisme, la réaction et tous les traîtres à la classe ouvrière, capable de s'entendre sans délai avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la Paix dans le monde."

  (Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes, Le PCF 1938-1941, n° 14, 3e trimestre 1983, pp. 155-157. [texte] / R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 35 [tract + texte])

L'entrée en guerre de l'Italie aux côtés de l'Allemagne le 10 juin et l'avancée des armées allemandes sur Paris suscitent une nouvelle initiative des communistes bordelais.

Sous la direction de Charles Tillon, ils diffusent un tract intitulé "Pour sauver notre pays !" dans lequel ils exposent la réponse du Parti communiste clandestin à ces deux événements majeurs.

Signé Le Parti communiste français (SFIC), ce tract a été rédigé entre le 10 juin 1940 (entrée en guerre de l'Italie) et le 14 juin 1940 (entrée de l'armée allemande dans Paris)

Pour "sauver" la France des envahisseurs nazis et fascistes, le Parti communiste appelle à la formation d'un gouvernement communiste qui soit "capable de s'entendre sans délai avec l'Union soviétique pour le rétablissement de la Paix dans le monde".

Signalons que le texte appelle à agir "contre le fascisme" c'est-à-dire le Gouvernement Pétain. On pourra faire le même constat dans les deux autres tracts diffusés par les communistes bordelais dans les deux dernière semaines de juin.

Pour terminer on citera un extrait d'un livre de Charles Tillon dans lequel le dirigeant communiste évoque le tract "Pour sauver notre pays!" comme une illustration de son engagement dans la Résistance dès l'été 1940 :

"Le 11 juin, j'avais écrit dans un tract : « Peuple de France, Hitler encercle Paris... Mussolini, l'ange de la paix des munichois, a déclaré la guerre au peuple... Pour sauver notre pays des désastres préparés par les deux cents familles, sois unis contre le fascisme et la réaction. »" (1)

On notera qu'il y manque l'essentiel : l'appel à former un gouvernement communiste "capable de s'entendre sans délai avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la Paix dans le monde."

(1) C. Tillon, On chantait rouge, 1977 p. 300.



12 juin 1940

● L'Union des Etudiants et Lycéens Communistes de France (UELCF) lance un Appel intitulé "Etudiants, lycéens communistes, à l'action !"

"Au bout d'un mois d'offensive, les Allemands sont aux portes de Paris, après avoir bousculé toute résistance, y compris « l'inflexible ligne Weygand ». La bourgeoisie Française est en train d'essuyer une défaite comme l'histoire n'en avait encore jamais vu.
[...] Sans nous lasser, avec plus d'ardeur que jamais, nous devons répandre la vérité et nos mots d'ordre :  [....]
- Vive le gouvernement populaire du pain, de la liberté et de l'indépendance, qui instaurera la paix grâce à une collaboration loyale avec l'URSS."


L'Union des Etudiants et Lycéens Communistes de France (UELCF) publie vers le 12 juin un appel intitulé "Etudiants, lycéens communistes, à l'action !" dans lequel elle fait le constat que "les Allemands sont aux portes de Paris".

Face à cette menace, elle appelle à la constitution d'un gouvernement communiste... "qui instaurera la paix grâce à une collaboration loyale avec l'URSS".

Conclusion, les nazis n'auront rien à craindre des étudiants et lycéens communistes quand ils entreront dans Paris.

● Benoît Frachon quitte Paris

Secrétaire de la CGT, ancien membre du Bureau politique du PCF, Benoît Frachon assume la direction du Parti communiste clandestin depuis octobre 1939 en raison des absences de Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, et de Jacques Duclos, secrétaire du PCF qui ont fui le territoire français pour échapper à la justice militaire. Le premier s'est réfugié à Moscou, le second à Bruxelles.

Il quitte Paris vers le 12 juin pour s'installer dans le Limousin.

Quelque jours auparavant - entre le 5 et le 10 juin - les dirigeants communistes se sont réunis et ont pris la décision de quitter la capitale avant l'arrivée des troupes allemandes. Deux exceptions : Gabriel Péri et Jean Catelas. Ce dernier a reçu la mission de diriger l'action du Parti dans la région parisienne.

● Conseil des ministres au Château de Cangé.

Le 12 juin, un Conseil des ministres est organisé à 19 h 30 au Château de Cangé dans la banlieue de Tours.

Il débute par un exposé du commandant en chef des armées françaises, le général Weygand. Ce dernier affirme qu'il n'est pas en mesure d'établir une ligne de défense continue face à l'avancée des armées allemandes. Il souligne aussi que la destruction totale des armées françaises conduiraient à l'effondrement de l'Etat et au chaos. Sur la base de ces éléments, il recommande d'entrer rapidement en pourparlers avec l'Allemagne pour négocier un armistice. Il reçoit le soutien du vice-président du Conseil : le Maréchal Pétain. 

Dans le débat qui suit, le président du Conseil, Paul Reynaud, s'oppose à cette proposition en arguant qu'on ne peut négocier avec le pouvoir nazi compte tenu de sa nature, que la France peut continuer la guerre si le gouvernement se réfugie en Afrique du Nord et enfin que les accords franco-anglais interdisent aux deux parties de conclure une paix séparée.

Divisé, le Conseil des ministres ne prend aucune décision concernant la proposition de Weygand : ni rejet, ni approbation.

Il s'accorde un délai en décidant de consulter l'Angleterre afin de connaître sa position sur une éventuelle demande d'armistice du gouvernement français.


13 juin 1940

● Conseil suprême interallié à Tours

Le 13 juin se tient à la préfecture de Tours, un Conseil suprême interallié auquel participent, du côté français, Paul Reynaud et Paul Baudoin et, du côté britannique, Winston Churchill, lord Halifax, lord Beaverbrook et le général Spears.

Evoquant l'hypothèse d'une demande d'armistice française Paul Reynaud demande à Winston Churchill si l'Angleterre accepterait de libérer la France de l'Accord du 28 mars 1940 interdisant aux deux parties de négocier un armistice séparé.

Opposé à tout armistice franco-allemand, le premier ministre britannique convainc le président du Conseil de solliciter l'intervention des Etats-Unis en arguant qu'une réponse favorable donnera à la France un motif légitime pour continuer la guerre et que le cabinet anglais s'engage dans le cas contraire à étudier la question posée par le gouvernement français.

Au vu de la situation militaire et du Conseil interallié, Paul Reynaud est donc conduit à renouveler son appel au président Roosevelt du 10 juin 1940. Ce second appel prendra la forme d'un discours prononcé le jour même à 23 h 30 et d'un message le lendemain.

● Discours de Paul Reynaud

"L’armée française a été l’avant-garde de l’armée des démocraties. Elle s’est sacrifiée, mais, en perdant cette bataille, elle a porté des coups redoutables à l’ennemi commun. [...] La France blessée a le droit de se tourner vers les autres démocratie et de leur dire : « J'ai des droits sur vous ! ». Aucun de ceux qui ont le sentiment de la justice ne pourrait lui donner tort. Mais autre chose est d'approuver et autre chose est d'agir.
Nous savons quelle place tient l'idéal dans la vie du grand peuple américain, hésiterait-il encore à se déclarer contre l'Allemagne nazie ? Je l'ai demandé au président Roosevelt [message du 10 juin], vous le savez; je lui adresse ce soir un nouvel et dernier appel. [...]
Notre combat, chaque jour plus douloureux, n'a désormais de sens que si, en le poursuivant, nous voyons, même au loin, grandir l'espoir d'une victoire commune."

(Discours de Paul Reynaud du 13 juin 1940)

Le 13 juin à Tours, le Président du Conseil, Paul Reynaud, prononce à 23 h 30 un discours radiodiffusé dans lequel il affirme que seule une entrée en guerre des Etats-Unis empêchera la défaite de la France


14 juin 1940

● Entrée de l'armée allemande dans Paris

Le 14 juin, l'Oberkommando der Wehrmacht (OKW) (Haut commandement de l'armée allemande) publie le communiqué suivant :

"Par suite de l'effondrement total de l'ensemble du front français entre la Manche et la ligne Maginot, près de Montmédy, le commandement français a renoncé à sa première intention de défendre la capitale de la France. Au moment où paraît ce communiqué, les troupes allemandes victorieuses font leur entrée dans Paris."

Article "Sauvons-nous nous-même

"L'armée allemande est aux portes de Paris ! [...]
Le peuple en a assez de cette guerre, assez d'un gouvernement qui, au lieu d'arrêter les traîtres comme Flandin, Bonnet et Daladier, a aggravé la répression anti-ouvrière et appliqué aux communistes le décret Sérol sur la peine de mort.
Le peuple veut un gouvernement qui s'appuie sur les masses populaires, qui libèrent les communistes, qui mettent en prison les fascistes et tous les hitlériens et tous les responsables de 5 ans de politique extérieure pro-fasciste, qui rétablisse les libertés démocratiques, qui permettent au parti communiste de s'exprimer librement, aux syndicats dissous de défendre les droits des ouvriers, aux élus communistes de défendre les travailleurs, paysan, petits commerçants, un gouvernement qui soulage les petites gens et prenne des mesures pour la confiscation des bénéfices de guerre et le prélèvement sur les grosses fortunes.
Un gouvernement qui s'entende avec l'Union soviétique pour rétablir la paix générale dans le monde".


Composée d'article rédigés la veille, l'Humanité n° 54 du 14 juin 1940 est diffusée le jour de l'entrée des armées allemandes dans Paris.

Ce numéro appelle à la formation d'un gouvernement communiste qui aura pour mission de "rétablir la paix générale dans le monde" avec le soutien de l'URSS. Cet appel à former un gouvernement de Paix dirigé par le PCF, représentant de la classe ouvrière, est résumé par le titre de l'article : "Sauvons-nous nous-même".

Plaidoyer pour la paix avec les nazis, l'Humanité du 14 juin 1940 accuse tous ceux qui étaient favorables à la guerre contre l'Allemagne d'Hitler d'être des "fascistes" et des "hitlériens" !!!

Pour l'Humanité, la place de tous ces bellicistes est en "prison" où devront aussi être envoyés "tous les responsables de 5 ans de politique extérieure pro-fasciste". Ainsi, est accusé d'avoir mené une politique étrangère pro-fasciste, Léon Blum, Chef du gouvernement du Front Populaire, auquel le PCF reproche sa politique de non-intervention pendant la guerre d'Espagne !!!

A la lecture de ce numéro, les soldats du IIIe Reich ont découvert que l'antifascisme du Parti communiste avait pour finalité de combattre... les ennemis de l'Allemagne nazie.

Concernant la publication de l'Humanité clandestine on précisera qu'aucun exemplaire des numéros 50, 51, 52 et 53 n'a été retrouvé. Soit ces numéros n'ont été pas été préparés, soit ils n'ont pas été diffusés, soit ils n'ont pas été conservés.

● Message de Paul Reynaud adressé au Président Roosevelt

"Dès lors, la France ne peut continuer la lutte que si l'intervention américaine vient renverser la situation, en rendant la victoire des Alliés certaine.
La seule chance de sauver la nation française, avant-garde des démocraties, et par là de sauver l'Angleterre, aux côtés de qui la France pourra alors rester avec avec sa puissante flotte, c'est de jeter, aujourd'hui même, dans la balance, le poids de la puissance américaine. [...]
Je sais que la déclaration de guerre ne dépend pas de vous seul.
Mais je viens vous dire, à cette heure grave dans votre histoire, comme dans la nôtre, que si vous ne pouvez pas donner à la France, dans les heures qui viennent, la certitude que les Etats-Unis entreront en guerre à très brève échéance, le destin du monde va changer.
Vous verrez, alors, la France s'enfoncer comme un homme qui se noie et disparaître, après avoir jeté un dernier regard vers la terre de liberté d'où elle attendait le salut."

( Messages de Paul Reynaud du 14 juin 1940)

Le 14 juin, avant de quitter Tours pour Bordeaux, Paul Reynaud adresse un message au Président Roosevelt dans lequel il lui demande de déclarer la guerre à l'Allemagne et lui précise qu'en cas de refus il verra "la France s'enfoncer comme un homme qui se noie et disparaître, après avoir jeté un dernier regard vers la terre de liberté d'où elle attendait le salut."

Le lendemain, le président Roosevelt donne sa réponse dans un télégramme. Dans ce texte il rend hommage au courage des armées françaises, promet de nouvelles livraisons d'armes, s'engage à ne reconnaître aucune annexion portant atteinte à l'intégrité du territoire français mais il écarte toute idée de déclarer la guerre à l'Allemagne au motif que cette décision appartient au Congrès.

● Le Gouvernement Reynaud s'installe à Bordeaux.


15 juin 1940

● Jacques Duclos arrive à Paris

Au début du mois d'octobre 1939, Jacques Duclos, secrétaire du PCF, s'est réfugié à Bruxelles où il a organisé une direction communiste. Particularité de la capitale belge, la présence d'une antenne de l'IC qui était dirigée par Eugen Fried et dont la mission était de contrôler les partis communistes d'Europe occidentale.

A la suite de l'invasion du territoire belge par les armées allemandes le 10 mai 1940, Jacques Duclos et son principal adjoint, Maurice Tréand, ont reçu un télégramme de l'IC en date du 15 mai 1940 leur demandant de quitter la Belgique et de rejoindre Paris :  "Considérons opportun installation Jacques [Jacques Duclos] et Legros [surnom de Maurice Tréand] en Suisse. En cas impossibilité ils doivent tenter s'établir en France même" (1).

Pour des questions de sécurité, les deux dirigeants communistes n'ont été en mesure de quitter la capitale belge que le 14 juin. Ils arrivent le lendemain à Paris qui est occupé depuis la veille par les armées allemandes.

A son arrivée, Jacques Duclos prend la direction du Parti communiste clandestin en raison des absences de Maurice Thorez et de Benoît Frachon. 

Secrétaire général du PCF, le premier s'est réfugié en Russie après sa désertion en octobre 1939 et un court séjour en Belgique. Ce départ a été caché aux militants pour ne pas les démobiliser. Secrétaire de la CGT, ancien membre du Bureau politique du PCF, placé à la tête du Parti en octobre 1939, le second a quitté Paris avant l'arrivée des Allemands.

Suivant les consignes de Fried qui seront confirmées par la Directive de l'IC du 22 juin, le Parti communiste tentera d'obtenir des Allemands la légalisation de ses activités.

(1) B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, p. 226.


16 juin 1940

● Le Maréchal Pétain est nommé Président du Conseil

A Bordeaux tard dans la soirée, le Maréchal Pétain est nommé Président du Conseil après la démission de Paul Reynaud qui s'est enfermé dans une double impossibilité :

- Impossibilité de poursuivre la guerre puisque le Conseil des ministres de l'après-midi a rejeté la proposition anglaise d'Union franco-britannique.
- Impossibilité de demander l'armistice puisque l'Angleterre n'a pas renoncé à l'accord du 28 mars 1940 aux termes duquel les deux pays se sont engagés à ne pas négocier de Paix séparée avec l'Allemagne.

Le décret du 16 juin 1940 nommant le Maréchal Pétain est publié au Journal officiel des 14, 15, 16 et 17 juin 1940 : "M. le Maréchal Pétain est nommé président du conseil des ministres, en remplacement de M. Paul Reynaud, dont la démission est acceptée ."


17 juin 1940

● Discours du Maréchal Pétain

"En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés, qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat. 
Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités."

(Discours du Maréchal Pétain du 17 juin 1940)

Le 17 juin, le nouveau président du Conseil prononce à la radio une courte allocution dans laquelle il déclare qu'il faut mettre fin au conflit avec l'Allemagne - "il faut cesser le combat" - avant d’annoncer qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

Schulenburg transmet à Berlin un message de félicitations du gouvernement soviétique

"Molotov m'a convoqué ce soir à son bureau et m'a exprimé les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes."

(Télégramme de Schulenburg n° 1167 du 17 juin 1940)

Illustration de l'alliance germano-soviétique, quelques heures après la déclaration du Maréchal Pétain, Viatcheslav Molotov, commissaire du peuple aux Affaires étrangères, convoque l'ambassadeur allemand à Moscou, Friedrich Werner von der Schulenburg, pour lui exprimer "les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes".

L'Humanité clandestine appelle à fraterniser avec les nazis

"Prolétaires de tous les pays unissez-vous !
Proletarier aller Länder, vereinigt euch !"

(L'Humanité n° 55 du 17 juin 1940)

Dans son numéro du 17 juin 1940, L'Humanité clandestine lance à sa Une un appel à l'union des prolétaires français et allemands dans un texte rédigé en français et en allemand : "Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! Proletarier aller Länder, vereinigt euch !".

Cet appel internationaliste s'adresse à la fois aux travailleurs français et... aux soldats allemands.

Pour le Parti communiste les nazis qui occupent Paris ne sont pas des envahisseurs mais des prolétaires avec lesquels il faut s'unir pour combattre l'ennemi commun : le capitalisme.

On fera remarquer que l'Humanité lance cet appel alors que les combats entre les armées françaises et la Wehrmacht se poursuivent. Il est même diffusé avant le discours que le Maréchal Pétain prononcera à 12 h 30 depuis Bordeaux pour annoncer qu'il a engagé avec l'ennemi des négociations de paix. 

Le conte de fée inventé par l'idéologie marxiste prendra fin le 22 juin 1941 avec l'invasion de l'URSS par les armées allemandes.

A partir de cette date, les soldats allemands ne seront plus considérés comme des frères prolétaires par les communistes.

● Article "Pour la Paix par l'entente avec l'URSS"

"Est-ce que la Cité de Londres obtiendra la continuation du massacre de nos frères et de nos fils pour permettre à l'Angleterre impérialiste avec ses 40 Millions d'habitants, d'en exploiter 400 Millions ?
Ou la volonté de paix du peuple français obtiendra-t-elle gain de cause ?
C'est du peuple lui-même que dépend la réponse ! Par notre action nous devons imposer une paix dans la sécurité, en exigeant par tous les moyens, un gouvernement s'appuyant sur les masses populaires, s'entendant avec l'URSS, pour le rétablissement de la paix générale dans le monde."

(L'Humanité n° 55 du 17 juin 1940)

Dans l'article "Pour la Paix, par l'entente avec l'URSS", l'Humanité du 17 juin 1940, dénonce "l'Angleterre impérialiste" qui s'oppose à tout armistice franco-allemand, et plaide pour "un gouvernement s'appuyant sur les masses populaires, s'entendant avec l'URSS, pour le rétablissement de la paix générale dans le monde."

Précisons que ce numéro a été rédigé le 16 juin avant la démission à Bordeaux en fin de soirée du gouvernement de Paul Reynaud et la nomination du Maréchal Pétain.

● Le tract "Appel de Charles Tillon (17 juin 1940)" n'a jamais été diffusé

Décrit comme un appel à la Résistance par de nombreux auteurs, dont Charles Tillon, ce tract est en réalité une version falsifiée d'un tract pacifiste diffusée à la fin de juin 1940 par les communistes bordelais sous le titre "Appel au Peuple de France".



18 juin 1940

● Appel du Général de Gaulle

"Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas."

(Appel du Général de Gaulle du 18 juin 1940)

Le 18 juin 1940 à Londres, le Général de Gaulle s'exprime à la BBC pour condamner l'initiative de paix du Maréchal Pétain et appeler les Français à poursuivre le combat contre l'envahisseur allemand. L'Appel du 18 juin 1940 qui marque le refus de tout armistice avec le régime hitlérien est l'acte fondateur de la Résistance française : "Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas"

● Le Parti communiste condamne l'Appel du 18 juin 1940

Partisan comme le Maréchal Pétain de la Paix avec Hitler, le Parti communiste condamne l'Appel du général dès le 25 juin avec la publication d'un appel au "Peuple du Paris" dans lequel il accuse le fondateur de la Résistance française d'être un "agent de l'impérialisme britannique" et plaide pour la constitution d'un gouvernement communiste "décidé à maintenir la paix" avec l'Allemagne nazie.

La propagande communiste contre le Général de Gaulle sera virulente, calomnieuse et mensongère jusqu'au... 22 juin 1941 et l'invasion de l'URSS par les armées allemandes.


● Début de la première négociation entre le PCF et les nazis

Sur les instructions de Maurice Tréand, Denise Ginollin se présente à la Kommandantur pour obtenir l'autorisation de publier l'Humanité. On l'invite à revenir le lendemain.

On fera remarquer que ces négociations débutent le jour où le Général de Gaulle appelle les français à poursuivre le combat contre l'Allemagne.

● Tract "Il y a des comptes à régler"

"Le peuple de France, ouvrant désormais les yeux et conscients d'avoir été trompé par une bande de malfaiteurs publics, pense qu'il y a des comptes à régler. [...]

Oui, IL Y A DES COMPTES A REGLER avec tous les politiciens qui ont jeté les députés communistes en prison et les ont déchus de leur mandat parce que, dès le début de la guerre, ils avaient eu le courage de réclamer la paix. [...]

PEUPLE DE PARIS

Unis-toi avec le calme tranquille de ceux qui savent que l'avenir leur appartient, n'oublie pas qu'il y a un pays où les capitalistes ont rendu gorge; ce pays, c'est la grande Union Soviétique, pays du socialisme et de la paix.

Unis-toi derrière ceux qui se sont battus pour la paix, derrière les communistes qui, hier, t'ont montré au risque de leur liberté et de leur vie, le chemin de la paix et qui, aujourd'hui, te montrent le chemin de la restauration de notre malheureux pays, à savoir :

CHATIER ET FAIRE PAYER LES RESPONSABLES DES DESASTRES DE LA FRANCE."

(Tract "Il y a des comptes à régler" du 18 juin 1940)

Le 18 juin 1940, quatre jours après l'entrée des armées hitlériennes dans Paris, le Parti communiste diffuse clandestinement un tract intitulé "Il y a des comptes à régler".

Dans ce tract, il appelle le Peuple de Paris à se mobiliser pour.... "châtier et faire payer les responsables des désastres de la France".

Ces responsables sont "tous les politiciens qui ont jeté les députés communistes en prison et les ont déchus de leur mandat parce que, dès le début de la guerre, ils avaient eu le courage de réclamer la paix" ainsi que "les ploutocrates des 200 familles qui ont livré la France aux banquiers anglais".

Condamnation des impérialismes français et anglais, ce tract est aussi une célébration du pacifisme des communistes : "Unis-toi derrière ceux qui se sont battus pour la paix, derrière les communistes qui, hier, t'ont montré au risque de leur liberté et de leur vie, le chemin de la paix". 

Ne contenant aucune attaque contre les Allemands, il sera même soumis à la censure de la Propaganda Staffel le 20 juin 1940 dans le but d'être publié dans le premier numéro de l'Humanité légale.

Rédigé par Jacques Duclos, chef du Parti communiste clandestin, le tract "Il y a des comptes à régler" a été tiré à 7 000 exemplaires.

S'adressant au Peuple de Paris, ce dernier a apposé la signature de "La Région Paris-Ville du Parti Communiste Français" sur le texte.


19 juin 1940

● L'Humanité du mercredi 19 juin 1940 publiée avec "un communiqué allemand"

Le 17 juin 1940, à Bordeaux, le Maréchal Pétain annonce à la radio qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

Le lendemain, à Paris où les armées hitlériennes sont présentes depuis quatre jours, le Parti communiste engage - lui aussi - une démarche auprès des Allemands pour d'obtenir la légalisation de l'Humanité dont la publication a été suspendue en août 1939 en raison de son soutien... au Pacte germano-soviétique.

Invités à revenir le lendemain pour exposer à nouveau leur demande, les communistes décident de préparer un numéro modèle de l'Humanité légale : l'Humanité du mercredi 19 juin 1940.

Composé d'un "communiqué officiel allemand" et de six articles ("Vive Paris", "Il faut libérer les défenseurs de la paix", "Le nouveau gouvernement", "Négociations de paix", "Vive l'URSS", "Dans les communes de banlieue"), ce numéro zéro approuve la démarche du Maréchal Pétain de négocier un armistice avec Hitler ("Nous prenons acte"), dénonce les "banquiers de la Cité de Londres" dont la tutelle sur les dirigeants français explique l'entrée en guerre de la France, demande la libération des "défenseurs de la Paix et ennemis du capitalisme" autrement dit des communistes, célèbre l'URSS comme "le pays du socialisme et de la paix" et enfin définit clairement le projet du PCF : "Paix" avec l'Allemagne nazie (libération nationale), "fraternité des peuples" (fraternité franco-allemande) et "lutte contre le capitalisme" (libération sociale).
En totale conformité avec la ligne défendue par le PCF depuis le début du conflit, l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 plaide pour la paix avec Hitler, fait l'éloge de la fraternité franco-allemande et condamne l'Angleterre : autant d'engagements politiques qui ne devraient pas heurter la censure allemande.

Autre élément devant permettre aux communistes d'obtenir une réponse positive des Allemands : la publication dans ce numéro d'un communiqué de la Wehrmacht.

Cette publication doit prouver leur bonne foi en montrant qu'ils acceptent non seulement de se soumettre aux règles fixées par les Allemands en matière de presse mais aussi de faire de l'Humanité légale un relais de la propagande allemande.

Engagée avant même la signature de l'armistice et donc l'arrêt des combats, cette première négociation entre les communistes et les nazis prendra fin le 20 juin avec l'arrestation par la police française de quatre militants communistes liés à ces pourparlers dont Maurice Tréand, n° 2 du Parti communiste clandestin.

Ces militants seront libérés le 25 juin à la suite d'une intervention d'Otto Abetz qui aura été sollicitée par l'avocat communiste de Maurice Tréand, Robert Foissin. En contrepartie de cette intervention, le représentant d'Hitler en France manifestera son désir de rencontrer le dirigeant communiste pour discuter de la question de l'Humanité avec l'ambition d'engager de plus larges négociations. C'est dans ce contexte favorable à une reprise des pourparlers que le Parti communiste décide de diffuser clandestinement l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 non sans susciter des critiques de certains militants.

Conservée dans le dossier d'instruction des militants communistes arrêtés les 20 et 21 juin 1940, pièce centrale de la première négociation entre le Parti communiste et les autorités allemandes, preuve de la compromission des communistes et de leur soumission aux exigences allemandes, l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 a été portée à la connaissance du public dans un livre publié en 1975 par Raymond Tournoux sous le titre Journal secret.


● L'Humanité clandestine appelle à fraterniser avec les nazis

"Prolétaires de tous les pays unissez-vous !
Proletarier aller Länder, vereinigt euch !
"


Dans son numéro du 19 juin 1940, l'Humanité clandestine lance une nouvelle fois à sa Une un appel à l'union des prolétaires français et... allemands dans un texte rédigé en français et en... allemand.

Distincte de l'Humanité du mercredi 19 juin 1940, l'Humanité n° 56 du 19 juin 1940 appartient à la série régulière des Humanités clandestines.

● Denise Ginollin est de retour à la Kommandantur

Denise Ginollin se présente comme prévu au service de presse de la Kommandantur où elle expose cette fois sa requête à un officier, le lieutenant Weber.

L'officier allemand lui répond qu'en principe rien ne s'oppose à la reparution de l'Humanité.

Toutefois, il lui précise qu'il ne peut décider de son propre chef et l'invite en conséquence à revenir le lendemain pour avoir une réponse.

● Argumentaire communiste

Les communistes décident de préparer un argumentaire pour la rencontre du 20 juin entre Denise Ginollin et le lieutenant Weber. Cet argumentaire est rédigé par la militante communiste sous la dictée de Maurice Tréand. Dans ce texte on peut notamment lire :

"2) Sommes communistes avons appliqué ligne PC sous Dal [Daladier] Ray [Reynaud] juif Mandel
Juif M [Mandel] après Dal [Daladier] nous a emprisonnés. Fusillé des ouvriers qui sabotaient défense nat [nationale]
Sommes PC français pas eu peur
3) pas cédé face dictature juif M [Mandel] et du défenseur des intérêts capitalistes anglais Raynaud [Reynaud]
4) [...]
avons été d'accord avec pacte G S [pacte germano-soviétique]
notre lutte contre Bonnet, Dal [Daladier], Ray [Reynaud], Man [Mandel], cela a facilité
votre victoire
notre défense du pacte
cela vous a avantagé
pour l'URSS nous avons bien travaillé par conséquent par ricochet pour vous". (1)

Dénoncer l'action du "Juif Mandel" (ministre de l'Intérieur dans le Gouvernement Reynaud), célébrer la mobilisation du PCF en faveur de la Paix, saluer les sabotages communistes dans les usines de la défense nationale, faire l'éloge du Pacte germano-soviétique et condamner l'Angleterre impérialiste, tels sont les arguments devant permettre aux communistes d'obtenir des nazis la légalisation de l'Humanité.

(1) Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, Juin 40, la négociation secrète, 2006 pp. 10-11.


20 juin 1940

● Fin de la première négociation entre le PCF et les nazis

Le 20 juin, dans l'après-midi, le lieutenant Weber annonce à Denise Ginollin que l'Humanité est autorisée à paraître. Les arguments de la représentante du PCF ont dû être convaincants...

A 18 heures, elle revient pour soumettre à la censure de l'officier allemand le premier numéro de l'Humanité légale. Ce dernier formule des critiques, lui demande des modifications et l'invite à revenir à 22 heures avec le numéro amendé.

A 20 heures 30, Denise Ginollin et Maurice Tréand sont arrêtés par des policiers français pour avoir enfreint le décret de dissolution du PCF en tentant de faire reparaître l'Humanité.

Cette opération policière met fin à la première négociation entre le PCF et les nazis.

On notera que c'est l'intervention de la police française qui a empêché la parution du premier numéro de l'Humanité sous censure allemande.



21 juin 1940

●  Sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais diffusent un tract titré "Pour la défense de la liberté et de l'indépendance : Rassemblement"

"Maintenant, ils ne pensent plus qu'au meilleur moyen de livrer la France à Hilter et Mussolini, comme ils leur ont livré les peuples de Tchécoslovaquie et d'Espagne. [...]
Maintenant, ils négocient une paix fasciste. [...]

PEUPLE DE FRANCE, TRAVAILLEUR, TRAVAILLEUSES ! [...]
POUR SAUVER L'INDÉPENDANCE ET LA LIBERTÉ

Il faut immédiatement un gouvernement appuyé sur les masses populaires, brisant le complot fasciste de la réaction et faisant appel à l'URSS pour le rétablissement d'une Paix véritable dans le monde !"

(R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, pp. 45-47)

Le 17 juin, à Bordeaux, le Maréchal Pétain annonce aux Français dans un message radiodiffusé qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

En réaction à cette décision marquant la défaite de la France, les communistes bordelais diffusent un tract intitulé "Pour la défense de la liberté et de l'indépendance : Rassemblement".

Signé "Le Parti communiste français (SFIC)", ce tract a été rédigé entre le 17 juin (demande d'armistice) et le 22 juin 1940 (signature de l'armistice).

Un rapport du 14 juillet 1940 du ministère de l'Intérieur intitulé "Note sur les menées communistes" apporte les précisions suivantes quant à sa diffusion :

"La question des responsabilités, qui n'était qu'ébauchée dans les premiers tracts, est posée brutalement dans celui intitulé "Pour la Défense de la Liberté et de l'Indépendance : rassemblement !", qui circulait dans les usines de Bordeaux, dès le 21 juin." (1)

Sur le fond, le tract "Pour la défense de la liberté et de l'indépendance / Rassemblement" accuse le Gouvernement Pétain, représentant des oligarchies capitalistes, de négocier avec les Allemands une "paix fasciste".

Quelle est l'alternative à cette "paix fasciste" produit du "complot fasciste de la réaction" ? La Résistance ? Absolument pas puisque les communistes appellent encore une fois à la constitution d'un gouvernement communiste qui fasse appel à l'URSS "pour le rétablissement d'une Paix véritable dans le monde" (souligné deux fois dans le texte).
 
En conclusion, quand le Maréchal Pétain négocie avec Hitler, le résultat est une "paix fasciste", quand c'est le PCF avec le soutien de l'URSS,  l'issue est une "paix véritable".


22 juin 1940

● Signature de l'armistice franco-allemand

● Télégramme de l'IC signé par Georges Dimitrov et Maurice Thorez

"Nécessaire réaliser ralliement force du peuple sous forme différents comités assistance, ravitaillement aide pratique aux masses, chômeur réfugiés, blessés, démobilisés.
Déjouant les provocations et actions prématurées néanmoins indispensable soutenir et organiser résistance masses contre mesures violence, spoliations, arbitraire envers peuple de la part envahisseurs. Soulevez haine des masses contre Chiappe et tous les autres agents des envahisseurs.
Indispensable organiser travail correspondant parmi armée occupation et utilisation tout contact population civile avec soldats allemands pour les inciter à renoncer commettre actes de violence et leur faire comprendre que assujettissement peuple français est contraire véritables intérêts peuple allemand.
Indispensable reconstituer immédiatement syndicats introduisant dans directions maximum nos camarades. Obtenir avec concours masses libérations militants communistes et syndicaux emprisonnés et réintégration conseillers et maires communistes à leurs postes.
[...] Utilisez moindre possibilité favorable pour faire sortir journaux syndicaux, locaux, éventuellement l'Humanité en veillant que ces journaux restent sur ligne défense intérêts sociaux et nationaux peuple et ne donnent aucune impression solidarité avec envahisseur ou leur approbation. [...]
Au cas où membres du Parti, conseillers municipaux, responsables syndicaux ou responsables comité d'aide, travailleraient légalement ou semi-légalement, éviter tout ce qui pourrait donner impression solidarité avec envahisseurs."

(Télégramme de l'IC du 22 juin 1940 / B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, pp. 241-242)

Le 22 juin, à Moscou, l'Internationale communiste adopte une Directive (1) en relation avec sa section française autrement dit le Parti communiste français.

Cette Directive est envoyée le jour même à Eugen Fried dans un télégramme signé par Georges Dimitrov, secrétaire général de l'IC, et Maurice Thorez, secrétaire général du PCF.

Signalons que le texte du télégramme présente quelques différences de rédaction avec le texte de la Directive.
 
Représentant de l'IC auprès du PCF, Eugen Fried s'est installé à Bruxelles au mois de septembre 1939. Sa mission : organiser une antenne de l'IC dans la capitale belge en vue d'assurer le contrôle des tous les partis communistes d'Europe occidentale. Il transmettra les Instructions de Moscou à Jacques Duclos, secrétaire du PCF, qui assume à Paris la direction du Parti communiste clandestin.

Texte fondamental, la Directive du 22 juin 1940 définit l'action du Parti communiste dans une France défaite et occupée par les armées du IIIe Reich.

Cette Directive politique n'appelle pas le Parti communiste à combattre l'occupant allemand mais au contraire à tirer profit de sa présence pour reprendre une activité légale.

En effet, l'IC autorise explicitement le Parti communiste à négocier avec les Allemands sur les points suivants : reparution de sa presse et notamment de l'Humanité, libération de ses militants, reconnaissance de ses syndicats ainsi que de ses comités d'aide à la population et enfin rétablissement des municipalités communistes.

Elle vient ainsi confirmer les consignes orales qu'Eugen Fried a donné à Jacques Duclos le 15 juin 1940 concernant la légalisation de l'Humanité.

L'IC fixe une seule limite : ne pas "donner impression solidarité avec envahisseurs".

La pertinence de cette limite suppose de considérer qu'en elle-même une activité autorisée par les Allemands n'est pas un soutien aux envahisseurs.

Pour appuyer ce jugement, on citera... La Pensée Libre de février 1941 qui posera le principe suivant : "Aujourd'hui, en France, littérature légale veut dire : littérature de trahison".

Doit-on déduire de cette règle édictée par les intellectuels communistes que toute activité légale est une activité de trahison ?

La Directive du 22 juin 1940 recommande aussi aux militants communistes de fraterniser avec les soldats allemands afin de leur expliquer que tout acte de violence serait "contraire [aux] véritables intérêts [du] peuple allemand".

Jacques Duclos approuvera le contenu des instructions de l'IC dans son rapport du 3 juillet 1940 : "Nous venons de recevoir vos indications avec lesquelles nous sommes entièrement d'accord". (2)

Au vu de ces éléments, on peut affirmer qu'il existe un accord clair entre Jacques Duclos (direction parisienne du PCF), Maurice Thorez (direction moscovite du PCF) et Georges Dimitrov (secrétaire générale de l'IC) pour que le PCF engage des négociations avec les autorités allemandes.

Signalons que dans le but de tempérer et de minimiser la compromission du Parti communiste de l'été 1940, l'historiographie pro-communiste affirme, d'une part, que la direction parisienne du PCF était isolée autrement dit qu'elle n'avait pas de liaison avec l'IC et, d'autre part, que Moscou était opposé à toute négociation avec les Allemands autrement dit le secrétaire général du PCF ne porte aucune responsabilité dans cet épisode.

(1) Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes, Le PCF et l'Internationale de la guerre à l'effondrement de la France, n° 52-53, 1993, p. 186.
(2) Ibid. p. 209.

Complément

Pour les historiens pro-communistes, la Directive de l'IC du 22 juin 1940 appelle le Parti communiste à organiser la Résistance à l'occupation allemande.

Pour cela ils mettent en exergue la phrase suivante :

"Déjouant les provocations et actions prématurées néanmoins indispensable soutenir et organiser résistance masses contre mesures violence, spoliations, arbitraire envers peuple de la part envahisseurs."

Tout d'abord, on notera que l'envahisseur n'a ni nationalité, ni idéologie, ni chef.

Ensuite, l'IC recommande de résister aux envahisseurs dans l'hypothèse où ils commettraient des actes de violence à l'égard de la population.

Sur ce point particulier, on citera le rapport du 18 juillet 1940 dans lequel Jacques Duclos décrit le comportement bienveillant des soldats allemands qui gardent les prisonniers de guerre français : "Pour ce qui est des soldats allemands qui gardent les prisonniers ils sont « chics » et se conduisent humainement. Ces soldats s'efforcent de faciliter aux femmes qui vont voir soit un fils soit le mari soit un frère l'approche du camp et permettent de passer lettres et paquets « à la sauvette »." (1)

Ajoutons que dans le paragraphe suivant de sa Directive, l'IC prescrit aux militants communistes de fraterniser avec les soldats allemands dans le but de prévenir tout comportement violent :

"Indispensable organiser travail correspondant parmi armée occupation et utilisation tout contact population civile avec soldats allemands pour les inciter à renoncer commettre actes de violence et leur faire comprendre que assujettissement peuple français est contraire véritables intérêts peuple allemand."

Enfin, dans une lettre du 3 juillet 1940 adressée à Martha Desrumeaux, responsable de la région Nord-Pas-de-calais du PCF, Jacques Duclos formule plusieurs recommandations tirées de la Directive du 22 juin 1940 dont celle concernant la fraternisation avec les soldats allemands :

"De plus il faut recommander aux travailleurs le contact avec les soldats occupants de façon à établir des liens fraternels étant bien entendu que rien de ce qui opprime le peuple français ne sert le peuple allemand." (2)

Ainsi, non seulement la Directive du 22 juin 1940 n'appelle pas à la Résistance mais en plus elle encourage les militants communistes à fraterniser avec les soldats allemands !!!

Cette recommandation sera d'ailleurs réaffirmée dans la Directive du 19 juillet 1940 : "Organisation conversations amicales population civile, particulièrement femmes bien préparées, avec soldats occupants représente tâche capitale." (3)

(1) Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes, Le PCF et l'Internationale de la guerre à l'effondrement de la France, n° 52-53, 1993, p. 221.
(2) Ibid. p. 208.
(3) Ibid. p. 231.


24 juin 1940

● Article "Construire la Paix"

"L'armistice est signé.
Ah, certes nous serrons les poings à la pensée qu'une autre paix eut pu être conclue en Septembre-Octobre dernier comme la proposaient les Communistes. Mais à cette époque Daladier jugeait que les ordres de la Cité de Londres devaient être obéis.
Construire la Paix ! Voilà donc la tâche  urgente.
Nous savons bien, nous autres communistes, qu'il n'y aura de paix véritable que lorsque auront été extirpées les racines profondes de la guerre.
LA PAIX C'EST LE SOCIALISME.
Lutter pour la paix, c'est coordonner l'action des prolétaires de tous les pays dans la lutte pour la victoire du socialisme, de ce socialisme dont l'URSS offre au monde le resplendissant exemple. Tel est notre but.
Préparer cette paix implique que la France ait un gouvernement capable de comprendre et de traduire les aspirations populaires. La France de Juin 1940 ne possède pas un gouvernement. La réunion de quelques généraux battus, d'un Président de la Cour de Cassation, d'un Croix de Feu, d'un administrateur de la Banque d'Indochine, d'un obligé des rhumeries de la Martinique et d'un marchand de cycles n'exprime à aucun degré la volonté du peuple de France.
Les hommes de ce gouvernement n'ont remporté de victoire que sur le front de la répression policière. Ils représentent tout ce qui a causé la défaite du pays, tout ce avec quoi il faut rompre.
Pour négocier la paix, il faut pouvoir parler au nom du peuple. On ne parle pas au nom du peuple quand on tient en prison et dans les camps des milliers de militants du peuple. Seul, sera digne de négocier une paix équitable, le gouvernement qui rendra au prolétariat ses droits et sa liberté.
Assez de représailles anti-ouvrières. Liberté pour le monde du travail.
Assez d'anti-soviétisme imbécile, collaboration active avec le Pays des Soviets
Que disparaissent les fauteurs de guerre, les responsables du désastre, les valets de la Cité de Londres :
PLACE AU PEUPLE !

(L'Humanité n° 57 du 24 juin 1940)

Signé le 22 juin, l'armistice franco-allemand marque la défaite de la France.

Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix, cet armistice impose au pays vaincu l'occupation d'une zone couvrant les trois-cinquièmes de son territoire et comprenant sa capitale, le maintien en captivité de 1,5 millions prisonniers de guerre, la démobilisation et le désarmement de ses forces armées, et enfin le paiement d'une indemnité journalière pour les frais d'occupation dont le montant sera fixé quelques semaines tard à 400 millions francs, prélèvement massif et abusif relevant plus des réparations guerre que de l'entretien d'une armée d'occupation.

L'Humanité
clandestine n° 57 du 24 juin 1940 donne la position du Parti communiste sur cet événement majeur dans un article intitulé... "Construire la paix".

Dans ce texte approuvant l'armistice franco-allemand, l'Humanité affirme que seul le Parti communiste est en mesure de négocier avec Hitler "une paix véritable" ou encore une "paix équitable" car il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre et à pouvoir en outre bénéficier du soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne.

Ajoutons quatre remarques supplémentaires.

Tout d'abord, l'Humanité rappelle que les députés communistes ont été emprisonnés parce qu'ils avaient demandé l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens" dans une lettre remise au président de la Chambre quelques jours après la victoire des armées allemandes et soviétiques en Pologne.

Elle attribue l'échec de cette initiative pacifiste à la soumission du gouvernement français aux "ordres de la Cité de Londres".

Ensuite, formulé dans le but de prouver que les communistes sont des pacifistes de la première heure, ce rappel est aussi une dénonciation implicite du Maréchal Pétain qui est accusé par la propagande communiste de n'être qu'un belliciste dont l'engagement tardif en faveur de la Paix n'est qu'un opportunisme.

C'est d'ailleurs pour mettre en avant le bellicisme de ce dernier que le texte décrit le président du Conseil ainsi que les membres de son Gouvernement de Paix comme des "fauteurs de guerre" (impérialisme français) et des "valets de la Cité de Londres" (impérialisme anglais).

De plus, toujours dans le but de montrer que seul le projet pacifiste du Parti communiste est légitime, l'Humanité plaide pour une "paix équitable" ou encore une "paix véritable" par opposition à une paix inéquitable ou à une fausse paix négociée par le Maréchal Pétain.

Enfin, par son contenu, cet article est en totale conformité avec le projet défendu par les communistes depuis le début du conflit à savoir la Paix par la Révolution socialiste ("LA PAIX C'EST LE SOCIALISME").

● Ambassadeur à Moscou, Schulenburg informe Berlin du contenu d'un communiqué de presse de l'agence Tass

"L'information suivante a été publiée par Tass dans la presse soviétique du 23 juin, et diffusée précédemment à la radio le 22 juin :
« Dans le cadre de l'entrée des troupes soviétiques dans les pays baltes, des rumeurs ont récemment encore été propagées affirmant que 100 à 150 divisions ont été concentrées à la frontière lituano-allemande, que cette concentration des troupes soviétiques était due à l'insatisfaction de l'Union soviétique devant les succès de l'Allemagne à l'Ouest, et que cela révélait une détérioration des relations gemano-soviétiques, et était conçu pour exercer une pression sur l'Allemagne. Récemment, différentes versions de ces rumeurs ont été répétées presque tous les jours dans la presse américaine, japonaise, anglaise, française, turque et suédoise.
Tass est autorisé à déclarer que toutes ces rumeurs, dont l'absurdité est de toute façon évidente, ne correspondent en rien à la vérité. Dans les pays baltes il n'y a, en fait, ni 100, ni 150 divisions, mais, en tout, pas plus de 18 à 20 divisions, et ces divisions ne sont pas concentrées à la frontière lituano-allemande, mais dans différents districts des trois républiques baltes, et leur but n'est pas d'exercer une "pression" sur l'Allemagne, mais de fournir une garantie pour l'exécution des pactes d'assistance mutuelle entre l'URSS et ces pays.
Les cercles dirigeants soviétiques sont d'avis que la propagation de ces rumeurs absurdes vise en particulier à obscurcir les relations germano-soviétiques. Ces personnes, cependant, prennent leurs désirs secrets pour la réalité. Apparemment, ils sont incapables de saisir le fait évident que les relations de bon voisinage, résultant de la conclusion du pacte de non-agression entre l'URSS et l'Allemagne, ne peuvent pas être altérées par des rumeurs ou une insignifiante propagande empoisonnée, parce que ces relations ne sont pas fondées sur des motifs d'opportunisme, mais sur les intérêts fondamentaux de l'URSS et l'Allemagne »."

(Télégramme du Schulenburg n° 1212 du 24 juin 1940)

Le 24 juin, Schulenburg rend compte à Berlin d'un communiqué de presse de l'agence Tass diffusé le 22 juin et repris le lendemain dans les journaux.

Exprimant officieusemnt la position du gouvernement soviétique, ce communiqué dément non seulement dément les rumeurs propagées par la presse étrangères sur une dégradation des relations entre l'URSS et l'Allemagne mais en plus affirme que ces relations ne peuvent être altérées au motif qu'elles sont fondés sur "les intérêts fondamentaux" des deux pays.

Dans un second télégramme du 24 juin 1940 numéroté 1213, Schulenburg mentionne le communiqué l'agence Tass avec ce commentaire : "je déduis de la formulation du communiqué que Staline lui même est l'auteur".

Pour terminer on indiquera que dans son discours prononcé le 1er août 1940 devant le Soviet suprême, le Chef du gouvernement soviétique, Viatcheslav Molotov, qualifiera les relations entre l'URSS et l'Allemagne dans les mêmes termes que le communiqué du 22 juin : "à la base des relations amicales et de bon voisinage qui se sont établies entre l'URSS et l'Allemagne, se trouvent non seulement des éléments fortuits de conjoncture, mais des intérêts fondamentaux de l'Union soviétique comme de l'Allemagne".

● Signature de l'armistice franco-italien.


25 juin 1940

● Appel au "Peuple Paris"

"L'armistice est signé. Nos soldats ne se battent plus et, tandis qu'a cessé le bruit du canon, nos pensées vont à tous ceux qui sont restés sur les champs de bataille, aux mères, aux veuves, aux orphelins, aux mutilés, à toutes les pitoyables victimes de la guerre.
C'est en vain que les agents de l'impérialisme britannique essayent maintenant de persuader le Peuple de France qu'il doit poursuivre la guerre pour le compte des financiers de la Cité et, tandis que ces messieurs tentent d'étendre le feu de la guerre aux colonies, les communistes disent aux peuples coloniaux : "Mettez à profit les difficultés de vos oppresseurs pour briser vos chaînes, pour vous libérer, pour conquérir votre indépendance".  [...]
Le gouvernement que le pays attend et que les événements imposent, c'est un gouvernement populaire démocratique, s'appuyant sur le peuple, lui inspirant la confiance, lui donnant des raisons de travailler et d'espérer, un gouvernement de lutte contre la ploutocratie, composé d'hommes courageux, honnêtes, ayant donné des preuves de leur dévouement à la cause du peuple,un gouvernement décidé à maintenir la paix, un gouvernement décidé à poursuivre avec l'URSS, pays du socialisme, une politique d'amitié qui compléterait heureusement le pacte germano-soviétique et contribuerait à créer les conditions d'une paix juste et durable."

( Appel "Peuple de Paris !"du 25 juin 1940)

le 25 juin, soit trois jour après la signature de l'armistice franco-allemand, le Parti communiste lance un Appel au "Peuple de Paris !".

Dans ce tract, il condamne le Général de Gaulle et son appel à poursuivre le combat contre l'envahisseur allemand, célèbre l'action pacifiste des communistes pendant la guerre de 1939-1940 et enfin plaide pour la constitution d'un gouvernement communiste "décidé à maintenir la paix" avec l'Allemagne nazie.

Ce tract est le premier texte du Parti communiste faisant référence au Général de Gaulle et ce... pour le condamner.

● Entrée en vigueur des armistices franco-allemand et franco-italien

Le 25 juin, l'entrée en vigueur des armistices franco-allemand et franco-italien met fin aux hostilités entre la France et l'Allemagne d'une part, et la France et l'Italie d'autres part.

Désormais, les pacifistes, qu'ils soient pétainistes ou communistes, ont un objectif précis : signer un Traité de Paix avec Hitler et mettre un terme définitif à l'engagement de la France dans le conflit européen.

● Denise Ginollin et Maurice Tréand sont libérés à la suite d'une intervention d'Otto Abetz qui a été sollicitée par Me Robert Foissin, avocat de Maurice Tréand



26 juin 1940

● Début de la seconde négociation entre le PCF et les nazis

Dans une lettre rédigée le 26 juin 1940, soit quatre jours après la signature de l'armistice franco-allemand, le Parti communiste demande officiellement aux autorités allemandes :

1) "l'autorisation de publier l'Humanité",
2) la libération des "militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration" pour avoir défendu la Paix, 
3) le retour dans leurs fonctions électives des élus communistes déchus de leur mandat pour avoir "envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétique".

Ayant pour objet principal la demande de reparution de l'Humanité, cette lettre porte les signatures de deux membres du Comité central du PCF : Maurice Tréand et Jean Catelas.

Elle a été rédigée dans l'après-midi du 26 à la suite d'une réunion qui s'était tenue dans la matinée à l'ambassade d'Allemagne et au cours de laquelle les deux dirigeants communistes avaient rencontré Otto Abetz, le représentant de Hitler en France.

Cette rencontre a été la contrepartie communiste à l'intervention du diplomate allemand en faveur de la libération de Maurice Tréand et de trois de ses camarades qui avaient été arrêtés par la police française pour leur implication dans les négociations que le PCF avait menées avec le service de presse de la Kommandantur les 18, 19 et 20 juin 1940 dans le but d'obtenir l'autorisation de publier l'Humanité dont la diffusion avait été suspendue le 26 août 1939 en raison de son soutien au... Pacte germano-soviétique.

Elle a marqué le début de la deuxième négociation entre le PCF et les nazis. Encore une preuve de... la Résistance communiste.

Pour le représenter dans cette nouvelle négociation, le Parti a désigné Me Robert Foissin. En charge de la défense de ses camarades arrêtés par la police française les 20 et 21 juin, l'avocat communiste avait sollicité l'intervention d'Otto Abetz. Sa désignation a été la conséquence directe du succès de sa démarche. Fait significatif,  Robert Foissin est le conseiller juridique de l'ambassade de l'URSS et de la représentation commerciale soviétique à Paris. Initiative personnelle, à la mi-juillet, il exposera au Chargé d'affaires soviétique, alors de passage à Paris, le contenu de ses négociations avec les Allemands. Réaction positive du diplomate russe qui l'encouragera à les poursuivre. Evoquant des négociations politiques qui étaient hors du cadre fixé par l'IC, le compte rendu de Foissin suscitera la consternation à Moscou...

C'est dans ces circonstances que Robert Foissin se rend à l'ambassade d'Allemagne le 27 juin pour remettre à Otto Abetz la lettre de ses deux camarades.

Pour terminer on évoquera le contenu de ce document. Dans sa demande, le Parti communiste indique qu'en matière de politique étrangère la ligne éditoriale de l'Humanité sous censure allemande sera la suivante :
 
"L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre.
L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable".

Au vu de ce texte, l'Humanité légale combattra le Général de Gaulle, dénoncera l'impérialisme britannique, défendra la Paix avec l'Allemagne et enfin plaidera pour un magnifique symbole de collaboration entre la France de Thorez, l'Allemagne d'Hitler et la Russie de Staline : un pacte d'amité franco-soviétique qui sera le parfait complément du pacte germano-soviétique pour garantir la Paix sur le continent européen !!!

Identiques à ceux défendus dans l'Humanité clandestine, ces engagements politiques ne devraient pas heurter la censure allemande.



27 juin 1940

● Foissin remet à Abetz la lettre de ses deux camarades


28 juin 1940

Abetz transmet la demande des communistes au Commandement militaire de Paris

"Je vous envoie ci-joint la copie d'une lettre arrivée hier, dans laquelle trois représentants du Bureau central du parti communiste français exposent les motifs et le programme d'une reparution de l'Humanité et plaident pour la libération des communistes incarcérés par le gouvernement français ainsi que pour la réinstallation des fonctionnaires communistes déposés au début de la guerre. 
La lettre est de Maurice Tréand et Jean Catelas et a été apportée personnellement par Robert Foissin. [...]
Les trois personnes nommées ne m'ont pas donné l'impression que l'on pourrait les amener à s'écarter de leur doctrine.
Par contre elles paraissent susceptibles de nous rendre d'utiles services dans le cadre d'un accord clair pour remettre en marche l'économie française et rétablir une situation sociale plus saine. [...]
Foissin, Tréand et Catelas demandent une entrevue avec la personnalité compétente de l'Administration militaire."

(Lettre de Otto Abetz du 28 juin 1940 / Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, p. 288)

Le 28 juin, Abetz transmet la demande des communistes au Chef de l'Etat-Major administratif du Commandant militaire de Paris (1), le Dr Harald Turner.

Dans le courrier joint à cette lettre, le diplomate allemand résume les demandes du Parti communiste : reparution de l'Humanité, libération des militants communistes et retour dans leurs municipalités des élus communistes déchus de leurs mandats. Il met ensuite en évidence l'intérêt pour les autorités allemandes d'un accord avec les communistes : reprise de l'activité économique et garantie de la paix sociale. Enfin, il indique que les trois délégués du Parti communiste souhaitent rencontrer un responsable allemand afin de finaliser un accord.

(1) Chef des Verwaltungsstabesbeim Militärbefehlshaber Paris

● Foissin se rend à l'ambassade d'Allemagne pour connaitre la réponse des autorités allemandes. Abetz lui indique qu'aucune décision n'a encore été prise


30 juin 1940

● Rapport de Jacques Duclos adressé à l'IC

"En bref, la population parisienne n'aime pas les occupants, elles se sent profondément humiliée, mais cependant, et c'est très heureux, on voit se généraliser des attroupements d'ouvriers conversant avec des soldats allemands et les amenant "au bistrot du coin" pour parler plus à l'aise devant une tournée; les conversations de cet ordre roulent toujours sur le capitalisme, sur le socialisme, sur l'URSS pays du socialisme, sur les communistes et d'une manière générale les ouvriers parisiens ne sont pas à court d'arguments dans les discussions avec les soldats allemands. [...]

En tout cas la rupture entre le gouvernement Pétain et l’Angleterre s'élargit, un des pro-anglais de l’équipe ministérielle Paul Baudoin représentant du capital colonial a été obligé de parler publiquement contre l’Angleterre et le général de Gaulle au service des britanniques qui croyait pouvoir compter sur des gouverneurs de colonies, sur le général Mittelhauser de l'armée du Levant, voit ses efforts énergiquement contrecarrés par le gouvernement Pétain. [...]

Pour ce qui est de notre programme revendicatif voici où nous en sommes.

Politique intérieure
Libération de tous les défenseurs de la paix, communistes et autres, jetés en prison ou internés dans les camps de concentration pour avoir combattu la guerre. [...]

Politique Extérieure 
Maintien de l'armistice et répression énergique de toute action tendant à entraîner à nouveau le peuple français dans la guerre.
Soutien des peuples coloniaux dans la lutte pour leurs revendications et leur indépendance
Conclusion d'un pacte d'amitié avec l'URSS qui compléterait le pacte germano-soviétique et constituerait un important facteur de pacification européenne".


Le 30 juin, Jacques Duclos rédige à l'attention de l'IC un long et détaillé rapport, co-signé par Maurice Tréand, sur la situation de Paris ainsi que les activités légales et illégales du Parti communiste depuis sa prise de fonction le 15 juin 1940.

Dans l'extrait cité, le Chef du Parti communiste clandestin décrit des scènes de fraternisation entre "soldats allemands" et "ouvriers parisiens" avec ce commentaire : "c'est très heureux". Il mentionne ensuite le Général de Gaulle en indiquant qu'il est "au service des britanniques". Enfin, il ébauche un "programme revendicatif" dans lequel il demande notamment en politique intérieure la libération des "défenseurs de la paix", autrement dit des militants et élus communistes emprisonnés ou internés "pour avoir combattu la guerre", et formule en politique extérieure les revendications suivantes :

1) "maintien de l'armistice" franco-allemand du 22 juin 1940 et "répression énergique" de toute forme de Résistance,
2) indépendance des peuples coloniaux pour qu'ils ne soient pas engagés dans la guerre contre l'Allemagne,
3) pacte d'amitié avec l'URSS "qui compléterait le pacte germano-soviétique" et constituerait "un important facteur de pacification européenne".

La ligne politique défendue par le Parti communiste à partir de juin 1940 est claire et sans aucune ambiguïté :

- Le Parti communiste approuve l'armistice franco-allemand.
- Le Parti communiste condamne le Général de Gaulle parce que ce dernier appelle à poursuivre le combat contre l'Allemagne.
- Le Parti communiste appelle à l'indépendance des peuples coloniaux pour empêcher l'implantation de la France Libre du Général de Gaulle dans les territoires de l'Empire français.
- Le Parti communiste plaide pour la conclusion d'un Pacte franco-soviétique en précisant qu'il serait un complément au Pacte germano-soviétique et qu'il garantirait la Paix en Europe.

Ces éléments sont-ils caractéristiques de la Collaboration ou de la Résistance ?

Rappelons la réponse de l'historiographie officielle et celle de l'historiographie communiste. La première qualifie d'ambiguë ou d'attentiste la politique menée par le PCF entre juin 1940 et juin 1941. Quant à la seconde elle défend la thèse d'un PCF résistant dès juin 1940 (Propositions du 6 juin - Directive de l'IC du 22 juin - Appel de Charles Tillon) ou juillet 1940 (Appel au "Peuple de France !" signé par Duclos et Thorez).

● Parution du premier numéro de La France au Travail

Le 30 juin paraît le premier numéro de La France au Travail.

Financé par l'Ambassade d'Allemagne, dirigé par André Picard et destiné à la classe ouvrière, ce journal se caractérise par son contenu anticapitaliste et antisémite.

La parution de ce nouveau quotidien du matin aura des conséquences sur les négociations concernant l'Humanité. En effet les Allemands poseront une seconde condition pour autoriser un journal communiste : une parution le soir. Rappelons qu'à la rencontre du 26 juin, Otto Abetz avait expliqué aux communistes que l'Humanité ne pouvait être autorisée pour des raisons politiques et les avaient donc encouragé à changer de titre. Ces derniers ont jugés que le contenu de leur demande permettrait de lever ces obstacles.


## juin 1940

● A la fin de juin ou au début de juillet, sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais diffusent un "Appel au Peuple de France"

"Ils ont livré à HITLER et à MUSSOLINI : l’ESPAGNE, l'AUTRICHE, l’ALBANIE et la TCHECOSLOVAQUIE. [...]
ET MAINTENANT, ils LIVRENT LA FRANCE. [...]
Pour un gouvernement populaire s'appuyant sur les masses, libérant les travailleurs, rétablissant la légalité du PARTI COMMUNISTE, luttant contre le fascisme hitlérien et les 200 familles, s'entendant avec l'URSS pour une paix équitable, luttant pour l'indépendance nationale et prenant des mesures contre les organisations fascistes."

(R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 41)

A la fin de juin 1940 ou au début de juillet 1940, sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais diffusent un "Appel au Peuple de France".
 
Réaction à l'armistice franco-allemand signé le 22 juin, cet appel, comme leurs trois précédents tracts, plaide pour la constitution d'un  gouvernement communiste "s'entendant avec l'URSS pour une paix équitable".

A la lecture de l'extrait cité, on peut se poser la question suivante : y a-t-il une contradiction entre l'engagement de négocier avec Hitler "une paix équitable" dans le cadre du Pacte germano-soviétique, et celui de lutter contre le "fascisme hitlérien" ? La réponse est non. En effet, le "fascisme hitlérien" désigne... le Gouvernement Pétain et non l'envahisseur allemand.

On a vu, dans deux tracts pacifistes précédemment diffusés par les communistes bordelais, qu'ils appelaient à la formation d'un gouvernement "agissant contre le fascisme" dans le premier et qu'ils accusaient le Maréchal Pétain de négocier "une paix fasciste" et d'être l'incarnation du "complot fasciste de la réaction"dans le second.

Ajoutons une preuve supplémentaire : la brochure "Union du peuple pour libérer la France" d'août 1940. Dans cette publication, Charles Tillon décrit le Gouvernement Pétain en ces termes : "l'Ordre nouveau du gouvernement de la 5e colonne, c'est le fascisme hitlérien !" (1).

Dernier élément, dans la période postérieure à la guerre, de nombreux auteurs, dont Charles Tillon, affirmeront que les communistes sont entrés dans la Résistance dès l'été 1940. Leur preuve : un tract imprimé titré "Appel de Charles Tillon (17 juin 1940)".  Ce document est en réalité  une version falsifiée du tract ronéoté intitulé "Appel au Peuple de France". L'exemplaire unique de ce faux tract a été versé aux archives du Centre Jean Moulin de Bordeaux sans aucun contrôle quant à son authenticité.

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 48.