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Octobre 1940

3 octobre
➤ Vichy promulgue un statut des Juifs.

11 octobre
➤ Dans un Message aux Français exposant le contenu de sa Révolution nationale, le Maréchal Pétain indique que le nouveau régime "remettra en honneur le véritable nationalisme, celui qui, renonçant à se concentrer sur lui-même, se dépasse pour atteindre la collaboration internationale."

13 octobre
➤ Organe des Jeunesses communistes, l'Avant-Garde clandestine affirme que "la Jeunesse de France ne veut faire la guerre ni pour De Gaulle, ni pour les maîtres de Doriot, elle veut la Paix dans l'indépendance."

➤ Militant des Jeunesses communistes, Guy Môquet est arrêté par des policiers français pour infraction au décret de dissolution du PCF.

18 octobre
➤ Ordonnance allemande définissant l'entreprise juive et imposant une obligation de déclaration. Elle vient s'ajouter à celle du 27 septembre.

24 octobre
➤ Rencontre entre le Maréchal Pétain et le Chancelier Hitler à Montoire-sur-le-Loir.

25 octobre
➤ Dans un article titré "Misère - Esclavage - Trahison", l'Humanité clandestine pose la question suivante : "Ne serait-il pas juste, alors que tant de gens souffrent, d'exproprier les grands capitalistes aryens et juifs pour donner du pain et du travail à tous ? Elle répond sans hésitation : "Le peuple pense que ce serait juste, et il sait que les communistes le feraient s'ils étaient au pouvoir."

30 octobre
➤ Dans une allocution radiodiffusée consacrée à sa rencontre avec Hitler, le Maréchal Pétain déclare : "c'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen, que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration".

31 octobre
➤ Dans un article titré "A bas la diplomatie secrète", l'Humanité clandestine indique que "nous ne voulons pas que des soldats français se fassent tuer, ni pour de Gaulle, ni pour Doriot et Déat, car ce n'est pas en associant son destin à un des groupes impérialistes en guerre que la France pourra se sauver; elle ne se sauvera qu'en se débarrassant de l'odieux régime capitaliste".



3 octobre 1940

● Vichy promulgue un statut des Juifs


11 octobre 1940

● Message aux Français du Maréchal Pétain

"Le régime nouveau, s'il entend être national, doit se libérer de ces amitiés ou de ces inimitiés, dites traditionnelles, qui n'ont, en fait, cessé de se modifier à travers l'histoire pour le grand profit des émetteurs d'emprunts et des trafiquants d'armes. [...]
Il remettra en honneur le véritable nationalisme, celui qui, renonçant à se concentrer sur lui-même, se dépasse pour atteindre la collaboration internationale.
Cette collaboration, la France est prête à la rechercher dans tous les domaines, avec tous ses voisins. Elle sait d'ailleurs que, quelle que soit la carte politique d'Europe et du monde, le problème des rapports franco-allemands, si légèrement traité dans le passé, continuera de déterminer son avenir. Sans doute, l'Allemagne peut-elle, au lendemain de sa victoire sur nos armes, choisir entre une paix traditionnelle d'oppression et une paix toute nouvelle de collaboration.
A la misère, aux troubles, aux répressions et sans doute aux conflits que susciterait une nouvelle paix faite « à la manière du passé », l'Allemagne peut préférer une paix vivante pour le vainqueur, une paix génératrice de bien-être pour tous.
Le choix appartient d'abord au vainqueur.
Il dépend aussi du vaincu. Si toutes les voies nous sont fermées, nous saurons attendre et souffrir. Si un espoir, au contraire, se lève sur le monde, nous saurons dominer notre humiliation, nos deuils, nos ruines, en présence d'un vainqueur qui aura su dominer sa victoire, nous saurons dominer notre défaite
."

(Le Figaro du 11 octobre 1940)

A la fin de son allocution radiodiffusée le 9 octobre, le Maréchal Pétain annonce que les journaux publieront un Message dans lequel il exposera le contenu de sa Révolution nationale tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur.

Ce message est publié dans la presse du 11 octobre.

Concernant les relations avec l'Allemagne, le Maréchal Pétain plaide pour une "collaboration" avec le pays vainqueur.


13 octobre 1940

● Organe des Jeunesses communistes, l'Avant-Garde clandestine dénonce le Général de Gaulle au nom de la Paix avec Hitler (extrait 1)

"Et maintenant les Doriot, les Gitton et les De Gaulle voudraient nous faire recommencer la guerre au profit d'une des nations belligérantes.
Comme le disait Vaillant-Couturier Jeunesse de France, UNISSONS-NOUS POUR L'INDEPENDANCE DE LA FRANCE ET POUR LA PAIX."

(L'Avant-Garde n° 20 du 13 octobre 1940)

● Organe des Jeunesses communistes, l'Avant-Garde clandestine dénonce le Général de Gaulle au nom de la Paix avec Hitler (extrait 2)

"La Jeunesse de France ne veut faire la guerre ni pour De Gaulle, ni pour les maîtres de Doriot, elle veut la Paix dans l'indépendance."

(L'Avant-Garde n° 20 du 13 octobre 1940)

● Arrestation de Guy Môquet

Militant des Jeunesse communistes, Guy Môquet participe à la diffusion de la propagande pacifiste de son organisation.

Le 13 octobre, il est arrêté par des policiers français pour infraction au décret de dissolution du PCF du 26 septembre 1939.

Ce dernier n'a donc pas été arrêté pour une action contre l'occupant allemand mais pour avoir militer au sein d'une organisation interdite laquelle appelait les jeunes Français à se mobiliser pour la formation d'un Gouvernement de Paix communiste. (Voir le Complément).


Complément
sur la répression des communistes

On rappellera que pour la période allant de juillet 1940 (création du Régime de Vichy) à juin 1941 (invasion de l'URSS par les armées allemandes), le Maréchal Pétain et le Parti communiste ont partagé le même objectif en matière de politique extérieure : la Paix avec l'Allemagne nazie.

Ce qui les distinguait c'était la nature de la Révolution anti-républicaine qu'ils voulaient mettre en œuvre sur le plan intérieur. Pour Pétain, c'était la Révolution nationale, pour le Parti communiste, c'était la Révolution socialiste.

Conséquence de cette opposition, le Régime de Vichy a réprimé les communistes parce qu'ils voulaient instaurer un régime fondé sur la dictature du prolétariat. Quant au Parti communiste, il a combattu le Maréchal Pétain parce qu'il incarnait le capitalisme.

Dernier élément, la répression des communistes s'est fondée sur le décret de dissolution du PCF du 26 septembre 1939 qui prévoyait en cas d'infraction une peine maximale de 5 ans de prison. Ce fait est aussi la preuve que les communistes ont été poursuivis pour des actions qui n'avaient aucun lien avec l'occupant allemand. De nouvelles lois les visant expressément n'ont été introduites qu'après le 22 juin 1941 et leur entrée dans la Résistance.


18 octobre 1940

● Ordonnance allemande définissant l'entreprise juive et imposant une obligation de déclaration. Elle suit celle du 27 septembre



24 octobre 1940

● Rencontre entre le Maréchal Pétain et le Chancelier Hitler à Montoire-sur-le-Loir


25 octobre 1940

● Article "Misère - Esclavage - Trahison"

"Ne serait-il pas juste, alors que tant de gens souffrent, d'exproprier les grands capitalistes aryens et juifs pour donner du pain et du travail à tous ?
Le peuple pense que ce serait juste, et il sait que les communistes le feraient s'ils étaient au pouvoir."

(L'Humanité du n° 85 du 25 octobre 1940)

Le 27 septembre, les autorités allemandes signent une ordonnance organisant le recensement de tous les Juifs présents en zone occupée et stipulant que tout commerce, dont le propriétaire est Juif, devra être désigné comme "Entreprise juive" par une affiche spéciale en langues allemande et française. Le 3 octobre, Vichy promulgue un statut des Juifs. Le 18 octobre, nouvelle Ordonnance allemande imposant aux entreprises juives de se déclarer.

C'est dans ce contexte marqué par les première mesures antisémites que l'Humanité n° 85 du 25 octobre 1940 affirme que si les communistes "étaient au pouvoir" ils exproprieraient "les grands capitalistes aryens et juifs" pour lutter contre la misère.

Cette mesure permet de caractériser à la fois le projet du Parti communiste et son analyse de l'antisémitisme.

Sur le premier point, on rappellera que depuis le début du conflit le Parti communiste défend sur le plan extérieur la Paix avec l'Allemagne et sur le plan intérieur l'instauration d'un régime socialiste. Ce projet est résumé par la formule : la Paix par la Révolution socialiste.

Proposer l'expropriation des capitalistes n'est donc pas une surprise. On notera toutefois que l'Humanité clandestine utilise un vocabulaire emprunté aux nazis ("aryens") pour signifier que les capitalistes "juifs" seront aussi spoliés.

La définition de l'antisémitisme donnée par les communistes explique le contenu de cette mesure.

Ces derniers soutiennent que l'antisémitisme est une "invention" des capitalistes ayant pour finalité de diviser la classe ouvrière. Pour le combattre, il propose l'union de tous les prolétaires contre tous les capitalistes "sans distinction de race ou de religion".

Deux remarques sur cette analyse. Tout d'abord, elle délivre un brevet d'innocence au nazisme en matière d'antisémitisme. Ensuite, elle induit que les capitaliste juifs sont des antisémites.

Terminons en indiquant que la mesure proposée par les communistes n'est pas un acte isolé (Voir le Complément).


30 octobre 1940

● Allocution radiodiffusée du Maréchal Pétain

"J'ai rencontré, jeudi dernier, le chancelier du Reich. Cette rencontre a suscité des espérances et provoqué des inquiétudes.
Je vous dois à ce sujet quelques explications. [...]
Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J'en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement. [...]
C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration.
Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d'occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilités l'administration et le ravitaillement du territoire.
Cette collaboration doit être sincère. Elle doit être exclusive de toute pensée d'agression. Elle doit comporter un effort patient et confiant.
L'armistice, au demeurant, n'est pas la paix. La France est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis du vainqueur. Du moins reste-t-elle souveraine. Cette souveraineté lui impose de défendre son sol, d'éteindre les divergences de l'opinion, de réduire les dissidences de ses colonies.
Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi. C'est moi seul que l'Histoire jugera."

Le 30 juillet, dans une allocution radiodiffusée consacrée à sa rencontre avec Hitler, le Maréchal Pétain déclare : "C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen, que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration".

A défaut d'engagement précis sur le plan économique, diplomatique et militaire, cette collaboration marque la volonté du Maréchal Pétain d'entretenir de bonnes relations avec l'Allemagne et de ne plus la considérer comme l'ennemi héréditaire.

Ce dernier juge que par cette politique il pourra obtenir des Allemands des avancées conséquentes sur la question des prisonniers de guerre, des indemnités d'occupation et de la ligne de démarcation. Autre bénéfice attendu : l'ouverture rapide d'une négociation portant sur Traité de Paix et sa conclusion à des conditions favorables.

Dans un texte décembre 1940 intitulé "La Politique de Montoire-sur-loir", le Parti communiste dénoncera la politique du Maréchal Pétain comme un acte de soumission à l'impérialisme allemand.

A la Collaboration pétainiste, les communistes opposeront... "la vraie collaboration" que seul un Gouvernement communiste pourra mettre en œuvre au motif que seuls les communistes ont lutté contre la guerre et qu'ils bénéficient en outre du soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne.


31 octobre 1940

● Article "A bas la diplomatie secrète"

Deux jours après 1'annonce de 1'annexion de l'Alsace par l'Allemagne, sans la moindre consultation populaire, le maréchal Pétain a rencontré le Chancelier Hitler. [...]
Le principe d’une collaboration entre la France et l'Allemagne a été acceptée par Pétain et les détails de cette collaboration seront fixés par la suite.

Le peuple n'est tenu au courant de rien
Derrière le vieux maréchal qui, hier, complotait avec les cagoulards. et qui, aujourd'hui, est un des principaux profiteurs de la défaite, le sinistre Laval mène le jeu de la diplomatie secrète. Il négocie au nom de la France et le peuple n'est tenu au courant de rien. [...]
De même que des gouvernants criminels entraînèrent la France dans la guerre on cachant la vérité au peuple, de même des gouvernants non moins criminels veulent entraîner la France dans de redoutables aventures en lui cachant la vérité.

Pas de "sac au dos"
Depuis un certain temps, déjà, des hommes de Pétain-Laval, les Doriot, Gitton, Déat et autres traîtres mènent campagne pour l'entrée en guerre de la France aux côtés de 1’Allemagne et cette propagande inspirée, prend tout son sens avec 1'annonce de la collaboration franco-allemande.
Dans de telles conditions, la "collaboration" franco-allemande est grosse de dangers de guerre pour notre pays qui ne veut pas remettre "sac au dos".

Où veut-on en venir ?
Veut-on créer une situation qui aboutirait à entraîner dans la guerre les marins et les aviateurs français d'abord, et peut-être aussi les soldats par la suite ? Veut-on que la population française qui souffre déjà du fait que la France est utilisée comme base d'opérations militaires ait encore à souffrir davantage ?
Tels sont les problèmes posés et à cela, le Parti Communiste répond très nettement. De même que notre Parti s'est dressé contre la guerre impérialiste faite pour le compte de la finance anglaise, de même il se dresse contre l'entrée en guerre de la France pour le triomphe d'un soit-disant "nouvel ordre européen" qui serait la consécration de la vassalisation de la France.
Nous ne voulons pas que des soldats français se fassent tuer, ni pour de Gaulle, ni pour Doriot et Déat, car ce n'est pas en associant son destin à un des groupes impérialistes en guerre que la France pourra se sauver; elle ne se sauvera qu'en se débarrassant de l'odieux régime capitaliste.

Leur "nouvel ordre"
Les hommes de Vichy poussent la France à l'aventure et le peuple bâillonné est privé de toute liberté. Dans les deux zones, les prisons et les camps de concentration regorgent.
C'est un odieux régime intérieur pire que celui de Daladier et Mandel, pourtant bien abject, qui est imposé à notre pays sous prétexte de "nouvel ordre". C'est pour que les ploutocrates aient tous les droits et que les travailleurs soient traités en esclaves que le tandem Pétain-Laval voudrait lancer la France dans la guerre, mais le peuple ne veut pas remettre "sac au dos". Les Français savent qu'ils ont été roulés en tant que "soldats de la liberté" pour l'Angleterre; ils n'ont nulle envie d'être les "soldats du nouvel ordre européen" pour l'Allemagne.
Ce que la France espère et veut, ce n'est ni un gouvernement Pétain-Laval, ni un "conseil" de de Gaulle, mais un gouvernement du peuple seul capable d'être un gouvernement français parce que soustrait à toutes les influences capitalistes et impérialistes.
A bas la diplomatie secrète
A bas la guerre impérialiste
Vive la France libre et indépendante."

(L'Humanité n° 86 du 31 octobre 1940)

A la suite de sa rencontre avec le Chancelier Hitler le 24 octobre dans la ville de Montoire-sur-le-Loir, le Maréchal Pétain annonce dans un discours radiodiffusé le 30 octobre qu'il entre "dans la voie de la collaboration"

L'Humanité clandestine réagit dès le lendemain à cette annonce dans un article titré "A bas la diplomatie secrète".

Persuadé que le Maréchal Pétain s'est secrètement engagé à rependre les armes aux côtes de l'Allemagne, le journal communiste déclare que le Parti communiste s'oppose à cet engagement comme il s'est opposé à la guerre impérialiste "faite pour le compte de la finance anglaise" entre septembre 1939 et juin 1940. Autrement dit les Français, "qui ont été roulés en tant que "soldats de la liberté" pour l'Angleterre", n'ont aucune envie d'être "les "soldats du nouvel ordre européen" pour l'Allemagne". L'Humanité ajoute que le Parti communiste refuse que "des soldats français"se fassent tuer "pour de Gaulle" qui sert l'impérialisme anglais ou "pour Doriot et Déat", un ancien communiste et un ex-socialiste, qui servent l'impérialisme allemand. Enfin, elle plaide pour "un gouvernement du peuple", le seul capable "d'être un gouvernement français" car il ne sert aucun intérêt impérialiste étranger contrairement au "gouvernement Pétain-Laval" et au « "conseil" de de Gaulle » (référence au Conseil de la défense de l'Empire créé le 27 octobre 1940).

Dernier élément, ce numéro mentionne le Général de Gaulle. C'est une première depuis le n° 58 du 1 juillet 1940. On rappellera que les communistes l'ont dénoncé dès le 25 juin dans un Appel au Peuple de Paris et qu'en juillet ils ont cessé leurs attaques. Deux motifs expliquent ce silence. Tout d'abord, ils ont jugé que les Appels du Chef de la France Libre restaient sans échos dans la population et qu'ils n'étaient donc pas nécessaire de l'attaquer. Ensuite, des instructions de l'IC recommandant cette attitude pour ne pas apparaître comme solidaire de la propagande anglophobe et antigaulliste de Vichy.