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Janvier 1940

5 janvier
➤ Lettre de Jacques Duclos, secrétaire du PCF réfugié en Belgique, demandant à Benoît Frachon, responsable du Parti communiste clandestin, "d'orienter les ouvriers vers le sabotage des fabrications de guerre destinées à la Finlande".

9 janvier
➤ Rentrée du Parlement.

➤ Refus des députés communistes de s'associer à l'hommage que la Chambre rend aux armées de la République qui combattent les nazis.

11 janvier
➤ Réélu à la présidence de la Chambre des députés, Edouard Herriot, radical-socialiste, prononce un discours dénonçant toute tentative de division de l'unité nationale comme une "trahison".

➤ Conséquence des incidents du 9 janvier, le gouvernement dépose à la Chambre un projet de loi portant sur la déchéance des élus du PCF.

➤ Présidé par Léon Blum, le groupe des députés socialistes approuve ce projet de loi.

13 janvier
➤ Léon Blum écrit dans Le Populaire que les socialistes soutiendront le projet du gouvernement au motif que "Les communistes français qui n'ont pas rompu leur lien d'obédience vis-à-vis de la Troisième Internationale sont coupables et convaincus d'une triple trahison, envers la France, envers la République, envers la classe ouvrière et le socialisme."

14 janvier
➤ Dans une résolution adoptée à l'unanimité, le Conseil national de la CGT déclare :

"Le C. C. N. considère que le bureau et la commission administrative de la C.G.T. ont eu raison de dénoncer le pacte germano-russe et la responsabilité de Staline et de Hitler comme générateurs de guerre. [...]
Le C. C. N. approuve les déclarations et les actes de la majorité de son bureau et de sa commission administrative par lesquels il a été mis fin à la collaboration avec ceux qui n'ont pas voulu ou pas pu condamner le pacte germano-russe et les agressions russes."

18 janvier
➤ Le Parti communiste lance un appel aux "Femmes et mères de France" dans lequel il affirme que "c'est pour la défense des coffres-forts franco-anglais que vos maris et vos fils se font tuer".

L'Humanité clandestine accuse le Gouvernement Daladier d'organiser avec le soutien des socialistes la paupérisation de la population ouvrière.

L'Humanité clandestine dénonce le Gouvernement Daladier pour son aide à la Finlande.

20 janvier
➤ Promulgation de la loi prononçant la déchéance des élus communistes qui n'ont pas rompu avec le PCF.

26 janvier
➤ Dirigeant communiste réfugié à Moscou, secrétaire de l'IC, André Marty est condamné à cinq ans de prison pour avoir enfreint le décret de dissolution du PCF en publiant en octobre 1939 une "Lettre ouverte d'André Marty à Monsieur Léon Blum".

27 janvier
➤ André Marty est déchu de la nationalité française au motif qu'il "s'est comporté comme le ressortissant d'une puissance étrangère".

29 janvier
➤ Le président du Conseil, Edouard Daladier, prononce une allocution radiodiffusée dans laquelle il dénonce le projet totalitaire de l'Allemagne nazie, rend hommage aux armées françaises, demande à la France de l'arrière de contribuer à l'effort de guerre par son travail, justifie la répression de la propagande hitléro-communiste et enfin évoque avec assurance la victoire de la France.


30 janvier
➤ Au cours d'une cérémonie organisée au Palais des Sports à Berlin à l'occasion du septième anniversaire de la prise du pouvoir par les nazis, Adolf Hitler prononce un discours radiodiffusé dans lequel il ne dénonce pas le bolchévisme comme les années précédentes mais au contraire célèbre la solidité des relations germano-soviétiques qui sont à la fois pacifiques et amicales :

"Pendant des siècles, l’Allemagne et la Russie ont vécu côte à côte dans l’amitié et la paix. Pourquoi cela ne serait-il pas possible à l’avenir ? Je crois que c'est possible puisque les deux peuples le désirent ! Toute tentative des ploutocraties britannique et française de susciter une nouvelle confrontation entre nous échouera parce que nous saurons reconnaître leurs véritables intentions."

31 janvier
➤ Le gouvernement engage la procédure de déchéance des parlementaires communistes.

## janvier
➤ Fondement théorique de la ligne du PCF, l'article "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste" montre que la guerre contre l'Allemagne nazie est une "guerre impérialiste" et que sa cause n'est pas le nazisme mais "le capitalisme". Sur la base de cette analyse il définit les mots d'ordre qui guident l'action des communistes : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate" et "Notre ennemi est chez nous".



5 janvier 1940

● Lettre de Jacques Duclos, secrétaire du PCF réfugié en Belgique, demandant à Benoît Frachon, responsable du Parti communiste clandestin, "d'orienter les ouvriers vers le sabotage des fabrications de guerre destinées à la Finlande"

"Nous vous faisons parvenir ci-joint deux projets de tracts qui pourraient être édités à la ronéo, bien entendu après mise au point éventuelle de votre part.
I°- L'un a trait aux fournitures d'armes et de matériel de guerre aux fascistes d'Helsinki, fournitures annoncées par Daladier tant à la Chambre que dans son télégramme au secrétaire général de la SDN. Il nous semble qu'en présence de ces faits le moment est venu pour nous d'orienter les ouvriers vers le sabotage des fabrications de guerre destinées à la Finlande et d'attirer leur attention sur l'utilisation anti-soviétique du matériel de guerre fabriqué en France".

(Conservée dans les archives de l'IC, la transcription dactylographique de la lettre manuscrite de Jacques Duclos du 5 janvier 1940 (Site Pandor))

Le 30 novembre 1939, dans le cadre du Pacte germano-soviétique, l'URSS, pays de 193 millions d'habitants après... l'annexion de la partie orientale de la Pologne, attaquait la Finlande et ses 3,5 millions d'habitants en invoquant un incident de frontière qui s'était produit quatre jours plus tôt et... qu'elle avait elle même organisé.

A la fin du mois de décembre, se conformant à la résolution de la Société des Nations excluant l'Union soviétique et appelant ses membres à soutenir les Finlandais, la France a pris la décision de livrer des armes au gouvernement d'Helsinki.

A la suite de cette décision, le Parti communiste, dont l'activité était interdite en raison de sa mobilisation en faveur de Paix avec l'Allemagne, s'est engagé dans la voie du défaitisme révolutionnaire en appelant au sabotage des fabrications de guerre.

Cette campagne de sabotage a été déclenchée par une lettre du 5 janvier 1940 dans laquelle Jacques Duclos, secrétaire du PCF réfugié en Belgique, demandait à Benoît Frachon, responsable du Parti communiste clandestin, "d'orienter les ouvriers vers le sabotage des fabrications de guerre destinées à la Finlande".

Ce dernier a répondu favorablement aux instructions de Jacques Duclos dans une lettre du 16 janvier 1940 :

"Nous avons eu votre mot du 5 le 13. [...]
Finlande. D'accord avec propositions, avons fait plusieurs tracts, mais sans poser problèmes précis que vous proposez." (1)

Conformément à cette nouvelle orientation, le Parti communiste a publié au moins trois tracts dans lesquels il encourageait les ouvriers des usines travaillant pour la défense nationale à détruire les matériels qu'ils fabriquaient :

1) Tract "Daladier Chamberlain Mussolini Franco et Pie XII" diffusé à la fin de janvier ou au début de février 1940 :

"Ouvriers, ne soyez pas complices de vos pires ennemis qui combattent dans l'Union Soviétique le triomphe du socialisme sur un sixième du globe par tous les moyens appropriés, en mettant en œuvre toute vos ressources d'intelligence et toutes vos connaissances techniques, empêchez, retardez, rendez inutilisables les fabrications de guerre; contrecarrez ainsi l'action des gouvernants français qui aident les fascistes finlandais, et se préparent, dans le Proche-Orient, à attaquer l'Union Soviétique parce qu'elle est le pays du socialisme.

2) Appel au "Peuple de France !" de février 1940 :

"Vous qui travaillez dans les fabrications de guerre, n'oubliez pas que votre devoir est de faire échec aux plans des interventionnistes antisoviétiques qui envoyent du matériel de guerre aux fascistes finlandais; mettez tout en œuvre pour retarder, empêcher, rendre inutilisables les fabrications de guerre".

3) Tract "Pas un homme, Pas un sou, Pas une arme, pour les Fascistes Finlandais" diffusé  à la fin de février 1940 :

"Ouvriers qui travaillez dans les usines de guerre, mettez tout en œuvre pour empêcher l'envoi de matériel de guerre en Finlande et pour rendre ce matériel inutilisable". (2)

On notera que dans ces trois tracts les Finlandais étaient qualifiés de "fascistes". Leur crime : défendre leur pays contre une tentative d'annexion soviétique.
 
Après la signature le 12 mars 1940 d'un Traité de paix entre l'URSS et la Finlande, la direction du PCF n'a plus considéré la destruction des matériels de guerre comme l'une de ses priorités. Elle a même été jusqu'à nier la réalité des appels au sabotage précédemment diffusés. Ainsi, à ceux qui accusaient les communistes de saboter la défense nationale dans les usines, l'Humanité n° 34 du 27 mars 1940 a répondu :

"Eh bien non ! on ne réussira pas à faire croire que notre Parti, fidèle à l'enseignement de Lénine, partisan de l'action de masse, allant de la pétition, de la manifestation et la grève jusqu'à la levée révolutionnaire du peuple, soit subitement devenu partisan de l'action individuelle, de l'attentat." (3)
 
Soutien à l'effort de guerre soviétique dans sa tentative d'annexion de la Finlande, les sabotages communistes ont aussi été un moyen de mettre fin à la guerre en privant l'armée française de matériels en état de marche.

Illustration de ce fait, les sabotages de moteurs d'avions qui ont été commis à l'usine Farman de Boulogne-Billancourt et pour lesquels quatre militants communistes ont été condamnés à la peine de mort en mai 1940.

La police a retrouvé chez le principal accusé - Roger Rambaud - des tracts recopiés de sa main qui permettaient d'expliquer sans aucune équivoque les raisons de son acte :

"Courage on les aura ! Confiance camarade, le parti communiste vivra toujours. Pas de canon, pas d'avion et la guerre finira. Paix immédiate. Le Parti Communiste français. " (4)

L'article 76 alinéa 2 du code pénal stipulait que serait coupable de trahison et puni de mort tout Français qui détruirait ou dégraderait tout matériel susceptible d'être employé pour la défense nationale. L'article 77 précisait que "la provocation à commettre" un des crimes visés à l'article 76 serait punie comme le crime même. L'appel au sabotage était donc aussi puni de la peine de mort.

Traître à la fois par ses appels au sabotage et par les actes qui les ont suivis, le Parti communiste a même tenté d'être récompensé par les Allemands pour sa trahison au cours d'une négociation qui s'est tenue les 18, 19 et 20 juin 1940 avec pour unique objet la reparution de l'Humanité dont la publication avait été suspendue le 26 août 1939 en raison de son soutien... au Pacte germano-soviétique.

Le 20 juin 1940, une militante communiste, Denise Ginollin, s'est rendue au service de presse de la Kommandantur pour un nouvel entretien avec un officier allemand, le lieutenant Weber.

La veille, elle avait préparé avec Maurice Tréand, n° 2 du Parti communiste clandestin, un argumentaire dans lequel on pouvait notamment lire :

"2) Sommes communistes avons appliqué ligne PC sous Dal [Daladier] Ray [Reynaud] juif Mandel
Juif M [Mandel] après Dal [Daladier] nous a emprisonnés. Fusillé des ouvriers qui sabotaient défense nat [nationale]
Sommes PC français pas eu peur
3) pas cédé face dictature juif M [Mandel] et du défenseur des intérêts capitalistes anglais Raynaud [Reynaud]". (5)

Dernier élément, dans son discours prononcé le 18 juillet 1946 à la 2e Assemblée nationale constituante, l'ancien président du Conseil, Edouard Daladier, a été le premier, après la Libération, à dénoncer publiquement les sabotages que les communistes avaient commis pendant la guerre de 1939-1940 et que d'aucuns voulaient oublier en raison de leur participation à la Résistance après juin 1941 :

"Mais il y a eu aussi des sabotages. Il y a eu le sabotage des moteurs d'avions aux usines Farman, à Boulogne-Billancourt, dans des conditions vraiment affreuses. [...]

Il y a eu un certain nombre de sabotages dans les poudreries, notamment à la poudrerie de Sorgues, où l'ingénieur Muret les a relevés. Il y a eu des sabotages dans les casemates de la région fortifiée de Boulay, des sabotages de fusées d'obus et de balles anti-tank en pleine bataille de France." (6)

(1) Cahiers d'histoire de l'IRM n° 52-53, 1993, pp. 54-56 (Site Pandor) / Lettre manuscrite de Benoit Frachon du 16 janvier 1940 (Site Pandor) / Transcription dactylographique de cette lettre (Site Pandor).
(2) Exemplaire conservé dans les archives de l'IC (Site Pandor).
(3) Stéphane Courtois, le PCF dans la guerre, 1980, p. 102.
(4)  Sébastien Albertelli, Histoire du sabotage, 2016.
(5) Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, Juin 40, la négociation secrète,  2006 p. 10.
(6) Journal officiel du 19 juillet 1946 p. 2683.



9 janvier 1940

● Rentrée du Parlement.

L'article 1er de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics stipule que le Sénat et la Chambre des députés doivent se réunir chaque année le deuxième mardi de janvier.

Conformément à cette disposition, c'est le mardi 9 janvier 1940 que s'ouvrent pour la nouvelle année les sessions ordinaires du Sénat et de la Chambres des députés.

● Refus des députés communistes de s'associer à l'hommage que la Chambre rend aux armées de la République qui combattent les nazis

A la séance du 9 janvier 1940, la première de l'année, le président de la Chambre prononce une allocution dans laquelle il rend hommage aux armées de la République.

Cet hommage suscite les applaudissements enthousiastes de la représentation nationale à l'exception de quatre députés communistes permissionnaires - Fernand Grenier, Raymond Guyot, André Mercier et Charles Michels - qui entendent ainsi manifester publiquement et avec éclat l'opposition du Parti communiste à la guerre contre l'Allemagne d'Hitler.

La Chambre condamne immédiatement cette attitude en votant à main levée une peine de censure avec exclusion temporaire.

A l'opposé de cette réaction, le Parti communiste célébrera le comportement de ses parlementaires en leur adressant dans l'Humanité n° 19 du 14 janvier 1940 des "chaleureuses félicitations" pour avoir "refusé de s'associer aux manifestations chauvines et d'Union Sacrée des fauteurs de guerre" et ainsi "exprimé le sentiment des ouvriers, des paysans et des soldats qui condamnent la guerre des capitalistes et réclament la paix".

Dans ce même numéro, l'Humanité les félicitera d'avoir "refusé de se prêter à l'indigne comédie d'union sacrée".

Dernier élément, après les incidents provoqués par Florimond Bonte à la séance du 30 novembre 1939, cette nouvelle manifestation communiste en faveur de la Paix avec les nazis au sein même du Parlement aura une conséquence majeure : le vote de la loi du 20 janvier 1940 prononçant la déchéance de tous les élus communistes qui n'ont pas rompu avec le PCF.


11 janvier 1940

 Réélu à la présidence de la Chambre des députés, Edouard Herriot, radical-socialiste, prononce un discours


"Mes chers collègues, voici quatre mois que notre pays est soumis à la plus cruelle, à la plus imméritée des épreuves. [...] En quelques mois, par une succession d'attentats unique dans l'histoire, l'Autriche, le pays des Sudètes, la Slovaquie, la Bohème et la Moravie, la Pologne succombent, sous les coups de l'hitlérisme d'abord, puis d'une monstrueuse coalition. (Vifs applaudissements unanimes.) Ce sont tous les peuples libres que l'on entend mettre à la chaîne comme on veut subjuguer tous les neutres aujourd'hui. Avec une audace qu'en d'autres moments l'on dirait comique, deux dictateurs nous accusent d'impérialisme dans le temps même où ils essaient de chausser les vieilles bottes de Frédéric II ou de Pierre le Grand. (Applaudissements.) Après avoir usé toutes les ressources de la patience, après avoir courageusement sacrifié tous les prétendus prestiges de l'amour-propre à une volonté passionnée de défendre les vies humaines, la France et la Grande-Bretagne ont dû se dresser. Pour défendre quoi ? Avec les premiers ministres de France et de Grande- Bretagne, c'est M. le président Roosevelt qui répond par son message du 3 janvier dernier. Pour défendre la liberté, les droits de la conscience, la loi morale. Pour défendre « la démocratie comme la meilleure forme de gouvernement créée jusqu'ici par l'humanité ». (Vifs applaudissements.)
Messieurs, nous avons déjà bien des sujets de réconfort. Loin dans le Nord, une petite nation se bat, avec un héroïsme dont le monde s'émerveille, contre un régime qui prétend écraser les peuples faibles et achever les pays blessés. (Vifs applaudissements unanimes et répétés. - Sur tous les bancs, MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.) [...]
Nous avons entendu l'appel de la Chambre finlandaise, cette pathétique déclaration d'un Etat fier qui, fort de son absolue innocence, entend protéger contre le crime sa liberté, son indépendance, son honneur. N'en doutons pas : la Finlande ne représente pas seulement la position avancée de la civilisation occidentale. Sa victoire, pure comme la neige de son sol, représente un premier triomphe de l'esprit sur la matière, (Vifs applaudissements répétés), des valeurs humaines sur la brutalité. (Nouveaux applaudissements.) Comme l'ont déjà déclaré les Gouvernements français et anglais, notre devoir, l'intérêt même de notre cause nous commandent de lui apporter toute l'aide en notre pouvoir. (Nouveaux applaudissements unanimes.) [...]
Ce qui m'apparaît comme le plus important, mes chers collègues, c'est que rien ne vienne troubler l'indispensable union des Français. Nos ennemis doivent savoir que nous avons compris leur tactique. Elle est, avant d'attaquer ou en attaquant, de dissocier. On cherche, à l'intérieur des pays que l'on menace, des agents. C'est la méthode employée pour l'Autriche, pour les Sudètes, pour la Slovaquie, pour la Bohême, pour Dantzig, pour la Finlande. On utilise les formes les plus diverses ; on cherche à pénétrer dans les milieux les plus variés. (Applaudissements.) Nous entendons fermer notre pays à toutes les formes de la propagande ennemie, c'est-à-dire de la trahison. (Vils applaudissements sur tous les bancs.) La première République nous a donné, sur ce sujet, des préceptes et des exemples, voire assez rudes. (Très bien ! très bien !) En temps de guerre, tout gouvernement est un gouvernement de salut public. (Nouveaux applaudissements unanimes.)".

(Journal officiel du 12 janvier 1940)

A la séance de rentrée du 9 janvier 1940, la Chambre se consacre à l'élection de son Bureau pour l'année 1940 qui comprend 1 président, 6 vice-présidents, 12 secrétaires et 3 questeurs.

Radical-socialiste, Edouard Herriot est réélu à la présidence de la Chambre des députés.

A la séance du 11 janvier, la deuxième de l'année, il prononce son premier discours dans lequel il dénonce la collusion d''Hitler et de Staline ("deux dictateurs"), rappelle que la France se bat pour "la liberté, les droits de la conscience, la loi morale", soutient l'aide apportée à la Finlande dans sa lutte contre l'envahisseur soviétique et enfin, visant les communistes, dénonce toute tentative de division de l'unité nationale comme une "trahison".

● Dépôt à la Chambre d'un projet de loi portant sur la déchéance des élus du PCF

A la séance de la Chambre du 11 janvier 1940, la deuxième de l'année, le président Herriot annonce à la représentation nationale que le vice-président du Conseil, Camille Chautemps, lui a transmis "un projet de loi prononçant la déchéance de certains élus ayant appartenu aux organisations dissoutes par le décret du 26 septembre 1939". (1)

Ce projet de loi prononce la déchéance de tous les élus communistes qui n'ont pas rompu avec le PCF à la date du 9 janvier 1940, soit le jour de la séance de rentrée de la Chambre où se sont produits les incidents qui motivent cette initiative du gouvernement. N'étant subordonnée à aucune condamnation pénale cette déchéance sera donc immédiate et consécutive au vote de la loi. Par ce fait, le projet gouvernemental déroge au principe posé par l'article 23 du décret organique du 28 février 1852 stipulant que sera déchu de sa qualité tout député qui, pendant la durée de son mandat, aura été frappé d'une condamnation emportant privation du droit d'être élu.

Après un court débat, la Chambre confie l'examen du texte à la commission du suffrage universel et fixe la date de discussion en séance plénière au mardi 16 janvier.


● Présidé par Léon Blum, le groupe des députés socialistes approuve le projet de loi portant sur la déchéance des élus du PCF

Après la séance de la Chambre, le groupe SFIO se réunit sous la présidence de Léon Blum pour définir sa position sur la déchéance des élus communistes.

Il se prononce en faveur du projet gouvernemental par 69 voix contre 38 qui se sont portées sur la proposition présentée par Vincent Auriol avec le soutien de Léon Blum.

Cette proposition tendait à déférer à l'autorité judiciaire "tout membre d'une assemblée élective convaincu de demeurer affilié à un parti ou un groupement relevant d'un gouvernement étranger" (1). Le jugement devant intervenir dans le délai d'un mois entraînait obligatoirement, en cas de condamnation, la déchéance.

La motion minoritaire visait à la fois les élus staliniens et ceux qui pourraient être accusés de servir Hitler. En outre, elle subordonnait la déchéance de ces élus à une condamnation pénale.

(1) L'Œuvre du 12 janvier 1940.


13 janvier 1940

● Article de Léon Blum sur la réunion du groupe parlementaire approuvant le projet de déchéance des élus communistes

"Hors les cas d'indignité personnelle prévus par la loi, disions-nous, le Parlement n'a pas le droit de prononcer la déchéance de ses membres. Ils ne sont pas choisis par lui; ils le sont encore moins par le gouvernement; ils sont élus par le suffrage universel, dont la souveraineté, et par conséquent l'inviolabilité sont la règle fondamentale de toute démocratie. La déchéance est une peine; cette peine allait être prononcée sans jugement, sans débat contradictoire, sans défense possible, comme conséquence automatique d'une dissolution décrétée par le gouvernement. C'était là une atteinte bien redoutable aux principes républicains, un précédent bien grave et dont nul ne pouvait mesurer l'application et l'extension possibles. Une fois les règles tutélaires de la démocratie renversées, qui-pourrait se juger à l'abri ?
L'ordre du jour rédigé par Vincent Auriol — et que, pour ma part, j'ai voté — opposait donc au donc au système gouvernemental la mise en jugement immédiate des élus ex-communistes, soit devant les tribunaux ordinaires, soit devant la Haute-Cour, la déchéance des fonctions électives prononcée individuellement par le juge, en cas de condamnation, et, en attendant la sentence, une suspension provisoire de ces fonctions.
La majorité du groupe s'est au contraire, ralliée à l'idée maîtresse du projet gouvernemental. Elle ne contestait pas la justesse des objections ou la légitimité des scrupules; elle en contestait la pertinence.
Trois considérations, à ses yeux, limitaient et commandaient le débat. La France est en guerre. Le communisme international est directement responsable de la guerre, qui n'aurait pas éclaté si Staline l'avait voulu. Les communistes français qui n'ont pas rompu leur lien d'obédience vis-à-vis de la Troisième Internationale sont coupables et convaincus d'une triple trahison, envers la France, envers la République, envers la classe ouvrière et le socialisme.
Le Parlement, délégataire de la souveraineté nationale, possède la plus haute qualité pour, juger et réprimer un tel crime, et notre camarade Izard rappelait à cet égard les formules de Saint-Just, affirmant la compétence de la Convention pour juger Louis XVI. En l'espèce, il ne s'agit pas de frapper un parti politique, il s'agit encore moins de se débarrasser d'adversaires politiques. Nous sommes en présence de traîtres à la nation, que la nation elle-même rejette des assemblés qui la représentent. C'est cette opinion, toute pénétrée du sentiment de « la patrie en danger », et que beaucoup de nos camarades ont exprimée avec une véritable grandeur révolutionnaire, qui a prévalu."

(Le Populaire du 13 janvier 1940)

Note : l'année 1940 du Populaire n'est pas reproduite sur le site Gallica....

Solidaire de la motion adoptée par la majorité du groupe parlementaire, Léon Blum indique que les socialistes soutiendront le projet du gouvernement au motif que "Les communistes français qui n'ont pas rompu leur lien d'obédience vis-à-vis de la Troisième Internationale sont coupables et convaincus d'une triple trahison, envers la France, envers la République, envers la classe ouvrière et le socialisme."


14 janvier 1940

● Résolution du Conseil national de la CGT

"Le Comité national confédéral,
Appelé à connaître des événements qui ont illustré la vie syndicale depuis la signature du pacte germano-soviétique;
Rappelle la doctrine constante de la C.G.T. et réaffirmée, depuis la réalisation de l'unité, par tous les Comités nationaux et par le Congrès de Nantes, doctrine selon laquelle la C.G.T. a constamment condamné tout recours à la violence pour régler les litiges internationaux et toujours soutenu l'idée de l'organisation de la paix par le jeu de la sécurité collective jouant en faveur de tout pays victime d'une agression, ce qui l'a conduite à condamner le régime hitlérien fauteur d'agression caractérisée contre l'Autriche, la Tchécoslovaquie et le territoire de Memel, et à approuver et soutenir la réalisation d'une entente défensive des divers pays pacifistes, dont l'U.R.S S. se flattait d'être, en vue de sauvegarder la paix;
Il rappelle de même les règles fondamentales arrêtées à Toulouse et renouvelées à Nantes sur la nécessaire indépendance du mouvement syndical.
Ces rappels faits, le C.C.N. déclare :
Que la signature du pacte germano-soviétique a rompu le Front de la Paix, consacré l'accord de l'U.R.S.S. avec l'hitlérisme agresseur, permis la nouvelle agression hitlérienne contre la Pologne et déterminé le déclenchement de la guerre européenne;
Que l'entrée en Pologne des troupes soviétiques constitue une agression caractérisée justiciable de la même flétrissure que les agressions hitlériennes;
Que l'asservissement des pays baltes aux intérêts soviétiques, et enfin l'agression particulièrement lâche de l'U.R.S.S. contre la Finlande sont venus jeter un jour particulièrement sinistre sur le néo-impérialisme belliqueux des Soviets;
Le C.C.N. considère que le bureau et la commission administrative de la C.G.T. ont eu raison de dénoncer le pacte germano-russe et la responsabilité de Staline et de Hitler comme générateurs de guerre.
Observant enfin que le fait, pour des militants responsables de la C.G.T., d'approuver le pacte précité et l'invasion de la Pologne par les armées russes comportait, en premier lieu, un manquement radical à la discipline syndicale quant aux décisions prises, en second lieu, la preuve irréfutable d'une subordination totale, d'une part, à un parti politique et, d'autre part, à un gouvernement étranger.
Le C.C.N. approuve les déclarations et les actes de la majorité de son bureau et de sa commission administrative par lesquels il a été mis fin à la collaboration avec ceux qui n'ont pas voulu ou pas pu condamner le pacte germano-russe et les agressions russes.
Il déclare, en conséquence, mettre fin statutairement au mandat qu'il avait confié à tous ceux qui, membres du bureau confédéral ou de la commission administrative, se sont rendus coupables de ces faits.
Le C.C.N. charge le bureau et la C.A. de veiller jalousement à l'observation, par tous, de l'indépendance syndicale."

(Le Peuple du 18 janvier 1940)

Le 14 janvier, le Conseil national de la CGT se réunit pour la première fois depuis le début du conflit.

Il adopte trois résolutions portant respectivement sur la guerre, le pacte germano-soviétique et les conditions de travail.

Dans le second texte, il approuve les déclarations de la Commission administrative et du Bureau confédéral condamnant le Pacte germano-soviétique, dénonçant l'agression soviétique contre la Pologne et excluant de la CGT les communistes solidaires de Moscou.


18 janvier 1940

● Appel du PCF aux "Femmes et mères de France"

"Le gouvernement Daladier-la-guerre et Paul Reynaud vie-chère veut masquer les desseins impérialistes de cette guerre en disant que c'est une guerre pour la liberté. Allons donc ! De qui se moque le gouvernement.
Les femmes et les mères de France ont déjà entendu cette fable lorsqu'en 1914, partaient leurs maris et leurs fils. Résultat : 4.5000.000 victimes dont 1.500.000 morts ! [...]
Femmes et mères de France, c'est pour la défense des coffres-forts franco-anglais que vos maris et vos fils se font tuer. [...]
Femmes et mères de France, c'est de vous que dépend l'arrêt du carnage qui se prépare !
Femmes et mères de France, ne pleurez pas silencieusement le départ de vos maris et vos fils ! [...]
Unissez-vous autour du Parti Communiste, le seul parti qui lutte sans peur contre la guerre, le seul parti qui a dénoncé cette guerre de brigandage !
Alors, femmes et mères de France, les gouvernements seront obligés de capituler devant les peuples. Et la guerre pourra être arrêtée !
A bas la guerre impérialiste ! Vive la paix ! Vive la Liberté ! Vive la République !"

(L'Humanité n° 20 du 18 janvier 1940)

Dans l'Humanité du 18 janvier 1940, le Parti communiste appelle les "femmes et mères de France" à se mobiliser pour la Paix avec les nazis en avançant l'argument suivant : "c'est pour la défense des coffres-forts franco-anglais que vos maris et vos fils se font tuer."

S'adressant aux femmes des mobilisés, cet appel est conforme à la stratégie exposée par Maurice Thorez dans son interview publiée dans Le Monde n° 7 du 28 octobre 1939 et reprise dans le numéro spécial de l'Humanité de novembre 1939 :

"[... ] Les membres du Parti luttent et lutteront là où sont les masses populaires, là où ils peuvent les influencer et les organiser, là où ils peuvent défendre leurs intérêts. Cela signifie que les communistes ont leur tâche toute tracée parmi les soldats à l'armée, parmi les ouvriers dans l'usine, parmi les paysans dans les villages, parmi les réfugiés dans les centres d'évacuation, parmi les femmes des mobilisés dans toutes les localités.
Les communistes seront les meilleurs défenseurs du peuple de France, ils lutteront de toutes leurs forces contre la guerre impérialiste, pour la paix et contre le gouvernement Daladier dont il faut débarrasser notre pays."

L'Humanité clandestine accuse le Gouvernement Daladier d'organiser avec le soutien des socialistes la paupérisation de la population ouvrière

"Systématiquement, le gouvernement organise la vie chère en même temps que, par des prélèvement massifs, il diminue les salaires.
Depuis le mois de Septembre, le prix de la côtelette a doublé et on ne trouve de la viande que 3 fois par semaine. Heureux encore celui qui peut en acheter ! [...]
Mais croyez-vous que Daladier, Paul REYNAUD ou DE WENDEL seront privés d'une côtelette ? Croyez-vous que les gosses de riches seront privés d'un litre de lait ? Non, évidemment, les restrictions c'est pour les pauvres !
Quant à Léon Blum, avec ses 80 000 Frs de Député, ses 125 000 Frs de Conseiller d'Etat, ses honoraires d'Avocats d'affaires, il peut encore s'en tirer. Evidemment !
Mais qu'en pensent les ouvriers socialistes à qui l'on rogne les salaires quand le coût de la vie a augmenté de 60%."


Suivant le mot d'ordre "l'ennemi est dans notre propre pays", les communistes combattent les capitalistes français en les accusant de vouloir sur le plan extérieur asservir le peuple allemand (guerre impérialiste) et sur le plan intérieur exploiter le peuple français (guerre de réaction).

Ce dernier point est illustré par l'article "Vie chère et restrictions" dans lequel l'Humanité dénonce la paupérisation de la population en expliquant qu'elle est organisée par le gouvernement. S'appuyant sur un exemple concret touchant à leurs conditions de vie - la consommation de viande ("les côtelettes") - l'Humanité affirme que les restrictions ne frappent que la classe ouvrière et non ceux qui les imposent à savoir les responsables de la guerre : Edouard Daladier, président du Conseil radical-socialiste ; Paul Reynaud, ministre des Finances de l'Alliance démocratique ; François de Wendel, industriel et président du Comité des Forges, syndicat patronal de la sidérurgie et enfin l'un des leaders emblématiques du Parti socialiste : Léon Blum.

Dernier élément, en évoquant les revenus réesl ou supposés de Léon Blum, l'Humanité vise la légitimité du dirigeant socialiste en le décrivant comme un privilégié totalement indifférent au sort des ouvriers socialistes condamnés - comme toute la classe ouvrière - à subir les effets de la guerre par une forte baisse de leur pouvoir d'achat consécutive aux prélèvements exceptionnels sur leurs salaires et à l'augmentation des prix due aux difficultés de ravitaillement.

●  L'Humanité clandestine dénonce le Gouvernement Daladier pour son aide à la Finlande

"Le fauteur de guerre Daladier envoie des armes et des munitions aux gardes blancs finlandais ! Des troupes françaises sont déjà expédiées en Orient.
On prépare la guerre antisoviétique aux applaudissements de Blum, qui refusa des fusils au peuple espagnol égorgé par le fascisme.
Pas un sou, pas une cartouche, pas un homme pour le gouvernement des gardes blancs finlandais !
Bas les pattes devant l'Union soviétique, patrie des travailleurs! 
A la porte Daladier, agent du grand capital, qui déshonore la France !"


Illustration du soutien communiste à l'agression soviétique de la Finlande, l'Humanité du 18 janvier 1940 condamne avec virulence le Gouvernement Daladier pour ses livraisons d'armes à la Résistance finlandaise.

Particularité de ce texte, il sera lu à la Chambre le 20 février 1940 par Georges Barthélemy, député maire socialiste de Puteaux et rapporteur d'une Résolution tendant à constater la déchéance de 60 députés communistes :

"La commission sait très bien, et la Chambre aussi, que le Gouvernement ne faillira pas dans la lutte qu'il a entreprise contre le bolchevisme et contre le nazisme, mais aujourd'hui nous n'avons à nous occuper que des députés communistes.
La commission fait confiance au Gouvernement, mais elle tient à lui dire néanmoins que les soixante députés, dont la déchéance sera prononcée parce qu'ils sont des agents de l'étranger, ne peuvent, après avoir été jetés hors de cette Assemblée, continuer à porter l'uniforme pour poursuivre leur propagande contre notre pays. (Applaudissements à gauche, au centre et à droite.)
Tous sont plus ou moins coupables, mais il y a des chefs, comme Thorez, Catelas et tant d'autres qui devraient être traduits immédiatement devant les tribunaux militaires pour, ensuite, non pas subir le feu d'un peloton d'exécution, ce serait leur faire trop d'honneur, mais être poussés sous le couperet de M. de Paris. (Mouvements divers.)
En parlant ainsi, je crois être l'interprète de l'opinion presque unanime de ce pays.
Elle veut bien que l'on montre quelque indulgence pour ceux qui se sont laissé entraîner, mais elle exige que l'on se montre sans pitié pour ceux qui ont trahi délibérément, qui ne sont plus des Français, qui sont des agents de l'étranger.
La commission est persuadée que le Gouvernement continuera à faire son devoir, dans sa lutte contre le péril bolcheviste.

M. Camille Chautempsvice-président du conseil. N'en doutez pas.

M. le rapporteur. Je voudrais vous donner connaissance d'un court passage d'un numéro spécial de l'Humanité, diffusé à profusion dans nos usines et que me communique un camarade socialiste de la section de Suresnes dans les termes que voici :
« En te remerciant encore une fois pour le papier du gouverneur militaire de Paris que tu m'as adressé. » — nous en parlerons tout à l'heure, car il a failli être envoyé dans un camp d'exclus — « .je t'envoie un exemplaire du torchon que je n'ai lu qu'aujourd'hui. Il est peut-être un peu ancien, 18 janvier. Toutefois, il a son importance. Tu goûteras sans nul doute le petit passage de la fin qui te vise particulièrement et nommément, ceci pour te rendre compte de l'état d'esprit qui règne encore parmi l'élément communard de la boîte. »
Cela se passe dans les grandes usines Blériot.
Et voici ce que disait « cet infâme torchon ».
Je ne veux pas parler des attaques contre M. le président Herriot, contre M. Léon Blum, mais de celles dirigées contre le Gouvernement, car en l'attaquant en ce moment, on attaque le pays tout entier. (Très bien ! très bien !)
Voici ce qu'on déclare :
« Le fauteur de guerre Daladier envoie des armes et des munitions aux gardes blancs finlandais. Des troupes françaises sont déjà expédiées en Orient. On prépare la guerre antisoviétique aux applaudissements de Blum, qui refusa des fusils au peuple espagnol égorgé par le fascisme.
« Pas un sou, pas une cartouche, pas un homme pour le gouvernement des gardes blancs finlandais !
« Bas les pattes devant l'Union soviétique, patrie des travailleurs !
« A la porte Daladier, agent du grand capital, qui déshonore la France ! »
Je ne veux pas vous en dire plus long mes chers collègues. Ce que je viens de vous lire suffit à montrer à quelle propagande infâme on se livre." (1)

(1) Journal officiel du 21 février 1940.


20 janvier 1940

● Promulgation de la Loi du 20 janvier 1940 prononçant la déchéance des élus communistes

Votée à la Chambre le 16 janvier 1940, adoptée par le Sénat le 19 janvier, promulguée par le président de la République le 20 janvier, la loi portant sur la déchéance des élus communistes est publiée au Journal officiel du 21 janvier.

Aux termes de cette loi sont déchus de leur mandat tous les élus communistes qui n'ont pas rompu avec le PCF à la date du 26 octobre 1939, soit 1 mois après le décret-loi prononçant la dissolution des organisations communistes.

Pour les parlementaires, elle précise que "la déchéance prononcée par la présente loi est constatée, à la demande du gouvernement, par le Sénat ou par la Chambre des députés".



26 janvier 1940

● André Marty est condamné à cinq ans de prison

Membre du Bureau politique du PCF, député de la Seine et secrétaire de l'IC, André Marty a quitté le territoire français à la demande du Komintern vers le 15 août 1939. Cet important dirigeant de l'IC est arrivé à Moscou quelques jours avant la signature du Pacte germano-soviétique.

Après la dissolution du PCF à la fin de septembre, il a publié dans Le Monde n° 4 du 7 octobre 1939 un virulent réquisitoire contre... Léon Blum - "Lettre ouverte d'André Marty à Monsieur Léon Blum" - dans lequel il accusait le dirigeant socialiste d'avoir trahi la classe ouvrière en apportant son soutien à la guerre contre l'Allemagne d'Hitler.

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Le 6 novembre 1939, sur le territoire de Rexpoëde, commune du département du Nord, un cultivateur a découvert sous un tas de paille deux sacs du poids de 70 kg remplis d'exemplaires du numéro du 4 octobre 1939 de l'hebdomadaire Le Monde dont l'entrée en France était interdite par un arrêté du ministre de l'Intérieur en date du 16 octobre 1939.

A la suite de cette découverte, le parquet de Dunkerque a ouvert une procédure contre André Marty pour infraction aux décrets des 24 juin, 1er septembre et 26 septembre 1939 qui interdisent, sous peine d'amende et d'emprisonnement, le premier, les publications d'inspiration étrangère de nature à nuire à l'intérêt national; le second, les publications de nature à exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de l'armée et de la population; le troisième, les publications tendant à propager les mots d'ordre de la IIIe Internationale et des organismes qui s'y rattachent.

Le 7 décembre, répondant à une demande du parquet général de Douai, la Chambre a levé l'immunité parlementaire d'André Marty afin de permettre l'exécution du mandat d'arrêt que le juge d'instruction avait délivré contre le député de la Seine le 29 novembre.

Cette procédure judiciaire a pris fin le 26 janvier 1940 avec la décision du tribunal correctionnel de Dunkerque condamnant André Marty par contumace à cinq  ans  de prison et 10 000 francs d'amende et à la privation de ses droits civils et politiques.

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Pendant l'occupation allemande, le Parti communiste a célébré son action pacifiste pendant la guerre de 1939-1940 en mettant notamment en avant la condamnation de ses militants et de ses élus pour leur engagement en faveur de la Paix avec les nazis.

Un exemple, l'Humanité n° 76 du 27 septembre 1940 dans laquelle était dénoncée la condamnation de André Marty pour sa lettre au "fauteur de guerre Blum" :

ANDRE MARTY CONDAMNE A 5 ANS DE PRISON
POUR AVOIR PUBLIE UNE LETTRE OUVERTE A BLUM

Pendant que les autres députés étaient poursuivis pour avoir demandé la Paix [Lettre au président Herriot] André Marty, qui avait rendu publique une lettre cinglante au fauteur de guerre Blum, était condamné à 5 ans de prison et 5 000 francs d'amende, soit en réalité 55 000 franc. Au surplus André Marty et Maurice Thorez ont été déchus de la nationalité française par les traîtres qui ont vendu la France et l'ont conduite au désastre.

Après l'invasion de l'URSS par les armées allemandes le 22 juin 1941, le Parti communiste a abandonné son projet de former un Gouvernement de Paix pour s'engager dans la lutte contre l'occupant allemand.

En juin 1943, s'est constitué à Alger un Comité National de la Libération Français sous la direction conjointe du général de Gaulle et du général Giraud.

L'une des premières mesures adoptées par ce pouvoir dont la souveraineté s'exerçait sur les territoire de l'Empire français libérés de la tutelle de Vichy a été l'ordonnance du 1er juillet 1943 amnistiant notamment tous les communistes qui avait été condamnés pendant la guerre de 1939-1940 sur la base du décret de dissolution du 26 septembre 1939 : "Sont amnistiés : 1° - toutes les infractions prévues par le décret-loi du 26 septembre 1939."

Parmi les bénéficiaires de cette loi d'amnistie : André Marty.


27 janvier 1940

● André Marty est déchu de la nationalité  française

"Est déchu de la nationalité française : Marty (André-Pierre), né le 6 novembre 1886, à Perpignan (Pyrénées-Orientales)."


Dirigeant communiste réfugié à Moscou, secrétaire de l'IC, André Marty est déchu de la nationalité française le 27 janvier 1940 par un décret signé par le président de la République, Albert Lebrun.

Cette décision s'appuie sur le décret-loi du 9 septembre 1939 qui stipule dans son article 1er que pendant la période des hostilités pourra être déchu de la nationalité française "tout Français qui se sera comporté comme le ressortissant d'une puissance étrangère".

Dans le cas présent il est reproché au dirigeant communiste de s'être comporté comme un ressortissant de l'Union soviétique. Ce comportement s'étant manifesté notamment dans la publication d'une "lettre ouverte d'André Marty à Monsieur Léon Blum" et d'un article intitulé "Staline dans ma vie".

Publié en Belgique en octobre 1939 avant d'être diffusé clandestinement sur le territoire français, le premier texte est une condamnation de Léon Blum et de son soutien à la guerre contre l'Allemagne nazie.

Publié à la fin de décembre 1939 dans la Pravda à l'occasion du 60e anniversaire de Staline, le second texte est une célébration du dictateur russe dans lequel on peut notamment lire ce serment d'allégeance :

"Il y a déjà quatre mois que la ploutocratie française a établi dans le pays la dictature militaire. Elle a muselé la presse, supprimé le moyen d'exprimer librement sa pensée. Elle mène contre Staline et l'URSS une compagne comme on n'en a jamais encore vu en France. La clique des leaders social-démocrates du type Blum-Jouhaux se trouve à l'avant-garde de cette campagne. Mais malgré tout, malgré la prison et l'excitation, les prolétaires français conservent leur fidélité intangible à Staline, car ils se sont souvent assurés en pratique que Staline avait raison, que Staline avait toujours raison.
Voilà pourquoi Staline, c'est notre espoir, c'est notre avenir, basé sur les faits, basé sur la réalité.
Voilà pourquoi, à l'occasion du 60e anniversaire de notre grand camarade Staline, nous lui apportons, en signe du respect le plus profond, nos assurances de ̃fidélité intangible et nous l'assurons que, sans épargner ni forces ni sacrifices, nous nous efforcerons de mener à bonne fin l'œuvre qu'il représente, qu'il réalise et qu'il inspire." (1)

André Marty sera réintégré dans la nationalité française par un décret du 5 octobre 1945 : "Est rapporté le décret du 27 Janvier 1940 portant déchéance de la nationalité française à l'encontre de M. Marty (André-Pierre), né le 6 novembre 1886 à Perpignan (Pyrénées-Orientales)".

(1) Le Petit Parisien du 16 janvier 1940.


29 janvier 1940

● Allocution radiodiffusée du président du Conseil, Edouard Daladier

[Projet nazi]
"Au bout de cinq mois de guerre, au milieu des alarmes renouvelées qui bouleversent l'Europe, une certitude s'impose de plus en plus clairement à tous les esprits. C'est que l'Allemagne cherche à établir sur le monde une domination absolument différente de celle que l'histoire a déjà connue.
La domination des nazis ne se borne pas, en effet, à déplacer l'équilibre des forces et à imposer la suprématie d'une nation. Elle poursuit l'anéantissement systématique et total des vaincus.
Hitler vainqueur ne traite pas avec les nations qu'il a soumises. Il les détruit. Il leur enlève toute existence politique et économique et cherche même à les dépouiller de leur histoire et de leur culture.
Il ne veut les considérer que comme un espace libre, un territoire vacant sur lequel il a tous les droits. Les êtres humains qui constituaient ces nations ne sont pour lui que des troupeaux; il ordonne leur massacre ou leur migration.
Il les contraint à faire place aux conquérants. Il ne prend même pas la peine de leur imposer des tributs de guerre, car il s'empare de toutes leurs richesses et, pour prévenir tout retour du destin, pour mater à l'avance toute révolte, il décime leurs élites et poursuit scientifiquement leur dégradation physique et morale. [...]

[Au front]
Pendant ce temps, derrière le rempart de son armée, la France a gardé tous les biens que certains peuples ont déjà perdus et que d'autres tremblent de perdre. Comme son alliée la Grande- Bretagne, la France n'a pas d'angoisses, quand elle pense à l'avenir. Elle est sûre de sa victoire. La grande peur qui traverse l'Europe s'arrête à nos frontières devant les fils de fer ou les casemates où veille et combat notre jeunesse. [...]
J'ai déjà rendu à nos combattants l'hommage qui leur est dû. Je me suis adressé à eux à plusieurs reprises. C'est à eux que je pense sans cesse.
Mais, aujourd'hui, c'est à la France de l'arrière que je veux parler. Je veux lui parler avec franchise, avec brutalité même. [...]

[A l'arrière]
Quand ils sont partis vers la frontière sous la capote kaki, sous le casque de combat, nos fils ont accepté la transformation totale de leur vie. Il faut que ceux qui sont restés à l'arrière et qui n'ont à supporter ni les mêmes souffrances ni les mêmes dangers acceptent aussi de sacrifier leurs intérêts personnels, qu'ils renoncent à certaines commodités. Il faut surtout qu'ils consacrent toutes leurs forces, toute leur activité au service de cette communauté française sans laquelle ils ne seraient rien.
Il faut réaliser dans notre pays l'égalité des sacrifices, l'égalité du labeur. Je sais que l'immense majorité des Français la désirent. Il y a trop de parents, trop d'épouses qui ont leur fils ou leur mari au front pour que ce vœu des combattants ne soit pas aussi le vœu de la France entière. [...]

[Propagande hitléro-communiste]
L'arrière a, du reste, à mener son combat, car devant la résolution de nos armées, c'est sur ses faiblesses et sur ses incertitudes éventuelles que l'Allemagne compte pour nous abattre. [...]
Nos ennemis avaient eu d'abord l'espérance de dresser les Français les uns contre les autres. Ils avaient cru pouvoir enrôler les hommes d'ordre sous le drapeau rouge à la croix gammée, et les ouvriers sous le drapeau rouge à la faucille et au marteau.
Mais en septembre, tandis que l'armée allemande envahissait la Pologne, le masque est tombé. Les deux drapeaux n'en ont plus fait qu'un seul : celui de la ruée des barbares sur toutes les terres où il y a des biens à prendre et des hommes à asservir. [...]
Mon gouvernement a déjà frappé des agents de l'étranger; il ne cessera pas de mener contre eux une lutte sans merci. Mais il ne veut pas être un gouvernement de vengeance ou de tendance politique. Il est le gouvernement de la France. S'il a frappé les chefs communistes, c'est parce que en restant aux ordres de Moscou ils se mettaient aux ordres de Berlin.
Mais il tend une main fraternelle à tous ceux qui avaient suivi ce parti et retrouvent aujourd'hui la véritable tradition ouvrière qui fut toujours, en France, nationale et patriote. Il pense qu'au delà de l'écroulement de tant de rêves les ouvriers français doivent retrouver le visage de la France, de cette juste patrie infiniment plus douce aux humbles que les dictatures des professionnels et des exploiteurs de la révolution. 
De même, mon gouvernement, qui a frappé et continuera à frapper tous les complices de la propagande nazie, ne songe pas à frapper les Français qui avaient rêvé, dans un sentiment libre et désintéressé, d'un rapprochement franco-allemand. 
Il était, certes, légitimé d'être communiste et de vouloir unir la France et la Russie pour la défense de la paix. Il était, certes, légitime de vouloir le rapprochement de notre pays avec l'Allemagne. Mais ce serait un crime, dans les circonstances présentes, de rester soumis aux mots d'ordre de Berlin et de Moscou.
C'est ce crime seul que nous frappons, mais nous le frapperons sans pitié.
Devant le danger, brisant d'un coup avec ceux qui voulaient la trahir, la France retrouve dans un mouvement de justice, de fraternité et de tendresse, ses véritables enfants. [...]

[Victoire certaine]
Grâce à notre labeur, à notre discipline, à notre confiance, nous sortirons vainqueurs de ce formidable conflit qui ne met pas seulement en cause l'existence des nations, mais toute notre conception de la vie. Nous avons en effet à gagner la guerre, et nous la gagnerons, mais nous avons à remporter aussi une victoire qui dépasse de beaucoup la victoire des armes.
En face du monde de maîtres et d'esclaves que voudraient forger les insensés qui règnent à Berlin, nous avons à sauver la liberté et la dignité humaines."

(Le Temps du 31 janvier 1940 - diffusé le 30 au soir)

Le 29 janvier 1940, le Président du Conseil, Edouard Daladier, radical-socialiste, prononce une allocution radiodiffusée dans laquelle il dénonce le projet totalitaire de l'Allemagne nazie, rend hommage aux armées françaises, demande à la France de l'arrière de contribuer à l'effort de guerre par son travail, justifie la répression de la propagande hitléro-communiste et enfin évoque avec assurance la victoire de la France.

On rappellera que la condamnation de l'Allemagne nazie est absente de la propagande communiste laquelle préfère dénoncer... "la Dictature Daladier" !!! (l'Humanité n° 1 du 26 octobre 1939)


30 janvier 1940

● Discours de Adolf Hitler


"L’année dernière, j’ai essayé d’empêcher l’Angleterre de transformer la guerre envisagée en guerre mondiale. Car le pieux M. Chamberlain, ardent étudiant, lecteur et prédicateur de la Bible, s'efforça à cette époque pendant des mois de s'entendre avec Staline l'athée et de conclure un pacte avec lui. Il n'a jamais réussi. Je peux bien comprendre que les gens en Angleterre soient furieux parce que j'ai maintenant fait ce que M. Chamberlain avait tenté en vain.
Je comprends bien, aussi, que l’acte qui, dans le cas de M. Chamberlain, aurait trouvé grâce devant Dieu, ne peut en attendre la même chose dans mon cas. Pourtant, je pense que le Tout-Puissant aura été satisfait qu'une guerre insensée sur une zone aussi vaste ait été évitée.
Pendant des siècles, l’Allemagne et la Russie ont vécu côte à côte dans l’amitié et la paix. Pourquoi cela ne serait-il pas possible à l’avenir ? Je crois que c'est possible puisque les deux peuples le désirent ! Toute tentative des ploutocraties britannique et française de susciter une nouvelle confrontation entre nous échouera parce que nous saurons reconnaître leurs véritables intentions."

(Speech by The fuehrer on 30 january 1940, p. 17)

Au cours d'une cérémonie organisée au Palais des Sports à Berlin à l'occasion du septième anniversaire de la prise du pouvoir par les nazis, Adolf Hitler prononce un discours radiodiffusé dans lequel il ne dénonce pas le bolchévisme comme les années précédentes mais au contraire célèbre la solidité des relations germano-soviétiques qui sont décrites comme pacifiques et amicales.


31 janvier 1940

● Le gouvernement engage la procédure de déchéance des parlementaires communistes.

Conformément à la loi du 20 janvier 1940, le président du Conseil demande par écrit à la Chambres des députés et au Sénat de constater respectivement la déchéance de 67 députés communistes et celle d'un sénateur communiste.


## janvier 1940

● Texte de référence du PCF intitulé "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste"

"Les causes profondes de la guerre ? Elles sont une fois de plus dans la rivalité des intérêts entre les grands Etats capitalistes. Les communistes fidèles à l'enseignement de Marx-Engels-Lénine-Staline, ont toujours proclamé que c'est le capitalisme qui engendre la guerre. Jaurès n'avait-il pas formulé une juste pensée dans cette image saisissante : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orag »[...]
Il crève aux yeux que la guerre actuelle est menée des deux côtés pour des buts impérialistes absolument étrangers aux intérêts des travailleurs. [...]
Les politiciens bourgeois et socialistes représentent hypocritement la France sous les aspects idylliques d'une « démocratie » exempts d'appétits impérialistes. Au contraire les communistes ont toujours dit que les apparences démocratiques n'atténuaient en rien le caractère impérialiste de la France capitaliste.
[...] Des cartels ou groupements de sociétés industrielles ont été formés et se sont assuré le monopole de fait des principales branches de production (Comité des Forges, Comité des Houillères, Trust des produits chimiques, Trust de l'électricité, etc...). Ces Cartels et Trusts sont liés avec les grandes banques. Les principaux actionnaires de ces grandes compagnies financières et industrielles, leurs dirigeants effectifs constituent précisément les « deux cents familles qui dominent l'économie et la politique de la France ». (Daladier au Congrès du parti radical Octobre 1934).
Voilà ceux qui ont voulu la guerre. Voilà ceux qui l'ont déclenché pour satisfaire leurs appétits impérialistes, pour réaliser leurs buts de rapine et de brigandage.
Contre ceux-là, contre les politiciens qui gouvernent en leur nom, contre la réaction, le Parti communiste français reprend le mot d'ordre de Lénine et de Liebknecht : « NOTRE ENNEMI EST CHEZ NOUS ». [...]
Le Parti communiste français entend éclairer les travailleurs sur les conditions d'une lutte efficace contre la guerre impérialiste, il combat sous les mots d'ordre : A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE, PAIX IMMEDIATE, en expliquant aux travailleurs qu'il ne peut y avoir de paix véritable, juste et durable, qu'au prix d'une lutte victorieuse contre la réaction capitaliste de France, contre le gouvernement. Les communistes ont lutté passionnément pour le maintien de la paix. Toutefois, ils ne sont pas des pacifistes, ils sont des combattants révolutionnaires. Ils ont soutenu la guerre juste du peuple espagnol contre ses agresseurs. Ils luttent contre la guerre actuelle parce qu'elle est injuste, réactionnaire. Ils combattent avec courage pour imposer la paix en chassant le gouvernement de la réaction."

(Cahiers du bochévisme du 2e semestre 1939)

En janvier 1940, le Parti communiste reprend la publication son organe théorique, les Cahiers du bolchévisme, en diffusant clandestinement un numéro daté du deuxième semestre 1939.
 
Ce numéro de 70 pages a été préparé et imprimé en Belgique où une direction communiste s'est installée en octobre 1939 avec à sa tête Jacques Duclos, secrétaire du PCF.
 
Pour en faciliter la diffusion sur le territoire français, on a masqué son contenu avec l'ajout d'une page titre intitulée "La défense de la liberté".

Consacrés en grande partie aux tracts les plus importants diffusés par le Parti communiste depuis le début du conflit, les Cahiers du bolchévisme du 2e semestre 1939 publient un éditorial intitulé "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste" dans lequel le PCF justifie sa mobilisation en faveur de la Paix.

Texte de référence, cet éditorial correspond à la lettre du 4 décembre 1939 que Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, et André Marty, membre du Bureau politique du PCF et secrétaire de l'IC, ont envoyée depuis Moscou à la direction du Parti.

Non reproduits dans les Cahiers, les deux premiers paragraphes de la lettre informent Paris que cette directive politique est à la base du projet de Résolution qui a été soumise à la direction de l'IC, autorisent sa diffusion et en résument le contenu :

"Nous croyons bien de vous adresser sans tarder la présente lettre. Elle constitue en quelque sorte la base des thèses que nous préparons et qui vous seront communiquées aussitôt leur approbation définitive. Après avoir vous-même étudié notre lettre, après l'avoir, le cas échéant, corrigée et complétée, vous pourriez la porter à la connaissance de tous les militants actif du p. [parti].
Nous nous sommes proposés d'expliquer les raisons qui ont déterminé le changement de notre tactique; de souligner les causes profondes de la guerre actuelle, injuste et réactionnaire; de répondre aux mensonges de la bourgeoisie et des chefs socialistes qui veulent faire croire à une guerre "antifasciste" et qui calomnient outrageusement l'Union soviétique et notre parti communiste. Enfin, avant de formuler nos suggestions concernant les tâches du parti, nous avons voulu rechercher la cause politique essentielle des erreurs commises au début de la guerre par la parti et sa direction". (1)

Dans le projet de résolution soumis au secrétariat de l'IC le 16 novembre 1939, on peut notamment lire :

"Le Parti lutte :
Contre la guerre impérialiste et la réaction sous toute ses formes.
Pour la paix immédiate.
Il lutte contre le gouvernement de l'impérialisme français en montrant que les contradictions entre les diverses couches de la bourgeoisie passent au second plan devant la défense des intérêts fondamentaux de classe de l'impérialisme français exprimé par la guerre et son orientation antisoviétique, contre-révolutionnaire. [...]
La position du Parti communiste français est : « Notre ennemi est chez nous ». [...]
La position claire du Parti en ce qui concerne l'estimation de la situation et l'orientation générale doit servir à mobiliser les masses ouvrières et populaires contre l'actuelle guerre injuste et à les engager réellement dans la lutte." (2)

La résolution de l'IC "sur la situation en France et les tâches du PC français" sera adoptée le 9 février 1940.

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Fondement théorique de la ligne du PCF, l'article "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste montre que la guerre contre l'Allemagne nazie est une "guerre impérialiste" et que sa cause n'est pas le nazisme mais "le capitalisme". Sur la base de cette analyse il définit les mots d'ordre qui guident l'action des communistes : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate" et "Notre ennemi est chez nous".

Autre élément d'intérêt de ce texte, il indique que de "lourdes fautes" ont été commise par le Parti au mois de septembre en raison d'une erreur d'analyse sur le caractère légitime de la guerre. La plus grave étant "le vote des crédits de guerre".

Signalons que pendant l'occupation allemande, le Parti communiste niera son vote du 2 septembre 1939 dans une "Lettre aux militants communistes" diffusée à 200 000 exemplaires en novembre 1940.

Tract le plus important de l'automne 1940, cette lettre signée par Maurice Thorez et Jacques Duclos contient le passage suivant :

"En nous dressant contre la guerre impérialiste, dans laquelle la France avait été jeté par un gouvernement indigne soutenu par le Parlement unanime, à l'exception des communistes, nous avons rempli notre devoir de prolétaires révolutionnaires ne perdant pas de vue que, selon la belle formule de Karl Liebknecht, « L'ENNEMI EST CHEZ NOUS »".

Dans ce texte les communistes revendiquent l'honneur d'être... les pacifistes de la première heure. C'est pour justifier cette revendication qu'ils mentent sur le fait que les députés et sénateurs communistes ont apporté leur soutien à l'augmentation du budget militaire demandée par le gouvernement à la suite de l'invasion de la Pologne par les armées allemandes. 

Texte de référence, l'article "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste" marque la dernière étape dans le redressement de la ligne politique du Parti communiste.

Ce redressement a été exigé par l'IC dans sa Directive du 9 septembre 1939. Il imposait au Parti communiste d'abandonner sa ligne favorable à la défense nationale pour s'engager en faveur de la Paix.

Le premier acte de ce revirement a été l'adoption le 20 septembre 1939 par son Comité central d'une Résolution intitulée "Il faut la Paix". Ce plaidoyer pour la Paix ne contenait aucune condamnation de l'impérialisme français. Seconde acte : la publication dans Le Monde du 7 octobre 1939 de la "lettre ouverte d'André Marty à Monsieur Léon Blum" dans laquelle la guerre contre l'Allemagne d'Hitler était dénoncée pour la première fois comme une guerre impérialiste.

(2) Transcription dactylographique de la lettre du 4 décembre 1939 conservée dans les archives de l'IC (Site pandor).
(1) Communisme, Les Archives du communismesn° 32-33-34, 1993 pp. 16-17.