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Août 1940

1er août
➤ Devant le Soviet suprême, Viatcheslav Molotov, Commissaire du peuple aux Affaires étrangères, prononce un discours dans lequel il évoque "la rapide défaite et la capitulation de la France", salue l'appel lancé au peuple anglais par Hitler "au sujet de la Paix", accuse l'Angleterre "de continuer la guerre pour son hégémonie mondiale" et enfin affirme qu'à "la base des relations amicales et de bon voisinage qui se sont établies entre l'URSS et l'Allemagne" se trouvent "des intérêts d'Etat fondamentaux de l'Union Soviétique comme de l'Allemagne".

2 août
➤ A Moscou, Thorez est informé qu'à Paris ses camarades auraient discuté avec Abetz de la formation d'un "gouvernement national révol. [révolutionnaire] avec comm. [communistes]. Cette information suscite la colère du secrétaire général du PCF :  "Danger grave. Foissin. [...] Exclusion de ceux qui seraient compromis". A la demande du PCF appliquant des Instructions de l'IC, Robert Foissin, avocat communiste, mène depuis le 26 juin des négociations avec les Allemands ayant pour objet la légalisation des activités communistes (presse, syndicats, municipalités, comités populaires).

5 août
➤ Dans une lettre adressée à André Picard, agent d'Abetz, Robert Foissin dresse la liste des engagements que les autorités allemandes n'ont pas honoré, affirme que si les revendications communistes ne sont pas satisfaites il demandera à son Parti de le décharger de sa mission, et termine par une déclaration qui traduit parfaitement l'état d'esprit des communistes à l'été 1940 :

"Tu sais avec quel foi j'ai agi jusqu'à maintenant et les discours d'Hitler [du 19/7/40] et de Molotov [du 1/8/40] m'ont confirmé dans l'opinion que l'amitié entre le Reich et l'URSS doit avoir de profondes répercussions même sur l'évolution de la politique de la France.
Je reste persuadé que c'est aussi et toujours ton sentiment. A toi de faire de ton côté tous les efforts que, du mien, j'ai multiplié depuis plus de six semaines."

➤ Rapport de Jacques Duclos dans lequel le Chef du Parti communiste clandestin répond aux critiques de l'IC du 20 juillet concernant la présence de deux dirigeants communistes à la réunion du 26 juin à l'ambassade d'Allemagne. Ce dernier reconnaît l'importance de ne pas se laisser compromettre par les manœuvres de l'occupant et soutient que le déroulé des événements permet d'affirmer que ce danger a été évité.

➤ A Moscou, sur la base d'informations venant de différentes sources, l'IC adopte une Directive en relation avec le PCF. Elle sera envoyée le 7 août.

➤ Retour d'Abetz qui a été nommé au rang d'Ambassadeur le 3 août.

6 août
➤ Après le refus de l'ambassade d'Allemagne d'autoriser la publication du discours prononcé par Molotov le 1er août, le Parti communiste le diffuse sous forme de brochure en mentionnant à la dernière page l'échec de sa démarche : "Discours du camarade Molotov édité illégalement par le Parti communiste français, l'Ambassade d'Allemagne ayant refusé l'autorisation de le faire imprimer normalement".

7 août
➤ Dans un Télégramme signé par Dimitrov et Thorez, l'IC envoie des Instructions au PCF dans lesquelles elle affirme que "le parti est menacé de graves dangers de la part des manœuvres des occupants", recommande sous certaines conditions de "poursuivre les efforts pour obtenir légalisation presse ouvrière" et enfin accuse Foissin d'être "un agent des occupants".

21 août
➤ Le Parti communiste répond aux critiques de l'IC du 5 août dans un Télégramme affirmant que "tous pourparlers ont cessé après communications antérieures" et que "les renseignements donnés par d'autres concernant soi-disant gouvernement de Paris sont contraires vérité".

22 août
➤ Abetz convoque Foissin pour lui annoncer les résultats de ses conversations à Berlin avec Ribbentrop concernant les demandes communistes.

25 août
➤ Foissin transmet les contre-propositions allemandes à Catelas qui lui demande de prendre rendez-vous avec Abetz pour le 27 août.

27 août
➤ Catelas ne se présente pas chez Foissin qui l'attend pour aller à l'ambassade d'Allemagne rencontrer Abetz. Ce fait marque la fin de la seconde négociation entre le PCF et les nazis.

31 août
➤ Foissin est informé qu'il est exclu du Parti communiste. Cette exclusion sera annoncée dans un numéro spécial de l'Humanité clandestine datée du 27 septembre 1940.

## août
➤ Dans la brochure "Union du peuple pour libérer la France" diffusée par les communistes bordelais, Charles Tillon écrit que les communistes sont "les véritables patriotes" parce qu'ils sont contre l'Angleterre impérialiste et pour la Paix avec Hitler :

"La vérité tragique est maintenant perceptible à tous les français honnêtes : les communistes accusés de trahison parce qu'ils s'opposaient aux plans criminels des 200 familles, condamnés à des siècles de prison pour avoir réclamé la paix quand elle était possible sans désastre, et pour s'être opposés à la transformation de la France en Dominion de l'Angleterre, les communistes étaient et demeurent les véritables patriotes dont l'amour véritable de la Patrie exige que celle-ci soit libérée de ses exploiteurs et de ses traîtres."



1er août 1940

● Discours de Molotov

"Au cours des 4 mois qui se sont écoulés après la 6e session du Soviet Suprême, des événements d'une grande importance se sont déroulés en Europe.

[France]
[...] Dès le printemps de cette année, la guerre se développait à une cadence accélérée. Sans s'arrêter aux événements qui ont eu lieu en Norvège, au Danemark, en Belgique et en Hollande, il convient de noter particulièrement la rapide défaite et la capitulation de la France : en un mois et demi à peine, l'armée allemande a non seulement brisé la résistance de la France, mais elle l'a contrainte à signer un armistice aux conditions duquel une grande partie du territoire français, avec Paris, continue à être occupée par les troupes allemandes. Néanmoins, la France, ayant obtenu l'armistice, n'a pas encore la paix. On ne sait encore rien, en général, des conditions de paix.
Des deux alliés adversaires de l'Allemagne et de l'Italie, il n'en reste plus qu'un, l'Angleterre, qui a décidé de continuer la guerre en bénéficiant de l'aide des Etats-Unis. [...]

[Angleterre]
L'Allemagne a obtenu de grands succès dans la guerre contre les Alliés, mais elle n'a pas encore atteint le but fondamental, c'est-à-dire la cessation de la guerre aux conditions qu'elle désire. Le 19 juillet, le Chancelier du Reich a de nouveau adressé un appel à l'Angleterre [Discours de Hitler du 19/07/40], lui proposant de s'entendre au sujet de la Paix. Mais comme on le sait, le gouvernement anglais a repoussé ces propositions, voyant là une demande de capitulation et y a répondu en déclarant qu'il continuerait la guerre jusqu'à la victoire; il est même allé jusqu'à la rupture des rapports diplomatiques avec son alliée de la veille, la France.
Cela signifie que le gouvernement de l'Angleterre n'a pas voulu céder les colonies qu'il possède dans toutes les parties du globe, et s'est déclaré prêt à continuer la guerre pour son hégémonie mondiale, bien qu'après la défaite de la France et l'entrée en guerre de l'Italie aux côtés de l'Allemagne cette lutte soit devenue beaucoup plus difficile pour l'Angleterre. [...]

[Allemagne]
Tous les événements mentionnés n'ont pas changé la politique extérieure de l'Union Soviétique. Fidèle à sa politique de paix et de neutralité, l'Union Soviétique ne participe pas à la guerre. Nos relations avec l'Allemagne, après le tournant qui s'est opéré il y a près d'un an, continuent à se maintenir entièrement comme prévues par l'accord germano-soviétique.
Cet accord que le gouvernement soviétique a observé strictement, a écarté la possibilité de friction dans les relations germano-soviétiques, lors de l'application des mesures le long de notre frontière occidentale. En même temps, il assure à l'Allemagne une certitude de calme à l'Est. Le cours des événements en Europe non seulement n'a pas affaibli l'accord, mais au contraire, a souligné l'importance de son existence et de son développement ultérieur.
Ces derniers temps, la presse étrangère, et surtout la presse anglaise et anglophile a souvent spéculé sur la possibilité de divergences entre l'Union Soviétique et l'Allemagne cherchant à nous effrayés par la perspective d'un renforcement de la puissance de l'Allemagne. Ces tentatives ont été plus d`une fois dénoncées et rejetées, aussi bien par nous que par l'Allemagne. Nous pouvons seulement confirmer qu'à notre avis, à la base des relations amicales et de bon voisinage qui se sont établies entre l'URSS et l'Allemagne. se trouvent non seulement des éléments fortuits de conjoncture, mais des intérêts d'Etat fondamentaux de l'Union Soviétique comme de l'Allemagne."

(Discours de Molotov du 1er août 1940)

Le 1er août 1940, Viatcheslav Molotov, Commissaire du peuple aux Affaires étangères, prononce à la 7e session du Soviet suprême un discours sur la politique extérieure de l'URSS.

Comme ses précédentes interventions des 31 août et 31 octobre, ce discours se caractérise par son contenu totalement pro-allemand.

Les succès militaires de l'Allemagne nazie au Danemark, en Norvège, en Belgique, en Hollande, au Luxembourg et enfin en France ne suscite chez le dirigeant soviétique aucune indignation, aucune condamnation, aucune inquiétude.

Evoquant le cas de l'Angleterre, Molotov salue l'appel lancé par Hitler dans son discours du 19 juillet "au sujet de la Paix" et accuse le peuple anglais "de continuer la guerre pour son hégémonie mondiale".

En d'autres termes, l'Allemagne d'Hitler est synonyme de pacifisme et l'Angleterre de Churchill d'impérialisme !!!

Dernier élément, les relations avec l'Allemagne. Tout d'abord, Molotov assure que l'URSS a "strictement" observé les accords signés avec le IIIe Reich - Pacte de non-agression du 23 août 1939 et Traité de frontières et d'amitié du 28 septembre 1939 - garantissant ainsi à "l'Allemagne une certitude de calme à l'Est" autrement dit de ne faire la guerre que sur un seul front.

Ensuite, le chef du gouvernement soviétique rejette les affirmations de la presse étrangère sur l'existence de tensions entre l'URSS et l'Allemagne en déclarant qu'à "la base des relations amicales et de bon voisinage qui se sont établies entre l'URSS et l'Allemagne se trouvent non seulement des éléments fortuits de conjoncture, mais des intérêts d'Etat fondamentaux de l'Union Soviétique comme de l'Allemagne".


2 août 1940

● A Moscou, Thorez note dans son carnet le contenu d'une communication avec Dimitrov

"Com [Communication] Df [Dimitrov] Intrigues A. [Abetz] continuent [...]. Danger grave. Foissin. Un gouvernement national révol. [révolutionnaire] avec comm. [communistes]. Avertissement catégorique. Exclusion de ceux qui seraient compromis."

(Stéphane Courtois, Le Bolchévisme à la française, 2010, p 169-170)

A Moscou, Maurice Thorez, déserteur et secrétaire général du PCF, est informé par Georgi Dimitrov, secrétaire général de l'IC, qu'à Paris ses camarades auraient discuté avec Abetz de la formation d'un "gouvernement national révol. [révolutionnaire] avec comm. [communistes].

Cette information suscite sa colère : "Danger grave. Foissin. [...] Exclusion de ceux qui seraient compromis".

A la demande du PCF appliquant des Instructions de l'IC, Robert Foissin, avocat communiste, mène depuis le 26 juin des négociations avec les Allemands  ayant pour objet la légalisation des activités communistes (presse, syndicats, municipalités, comités populaires).

Toute négociation politique avec les autorités allemandes sortirait donc du cadre fixé par Moscou et constituerait une faute grave.

L'information reçue à Moscou n'est pas tirée pas d'un rapport du PCF. Elle est possiblement issue telle quel ou déformée du compte rendu que Foissin a pris l'initiative de faire au Chargé d'affaires soviétique qu'il a rencontré dans la deuxième quinzaine de juillet.


5 août 1940

● Lettre de Robert Foissin adressée à André Picard

"2° Depuis 15 jours  tout  le  monde  dit que l'autorisation de sortir le journal Ce Soir est un fait acquis. Mais jusqu'à maintenant, Ce Soir ne peut paraître parce que personne n'en a encore donné l'autorisation officielle et formelle.
3° Des centaines de prisonniers politiques se trouvent encore dans la zone occupée. Bien qu'un memo ait été remis à ce sujet aux autorités allemandes, depuis plus de 10 jours mes camarades sont toujours détenus ou internés pour avoir défendu dès sa signature le pacte germano-soviétique, pacte dont les développements prochains viennent d'être si heureusement soulignés par Hitler et par Molotov dans leur plus récents discours.
4° Alors qu'on nous avait formellement assuré que nous étions couverts jusqu'à l'issue des pourparlers que tu sais, une centaine de militants ont été incarcérés depuis le 13 juillet pour avoir diffusé nos écrits qui ne peuvent être que clandestins, toute liberté de presse étant toujours supprimée en ce qui nous concerne. Il sont déférés aux autorités militaires allemandes. Nous ignorons l'objet de leur inculpation, les pénalités qu'ils, peuvent encourir et les conditions dans lesquelles ils peuvent se défendre et être défendus. Nous savons seulement que l'un d'entre eux a été condamné à six mois de prison alors que les tracts distribués ne contiennent absolument rien à l'encontre soit du Reich soit des autorités et troupes d'occupation. [...]
En conséquence, si aucune décision n'intervient cette semaine, je me verrai dans l'obligation de demander à mon Parti de ma décharger de ma mission, mission que d'ailleurs il ne confiera à personne d'autre. 
Tu sais avec quel foi j'ai agi jusqu'à maintenant et les discours d'Hitler [du 19/7/40] et de Molotov [du 1/8/40] m'ont confirmé dans l'opinion que l'amitié entre le Reich et l'URSS doit avoir de profondes répercussions même sur l'évolution de la politique de la France.
Je reste persuadé que c'est aussi et toujours ton sentiment. A toi de faire de ton côté tous les efforts que, du mien, j'ai multiplié depuis plus de six semaines."

(Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, pp. 314-316)

Le 5 août, Robert Foissin écrit à André Picard, agent d'Abetz, pour dénoncer le comportement des autorités allemandes qui ne respectent pas leurs engagements et demander une dernière fois que les revendications communistes soient satisfaites au nom de "l'amitié entre le Reich et l'URSS".

Dans sa lettre Foissin exprime plusieurs griefs illustrant les ambiguïtés des autorités allemandes.

Tout d'abord, il indique que Ce Soir n'a toujours pas reçu officiellement l'autorisation de paraître alors que, depuis le 20 juillet et les annonces de Maass, les autorités allemandes ont donné leur accord à cette parution.

Ensuite, il mentionne que les communistes encore détenus en zone occupée n'ont toujours pas été libérés en précisant qu'il a, conformément aux exigences de Maass, remis aux autorités allemandes un mémo demandant leur libération et en soulignant que tous ces militants sont détenus "pour avoir défendu dès sa signature le pacte germano-soviétique". Rappelons qu'en zone occupée les allemands ont déjà libéré un grand nombre de militants communistes condamnés pour défaitisme.

Enfin, il écrit que des distributeurs de tracts communistes ont été arrêtés alors que les autorités allemandes s'étaient "formellement" engagées à tolérer les activités du PCF pendant la durée des pourparlers et que de plus ces tracts ne contenaient "absolument rien à l'encontre soit du Reich soit des autorités et troupes d'occupation".

Sur ce point particulier, le rapport de Jacques Duclos du 5 août apporte les précisions suivantes :

"De plus nous avons eu dans la dernière périoode plusieurs camarade arrêtés : [...].
Pour distribution des tracts un camarade a été condamné à 6 mois de prison. Nous avons plusieurs autres camarades arrêtés pour le même motif et d'autres ont été arrêtés à la suite de manifestations qui se sont produites à Montreuil, Alfortville, Maisons-Alfort pour la réintégration des municipalités communistes, manifestations auxquelles ont participé plusieurs milliers de personnes. Nous avons une cinquantaine d'arrêtés environ depuis que les occupants sont là et la politique de libération des prisonniers pratiqués au début semble avoir été abandonnée."

Fort de ce constat des manquements allemands, Foissin insiste auprès de Picard pour que les revendications communistes soient rapidement satisfaites faute de quoi les négociations seront définitivement rompues.

Autre argument pour obtenir satisfaction, il soutient que les rapports entre les autorités allemandes et le PCF devraient s'inscrire dans le cadre de "l'amitié entre le Reich et l'URSS" qui a été une nouvelle fois célébrée, précise-t-il, par Hitler et Molotov dans leurs discours du 19 juillet, pour le premier, et du 1er août, pour le second (voir Complément).

Ce dernier argument traduit parfaitement l'état d'esprit des communistes à l'été 1940.

Complément

On citera les discours de Hitler et de Molotov célébrant "l'amitié entre le Reich et l'URSS" :

- Discours du Chancelier Hitler prononcé le 19 juillet à Berlin devant le Reichstag :

"Les politiciens anglais paraissent fonder leurs derniers espoirs  - abstraction faite des nations alliées et associées se composant d'une lignée de Chefs d'Etat sans trône, d'hommes d'Etat sans peuples et de généraux sans armées [le Général de Gaulle] - sur de nouvelles complications qu'ils espèrent pouvoir créer grâce à leur habilité qui a si bien fait ses preuves jusqu'à présent. Parmi ces espoirs,  il y en a un qui est une véritable utopie juive, c'est l'idée que l'on pourrait de nouveau séparer la Russie de l'Allemagne.
Les relations germano-russes sont définitivement scellées. La raison de cette confirmation réside dans le fait que l'Angleterre et la France, soutenues par certains petits États, attribuaient constamment à l'Allemagne des projets de conquêtes dans des régions qui ne présentaient aucun intérêt pour elle. Tantôt on disait que l'Allemagne voulait occuper l'Ukraine, tantôt qu'elle voulait entrer en Finlande; une autre fois, on prétendit que la Roumanie était menacée, enfin on craignit même pour la Turquie.
Dans ces circonstances, je considérai comme juste d'entreprendre avant tout avec la Russie une nette démarcation de nos intérêts, afin de définir, une fois pour toutes, quelles sont les régions que l'Allemagne croit devoir considérer comme intéressantes pour son avenir et quelles sont celles au contraire que la Russie estime nécessaires à son existence. Et c'est sur la base de cette claire délimitation des sphères d'intérêts respectives de l'Allemagne et de la Russie qu'intervint le nouveau règlement des relations germano-russes. En raison de la conclusion de cet accord, il faut être naïf pour espérer une nouvelle tension entre les deux pays. Ni l'Allemagne, ni la Russie n'ont fait un seul pas en dehors de leurs sphères d'intérêts."

- Discours de Viatcheslav Molotov, Commissaire du peuple aux Affaires étrangères, prononcé le 1er août à Moscou devant le Soviet suprême :

"Ces derniers temps, la presse étrangère, et surtout la presse anglaise et anglophile a souvent spéculé sur la possibilité de divergences s entre l'Union Soviétique et l'Allemagne cherchant à nous effrayés par la perspective d'un renforcement de la puissance de l'Allemagne. Ces tentatives ont été plus d`une fois dénoncées et rejetées, aussi bien par nous que par l'Allemagne. Nous pouvons seulement confirmer qu'à notre avis, à la base des relations amicales et de bon voisinage qui se sont établies entre l'URSS et l'Allemagne. se trouvent non seulement des éléments fortuits de conjoncture, mais des intérêts d'Etat fondamentaux de l'Union Soviétique comme de l'Allemagne".

● Rapport de Jacques Duclos à l'attention de l'IC

"Nous avons reçu de vos nouvelles et comme vous pouvez le penser nous avons examiné avec le plus grand soin les conseils que vous nous donner concernant le renforcement de la vigilance contre les manœuvres des occupants ainsi que vos observations relatives à la conversation que nous vous avons relatée. Nous comprenons toute l'importance qu'il y a à ne pas nous laisser compromettre mais le déroulement des événements est tel que l'on peut dire que ce danger a été évité."


Dans son rapport à l'IC du 5 août 1940, Jacques Duclos répond au télégramme de Dimitrov et Thorez du 20 juillet 1940, qui mentionnait que "entrevue avec Abetz faute, car danger compromettre parti et dirigeants". Il affirme que le Parti a su éviter le "danger" de la compromission dans ses négociations avec les autorités allemandes. 

Précisons que "la conversation que nous vous avons relatée" fait référence à la rencontre du 26 juin 1940 entre Abetz et deux dirigeants communistes : Tréand et Catelas.

● Directive de l'IC

A Moscou, sur la base d'informations venant de différentes sources, l'IC adopte une Directive en relation avec le PCF. Elle sera envoyée le 7 août.

● Retour d'Abetz qui a été nommé au rang d'Ambassadeur le 3 août


Vers le 6 août 1940

● Diffusion du discours de Molotov

Vers le 6 août, après le refus de l'ambassade d'Allemagne d'autoriser la publication du discours prononcé par Molotov le 1er août, le Parti communiste le publie sous forme de brochure en mentionnant à la dernière page l'échec de sa démarche auprès des autorités allemandes :

 "Discours du camarade Molotov édité illégalement par le Parti communiste français, l'Ambassade d'Allemagne ayant refusé l'autorisation de le faire imprimer normalement".

Chef du Parti communiste clandestin,, Jacques Duclos mentionne cette initiative dans son rapport à l'IC du 5 août 1940 : "nous somme en train d'éditer le discours du camarade Molotov et nous allons essayer de le faire vendre dans la rue". (1)

Dans un télégramme du 8 août 1940 envoyé au secrétaire général de l'IC, Georgi Dimitrov, il apporte les précisions suivantes : "Le discours de Molotov est publié légalement sans demande permission en 35 mille exemplaires et on continue". (2)

(1) Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes, 1940, n° 42, 1990, p. 96.
(2) B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, p. 283.


7 août 1940

● L'IC envoie des Instructions au PCF

La Directive adoptée le 5 août est envoyée Paris le 7 août dans un Télégramme signé par Dimitrov et Thorez. Cette Directive est une vigoureuse réaction de l'IC à deux faits jugés inacceptables qui sont liées aux négociations qu'elle a autorisées. Tout d'abord, la participation de Tréand à deux rencontres supplémentaires avec des responsables allemands (13 et 20 juillet). Ensuite, des négociations d'ordre politique portant sur la constitution à Paris d'un gouvernement populaire avec des communistes.

C'est dans ce cadre qu'elle formule ce jugement : "il est évident que le parti est menacé de graves dangers de la part des manœuvres des occupants". Tout en jugeant indispensable d'éviter "articles, déclaration, pourparlers, entrevues tels qui pourraient avoir le caractère expression de solidarité avec les occupants", elle recommande de "poursuivre les efforts pour obtenir légalisation presse ouvrière". Informée d'un "projet constitution gouvernement populaire", elle prescrit de repousser toute tentative de pourparlers avec les occupants "au sujet de la tactique ou d'autres problèmes du parti. Les intermédiaires de pareilles tentatives doivent être immédiatement dénoncés à la direction du Parti. L'attitude de l'avocat Foissin laisse croire qu'il est un agent des occupants".

(Directive de l'IC du 5 août 1940 / Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes, Le PCF et l'Internationale de la guerre à l'effondrement de la France, n° 52-53, 1993, pp. 234-236)


21 août 1940

● Télégramme du PCF adressé à l'IC

"Tous pourparlers ont cessé après communications antérieures. Prenons mesures renforcement vigilance. Renseignements donnés par d'autres concernant soi-disant gouvernement de Paris sont contraires vérité. [...] Sommes surpris qu'on ait pu penser que nous pourrions devenir jouets des occupants . Parti uni derrière direction.

(Stéphane Courtois, Le Bolchévisme à la française, 2010, p. 172)

En réponse aux critiques formulées par l'IC dans sa Directive du 5 août 1940, le  Parti communiste envoie à Moscou un télégramme en date du 21 août 1940 dans lequel il affirme que "tous pourparlers ont cessé après communications antérieures" et que "les renseignements donnés par d'autres concernant soi-disant gouvernement de Paris sont contraires vérité".

Preuve de l'unité du Parti ce télégramme est signé par Duclos, Tréand et Frachon.


22 août 1940

● Abetz convoque Foissin

Abetz convoque Foissin pour lui annoncer les résultats de ses conversations à Berlin avec Ribbentrop et Hitler concernant les demandes du Parti communiste (légalisation des comités populaires d'usines, autorisation de Ce Soir, libération de ses militants) :

"1° Accord sur le développement du mouvement des comités d'entreprise.
2° Impossibilité de la reparution de Ce Soir trop marqué par sa position lors de la guerre d'Espagne mais entrée à "La France au Travail" qui sera profondément remaniée.
3° Accord sur la libération des détenus de la zone non occupée." (1)
(1)Note de Foissin du 7 novembre 1944


25 août 1940

● Foissin transmet les contre-propositions allemandes à Catelas qui lui demande de prendre rendez-vous avec Abetz pour le 27 août.


27 août 1940

● Catelas ne se présente pas chez Foissin qui l'attend pour se rendre au rendez-vous avec Abetz. Ce fait marque la fin de la seconde négociation entre le PCF et nazis.


31 août 1940

● Foissin est exclu du Parti communiste

Dans un texte titré "Exclusion de Foissin", le numéro spécial de l'Humanité clandestine du 27 septembre 1940 expose dans plusieurs paragraphes les raisons pour lesquels Robert Foissin "est chassé du Parti" :
"L'avocat Foissin qui, bien que sachant parfaitement que le Parti Communiste combat et dénonce le journal La France au Travail, a collaboré à cet organe de presse, est chassé des rangs du Parti."

La décision d'exclure Foissin a été prise par la direction moscovite du PCF (Thorez) qui lui reproche d'avoir mené des discussions d'ordre politique avec les autorités allemandes (la constitution à Paris d'un gouvernement populaire) au cours des négociations concernant la reparution de l'Humanité. Ne pouvant reconnaître la réalité de ces négociations ainsi que le rôle de Foissin, le Parti communiste justifie l'exclusion de Foissin en invoquant sa participation au journal La France au Travail.