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Septembre 1939

1er septembre
➤ L'Allemagne envahit la Pologne.

➤ Discours de Hitler justifiant l'attaque de la Pologne et la signature du Pacte germano-soviétique.

➤ La France adresse un ultimatum à l'Allemagne indiquant que si ses armées ne se retirent pas de la Pologne elle défendra militairement son allié polonais.

➤ Le gouvernement français décrète la mobilisation générale.

➤ L'Internationale communiste adresse des Instructions au Parti communiste.

2 septembre
➤ Réunion du Parlement.

➤ Dans un discours prononcé à la Chambre des députés, le président du Conseil, Edouard Daladier, déclare qu'une entrée en guerre de la France serait consécutive au refus de l'Allemagne de régler par la voie diplomatique le conflit germano-polonais et serait motivé par le respect de ses engagements internationaux et la protection de ses intérêts vitaux.

➤ Allocution du président de la Chambre des députés, Edouard Herriot.

➤ Les députés et les sénateurs votent les crédits militaires.

3 septembre
➤ La France et l'Angleterre déclarent la guerre à l'Allemagne.

➤ Dans un Appel à la Nation radiodiffusé dans la soirée, le président du Conseil affirme qu'en "nous dressant contre la plus effroyable des tyrannies, en faisant honneur à notre parole, nous luttons pour défendre notre terre, nos foyers, nos libertés".

7 septembre
➤ Staline convoque le secrétaire général de l'Internationale communiste, Georgi Dimitrov, pour lui fixer la ligne qu'il devra suivre dans le conflit européen.

8 septembre
➤ Moscou adresse à Berlin un message de félicitations concernant l'entrée des troupes allemandes dans Varsovie. (Contrairement aux informations que les Allemands ont communiquées au gouvernement soviétique pour l'inciter à déclencher rapidement son attaque contre la Pologne, ces troupes sont en réalité dans la périphérie de la capitale polonaise).

9 septembre
➤ Discours de Goering annonçant une victoire rapide en Pologne et célébrant le rôle positif de l'URSS.

➤ Instructions de l'IC prescrivant au PCF de s'engager sans délai dans la lutte contre la guerre qui est qualifiée d'impérialiste.

➤ Dans une interview diffusée par le réseau de radio américain NBC, Léon Blum affirme qu'il n'y aurait pas eu de guerre en Europe si l'Allemagne d'Hitler et la Russie de Staline n'avaient pas signé un Pacte de non-agression.

➤ Décret-loi modifiant les dispositions relatives à la déchéance de la nationalité française.

13 septembre
➤ L'anarchiste Louis Lecoin diffuse le tract "Paix immédiate !" qui a été signé par une trentaine de personnalités de la gauche pacifiste.

➤ Remaniement ministériel.

17 septembre
➤ l'URSS envahit la Pologne.

➤ Editorial de Léon Blum intitulé "Le mystère stalinien" (rédigé la veille) dans lequel il est affirmé que si les armées soviétiques devaient entrer en Pologne elles le feraient pour combattre les Allemands et non les Polonais.

➤ Après un entretien avec Staline qui s'est tenu à 2 h du matin, l'ambassadeur allemand informe Berlin que l'URSS va attaquer la Pologne.

➤ Une Note de Molotov justifiant l'intervention soviétique est remise à l'ambassadeur polonais.

➤ Protestation du gouvernement polonais.

18 septembre
➤ Communiqué germano-soviétique sur la situation polonaise.

➤ Editorial de Léon Blum intitulé "L'atroce événement".

➤ Déclaration de la CGT condamnant l'agression soviétique et s'engageant à exclure de ses rangs les communistes.

19 septembre
➤ Dans un discours prononcé dans la Ville libre de Dantzig, principale revendication territoriale allemande, Hitler dénonce les injustices du Traité de Versailles, attribue le déclenchement de la guerre à la Pologne et aux encouragements qu'elle a reçus de l'Angleterre, salue les succès de son armée, dénonce les atrocités commises par les Polonais, souligne le rôle positif de l'URSS et soutient qu'il n'a aucun but de guerre ni contre l'Angleterre ni contre la France.

➤ Editorial de Léon Blum dénonçant le "Silence accablant" des dirigeants communistes des dirigeants communistes sur l'agression soviétique contre la Pologne.

➤ Communiqué de presse du groupe parlementaire communiste (censuré) saluant le courage des Polonais, approuvant l'intervention soviétique et plaidant pour la Paix.

21 septembre
➤ Le Comité Central du PCF adopte une résolution intitulée "Il faut faire la Paix" dans laquelle il plaide pour la Paix avec Hitler et dénonce implicitement l'impérialisme français.

➤ Convention militaire germano-soviétique fixant la ligne de démarcation entre les armées allemandes et soviétiques présentes sur le territoire polonais.

26 septembre
➤ Décret-loi prononçant la dissolution de la Section Française de l'Internationale Communiste autrement dit le PCF.

28 septembre
➤ Reddition de Varsovie.

➤ La victoire de l'Allemagne et de l'URSS en Pologne se concrétise avec la signature de plusieurs accords : un Traité de frontières et d'amitié, une Déclaration appelant la France et l'Angleterre à faire la Paix avec l'Allemagne, un Engagement à développer leurs échanges commerciaux et enfin trois Protocoles secrets.

➤ Création à la Chambre des députés du Groupe ouvrier et paysan français en remplacement du Groupe communiste

30 septembre
➤ Editorial de Léon Blum intitulé "La paix de Hitler et de Staline".



1er septembre 1939

● L'Allemagne envahit la Pologne

Le 1er septembre, l'Allemagne envahit la Pologne sans déclaration de guerre en avançant comme prétexte le refus du gouvernement polonais de régler par la voie diplomatique le différent territorial portant sur Dantzig et son corridor ainsi que la question des minorités allemandes.

Signalons que cette attaque a été déclenchée au lendemain de la ratification du Pacte germano-soviétique lequel était célébré par les communistes comme un instrument au service de... la Paix générale.

● Discours de Hitler justifiant l'attaque de la Pologne et la signature du Pacte germano-soviétique

"Je suis heureux de pouvoir ici, de cette place, vous communiquer un événement spécial. Vous savez que la Russie et l'Allemagne sont gouvernées par deux doctrines différentes. Seulement il y avait une question qu'il fallait éclaircir : l'Allemagne n'a point l'intention d'exporter sa doctrine, et dès l'instant où la Russie soviétique n'a pas l'intention d'exporter sa doctrine en Allemagne, je ne vois plus aucune raison pour que nous ne prenions pas de nouveau réciproquement position ! Nous nous rendons clairement compte de part et d'autre que toute lutte entre nos deux peuples ne pourrait porter profit qu'à d'autres. C'est pourquoi nous nous sommes résolus à conclure un pacte excluant entre nous, pour tout l'avenir, tout emploi de la violence, qui nous oblige à nous consulter dans certaines questions européennes, qui rend possible la collaboration économique et qui surtout garantit que les forces de ces deux grands Etats ne s'useront pas à s'entrechoquer.
Toute tentative de l'Occident pour y changer quelque chose échouera. Et je veux ici assurer une chose, c'est que cette décision politique marque un tournant énorme pour l'avenir et qu'elle est définitive. Je crois que tout le peuple allemand accueillera avec satisfaction cette attitude politique ! La Russie et l'Allemagne se sont combattues dans la guerre mondiale, et toutes deux en ont été, jusqu'à la fin, les victimes. Cela ne se renouvellera pas une seconde fois ! Le pacte de non-agression et de consultation, qui est entré en vigueur dès le jour de sa signature, a reçu hier, à Moscou et Berlin, la ratification suprême. A Moscou, ce pacte a été salué comme vous le saluez ici vous-mêmes.
Je puis souscrire mot pour mot au discours qu'a prononcé le commissaire du peuple Molotov."

(Bulletin périodique de la presse allemande n° 500 du 11 septembre 1939)

Le 1er septembre, l'Allemagne attaque la Pologne.

Le jour même, le Chancelier Hitler s'exprime à Berlin devant le Reichstag pour justifier cette intervention militaire. Dans un passage consacré aux relations avec l'URSS, le dictateur nazi célèbre le Pacte germano-soviétique en soulignant son intérêt sur le plan militaire, diplomatique et économique :

"C'est pourquoi nous nous sommes résolus à conclure un pacte excluant entre nous, pour tout l'avenir, tout emploi de la violence, qui nous oblige à nous consulter dans certaines questions européennes, qui rend possible la collaboration économique et qui surtout garantit que les forces de ces deux grands Etats ne s'useront pas à s'entrechoquer".

Preuve supplémentaire des très bonnes relations entre les deux Etats totalitaires, Hitler approuve devant les députés nazis le discours prononcé la veille par Molotov : "Je puis souscrire mot pour mot au discours qu'a prononcé le commissaire du peuple Molotov.."

● La France adresse un ultimatum à l'Allemagne sous la forme d'une communication de son ambassadeur à Berlin, Robert Coulondre, faite au ministre des Affaires étrangères allemand, Joachim von Ribbentrop

"je dois informer Votre Excellence qu'à moins que le Gouvernement allemand ne soit disposé à donner au Gouvernement français des assurances satisfaisantes que le Gouvernement allemand a suspendu toute action agressive contre la Pologne et est prêt à retirer promptement ses forces du territoire polonais, le Gouvernement français remplira sans hésitation ses obligations à l'égard de la Pologne."


● La France décrète la mobilisation générale

● L'Internationale communiste adresse des Instructions au Parti communiste

"Nous croyons que vous devriez pas proclamer votre soutien du syndicat Lenoir [gouvernement Daladier] sans condition."

(Télégramme de l'IC  du 1er septembre 1939 / B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, p. 68)

Après la réception des instructions de l'IC du 22 août, le Parti communiste a mené son action politique sur la ligne suivante :

1) approbation du Pacte germano-soviétique.
2) défense de la France dans l'hypothèse d'une guerre avec l'Allemagne,
3) soutien au Gouvernement Daladier.

Dans un télégramme du 1er septembre signé de son secrétaire général, Georgi Dimitrov, l'Internationale communiste corrige cette ligne en recommandant au Parti communiste de dénoncer l'illégitimité du Gouvernement Daladier pour diriger la France. Elle précise même les arguments que devront avancés les communistes pour justifier leur condamnation du gouvernement français :

1) la double trahison de l'Espagne (Accords Bérard-Jordana reconnaissant la légitimité de Franco) et de la Tchécoslovaquie (Accords de Munich consacrant l'annexion des Sudètes par l'Allemagne) a permis le renforcement de l'Allemagne.
2) la soumission de la France à l'Angleterre belliciste a empêché la constitution d'un front de la Paix avec l'URSS.
3) la répression du Parti communiste en raison de son engagement en faveur du Pacte germano-soviétique a contribué à désunir le peuple.


2 septembre 1939

● Réunion du Parlement

Conformément au décret de convocation pris la veille par l'exécutif, une session extraordinaire du Parlement s'ouvre le 2 septembre 1939.

Au cours de cette séance le Parlement vote les crédits militaires demandés par le gouvernement.

La séance du 2 septembre sera la seule de cette session extraordinaire qui prendra fin le 4 octobre.

● Déclaration à la Chambre des députés du président du Conseil, Edouard Daladier

"Le Gouvernement a décrété hier la mobilisation générale. La nation tout entière répond à son appel avec un calme grave et résolu. [...]
Le Gouvernement a donc mis la France en état d'agir selon son intérêt et selon notre honneur. [...]
Et le 1er septembre à l'aube, le Führer donnait l'ordre d'attaquer à ses troupes. Jamais agression ne fut plus évidente et plus injuste; jamais aussi pour la justifier ne firent mis en œuvre plus de mensonge et de cynisme. (Applaudissements unanimes) [...]

[Efforts pour la paix]
Messieurs, ces efforts pour la paix, s'ils furent impuissants jusqu'ici et s'ils le demeurent encore, auront, du moins, marqué les responsabilités. Elles assurent à la Pologne, victime, le concours effectif et la solidarité morale des nations et des hommes libres de tous les pays.
Ce que nous avons fait avant le commencement de cette guerre, nous sommes prêts à le faire encore. Si les démarches de conciliation se renouvellent, nous sommes prêts encore à nous y associer. (Vifs applaudissements unanimes. — A l'extrême gauche, à gauche, au centre et à droite, MM. les députes se lèvent et applaudissent à nouveau.)
Si le combat s'arrêtait, si l'agresseur regagnait ses frontières, si une libre négociation pouvait encore s'engager, croyez bien, messieurs, que le Gouvernement français n'épargnerait aucun effort afin de permettre aujourd'hui encore, s'il est possible, son succès dans l'intérêt de la paix du monde. (Vifs applaudissements prolongés.)
Mais le temps presse. La France et l'Angleterre ne sauraient assister à la destruction d'un peuple ami (Nouveaux applaudissements), présage de nouvelles entreprises de violence dirigées à leur tour contre l'Angleterre et contre la France. (Applaudissements.)
S'agit-il, en effet, simplement du conflit germano-polonais ? Non. messieurs, il s'agit d'une phase nouvelle dans la marche de la dictature hitlérienne vers la domination de l'Europe et du monde. (Vifs applaudissements unanimes.) [...]

[Défense de la Pologne]
Quel est donc notre devoir ? La Pologne est notre alliée. Nous avons contracté avec elle des engagements en 1921 et en 1925. Ces engagements ont été confirmés. [...]
La Pologne a été l'objet de l'agression la plus injuste et la plus brutale. Les nations qui ont garanti son indépendance sont tenues d'intervenir pour sa défense.
La Grande-Bretagne et la France ne sont pas des puissances qui puissent renier ou qui songent à renier leur signature. (Vifs applaudissements prolongés à l'extrême gauche, à gauche, au centre et à droite.)
Dès hier soir, 1er septembre, les ambassadeurs de France et de Grande-Bretagne faisaient auprès du gouvernement allemand une démarche commune. Ils remettaient entre les mains de M. von Ribbentrop la communication suivante du Gouvernement français et du gouvernement anglais dont je vous demande la permission de vous donner lecture :
« [...] En conséquence, je dois informer Votre Excellence qu'à moins que le gouvernement allemand soit disposé à donner au Gouvernement français et au gouvernement de Sa Majesté des assurances satisfaisantes que le gouvernement allemand a suspendu toute action agressive contre la Pologne et est prêt à retirer promptement ses forces du territoire polonais, le Gouvernement français, comme le gouvernement de Sa Majesté remplira sans hésitation ses obligations à l'égard de la Pologne. »

[Sécurité de la France]
Aussi bien, messieurs, il ne s'agit pas seulement de l'honneur de notre pays. Il s'agit aussi de la protection de ses intérêts vitaux.
Car une France qui laisserait s'accomplir cette agression ne tarderait pas à être une France méprisée, une France isolée, une France discréditée, sans alliés et sans appui, et, n'en doutez pas, bientôt soumise elle-même à un effroyable assaut. (Applaudissements.)
Je pose la question au peuple français et à tous les peuples : que peut valoir la garantie encore renouvelée au moment même de l'agression contre la Pologne, la garantie donnée pour notre frontière de l'Est, pour notre Alsace (Vifs applaudissements), pour notre Lorraine (Vifs applaudissements), après le reniement des garanties successivement données à l'Autriche, à la Tchécoslovaquie, à la Pologne ? Rendus plus puissants par leurs conquêtes, gorgés des dépouilles de l'Europe, maîtres de richesses naturelles inépuisables, les agresseurs se dirigeraient bientôt contre la France avec toutes leurs forces. (Nouveaux applaudissements.)
Notre honneur, ce n'est donc que le gage de notre propre sécurité. [...]

[Etat d'esprit]
Messieurs, pendant que nous délibérons, les Français rejoignent leurs régiments. Aucun d'eux n'a de haine dans son cœur contre le peuple allemand. (Vifs applaudissements unanimes.) Aucun d'eux ne se laisse enivrer par l'appel de la violence et de la brutalité; mais tous, ils sont prêts à faire leur devoir avec ce calme courage qu'inspire une conscience sans reproche. (Nouveaux applaudissements)
Vous savez mieux que personne qu'aucun gouvernement, qu'aucun homme ne pourrait mobiliser la France pour la jeter dans une aventure. Ce ne sont pas les Français qui se lèveraient pour envahir le territoire d'un pays étranger. (Vifs applaudissements prolongés sur tous les bancs.) Leur héroïsme est celui de la défense et non pas celui de la conquête. Quand on voit la France debout. c'est qu'elle a conscience d'être menacée. [...]

[Alternative]
Notre devoir, il est d'en finir avec les entreprises de l'agression et de la violence. Par des règlements pacifiques, si nous le pouvons encore, et nous le tenterons jusqu'au bout. (Applaudissements unanimes). Par l'usage de notre force, si tout sens moral en même temps que tout lueur de raison a disparu chez les agresseurs. (Nouveaux applaudissements.)"

(Journal officiel du 3 septembre 1939)

Dans sa déclaration prononcée à la Chambre des députés le 2 septembre, Edouard Daladier, président du Conseil radical-socialiste, souligne la volonté du gouvernement français de mettre fin au conflit germano-polonais par la voie diplomatique et justifie une entrée en guerre de la France qui serait consécutive à l'échec de ces démarches en avançant deux arguments : le respect des engagements contractés envers la Pologne et la sécurité de la France.

● Allocution du président de la Chambre des députés, Edouard Herriot

"[...] Le même homme qui a, fait disparaître l'Autriche, qui a martyrisé les Tchèques, qui a peuplé le monde entier d'exilés recourt une fois de plus à la force avec un mélange de brutalité et de fourberie, par de cyniques procédés que le premier ministre de Grande-Bretagne a déjà flétris hier et, qu'il convient, sans délai, de fixer. (Vifs applaudissements unanimes)
Les plus hautes médiations, que nous avons accueillies avec empressement et reconnaissance, se sont heurtées à un refus. La Pologne, cette nation de finesse et de culture (Nouveaux applaudissements sur un très grand nombre de bancs), à laquelle nous sommes liés par tout le passé, subit actuellement, avec son légendaire courage, les coups d'une scientifique barbarie; nous lui envoyons l'ardente, la fraternelle expression de notre solidarité. (Vifs applaudissements prolongés. — MM. les députés se lèvent et applaudissent à nouveau.) Un gouvernement qui avait mis au centre de son programme la lutte contre l'agression, qui avait solennellement déclaré, naguère encore, vouloir donner son aide à tous les pays en lutte pour l'indépendance, vient de signer, avec le spécialiste même de l'agression, un pacte qui soulève la réprobation de tout être droit. (Applaudissements répétés et prolongés à droite, au centre, à gauche et à l'extrême gauche. - MM. les députés se lèvent à nouveau.)"

(Journal officiel du 3 septembre 1939)

A la séance de la Chambre du 2 septembre, son président, Edouard Herriot, radical-socialiste, prononce une allocution dans laquelle il dénonce l'Allemagne pour son agression de la Pologne et... l'URSS pour la signature du Pacte germano-soviétique.

Sa condamnation du Pacte germano-soviétique a été applaudie par tous les députés et notamment... les communistes.

● Les députés et sénateurs communistes votent les crédits militaires

La séance du 2 septembre à la Chambre des députés débute par une allocution de son président, Edouard Herriot. Elle se poursuit avec la lecture d'un message du président de la République, Albert Lebrun et une déclaration du président du Conseil, Edouard Daladier.

Elle est ensuite suspendue pour permettre à la Commission des finances de délibérer sur la demande de crédits supplémentaires pour la défense nationale. Au cours de cette délibération positive, Georges Cogniot déclare que le groupe communiste "votera les crédits dans le même esprit dans lequel il a applaudi le discours du président du Conseil, et en souhaitant l'union de toute la nation, y compris ses forces vives et loyales, ainsi que le rétablissement d'un régime égal pour toute la presse" (1).

A la reprise, la Chambre vote sans débats - décision de tous les chefs de groupe - et à l'unanimité les crédits militaires demandés par le gouvernement.

Les parlementaires ont fait le choix de voter à main levé. Conséquence : aucun décompte nominatif des votants ne sera publié au Journal officiel.

On peut toutefois cité deux documents rendant compte du vote du groupe communiste : leurs communiqués de presse des 2 et 19 septembre.

Dans le premier on peut lire : "Nous acceptons toutes les mesures d'ordre militaire et financier réclamées aujourd'hui par le Gouvernement pour le salut du pays." (2)

Dans le second : "Les communistes français ont manifesté leur volonté inébranlable de défendre le pays, en votant les crédits de la Défense nationale." (3)

Après avoir été adopté à la Chambre, le projet de loi est ensuite transmis au Sénat qui le vote dans les mêmes termes et à l'unanimité, y compris les deux sénateurs communistes : Jean-Marie Clamamus et Marchel Cachin.

Dernier élément, après le changement de ligne imposé par l'IC, le Parti communiste jugera que ses députés ont commis une faute lourde en votant les crédits de guerre (Voir Complément).

(1) Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, p. 107.
(2) Cahiers d'histoire de l'IRM, n° 39, 1989 p. 78.
(3) Cahiers d'histoire de l'IRM, n° 39, 1989 p. 87.

Complément

Le vote des crédit militaires par les parlementaires communistes sera condamné par le Parti dans un texte de référence publié dans les Cahiers du bolchévisme du 2e semestre 1939. Il sera même nié pendant l'occupation allemande.

Diffusés en janvier 1940, les Cahiers du bolchévisme du 2e semestre 1939 publient un éditorial de plusieurs pages intitulé "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste".

Rédigé à Moscou par Maurice Thorez, secrétaire du PCF, et André Marty, dirigeant communiste et secrétaire de l'IC, ce texte dénonce le caractère impérialiste de la guerre avant de détailler les tâches du Parti communiste dans son combat pour la Paix.

Revenant sur l'attitude du Parti communiste dans les jours précédant le déclenchement de la guerre, les deux auteurs indiquent qu'il a fait "preuve d'une fidélité inébranlable à la cause de la paix, de l'Union soviétique, en proclamant son attachement absolu à l'IC de Lénine et de Staline" avant de souligner que "de lourdes fautes furent commises. Les travailleurs ne furent pas appelés à une action vigoureuse pour la défense du Parti et de sa presse. Le groupe parlementaires n'utilisa point l'unique séance de la Chambre pour protester contre la politique de réaction et de guerre de Daladier et des chefs socialistes. Il vota les crédits militaires."

Le groupe parlementaire est accusé d'avoir commis de "lourdes fautes" en votant en faveur des crédits militaires et en ne formulant aucune condamnation de l'impérialisme français à la séance du 2 septembre.

Cette accusation est portée avant tout par André Marty, secrétaire de l'IC arrivé à Moscou en août 1939, pour lequel le Parti aurait dû se mobiliser contre la guerre dès le début du conflit.

Le dirigeant communiste fait volontairement abstraction de ces deux faits : 1) la Directive de l'IC du 22 août 1939 recommandait au PCF de soutenir le Pacte germano-soviétique et... de combattre le "fascisme allemand", 2) cette ligne favorable à la défense nationale a été modifiée par la Directive du 9 septembre 1939 dans laquelle Moscou demandait à toutes ses sections de dénoncer la guerre impérialiste et appelait en conséquence ses membres présents dans les pays belligérants à "voter contre les crédits militaires".

Diffusée à 200 000 exemplaires en novembre 1940, la "Lettre aux militants communistes" signée par Maurice Thorez et Jacques Duclos contient le passage suivant :

"En nous dressant contre la guerre impérialiste, dans laquelle la France avait été jeté par un gouvernement indigne soutenu par le Parlement unanime, à l'exception des communistes, nous avons rempli notre devoir de prolétaires révolutionnaires ne perdant pas de vue que, selon la belle formule de Karl Liebknecht, « L'ENNEMI EST CHEZ NOUS »".

Dans ce texte publié pendant l'occupation allemande les communistes revendiquent l'honneur d'être... les pacifistes de la première heure. C'est pour justifier cette revendication qu'ils mentent sur leur vote du 2 septembre 1939.


3 septembre 1939

● La France et l'Angleterre déclarent la guerre à l'Allemagne

Le gouvernement allemand ayant rejeté son ultimatum, la France déclare la guerre à l'Allemagne par l'intermédiaire de son ambassadeur à Berlin, Robert Coulondre qui est chargé de faire la communication suivante au ministre des Affaires étrangères allemand, Joachim von Ribbentrop :

"J'ai la pénible mission de vous notifier qu'à partir d'aujourd'hui, 3 septembre, à 17 heures, le Gouvernement français se trouvera dans l'obligation de remplir les engagements que la France a contractés à l'égard de la Pologne et qui sont connus du Gouvernement allemand".


● Appel à la Nation radiodiffusé du président du Conseil, Edouard Daladier

"Depuis le 1er septembre au lever du jour, la Pologne est victime de la plus brutale et de la plus cynique des agressions. Ses frontières ont été violées. Ses villes sont bombardées. Son armée résiste héroïquement à l'envahisseur. 
La responsabilité du sang répandu retombe entièrement sur le gouvernement hitlérien. Le sort de la paix était dans les mains de Hitler. Il a voulu la guerre. [...]
En nous dressant contre la plus effroyable des tyrannies, en faisant honneur à notre parole, nous luttons pour défendre notre terre, nos foyers nos libertés. [...]
Nous faisons la guerre parce qu'on nous l'a imposée. Chacun de nous est à son poste sur le sol de France, sur cette terre de liberté où le respect de la dignité humaine trouve un de ses derniers refuges. Vous associerez tous vos efforts dans un profond sentiment d'union et de fraternité pour le salut de la patrie."

(Le Temps du 5 septembre 1939)

Le 3 septembre, dans un Appel à la Nation radiodiffusé dans la soirée, le président du Conseil, Edouard Daladier, justifie l'entrée en guerre de la France en mettant en avant le refus du gouvernement allemand de renoncer à la force, l'alliance avec la Pologne et la sécurité du pays.


7 septembre 1939

● Staline s'entretient avec le Chef de l'IC, Georges Dimitrov

"Une guerre a lieu entre deux groupes de pays capitalistes (pauvres et riches au niveau des colonies, des matières premières, etc). / Pour le partage du monde, pour régner sur le monde ! / Nous n'avons rien contre le fait qu'ils se combattent un bon coup et qu'ils s'affaiblissent l'un l'autre. / Cela ne serait pas mal si, grâce à l'Allemagne, la situation des pays capitalistes les plus riches étaient ébranlée (en particulier l'Angleterre). / Hitler, sans le comprendre, ni le vouloir lui-même, ébranle, sape le système capitaliste. / [...] Nous pouvons manœuvrer, pousser un côté contre l'autre pour qu'ils se déchirent encore mieux. / Dans une certaine mesure le Pacte de non-agression aide l'Allemagne. / [...]

Les communistes des pays capitalistes doivent, de façon définitive, prendre position contre leurs gouvernements, contre la guerre. / Avant la guerre, il était totalement juste de contrer le fascisme avec les régimes démocratiques. / Au cours d'une guerre entre puissances impérialistes, cela ne l'est plus. / La séparation entre Etats capitalistes fascistes et démocratiques a perdu le sens qu'elle avait. / La guerre entraîne un changement radical. / Le Front populaire uni d'hier avait pour but de soulager la situation des esclaves du régime capitaliste / Mais dans les conditions d'une guerre impérialiste, c'est de l'anéantissement de l'esclavage dont il est question. / [...]

L'Etat polonais était auparavant un Etat national. Voilà pourquoi les révolutionnaires le défendaient contre les découpages et la mise en esclavage. / Aujourd'hui, c'est un Etat fasciste qui opprime les ukrainiens et les biélorusses. La destruction de cet Etat dans les conditions actuelles reviendrait à un Etat bourgeois fasciste en moins ! Qu'y aurait-il de mal à ce que l'écrasement de la Pologne nous permettent d'étendre le système socialiste à de nouveaux territoires et de nouvelles populations ?" (1)

(1) Georgi Dimitrov Journal 1933-1949.

Le 7 septembre 1939, Staline reçoit au Kremlin Georges Dimitrov, secrétaire général de l'Internationale communiste, pour lui exposer ses vues sur la nature du conflit européen, le rôle des Partis communistes et enfin le sort de la Pologne.

Rappelons que Staline est le Chef du Parti communiste d'URSS et qu'il dirige de fait le pays même s'il n'a aucune fonction gouvernementale. Pour le dictateur communiste, l'IC n'a aucune autonomie et constitue un instrument de la politique étrangère soviétique laquelle est fondée sur une alliance avec l'Allemagne dans le cadre du Pacte germano-soviétique et de son protocole secret.

Au cours de cet entretien visant à définir la ligne que suivront tous les Partis communistes, Staline affirme que la guerre est impérialiste, que les communistes doivent pour cette raison la combattre et enfin que la Pologne agressée par l'Allemagne d'Hitler ne doit pas être défendue parce qu'elle est... fasciste.

Répondant aux exigences de ce dernier, l'IC renoncera à sa ligne antifasciste pour s'engager dans lutte contre la guerre impérialiste.

Dernier élément, Dimitrov consignera dans son journal le contenu de l'intervention de Staline.


8 septembre 1939

● L'ambassadeur allemand à Moscou transmet à Berlin un message de félicitations du gouvernement soviétique

"Je viens de recevoir le message téléphonique suivant de Molotov : « J'ai reçu votre communication quant à l'entrée des troupes allemandes dans Varsovie. Je vous prie de transmettre mes félicitations et salutations au Gouvernement du Reich allemand. Molotov »."

(Télégramme de Schulenburg n° 300 du 8 septembre 1939 / Site Avalon)

Dans son télégramme n° 300 du 8 septembre 1939, F. Schulenburg, ambassadeur allemand à Moscou, transmet à Berlin le message de "félicitations" adressé par Molotov au gouvernement allemand pour la prise de Varsovie.

Contrairement aux informations que les Allemands ont communiquées au gouvernement soviétique pour l'inciter à déclencher rapidement son attaque contre la Pologne, ces troupes sont en réalité dans la périphérie de la capitale polonaise.

On terminera en citant d'autres preuves du soutien enthousiaste de l'URSS à l'expansion de l'hitlérisme sur le continent européen :

1) après l'attaque de l'Allemagne du 9 avril 1940 contre la Norvège et le Danemark, Schulenburg rapportera les propos tenus par Molotov : "« Nous souhaitons à l'Allemagne un complet succès dans ses mesures de défense »." (Télégramme n° 653 du 9 avril 1940).

2) après l'offensive allemande lancée le 10 mai sur le front Ouest contre la Belgique, la Hollande, le Luxembourg - trois pays neutres - et la France, Schulenburg informera Berlin que Molotov lui a déclaré qu'il "ne doutait pas de notre succès". (Télégramme n° 874 du 10 mai 1940).

3) après la demande d'armistice formulée par le Maréchal Pétain le 17 juin 1940, Molotov convoquera le jour même Schulenburg pour lui exprimer "les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes" (Télégramme n° 1167 du 17 juin 1940).


9 septembre 1939

● Discours de Goering prononcé dans une usine de Berlin

"Il est peut-être un peu extraordinaire que nous nous réunissions ainsi au milieu de la journée, en temps de guerre. Et cependant vous comprendrez, et tous ceux qui écoutent en ce moment en Allemagne devant le haut-parleur comprendront, que j'éprouve en ce moment besoin profond de parler au peuple allemand et que, — bien que j'aie parlé des centaines et des centaines de fois au peuple allemand dans des réunions, — je n'aie jamais ressenti aussi fortement ce besoin, que je n'aie jamais été si fortement ému qu'en ce moment, où il m'est donné de vous parler, et de parler par vous au peuple allemand, des choses formidables qui nous émeuvent tous aujourd'hui. [...]

[Pologne]
Mais quelle est la situation sur le théâtre principal de guerre, qui est la Pologne ? Mes camarades ouvriers, je crois parler suivant le cœur de tous les Allemands en constatant que l'armée allemande de terre et de mer a ici accompli des exploits qu'on n'eût pu jusqu'ici même imaginer. (Tempête d'applaudissements.) [...]
Mais je puis dire avec orgueil : il y a surtout eu une arme qui s'est manifestée là pour la première fois, en Pologne précisément, et qui a porté à l'ennemi les plus grands coups : c'est l'arme aérienne. [...]
Ainsi est accomplie la tâche principale sur ce théâtre de la guerre. Nous pouvons espérer que, quinze jours après le début de la lutte, toute l'affaire sera liquidée et que, dans un petit nombre d'autres semaines, le dernier travail de nettoyage aura été fait. Nous estimons que toute la campagne, jusqu'au dernier travail de nettoyage, n'aura même pas duré quatre semaines. (Vifs applaudissements.)
[...] Maintenant que le Polonais est terrassé, l'Allemagne n'est plus menacée sur deux fronts. C'était pour nous la difficulté de la situation que d'être obligés de combattre sur deux fronts. Par l'accord génial du Führer avec la Russie, ce péril est définitivement écarté. Si maintenant l'adversaire nous attaque, nous n'avons plus qu'à nous battre sur un front, avec toute la force de l'armée allemande et du peuple allemand, et ce que représente cette force, ces messieurs doivent en avoir gardé le souvenir depuis la guerre mondiale. [...]

[Blocus anglais]
Mes Compatriotes, le blocus est sacrément ténu; il va de Bâle jusqu'au Danemark. (Hilarité et tempête d'applaudissements.) Au Nord, ils ne peuvent pas nous bloquer. A l'Est, non seulement ils ne peuvent pas nous bloquer, mais nous avons, de ce côté, conclu des accords économiques favorables, qui nous seront extrêmement utiles. (Nouvelle hilarité et tempête d'applaudissements, sans cesse répétés.) Car, en admettant qu'ils estiment que nous n'avons pas de matières premières, ils ne peuvent pourtant pas, avec la meilleure volonté, prétendre que la Russie n'en ait.
Que l'entente, de ce côté, soit vraiment ce qu'il fallait et qu'elle soit profonde, cela vous le savez. Ici, chacun de nous peut faire ce qui lui convient. Nous faisons notre national-socialisme, ils font leur communisme : nous ne voulons mutuellement pas nous immiscer dans les affaires des autres. Au reste, nous sommes deux grands peuples qui veulent vivre en paix l'un avec l'autre, qui viennent de fixer la paix, qui maintiendront la paix et, surtout, ces deux peuples ne sont plus assez stupides pour s'entretuer pour le compte de l'Angleterre. (Tempête d'applaudissements.)
Mais ce n'est pas seulement la Russie qui pourra nous fournir ces matières premières. J'ai déjà dit que nous disposons désormais aussi de l'espace économique polonais et, finalement, nous vivons également en paix avec l'espace sud-européen. [...]
Pour ce qui est du Sud, je n'ai besoin de rien dire. Là-bas, il y a maintenant nos amis. Où est donc le grand blocus anglais ? Tout ce qu'ils peuvent, c'est de chercher à nous priver des choses que nous recevons d'outre-mer.
Par ailleurs, aujourd'hui, comme je l'ai déjà dit, nous n'avons plus qu'un front. Et cela est capital. Compatriotes allemands, c'est ce à quoi vous devez toujours songer, quand vous vous rappelez la guerre mondiale. Je comprends parfaitement qu'un tel ou un tel soit angoissé et dise : « Dieu, voici que nous avons de nouveau la guerre contre tous les peuples; elle va de nouveau durer des années, avec toutes ses restrictions effroyables, la misère, etc. » Mais, je vous en prie, réfléchissez cinq minutes et représentez-vous froidement la situation telle qu'elle était autrefois et telle qu'elle est aujourd'hui. Vous vous rendrez compte immédiatement que ce n'est pas la même chose. Il n'y a de pareil que le battage que fait l'Angleterre. La situation, elle, n'est pas la même."

(Bulletin périodique de la presse allemande n° 501 du 5 octobre 1939)

Le 9 septembre, le Maréchal Goering s'exprime dans une usine d'armement de Berlin. Cette prise de parole officielle est la première intervention d'un dirigeant allemand depuis le déclenchement de la guerre.

Dans son discours, le dauphin désigné d'Hitler célèbre les succès allemands en Pologne en soulignant que la victoire sera rapide. Il s'attache ensuite à montrer que le blocus anglais n'aura aucun effet sur l'économie allemande. Enfin, évoquant un troisième front - le moral de la population - il dénonce les mensonges et les calomnies de la propagande étrangère.

Point particulier, Goering se félicite de l'entente germano-soviétique - qualifiée de "profonde" - en mettant en avant ce qu'elle apporte à l'Allemagne.

Sur le plan militaire, elle garantie aux Allemands de ne faire la guerre que sur un seul front. Sur le plan économique, elle permet aux entreprises allemandes de contourner le blocus anglais en se fournissant en Russie.

● Instructions de l'IC prescrivant au PCF de s'engager sans délai dans la lutte contre la guerre qui est qualifiée d'impérialiste

"Guerre actuelle est une guerre impérialiste injuste provoquée par bourgeoisie de tous pays belligérants. Classe ouvrière, ni d'autant plus partis communistes, ne (doivent) pas soutenir cette guerre. [...] Prolétariat mondial ne doit pas défendre Pologne fasciste. [...] Guerre a changé a fond situation : ancienne distinction entre Etats fascistes et sociaux-démocrates ["Entre Etats fascistes et soi-disant démocratiques" (Note 1)] a perdu sens politique. Il est nécessaire changer tactique. Dans tous les pays belligérants, à l'étape actuelle de la guerre, communistes doivent se déclarer contre la guerre, démasquer son caractère impérialiste, voter contre les crédits militaires, dire aux masses que la guerre apportera misère et chaînes d'exploitation aggravée. [...] Partis communistes, surtout ceux de France, Angleterre, Etats-Unis, Belgique dont la ligne politique est en contradiction avec cette ligne doivent le plus vite possible redresser leur ligne."

(Télégramme de l'IC  du 9 septembre 1939 / B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, pp. 74-75)

Note 1 :

L'ouvrage Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941 publie les télégrammes échangés entre le PCF et l'IC entre septembre 1939 et décembre 1941.

Dans le télégramme du 9 septembre 1939 envoyé par Dimitrov, on peut lire la phrase suivante : "ancienne distinction entre Etats fascistes et sociaux-démocrates a perdu sens politique". Or, en annexe l'ouvrage reproduit en fac-similé le télégramme original rédigé en français par Dimitrov (il n'y a donc pas de problème de traduction) dans lequel on peut lire : "ancienne distinction entre Etats fascistes et soit-disant démocratiques a perdu sens politique".

Erreur ou... biais politique des auteurs de l'ouvrage, la contestation de la nature démocratique de la France et de l'Angleterre a disparu. Ajoutons que cette contestation est d'autant plus scandaleuse qu'elle est formulée par un dirigeant communiste qui sert les intérêts d'un régime totalitaire, l'URSS, et d'un tyran sanguinaire, Staline.

Instrument au service de la politique extérieure de l'URSS, l'Internationale communiste adopte le 9 septembre une Directive portant sur la nature du conflit européen et le rôle des partis communistes qui répond aux exigences formulées par Staline le 7 septembre.
.
Cette Directive se caractérise par le renoncement de l'IC à sa ligne antifasciste même si pour les communistes une alliance avec les nazis ne remet nullement en cause leur engagement antifasciste.

Elle est envoyée jour même au Parti communiste français dans un télégramme signé par Dimitrov. Les destinataires du télégramme - au nombre de trois - sont nommément désignés :

1) Maurice Thorez : secrétaire générale du PCF.
2) Maurice Tréand : dirigeant communiste habilité à recevoir les communications de l'IC.
3) Eugen Fried : Représentant de l'IC auprès du PCF, il a rejoint Bruxelles au début du conflit où il a mis en place une antenne de l'IC dans le but d'assurer une liaison avec les Partis communistes d'Europe occidentale ainsi que leur contrôle.

Dans ce télégramme, l'IC analyse le conflit européen comme une confrontation entre des pays capitalistes ayant des objectifs impérialistes et non plus comme le combat légitime des démocraties française et anglaise contre le fascisme allemand. En conséquence, elle recommande aux communistes français de dénoncer "le caractère impérialiste" de la guerre menée contre l'Allemagne nazie.

Preuve que ce changement radical ne supporte ni débat ni contestation, l'IC précise que le Parti communiste devra "le plus vite possible redresser" sa ligne autrement dit abandonner dans les plus brefs délais sa ligne favorable à la défense nationale et s'engager sans aucune hésitation dans le combat contre la guerre impérialiste.

La nouvelle position de l'IC sera aussi transmise à la mi-septembre par Raymond Guyot qui avant de quitter Moscou a rencontré Dimitrov. C'est d'ailleurs par cette voie que Maurice Thorez, mobilisé à Arras, en prendra connaissance.

C'est sur la base de la Directive du 9 septembre que le Parti communiste s'engagera pour la Paix en soutenant que la guerre contre l'Allemagne d'Hitler est une guerre impérialiste.

Le 21 septembre, son Comité central du PCF adoptera une Résolution intitulée "Il faut faire la Paix ".

● Interview de Léon Blum radiodiffusée aux Etats-Unis

"QUESTION. Permettez-moi de préciser un peu davantage le sens de la question que je vous ai posée. Est-ce que vous ne pensez pas que la conclusion du pacte avec les Soviets a joué un rôle essentiel dans la détermination de Hitler ?
CERTAINEMENT. je le crois. Il me semble même qu'il est impossible d'en douter. Une fois que Hitler a tenu en main la certitude de l'arrangement avec les Soviets - et nous ignorons jusqu'à quand cette certitude remonte - le calcul des chances et des risques se trouvait modifié pour lui du tout au tout. Sans doute même a-t-il espéré que le coup de théâtre du pacte germano-soviétique lui permettrait, une fois de plus, la victoire sans guerre. Il a supposé que devant la difficulté soudaine de secourir une Pologne isolée, la Grande-Bretagne et la France subiraient le fait accompli. Il a escompté une défaillance des gouvernements, favorisée par la déception et l'émoi des opinions publiques, et même, en France, par la pression d'une partie des masses populaires. Tout cela me paraît évident. D'ailleurs, faisons une hypothèse. Supposons que les choses se soient passées ainsi qu'il était encore si naturel et si logique de l'espérer quand j'ai parlé pour la dernière fois devant ce micro. Supposons qu'au lieu de traiter avec Hitler les Soviets aient enfin conclu le pacte tripartite d'alliance avec l'Angleterre et la France. Est-ce que tout ne porte pas à penser que dans cette hypothèse, Hitler n'aurait pas attaqué la Pologne et par conséquent, n'aurait pas déclenché la guerre ?"

(Le Populaire du 9 septembre 1939)

Le Populaire du 9 septembre reproduit l'interview de Léon Blum qui a été enregistrée dans la nuit pour être radiodiffusée aux Etats-Unis sur le réseau NBC.

Dans cette interview, le dirigeant socialiste affirme qu'il n'y aurait pas eu de guerre en Europe si l'Allemagne d'Hitler et la Russie de Staline n'avaient pas signé un Pacte de non-agression.

De fait il exprime une opinion partagée par tous les partis politiques et l'ensemble de la presse parisienne. Seul le PCF contestera cette évidence en arguant que la guerre est la conséquence directe des Accords de Munich de septembre 1938 attribuant à l'Allemagne une partie de la Tchécoslovaquie.

Réglant le conflit germano-tchécoslovaque ces Accords furent signés par la France, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Allemagne. L'URSS n'ayant pas été invitée à la Conférence de Munich, le PCF s'opposa à leur ratification.

● Décret-loi modifiant les dispositions relatives à la déchéance de la nationalité française

Publié au Journal officiel du 14 septembre 1939, le décret-loi du 9 septembre 1939 stipule en son article 1 que pendant la période des hostilités pourra être déchu de la nationalité française "tout Français qui se sera comporté comme le ressortissant d'une puissance étrangère".

Cette nouvelle disposition du code de la nationalité sera appliquée à deux dirigeants communistes : André Marty, membre du Bureau politique du PCF, député de la Seine et secrétaire de l'IC (décret du 27 janvier 1940) et Maurice Thorez, secrétaire général du PCF et député de la Seine (décret du 17 février 1940).


13 septembre 1939

● Tract "Paix immédiate !"

Le 13 septembre, l'anarchiste Louis Lecoin diffuse à 100 000 exemplaires le tract "Paix immédiate !" qu'il a fait signé à 30 personnalités de la gauche pacifiste. Cette initiative de la gauche pacifiste est la première manifestation en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie.

Le mot d'ordre de "Paix immédiate" sera repris par le Parti communiste dans sa lutte contre la guerre impérialiste comme l'atteste un texte de référence publié dans les Cahiers du Bolchévisme du 2e semestre 1939 sous le titre "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste" :

"Le Parti communiste français entend éclairer les travailleurs sur les conditions d'une lutte efficace contre la guerre impérialiste, il combat sous les mots d'ordre : A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE, PAIX IMMEDIATE, en expliquant aux travailleurs qu'il ne peut y avoir de paix véritable, juste et durable, qu'au prix d'une lutte victorieuse contre la réaction capitaliste de France, contre le gouvernement."

● Remaniement ministériel.

Le 13 septembre, après plusieurs jours de réflexion sur la formule gouvernementale la mieux adaptée à la guerre. Edouard Daladier procède à un remaniement ministériel restreint.

Paul Marchandeau (Justice), Jean Zay (Education nationale) et Louis de Chappedelaine (Marine marchande) quittent le gouvernement. Ils sont remplacés par Georges Bonnet, Yvon Delbos et Alphonse Rio.

Ministre de la défense nationale et de la guerre, le président du Conseil récupère le portefeuille des Affaires étrangères qui était détenu par Georges Bonnet.

Raoul Dautry et Georges Pernod font leur entrée dans le gouvernement pour occuper deux nouveaux ministères : l'Armement et le Blocus.

Sollicités, les socialistes ont refusé de participer au gouvernement en avançant deux motifs. Tout d'abord, ils n'approuvaient pas le choix du président du Conseil de ne pas former un Cabinet de guerre. A l'opposé d'une structure collégiale se consacrant à la direction de la guerre avec les ministres les plus importants, la nouvelle formule gouvernementale permet à Edouard Daladier de concentrer les pouvoirs sur sa personne en cumulant les ministères de la Défense nationale et des Affaires étrangères avec la présidence du Conseil.

Ensuite, ils jugeaient que la proposition de deux ministères était insuffisante. Dans le Gouvernement formé par Paul Reynaud le 21 mars 1940, les socialistes obtiendront... trois ministères et trois sous-secrétariats.


17 septembre 1939

● L'URSS envahit la Pologne

● Editorial de Léon Blum intitulé "Le mystère stalinien" (rédigé la veille) dans lequel il est affirmé que si les armées soviétiques devaient entrer en Pologne elles le feraient pour combattre les Allemands et non les Polonais

"NOUS voici de nouveau devant l'obsession et l'oppression du mystère russe, ou plutôt du mystère stalinien... L'ami anonyme qui établit chaque jour pour les lecteurs du Populaire l'état de la situation, et dont les bulletins se sont imposés du premier coup à l'attention générale par leur lucidité savante, leur gravité réfléchie, leur autorité, a déjà tenté hier d'y faire pénétrer quelque lueur. Je dirai à mon tour, avec toutes les précautions et les réserves qui conviennent, ce que je crois discerner.
Un fait est certain. Les préparatifs militaires s'accélèrent en Russie soviétique : rappels individuels, appel anticipé des jeunes recrues, réquisition des chevaux. [...]
Celle qui vient immédiatement à l'esprit est que les préparatifs soviétiques seraient dirigés contre la Pologne. [...]
L'ami anonyme du Populaire faisait état, en sens contraire, de la longue suite de conventions diplomatiques - dont la dernière remonte à moins d'un an - qui garantissent la Pologne contre une agression soviétique, et qu'il faudrait par conséquent fouler aux pieds comme des « chiffons de papier ». Le correspondant moscovite du Daily Telegraph, dans une importante dépêche qui a paru lundi dernier, ajoutait un argument d'un autre ordre. [...]
Selon lui, les calculs de Staline auraient été renversés par le déclenchement de la guerre. En signant son pacte avec Hitler, il aurait tablé sur une capitulation forcée des démocraties occidentales. Cette capitulation aurait imposé à la Pologne l'abandon au profit de l'Allemagne d'une portion de son territoire, mais l'aurait laissée cependant subsister en tant que puissance indépendante et armée, en tant qu'Etat tampon entre l'Allemagne et les Soviets. Le déclenchement de la guerre générale et l'invasion armée de la Pologne placeraient aujourd'hui Staline devant la menace dont il cherchait précisément à se préserver et qu'il redoute le plus : le contact direct avec l'Allemagne, la présence des troupes nazi à sa frontière. C'est à cette situation imprévue qu'il s'efforcerait précipitamment de parer. Il armerait donc, non pas précisément pour secourir la Pologne, mais pour arrêter Hitler, pour annuler ou pour limiter les effets de la progression nazi en Pologne.
Voilà donc, pour les mêmes faits généralement considérés comme exacts, deux interprétations presque directement contradictoires. En ce qui me concerne, je pencherais plutôt pour la seconde : c'est celle qui, à la réflexion, me paraît la plus plausible."

(Le Populaire du 17 septembre 1939)

Dans son numéro du 10 septembre 1939, Le Populaire introduit dans sa première page une nouvelle rubrique intitulée "La Situation" dans laquelle Angelo Tasca analysera la situation internationale sous le pseudonyme de XX.

Dans son article du 16 septembre, Angelo Tasca écarte toute intervention soviétique en Pologne en mettant en avant la solidité des traités liant les deux pays :

"Voilà, dans son essentiel, le dossier des rapports diplomatiques, entre les deux pays : il nous est difficile de croire que ce dossier se réduise, par une initiative soviétique, à une collection de «  chiffons de papier »."

Le lendemain, Léon Blum aborde le même sujet dans son éditorial intitulé "Le mystère stalinien".

Dans ce texte, le dirigeant socialiste soutient que la mobilisation de l'Armée rouge à la frontière polonaise s'explique par la volonté du pouvoir soviétique de combattre... l'Allemagne. Si l'URSS devait intervenir en Pologne se serait pour stopper l'avancée des armées allemandes. Dans cette hypothèse, les troupes soviétiques seraient donc aux côtés des Polonais pour combattre l'ennemi nazi.

Effet comique involontaire, c'est le jour même de la publication de cet éditorial que l'URSS lance ses armées contre la Pologne.  

Un autre éditorial visionnaire de Léon Blum, celui du 28 novembre dans lequel il explique que Staline n'attaquera pas la Finlande.

Cette fois, le démenti soviétique viendra... deux jours après.

● L'ambassadeur allemand à Moscou rend compte de sa rencontre avec Staline sur le sujet de la Pologne

"Staline m'a reçu à 2 heures dans la nuit en présence de Molotov et de Vorochilov et m'a déclaré que l'Armée Rouge franchirait la frontière soviétique ce matin à 6 heures tout le long d'une ligne allant de Polozk à Kamenetz-Podolsk.
Afin d'éviter tout incident, Staline a demandé avec insistance que nous veillions à ce que les avions allemands à partir d'aujourd'hui ne volent pas à l'Est de la ligne Bialystok — Brest-Litovsk — Lemberg. Les avions soviétiques commenceraient aujourd'hui à bombarder la région située à l'Est de Lemberg.
J'ai promis de faire de mon mieux pour informer la Luftwaffe mais j'ai demandé en raison du peu de temps laissé que les avions soviétiques ne s'approchent pas aujourd'hui de trop près de la ligne mentionnée ci-dessus.
La commission soviétique arrivera à Bialystok demain ou après-demain au plus tard.
Staline m'a lu la note qui sera remise à l'ambassadeur polonais cette nuit puis envoyée en copie à toutes les missions dans le cours de la journée et enfin publiée. La note contient une justification de l'action soviétique. Le projet qu'on m'a lu contenait trois points inacceptables pour nous. En réponse à mes objections, Staline avec le plus grand empressement a modifié le texte de tel sorte que la note nous paraît désormais satisfaisante. Staline a déclaré que la diffusion d'un communiqué germano-soviétique ne pouvait être envisagé avant deux ou trois jours.
A l'avenir, toutes les questions militaires soulevées seront traitées par le Général Köstring directement avec Vorochilov."

(Télégramme du Schulenburg n° 372 du 17 septembre 1939 / Site Avalon)

Dans son télégramme n° 372 du 17 septembre 1939, F. Schulenburg, ambassadeur d'Allemagne à Moscou, informe Berlin du contenu de son entretien avec Staline qui a eu lieu à 2 h du matin.

Ce télégramme est centré sur un fait majeur : l'intervention soviétique en Pologne. 

Cette intervention est la conséquence directe du Protocole secret du Pacte germano-soviétique. Attendue avec impatience par les Allemands, elle a été retardée le plus longtemps possible par les Russes qui voulaient pouvoir la justifier par l'effondrement de l'Etat polonais et écarter ainsi toute accusation de collusion avec les nazis.

Dans son message, Schulenburg indique, tout d'abord, que l'attaque de l'Armée Rouge en Pologne sera déclenchée "ce matin à 6 heures".

Après des considérations d'ordre militaire visant à "éviter tout incident" entre les armées soviétiques et allemandes, le télégramme évoque deux problèmes touchant aux relations diplomatiques : la note soviétique remise au gouvernement polonais et la diffusion d'un communiqué germano-soviétique.

Concernant la note justifiant l'intervention soviétique en Pologne, Schulenburg indique que Staline a accepté de la modifier sur "trois points inacceptables pour nous". Cette note sera remise à 3 heures du matin à l'ambassadeur de Pologne à Moscou, W. Grzybowski.

Concernant la publication d'un communiqué commun, le diplomate allemand précise que Staline veut la retarder de plusieurs jours. Ce communiqué commun est une exigence allemande. En effet le pouvoir soviétique avait simplement prévu d'annoncer son action en Pologne par un communiqué reprenant le contenu de la note adressée au gouvernement polonais. Finalement, rédigé par Staline en fin d'après midi, le communiqué germano-soviétique sera publié le lendemain.

● Une Note de Molotov justifiant l'intervention soviétique est remise à l'ambassadeur polonais

"La guerre germano-polonaise a montré l'incapacité intérieure de l'Etat polonais. Au cours de dix jours d'opérations militaires, la Pologne a perdu tous ses rayons industriels et ses centres culturels. Varsovie, en tant que capitale de la Pologne, n'existe plus. Le gouvernement polonais s'est effondré et ne manifeste aucun indice de vie. Cela signifie que l'Etat polonais et son gouvernement ont, de fait, cessé d'exister. Par cela même, les traités conclus entre l'U.R.S.S. et la Pologne ont perdu leur valeur. Abandonnée à son propre sort et privée de ses dirigeants, la Pologne est devenue un champ d'action facile pour toutes sortes d'attaques et de surprises susceptibles de devenir une menace pour l'U.R.S.S. C'est pourquoi ayant observé la neutralité jusqu'à présent, le gouvernement soviétique ne peut plus rester neutre en présence de ces faits.
Le gouvernement soviétique ne peut pas non plus rester indifférent alors que ses frères de sang Ukrainiens et Blancs-Russiens, habitant le territoire de la Pologne, abandonnés à leur sort, sont restés sans défense. 
Prenant cette situation en considération, le gouvernement soviétique a donné des instructions au commandement suprême de l'Armée rouge d'ordonner aux troupes de franchir la frontière et de prendre sous leur protection, la vie et les biens de la population de l'Ukraine et de la Russie-Blanche occidentales.
Dans le même temps, le gouvernement soviétique a l'intention de faire tous ses efforts pour libérer le peuple polonais de la malheureuse guerre où l'ont jeté ses insensés dirigeants et pour lui donner la possibilité de vivre d'une vie paisible."

(Note de Molotov du 17 septembre 1939)

Le 17 septembre, à 2 heures du matin, Staline reçoit au Kremlin, en présence de Molotov, l'ambassadeur allemand pour lui annoncer que l'Armée rouge attaquera la Pologne à 6 heures.

Au cours de cette entretien, le diplomate nazi prend aussi connaissance de la note qui sera remise à l'ambassadeur polonais pour justifier l'entrée des troupes soviétiques en Pologne. En désaccord sur trois points, il demande des modifications qui sont acceptées par Staline.

A 3 heures, le vice-commissaire du peuple aux Affaires étrangères, V. Potemkine, convoque l'ambassadeur de Pologne à Moscou, W. Grzybowski, pour lui donner lecture d'une note de son gouvernement signée par V. Molotov. Une copie de cette note sera envoyée dans la journée à toutes les missions diplomatiques présentes à Moscou. Son contenu sera en outre repris dans le discours prononcé à la radio par Molotov quelques heures après le déclenchement de l'offensive en Pologne.

Dans sa note, le commissaire du peuple aux Affaires étrangères avance deux arguments pour justifier l'intervention soviétique en Pologne :

1) l'effondrement de l'Etat polonais.
Cet argument présente l'intérêt non seulement d'écarter toute accusation d'agression contre la Pologne mais aussi de nier l'existence d'un état de guerre entre les deux pays. 

2) la protection des populations Blancs-russes et Ukrainiennes.
Ayant pour finalité d'apporter une aide aux populations abandonnées à leur sort en raison de la disparition de l'Etat polonais, l'intervention soviétique répond à un objectif humanitaire. Elle n'est donc pas motivée par un quelconque accord avec l'Allemagne nazie.

Signalons que dans un premier temps le gouvernement soviétique avait retenu l'argument des populations Blancs-russes et Ukrainiennes menacées par l'avancée des armées allemandes. Après consultation du gouvernement allemand, il a dû renoncé à cet argument.

Molotov précise en outre l'objectif de cette intervention légitime : libérer le peuple polonais de la guerre déclenchée par... ses propres dirigeants. Le déferlement de l'Armée rouge sur le territoire polonais n'est donc pas l'expression de l'impérialisme russe. Au contraire, il est une illustration de... la politique de Paix de Staline. Ajoutons que cette libération prendra la forme d'un traité germano-soviétique aux termes duquel la Pologne sera partagée entre ses deux agresseurs. 

Après avoir pris connaissance de son contenu, l'ambassadeur Grzybowski refusera de prendre la note du gouvernement soviétique. 

Dans une déclaration publiée le jour même, le Gouvernement de la Pologne installé à Kuty approuvera la décision de son ambassadeur avant de condamner l'agression soviétique ainsi que les motifs invoqués pour la justifier.  

Dernier élément, dans son éditorial du 18 septembre 1939 condamnant l'intervention soviétique en Pologne, Léon Blum rejettera les explications données par Molotov :

"[...] La thèse de Molotov est que « l'armée rouge » vient de pénétrer sur une terre vacante, que l'Etat polonais n'existe plus, que les conventions conclues avec lui sont mises à néant, qu'en assumant la protection des races parentes - et même du « peuple polonais » tout entier ! - sur ce sol rendu à son état primitif, les Soviets n'ont donc créé un état de guerre contre personne. C'est affaire aux diplomates de se débrouiller avec ces fictions. Je me mets en face de la réalité. La réalité est qu'il existe encore une Pologne. La preuve de son existence, c'est que, avec un courage à peine concevable, l'armée polonaise, tout en résistant pied à pied à l'ennemi nazi, lutte contre le nouvel envahisseur. Il faut donc que la Pologne soit secourue, énergiquement, immédiatement, par tous les moyens dont tous ses alliés disposent encore. On ne doit plus, on ne peut plus perdre une heure."

● Protestation solennelle du Gouvernement polonais

"Le gouvernement polonais proteste solennellement contre la rupture unilatérale du pacte de non-agression par la Russie, ainsi que contre l'envahissement du territoire de la Pologne, qui fut entrepris au moment où toute la nation lutte, au prix de mille efforts, contre l'agresseur allemand.
Le gouvernement polonais proteste contre les motifs invoqués dans la note soviétique, car le gouvernement polonais exerce ses fonctions normalement et l'armée polonaise lutte avec succès contre l'ennemi."

(Protestation du Gouvernement polonais du 17 septembre 1939)

Le 17 septembre, le Gouvernement polonais installé à Kuty condamne l'agression soviétique ainsi que les motifs invoqués pour la justifier.


18 septembre 1939

● Communiqué germano-soviétique

"Pour éviter toute sorte de bruits non fondés concernant les tâches des troupes soviétiques et allemandes opérant en Pologne, le gouvernement de l'U.R.S.S. et le gouvernement allemand déclarent que les actions de ces troupes ne poursuivent aucun but allant à l'encontre des intérêts de l'Allemagne ou de l'Union soviétique qui soit contraire à l'esprit et à la lettre du pacte de non-agression conclu entre l'Allemagne et l'U.R.S.S. La tâche de ces troupes, au contraire, consiste à rétablir en Pologne l'ordre et la tranquillité, compromis par la dislocation de l'Etat polonais et à aider la population de la Pologne à refaire les conditions de son existence étatique."

(Bulletin périodique de la presse russe n° 289 du 25 septembre 1939)

Le 18 septembre, les gouvernements du Reich et de l'URSS publient un communiqué commun ayant pour objet l'entrée de l'Armée rouge en Pologne la veille.

L'idée d'un communiqué commun a été formulée dès le 14 septembre par Ribbentrop comme un soutien politique à l'intervention soviétique en Pologne. Après le refus formulé par Molotov, les Allemands ont renouvelé leur demande. La réponse positive a été donnée par Staline au cours de son entretien avec l'ambassadeur allemand qui a eu lieu le 17 septembre à 2 heures du matin. Une seule réserve : un délai de plusieurs jours. Un second entretien portant sur le même sujet a eu lieu en début de soirée.

A 23 h 30, l'ambassadeur allemand a rencontré Molotov pour lui soumettre un projet de communiqué commun et obtenir son accord pour une publication le lendemain. Consulté, Staline a accepté le principe de publier le 18 mais a rejeté le texte proposé par les Allemands en expliquant qu'il était trop franc sur les faits. Sur ce, il a lui même rédigé le communiqué dont le contenu a été soumis à l'approbation du gouvernement allemand.

Le 18 septembre à midi, le chef de cabinet de Ribbentrop transmet le message suivant à l'ambassade allemande à Moscou : "Nous acceptons la proposition russe concernant le communiqué et publions le communiqué sous cette forme mardi [19 septembre] dans les journaux du matin. Ribbentrop." (1). Deux heures plus tard, il apporte cette précision : "Le communiqué sera publié par nous dans certains journaux du soir" (2).

Côté russe, le communiqué germano-soviétique sera diffusé plusieurs fois à la Radio le jour même à partir de 16 heures. Illustration de sa détermination, le gouvernement allemand demandera à son ambassade de confirmer que ce communiqué a été effectivement diffusé le 18 soit dans la presse du soir, soit à la radio.

Aveu de la collusion germano-soviétique, le communiqué du 18 septembre 1939 porte sur deux points. Tout d'abord, il apporte un démenti aux rumeurs sur une possible confrontation entre les armées soviétiques et allemandes opérant en Pologne en rappelant que l'URSS et l'Allemagne entretiennent des relations pacifiques depuis la signature du Pacte germano-soviétique. Ensuite - point essentiel - il affirme que ces troupes ont la même mission à savoir restaurer l'ordre et la tranquillité dans une Pologne qui n'a plus d'Etat.

(1) Mémorandum du 18 septembre 1939 de Hilger (Site Avalon).
(2) Ibid. (Site Avalon).

● Editorial de Léon Blum intitulé "L'atroce événement"

"Le voile s'est déchiré. Hier matin les troupes soviétiques ont franchi la frontière. L'armée polonaise combat à la fois contre l'armée hitlérienne et « l'armée rouge ». [...]
Mais, même en supposant qu'une fiction diplomatique de neutralité puisse s'établir et se prolonger malgré l'évidence de l'entente avec Hitler, malgré l'évidence de l'agression, elle ne peut pas être valable pour la classe ouvrière de ce pays. J'entends par là que vis-à-vis de la classe ouvrière, vis-à-vis de nous socialistes, la position communiste n'est pas tenable une heure de plus Je m'adresse aux chefs communistes, à ceux d'entre eux que la mobilisation n'a pas appelés aux armées, et je les adjure une fois encore, sans me laisser décourager par la vanité de mon premier appel. C'est le dernier moment, c'est la dernière occasion pour faire le geste attendu depuis trois semaines. Ils ne peuvent plus avoir de doute; alors, comment peuvent-ils avoir une hésitation ? Qu'ils parlent; qu'ils laissent échapper le cri formé dans leurs consciences; qu'ils crient au pays que le pacte avec Moscou est rompu, que l'attentat de Staline les a déliés de leurs vœux, que tout cela est fini, qu'ils ne sont plus autre chose que des citoyens français, libres, pleinement libres, c'est-à-dire ne connaissant plus d'autre devoir et d'autre discipline que le devoir commun et la discipline commune des Français. Mais qu'ils se hâtent ! Bientôt, rien ne pourrait plus combler le fossé."

(Le Populaire du 18 septembre 1939)

Dans son éditorial du 18 septembre condamnant l'intervention soviétique en Pologne, Léon Blum appelle une nouvelle fois les chefs communistes à se désolidariser de l'URSS et de son alliance avec l'Allemagne d'Hitler.

● Déclaration de la CGT condamnant l'agression soviétique et s'engageant à exclure de ses rangs les communistes

"Constatant l'envahissement du territoire polonais par les armées soviétiques, le Bureau confédéral déclare que le pacte Staline-Hitler, qu'il avait déjà condamné, prend ainsi toute sa signification d'aide à l'agresseur. [...]
Devant cette situation douloureuse, le Bureau confédéral déclare qu'il n'y a plus de collaboration avec ceux qui n'ont pas voulu, ou pas pu, condamner une telle attitude de reniement des principes de solidarité humaine qui sont l'honneur de notre mouvement ouvrier."

(Déclaration de la CGT du 18 septembre 1939)


19 septembre 1939

● Discours de Hitler sur le conflit avec la Pologne et le rôle positif de l'URSS

"Entre temps, la Russie a cru devoir, elle aussi, entrer en Pologne pour protéger les intérêts des éléments de population blancs-russiens et ukrainiens. Or, voici que, en Angleterre et en France, cette action commune de l'Allemagne et de la Russie est considérée comme un crime monstrueux. Un Anglais va jusqu'à dire que c'est une perfidie. Les Anglais sont évidemment experts en la matière ! A mon avis, la perfidie, aux yeux de l'Angleterre, réside dans le fait que la tentative d'une action commune de l'Angleterre démocratique avec la Russie bolchéviste a échoué, alors qu'inversement la tentative de l'Allemagne nationale-socialiste avec la Russie bolchéviste a réussi.
Je voudrais ici immédiatement donner une explication : la Russie reste ce qu'elle est, et l'Allemagne aussi restera ce qu'elle est. Il est une chose, il est vrai, dont les deux régimes se sont rendu compte : ni le régime russe, ni le régime allemand ne veulent sacrifier ne fût-ce qu'un seul homme pour les intérêts des démocraties occidentales. La leçon de quatre années de guerre suffit aux deux Etats et aux deux peuples. Depuis, nous savons très bien qu'alternativement tantôt l'un tantôt l'autre aurait l'honneur de combattre pour les idéaux des démocraties occidentales. Les deux Etats et les deux peuples n'ont que faire d'une telle mission. Nous avons l'intention de défendre, à partir de maintenant, nos intérêts nous-mêmes, et nous avons trouvé que la meilleure façon de les défendre est l'entente entre les deux plus grands peuples et Etats. 
Et cela est d'autant plus facile que l'affirmation britannique sur les objectifs illimités de la politique extérieure allemande n'est qu'un mensonge. Je suis heureux de pouvoir réfuter par les actes ce mensonge des hommes d'Etat britanniques. Eux qui ne cessent d'affirmer que l'Allemagne aurait l'intention de dominer l'Europe jusqu'à l'Oural, ne devraient-ils pas être heureux de constater enfin que les intentions politiques allemandes sont limitées ? Je crois que nous leur enlevons par là à nouveau un motif de guerre, car ne déclarent-ils pas qu'ils seraient obligés de combattre le régime actuel pour cette raison déjà que celui-ci poursuivrait des buts de guerre illimités ? Eh bien ! messieurs du grand Empire britannique, les buts de l'Allemagne sont très limités. Nous nous sommes expliqués à ce sujet avec la Russie, et les Russes, ne sont-ils pas, en définitive, les voisins les plus proches intéressés ? L'Angleterre ne doit-elle pas, en fait, se féliciter, elle aussi, de ce qu'entre l'Allemagne et la Russie des Soviets un accord ait abouti, car cet accord ne met-il pas fin au cauchemar qui empêchait les hommes d'Etat britanniques de dormir, étant données les tendances à la conquête du monde qui auraient été celles du régime allemand actuel ? ils seront certainement tranquillisés en apprenant que ce n'est pas vrai, que l'Allemagne ne veut pas ou ne voulait pas conquérir l'Ukraine. Nous avons des intérêts très limités. Ces intérêts, il est vrai, nous sommes résolus à les défendre à tout prix et contre quiconque. Les derniers dix-huit jours doivent avoir suffisamment prouvé que nous ne plaisantons pas à ce sujet. 
Quelle sera la forme définitive du statut politique dans cette région ? Cela dépend, en premier lieu, des deux pays qui ont là leurs intérêts vitaux les plus importants. L'Allemagne a des exigences limitées, mais immuables; et, ces exigences, elle les fera valoir d'une façon ou d'une autre. En tout cas, l'Allemagne et la Russie créeront là, au lieu d'un foyer d'incendie européen, une situation que l'on ne pourra considérer que comme une détente. [...]
La Pologne ne ressuscitera jamais plus sous la forme du traité de Versailles. La garantie en est donnée, en définitive, non seulement par l'Allemagne, mais aussi par la Russie."

(Bulletin périodique de la presse allemande n° 501 du 5 octobre 1939)

Le 19 septembre, Hitler prononce son premier discours depuis le début des hostilités au cours d'une grande manifestation nationale-socialiste organisée dans la Ville libre de Dantzig, qui était la principale revendication territoriale allemande et qui est désormais occupée par l'armée allemande.

Dans son allocution radiodiffusée, le dictateur nazi dénonce les injustices du Traité de Versailles, attribue le déclenchement de la guerre à la Pologne et aux encouragements qu'elle a reçus de l'Angleterre, salue les succès de son armée, dénonce les atrocités commises par les Polonais, souligne le rôle positif de l'URSS et soutient qu'il n'a aucun but de guerre ni contre l'Angleterre ni contre la France.

Evoquant son allié soviétique, Hitler approuve l'entrée de... l'Armée rouge en Pologne, affirme qu'il n'a aucune revendication territoriale en Ukraine et affirme que la question polonaise sera réglée par un accord entre l'Allemagne et la Russie. 

● Editorial de Léon Blum dénonçant le "Silence accablant" des dirigeants communistes

"Je ne me flatte pas d'avoir repris mon sang-froid ni recouvré la tranquillité de mon jugement. L'invasion de la Pologne par « l'armée rouge » est un de ces coups dont on ne se remet pas à son gré. [...]
Et je demande encore une fois s'il est possible, au lendemain d'un tel attentat, que des ouvriers et des paysans français, que des militants qui ont toujours revendiqué leur fidélité au socialisme traditionnel, conservent vis-à-vis du régime stalinien un lien d'obédience, un rapport de dépendance même théorique. Non, ce n'est plus possible. Et ce n'est plus possible pour les ouvriers et les paysans, mobilisés ou non, dont je n'essaierai pas d'estimer le nombre et que des sentiments complexes, souvent respectables, avaient empêchés jusqu'à présent de rompre avec l'Internationale stalinienne. Ce n'est plus possible pour les militants des cadres communistes, pour les élus communistes. On ne leur demande pas d'abjurer lâchement leur passé. On leur demande, dès cet instant, l'affirmation formelle et courageuse qu'ils ont recouvré leur indépendance. J'ai dit cela hier. Je le répète aujourd'hui, en déplorant d'avoir à le répéter. Pas un mot depuis hier. Je vois même, dans le communiqué donné à la presse par la commission administrative de la C.G.T., que ses membres communistes ont préféré manquer à la séance plutôt que de se prononcer sur ce point vital, et cette absence m'inquiète autant que ce silence. Cependant, chaque heure compte et, avec chaque heure qui passe, le geste nécessaire deviendra plus difficile. Je me demande même en écrivant si, malgré mon ardeur et mon instance, l'irréparable n'est pas déjà accompli."

(Le Populaire du 19 septembre 1939)

● Communiqué de presse du groupe parlementaire communiste (censuré) approuvant l'intervention soviétique et plaidant pour la Paix.

"Après 15 jours d’opérations militaires en Pologne, le voici [l'agresseur allemand] aux portes de Varsovie, le long de la ligne Lamberg-Lublin-Brest-Litowsk-Bialistock.
Devant le peuple français se profilait, en raison de l’effondrement de l’Etat polonais, la lourde menace d’une occupation totale de la Pologne par les armées hitlériennes, prenant position le long de la frontière roumaine et se retranchant avec ses canons de gros calibre, ses mortiers dans la ligne Maginot Polonaise construite avec l’argent français le long de la frontière polono-soviétique.
Une question se pose devant nous : Est-il de l’intérêt de la France que la Pologne tombe tout entière sous la domination de l’hitlérisme et devienne un grenier de ravitaillement des armées nazies et une place d’armes ?
L’Union soviétique, en donnant l’ordre à ses troupes de passer la frontière et de prendre sous leur protection la vie et les biens de la population de l’Ukraine occidentale et de la Biélorussie occidentale a éloigné ce danger et empêché que tombent sous le joug du pouvoir hitlérien, ces provinces que le traité de Versailles avait attribuées à l’URSS.
Le discours prononcé par M. Molotov le 17 septembre indique d’ailleurs la volonté bien arrêtée du gouvernement de l’U.R.S.S. de maintenir sa stricte neutralité et d’aider les peuples abandonnés à leur sort et restés sans défense."
Nous estimons que dans une telle situation l'intérêt de la France commande que soient engagés d'urgence des pourparlers directs entre le gouvernement Français et le gouvernement de l'U.R.S.S. en vue d'assurer la sécurité de nos foyers et de hâter l'heure d'une paix que nous voulons tous juste, loyale et durable.

(Cahiers d'histoire de l'IRM, n° 39, 1989 p. 88)

Le 19 septembre, le groupe parlementaire communiste adopte un communiqué de presse dans lequel il salue les soldats français, rend hommage à la bravoure des Polonais, fait le constat de l'avancée des troupes hitlériennes avant d'approuver l'entrée des troupes soviétiques en Pologne.

Pour justifier l'intervention russe, il reprend l'argument de l'URSS selon lequel cette opération militaire vise à rétablir l'ordre dans la partie orientale de la Pologne après la disparition de l'Etat polonais. Autrement dit elle n'est pas une agression commise de concert avec l'Allemagne dans le cadre du Pacte germano-soviétique.

Autre élément d'intérêt de ce communiqué : le plaidoyer pour "une paix que nous voulons tous juste, loyale et durable" à l'issue de négociations directs avec... "le gouvernement de l'URSS" qui servira de fait d'intermédiaire avec l'Allemagne. On retrouvera le même schéma dans la lettre du 1er octobre 1939 dans laquelle les députés communistes mettront en avant la diplomatie soviétique dans l'établissement d'une "paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens".

Cet appel à faire la Paix repose sur l'argument implicite qu'avec la disparition de la Pologne la France n'a plus de motif de faire la guerre. Il prouve une évolution notable de ligne du Parti communiste vers le pacifisme. En revanche, il important de noter que le texte ne qualifie pas la guerre contre l'Allemagne de guerre impérialiste.

Le communiqué de presse du groupe parlementaire communiste ne sera pas publié dans les journaux du 20 septembre en raison de la censure.

La question de la censure a d'ailleurs été évoquée dans deux précédents communiqués :

1) Communiqué du 9 septembre 1939 :

"Conscient de l'impérieuse nécessité d'unir la nation française, le Groupe parlementaire communiste a, dans des communiqués quotidiens, appelé les travailleurs français à consacrer tous leurs efforts à la lutte contre le fascisme facteur de guerre.
Systématiquement, ces communiqués ont été écartés par la presse, et la censure a empêché la publication d'une note relatant que les dirigeants du Parti communiste, avec Maurice Thorez à leur tête, ont rejoint leur poste de mobilisation." (1)

2) Communiqué du 16 septembre 1939 :

"Le Groupe Parlementaire Communiste s'est réuni aujourd'hui sous la présidence de M. Marcel Cachin, Sénateur de la Seine.
Il s'est élevé contre les agissements de la censure qui ne permet pas l'insertion de ses communiqués mais donne un caractère d'authenticité à des informations calomnieuses, et notamment à celle publiée par le journal « Gringoire » qui imprime dans son numéro du 14 septembre que M. Maurice Thorez est parti pour l'URSS, alors que le Secrétaire Général du Parti Communiste Français a rejoint son poste aux armées dès le premier jour de la mobilisation." (2)

(1) Cahiers d'histoire de l'IRM, n° 39, 1989 p. 84
(2) Cahiers d'histoire de l'IRM, n° 39, 1989 p. 86


21 septembre 1939

● Le Comité central du PCF adopte une résolution intitulée "Il faut faire la Paix"

"Les peuples sont entraînés dans le tourbillon d'un conflit qui, comme il y a vingt-cinq ans, oppose l'impérialisme allemand à l'impérialisme anglais, et une fois de plus au lieu d'opposer l'unité ouvrières aux fauteurs de guerre, le Parti socialiste sert les fauteurs de guerre, le grand capital.
Léon Blum est devenu le fourrier de la répression anti-communiste. [...]

La guerre qui est imposée au peuple français et qu'il est pour ainsi dire le seul à supporter n'est plus en réalité une guerre antifasciste et antihitlérienne. De puissants intérêts capitalistes se dessinent derrière les formules et derrière les slogans. Les marchands de canons sont toujours là et tandis que tant des nôtres sont menacés dans leur existence, des potentats du capital songent à transformer les vies et les souffrances humaines en dividendes et profit.
Les Français pensent avec raison qu'il faut en finir avec l'insécurité permanente, avec la répétition annuelle des mobilisations.
Nous pensons qu'on peut assurer une paix durable et la sécurité française sans pousser des millions de nos frères à la mort et sans faire de la France un vaste cimetière.
La Paix, la Paix durable, tel est le cri qui monte des profondeurs du Pays et les antihitlériens les plus acharnés savent que la politique réactionnaire des gouvernements de Londres et de Paris sert Hitler au lieu de l'affaiblir.
La Paix est indispensable pensent tous ceux qui veulent que la France soit indépendante et ne soit jamais asservie par Hitler, mais qui ne veulent pas non plus qu'elle soit inféodée par les capitalistes anglais.
La Paix est indispensable pensent tous les démocrates qui savent qu'une guerre prolongée aura comme conséquence l'écrasement de toute les libertés et la généralisation d'un régime de violence et de régression sociale.
La Paix doit être faite sans tarder pensent tous ceux qui la placent au premier rang de leurs préoccupations d'intérêt du Peuple de France.
La Paix dans la sécurité de la France, voilà ce que veut le peuple de notre pays et ce n'est là ni une folle chimère, ni une anticipation."

(Cahiers d'histoire de l'IRM, Le PCF 1938-1941, n° 14, 1983, pp. 130-134)

Le 21 septembre 1939 (1), se tient une réunion du Comité central du Parti communiste français à laquelle participent les membres de la direction qui ne sont pas mobilisés, soit une quinzaine de personnes. Sont notamment présents Jacques Duclos, Benoit Frachon, Marcel Cachin, et Gabriel Péri.

Dans ses notes de novembre 1939, rédigées quelques jours après son arrivée à Moscou, Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, évoque la prise de parole de Marcel Cachin à cette séance en soulignant qu'elle a eu pour objet de justifier l'intervention soviétique en Pologne :

"J'ai su, au régiment,
comment Cachin, cependant très affecté
(qui n'a pas eu la force de se rendre à la commission de l'Armée)
était intervenu séance CC (après retour Raymond [Guyot])
approuver et expliquer raison libération 
UK [Ukraine] et R.B. [Russie Blanche]
a rappelé la politique US [Union Soviétique], l'attitude Pologne." (2)

Se conformant à la Directive de l'IC du 9 septembre imposant au PCF d'abandonner sa ligne favorable à la défense nationale pour s'engager dans la lutte contre la guerre impérialiste, ce Comité central adopte une Résolution intitulée "Il faut faire la Paix".

Cette Résolution est le premier texte de la direction du Parti communiste plaidant en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie :

"La Paix doit être faite sans tarder pensent tous ceux qui la placent au premier rang de leurs préoccupations d'intérêt du Peuple de France."

Pourquoi faire la Paix ? Parce que la guerre est une guerre impérialiste et qu'elle est donc injuste et illégitime.

Dans ce premier texte pacifiste, la France est implicitement dénoncée comme une puissance impérialiste. En effet, le Parti communiste condamne l'impérialisme français sans le nommer et préfère déclarer d'une part que la guerre "n'est plus une guerre antifasciste et antihitlérienne" et d'autre part qu'elle sert les intérêts des "marchands de canon" et des "potentats du capital".

Le cas de l'Angleterre est différent puisque le Parti communiste dénonce explicitement l'impérialisme anglais :

"Les peuples sont entraînés dans le tourbillon d'un conflit qui, comme il y a vingt-cinq ans, oppose l'impérialisme allemand à l'impérialisme anglais".  

On retiendra de la Résolution communiste un troisième thème tout aussi important que la Paix et la guerre impérialiste : la trahison des socialistes.

Illustration de ce fait : la condamnation de Léon Blum qui sera régulièrement attaqué par la propagande communiste à l'inverse de... Hitler.

Hebdomadaire de l'IC édité à Bruxelles, Le Monde publiera dans son numéro du 14 octobre 1939 un article consacré au Parti communiste - "Après un mois de guerre en France" - dans lequel il décrira le contenu du manifeste "Il faut faire la Paix" en précisant qu'il a été adopté le 21 septembre par le Comité central et que sa diffusion limitée a débuté le lendemain :

"Le Comité Central du Parti réuni le 21 septembre prit à ce propos des décisions très nettes en faveur de la paix considérant que seules les impérialistes peuvent avoir intérêt à prolonger la guerre alors que la paix peut être immédiatement obtenue.
Le Parti publia un manifeste intitulé : « Il faut faire la paix ». Dans ce manifeste, on démontrait d'abord que la guerre était déchaînée pour des buts impérialistes; on dénonçait ceux qui sauvèrent Hitler en 1938, à Munich; on soulignait la différence d'attitude de l'Angleterre et de la France à l'égard la Tchécoslovaquie et de la Pologne; on stigmatisait la politique de fascisme et de réaction du gouvernement français; on flétrissait la Social-Démocratie dont les leaders se sont faits les fourriers de la répression anti-communiste et les insulteurs patentés du pays du socialisme; on saluait la libération des Ukrainiens et des Blancs-Russiens en affirmant la confiance des travailleurs français dans la politique de Paix du grand Staline et on demandait que la paix soit rapidement conclue.
Ce document antérieur à la déclaration germano-soviétique sur la paix (22 septembre) n'a connu qu'une diffusion restreinte et tardive et un éclat devenait nécessaire pour affirmer devant les travailleurs de France la politique de paix et de lutte contre la guerre impérialiste du Parti Communiste Français ["éclat" = lettre au président Herriot du 1er octobre]."

Dernier élément, premier plaidoyer pour la Paix avec l'Allemagne d'Hitler, la Résolution "Il faut faire la Paix" sera citée dans l'Appel "Aux membres du Parti Communiste Français (SFIC)" de février 1940 :

"Voici cinq mois déjà que les capitalistes ont déclenché la guerre. Les travailleurs peuvent constater, à la lumière des faits que notre Parti Communiste, une fois de plus, leur avait dit la vérité. La guerre est menée pour la défense des intérêts des exploiteurs. [...]
Mais, sous les coups de la répression, le Parti tient ferme et son activité se développe. Ses mots d'ordre de lutte contre la guerre impérialiste, pour la paix, pénètrent dans toutes les couches de la population laborieuse, à l'usine, à la campagne, jusque dans les tranchées. C'est le résultat de l'effort magnifique des militants innombrables, obscurs et modestes, fidèles à la classe et à leur Parti, qui diffusent l'Humanité illégale et répandent à profusion les tracts. [...]
Le Parti est fort. Il applique une ligne claire, nette conforme à l'orientation fondamentale du mouvement ouvrier international. Cette ligne a été fixée, précisée dans la résolution de notre Comité Central, dans l'appel du Comité Exécutif de l'Internationale, dans l'article de son secrétaire générale, Georges Dimitrov, le héros du procès de Leipzig".

(1) Pour certains auteurs la réunion du Comité central s'est tenue le 20 septembre 1939. Pour d'autres le 21 septembre 1939. On retiendra la date du 21 septembre en s'appuyant sur l'article publié dans Le Monde du 14 octobre 1939.
(2) Cahiers d'histoire de l'IRM, Le PCF 1938-1941, n° 14, 1983, p. 123.

● Convention militaire germano-soviétique (page 1/2)

Le 21 septembre, à Moscou, le commissaire du peuple à la Défense, le Maréchal Vorochilov, et l'attaché militaire de l'ambassade allemande, le Général Köstring, signent après deux jours de négociations une convention militaire définissant la ligne de démarcation entre les armées allemande et soviétique opérant Pologne ainsi que le calendrier du retrait des troupes allemandes sur cette ligne.

Formée par les fleuves Pisa-Narew-Vistule-San., cette ligne de démarcation militaire est au final identique au tracé fixé dans le Protocole secret du 23 août 1939 organisant le partage de la Pologne entre l'URSS et l'Allemagne. D'ailleurs, la partie soviétique a refusé la demande de Ribbentrop d'un tracé distinct qui tiendrait compte des zones pétrolifères de Galicie occupées par les Allemands au sud de Lwow.

Dans la mesure où l'avancée de l'armée allemande l'a portée jusqu'à la ligne Byalistock - Brest-Litovsk - Lemberg (Lwow) - Skryja, la convention fixe aussi le calendrier du retrait des troupes allemandes sur la ligne de démarcation ainsi que les conditions dans lesquelles les troupes soviétiques avanceront en direction de cette frontière militaire.

Le 22 septembre, les agences officielles allemande et soviétique - DNB et Tass - annoncent la signature de cette convention militaire dans deux communiqués qui seront repris dans la presse du lendemain (Feuille d'avis de Neuchatel du 23 septembre 1939) :

"Berlin, 22 - L'agence DNB communique : Les gouvernement allemand et russe viennent de fixer la ligne de démarcation entre les armées allemande et soviétique. La ligne de démarcation suit le cours des rivières Pisia, Narew, Vistule, San."

"Moscou, 22 (Tass) - Communiqué germano-soviétique du 22 septembre : Le gouvernement allemand et le gouvernement soviétique ont fixé la ligne de démarcation entre l'armée allemande et l'armée soviétique. Cette ligne suit le cours de la rivière Pisia jusqu'au confluent du Narew, le cours du Narew jusqu'au Bug, le cours du Bug jusqu'à la Vistule [le Bug est mentionné à tort], puis la Vistule jusqu'au San et le San jusqu'à ses sources."

Preuve de la collaboration militaire de la Wehrmacht et de l'Armée rouge, le transfert de la ville de Brest-Litovsk le 22 septembre entre le XIXe corps d'armée du General der Panzertruppe Heinz Guderian et la 29e brigade de tanks du Kombrig Semyon Krivoshein donnera lieu à une parade militaire germano-soviétique.

Dernier élément, le retrait allemand de la région pétrolifère de Galicie, formée par les villes de Boryslav et de Drohobycz, fera l'objet ultérieurement d'une compensation en livraison de pétrole.


26 septembre 1939

● Décret-loi prononçant la dissolution du PCF

" Article 1er. Est interdite, sous quelque forme qu'elle se présente, toute activité ayant directement ou indirectement pour objet de propager les mots d'ordre émanant ou relevant de la Troisième Internationale communiste ou d'organismes contrôlés en fait par cette Troisième Internationale.
Art. 2. Sont dissous de plein droit le parti communiste (S. F. I. C.), toute association, toute organisation ou tout groupement de fait qui s'y rattachent et tous ceux qui, affiliés ou non à ce parti, se conforment dans l'exercice de leur activité à des mots d'ordre relevant de la Troisième Internationale communiste ou d'organismes contrôlés en fait par cette Troisième Internationale."

(Décret-loi de dissolution du PCF)

Le 26 septembre, soit trois semaines après le début de la guerre, le Conseil des ministres adopte sur la proposition du ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut, radical-socialiste, un décret-loi prononçant la dissolution de la Section Française de l'Internationale Communiste.

Cette décision du Gouvernemental Daladier a été motivée principalement par le soutien du PCF à l'agression soviétique contre la Pologne.

L'interdiction du PCF sera approuvée par l'ensemble des forces politiques représentées au Parlement... à l'exception des communistes. Même accueil dans la presse parisienne.

Signalons le cas de Léon Blum, dirigeant de la SFIO, chef du groupe parlementaire socialiste et directeur politique du Populaire.

Dans son éditorial du 27 septembre 1939 intitulé "Le gouvernement dissout le parti communiste", Léon Blum salue la décision du gouvernement en tant que responsable socialiste exprimant la position de son Parti avant d'indiquer qu'à titre personnel il estime que cette décision est "une faute" car, comme il l'a déjà expliqué dans sont article du 27 août, tout excès dans la répression du PCF retardera sa "décomposition" :

"Or, sans applaudir assurément à la dissolution du Parti Communiste, j'ai le sentiment que la majorité de notre Parti la trouvera naturelle, légitime. Cela se conçoit sans nulle peine. La signature du pacte germano-soviétique, puis l'invasion armée de la Pologne, ont soulevé l'indignation générale et il y a quelque chose d'exaspérant dans le refus obstiné des communistes français, malgré les objurgations dont on les presse, de rejeter un lien de dépendance et de solidarité avec ces actes odieux.
Mon opinion personnelle que j'ai déjà laissée percer à d'autres occasions et que la réflexion a confirmée, est différente. Les hommes qui depuis dix jours ont exercé sur le gouvernement une pression publique, comme Frossard et comme, je crois, M. Flandin, lui ont donné, selon moi, de mauvais conseils. Je tiens la dissolution pour une faute. Alors que le Parti Communiste restait accablé sous le poids de ses erreurs insensées, il va pouvoir transporter le débat sur un tout autre terrain. La décomposition sera, non pas précipitée, mais enrayée. Voilà ce que je crois."

Prévoyant en cas d'infraction une peine maximale de 5 ans de prison, le décret-loi du 26 septembre 1939 sera le principal texte juridique utilisé pour réprimer l'action des communistes en faveur de la Paix avec les nazis.


28 septembre 1939

● Reddition de Varsovie.

● La victoire de l'Allemagne et de l'URSS en Pologne se concrétise avec la signature de plusieurs accords

Le 28 septembre, après deux jours de négociations qui se sont déroulées à Moscou et auxquelles ont participé Joachim Ribbentrop, d'une part, Staline et Molotov d'autre part, l'URSS et l'Allemagne signent plusieurs accords :

Comprenant des texte publiés et non publiés, ces accords marquent la fin de la Campagne de Pologne.

- Textes publiés :
1) Traité de frontières et d'amitié germano-soviétique qui organise le partage de la Pologne entre l'URSS et l'Allemagne et fonde sur cette double annexion territoriale "le développement et le progrès des relations amicales entre leurs peuples". Le traité est accompagné d'une Annexe qui précise le tracé de la frontière séparant les zones d'intérêt soviétique et allemande en Pologne.
2) Déclaration germano-soviétique appelant la France et l'Angleterre à reconnaître le partage de la Pologne entre l'Allemagne et l'URSS, leur demandant d'engager des négociations de Paix avec Hitler et les accusant d'être les responsables de la continuation de la guerre en cas de refus.
3) Grand Programme économique germano-soviétique aux termes duquel l'URSS fournira à l'Allemagne des matières premières qui seront compensées par des livraisons industrielles allemandes.

- Textes non publiés :
1) Protocole confidentiel autorisant le départ des populations allemandes installées à l'est de la Pologne et réciproquement celui des Ukrainiens et des Biélorusses vivant dans les territoires contrôlés par les Allemands.
2) Protocole additionnel secret modifiant le Protocole additionnel secret du 23 août 1939 relatif aux zones d'intérêts soviétique et allemande en Pologne et dans les Pays Baltes.
3) Protocole additionnel secret aux termes duquel les deux gouvernements s'engagent à réprimer dans leur zone respective toute forme de Résistance polonaise qui menacerait l'autre Partie, et à échanger des informations sur les mesures prises dans ce but.

● Création du groupe ouvrier et paysan français (GOPF)

Le 27 septembre, jour de la publication du décret-loi prononçant la dissolution du Parti communiste, les députés du groupe communiste décident de former un nouveau groupe parlementaire : le groupe ouvrier et paysan français.

Ce nouveau groupe est formellement constitué le lendemain. Sa création est annoncée au Journal officiel du 29 septembre. Pour marquer son absence de tout lien avec la IIIe Internationale son programme fait référence à la plateforme de 1880 du Parti ouvrier français de Jules Guedes.

Dernière tribune permettant au Parti communiste de manifester son opposition à la guerre, le groupe ouvrier et paysan français va se se distinguer de toutes les autres formations politiques en apportant son soutien à la Déclaration germano-soviétique du 28 dans laquelle les deux gouvernements appelaient la France et l'Angleterre à reconnaître le partage de la Pologne entre l'Allemagne et l'URSS, leur demandaient d'engager des négociations de Paix avec Hitler et les accusaient d'être les responsables de la continuation de la guerre en cas de refus.

Ce soutien se manifeste le 2 octobre avec la remise d'une lettre au président de la Chambre dans laquelle le GOPF affirme que "La France va se trouver incessamment en présence de propositions de paix" et demande en conséquence l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens."

Pour justifier sa demande, le groupe parlementaire communiste accuse la France et l'Angleterre d'être les responsables de la guerre, dénoncent le bellicisme de la presse et enfin mettent en avant l'action diplomatique de l'URSS.

A la suite de cette initiative pacifiste, la justice militaire engagera des poursuites contre le GOPF en arguant que la création du groupe parlementaire communiste et sa lettre au président Herriot sont des infractions au décret de dissolution du Parti communiste. Cette procédure aboutira à la tenue d'un procès du 20 mars au 3 avril 1940 au terme duquel 44 députés communistes seront condamnés à 4 et 5 ans de prison.

Le 20 février 1940, les députés communistes ayant ou non adhéré au groupe ouvrier et paysan français sont déchus de leur mandat en vertu d'une résolution adoptée par la Chambre en application de la loi du 20 janvier 1940 prononçant la déchéance de tous les élus communistes qui n'ont pas rompu avec la IIIe Internationale. A la suite du vote de cette résolution le Journal officiel du 23 février 1940 annonce que le groupe ouvrier et paysan français est supprimé.


30 septembre 1939

● Editorial de Léon Blum "La paix de Hitler et de Staline"

"L' « OFFENSIVE de paix », annoncée depuis quelques jours, a été déclenchée hier matin.
Elle ne l'a pas été par Hitler seul. Elle ne l'a pas été davantage par Hitler et Mussolini, ainsi qu'on s'était plu à l'imaginer. Elle l'a été par Hitler et Staline. Staline, d'ailleurs, n'intervient nullement comme un médiateur, comme un arbitre impartial, mais en plein accord avec l'Allemagne. Il ne dit pas s'il prendrait place à ses côtés dans la guerre, mais, d'avance, il prend place à ses côtés dans la négociation.
Les propositions de Hitler, avalisées par Staline, ne sont pas encore publiées dans leur teneur. Elles sont seulement annoncées. Mais, dès à présent, Hitler et Staline ont fait connaître à quelle condition expresse elles seraient subordonnées. Cette condition est la reconnaissance pleine et entière du fait accompli en ce qui touche la Pologne. Staline et Hitler proclament que la question polonaise concerne exclusivement le Reich et la Russie Soviétique et qu'ils ne toléreront dans son règlement l'intrusion d'aucune autre puissance. Ils ajoutent - je réprime ici l'expression des sentiments qui me soulèvent pendant que je trace ces sèches formules - que si la Grande-Bretagne et la France ne se pliaient pas à cette condition préalable, c'est à elles qu'ils imputeraient la responsabilité de la guerre !
L'acceptation du fait accompli, c'est-à-dire de la mise à néant de la nation polonaise, ou bien la guerre : les offres « pacifiques » de Hitler, avalisées par Staline, prennent ainsi, dans la réalité des choses, le sens d'un véritable ultimatum.
Hitler, en le formulant, ne peut avoir eu qu'un but : dissocier l'opinion française, séparer la France de la Grande-Bretagne dont le refus avait été signifié d'avance par M. Neville Chamberlain. Ce calcul est vain.
Je n'insiste pas sur ce qu'a d'offensant pour la France l'idée qu'elle puisse trahir, après un mois de guerre, la cause pour laquelle elle est entrée en guerre.
Mais la France se demandera ce qu'on lui offre en échange de son consentement humilié à « l'ordre qui règne à Varsovie ».
La paix ?... La paix garantie par qui, par Hitler ou par Staline ? La paix jurée dans un pacte de non-agression, comme celui qui liait le Reich à la Pologne ? ? La paix fondée sur l'établissement d'un statut européen d'où la Pologne et, j'imagine, toutes les autres annexions allemandes seraient exclues d'avance ? ? ? La paix pour que, dans quelques mois, séparés de l'Angleterre, nous nous trouvions seuls vis-à-vis d'une Allemagne ayant installé souverainement sa maîtrise sur le centre et le sud-est de l'Europe ? ? ? ?
Voilà ce que pensera le pays. Voilà ce que pensera, quand il sera saisi, le Parlement, dépositaire de la souveraineté nationale."

(Le Populaire du 30 septembre 1939)

Le 28 septembre, l'URSS et l'Allemagne signent une Déclaration dans laquelle elles appellent la France et l'Angleterre à accepter comme un fait accompli la disparition de la Pologne, leur demande d'engager des négociations pour "mettre fin à l'état de guerre qui existe entre l'Allemagne d'une part, la France et l'Angleterre d'autre part", et les accusent d'être les "responsables de la continuation de la guerre" en cas de refus.

Dans son éditorial du 30 septembre, Léon Blum dénonce cette offensive de paix hitléro-stalinienne en affirmant que la France ne saurait accepter la condition posée par Staline et Hitler comme préalable à l'ouverture de négociations de Paix à savoir la reconnaissance du partage de la Pologne entre les deux dictateurs.