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Novembre 1939

2 novembre
➤ Dans un éditorial consacré au "Discours de Molotov" du 31 octobre, Léon Blum écrit que son contenu lui a inspiré un "sentiment de révolte et de dégoût".

3 novembre
➤ L'éditorial de Léon Blum intitulé "Clairvoyance ouvrière" célèbre la CGT pour avoir restauré l'unité de la classe ouvrière sur le plan syndical en excluant les communistes fidèles à Moscou.

5 novembre
➤ Dans un éditorial intitulé "Eclairer et réunir", Léon Blum plaide pour la formation d'un parti unique du prolétariat fondé sur la disparation du PCF et l'absorption par le Parti socialiste de ses éléments décommunisés.

7 novembre
➤ Un avion allemand diffuse sur la région parisienne des tracts reproduisant le discours de Molotov du 31 octobre 1939

➤ L'éditorial de Léon Blum intitulé "Le devoir de chacun" affirme qu'il est du devoir du Parti socialiste de restaurer l'unité de la classe ouvrière en accueillant les militants communistes qui ont rompu avec le PCF.

8 novembre
➤ Maurice Thorez, déserteur et secrétaire général du PCF, arrive à Moscou.

➤ Editorial de Léon Blum intitulé "Attirer et instruire" ayant pour objet la réunification de la classe ouvrière.

11 novembre
➤ 21e anniversaire de l'armistice de 1918.

➤ Le président de la République, Albert Lebrun, prononce à la radio un discours dans lequel il affirme que la "victoire est certaine" au vu de la supériorité des forces matérielles et morales de la France et de l'Angleterre..

13 novembre
L'Humanité clandestine dénonce la commémoration de la victoire de 1918 en soulignant qu'elle a permis à la France d'imposer à l'Allemagne "la fausse paix de Versailles".

15 novembre
➤ Dans un article intitulé "Molotov, Hitler, Thorez et Cie", Marx Dormoy, sénateur-maire socialiste, condamne les calomnies et les insultes propagées par le pouvoir soviétique et leurs affidés, les communistes français, avant d'affirmer que les véritables traîtres sont Staline, signataire du Pacte germano-soviétique et Thorez, le déserteur.

28 novembre
➤ Condamnation de Maurice Thorez à 6 ans de prison pour désertion.

30 novembre
➤ Après le refus du gouvernement finlandais de satisfaire ses revendications territoriales, l'URSS envahit la Finlande en invoquant un incident de frontière qui s'est produit quatre jours plus tôt et... qu'elle a elle-même organisé.

➤ Première séance de la session extraordinaire de la Chambre des députés.

➤ Député communiste recherché par la police, Florimond Bonte se présente à la Chambre pour tenter de lire une Déclaration dans l'hémicycle.

## novembre
➤ Secrétaire général de l'Internationale communiste, Georges Dimitrov publie un texte de référence intitulé "La guerre et la classe ouvrière des pays capitalistes" dans lequel il justifie l'engagement de son organisation dans la lutte contre la guerre impérialiste et sa cause le régime capitaliste.

➤ L'IC appellent les "Prolétaires et travailleurs du monde entier !" à combattre la guerre impérialiste et à mettre fin au capitalisme qui en est la cause.

➤ Un numéro spécial de l'Humanité clandestine dénonce "Le sinistre Léon Blum" pour son soutien à la guerre contre Hitler.



2 novembre 1939

● Editorial de Léon Blum consacré au "Discours de Molotov" du 31 octobre

"COMMENCONS par poser un point essentiel. Il avait été stipulé entre l'U.R.S.S. et l'Allemagne que si les « propositions de paix » formulées par Hitler n'étaient pas acceptées, les deux puissances se concerteraient sur la suite à donner à ce rejet. Les « propositions de paix » hitlériennes ayant été écartées par M. Neville Chamberlain et par Edouard Daladier, interprètes de la volonté unanime des peuples anglais et français, l'U.R.S.S. et l'Allemagne ont dû, par conséquent, se concerter, et le discours de Molotov était la première manifestation publique d'un des dirigeants soviétiques postérieurement à ce concert. Quel en était le résultat ? Quelle attitude le rejet des « propositions » hitlériennes avait-il dictée à l'U.R.S.S. ? Allait-elle les reprendre à son compte avec plus d'instance ? Allait-elle annoncer, à titre de sanction, l'octroi de son concours armé à l'Allemagne ?... Le discours de Molotov ne contient rien de pareil. Il n'ouvre pas une nouvelle « offensive de paix ». Il affirme la fidélité de l'U.R.S.S. à la politique de neutralité, ou plutôt à la pratique des « mains libres »...

Voilà sans doute ce qui, dans cette longue déclaration aussi minutieusement combinée et calculée que le discours de Ribbentrop à Hambourg, intéressera le plus l'opinion française, et c'est ce que je voulais marquer tout d'abord. Mais je dois maintenant me débarrasser, en l'exprimant avec liberté, du sentiment qui m'obsède. Je rappelais à l'instant le discours de Ribbentrop. Le sentiment de révolte et de dégoût que m'inspire le discours de Molotov n'est pas moins intolérable. Il est vraiment impossible de pousser plus loin l'hypocrisie cauteleuse et pateline, le déni outrageant de la vérité. Dans ces paroles publiques, proférées à la face du monde, on ne trouve plus la moindre considération pour la dignité humaine, plus la moindre trace de respect humain.

Je prends un exemple, c'est le plus topique assurément, mais ce n'est pas le seul : j'en pourrais fournir beaucoup d'autres. Si jamais dans une guerre quelconque il y eut un agresseur incontestablement désigné, c'est Hitler dans la guerre actuelle. Si jamais il y eut un fait d'agression caractérisé avec évidence, c'est l'agression hitlérienne contre la Pologne. L'agression peut-elle revêtir une forme plus certaine, moins contestable, que l'invasion armée du territoire d'un Etat voisin, invasion non provoquée, non précédée d'une déclaration de guerre ? Si d'ailleurs il se trouvait quelqu'un au monde pour hésiter sur la définition et la reconnaissance de l'agression, il suffirait de le renvoyer à une note célèbre de Litvinov (1). Car la diplomatie soviétique avait apporté un soin particulier à classer les diverses catégories de l'agression ; qu'on se reporte à son catalogue, et l'on verra si l'invasion polonaise ne représente pas l'agression au premier chef, l'agression voie de fait, l'agression par excellence ? Mais aujourd'hui il est devenu incommode pour l'U.R.S.S. qu'Hitler assumât le rôle d'agresseur. Qu'à cela ne tienne, et voilà que Molotov affirme sans rougir devant l'opinion universelle que depuis trois ou quatre mois - depuis l'accord de principe entre l'Allemagne et l'U.R.S.S. - les mots d'agresseur et d'agression ont changé de signification, que certaines vieilles formules sont désormais périmées ! ! et que chacun doit bien se pénétrer de ce changement dans le contenu concret des mots, sous peine d'errer grossièrement dans l'appréciation de la situation nouvelle en Europe... Quand les formules gênent, on les change; quand le sens des mots gêne, on le change; quand la vérité et la réalité gênent, on s'efforce de les changer.

Je pourrais citer tout aussi bien le passage où Molotov explique que l'U.R.S.S. n'a envahi la Pologne que pour rester fidèle à ses engagements de neutralité, celui où il fait le point - le point soviétique - de la négociation finlandaise, celui où il relate, non sans quelques accents rancuniers et menaçants dans la voix, la négociation turque. Je pourrais « monter en épingle » le développement destiné à montrer que les traités imposés aux Etats baltes ne sont que la suite et la preuve de la tendre amitié que l'U.R.S.S. leur avait vouée depuis vingt ans. Partout le même mépris de la vérité, c'est-à-dire le même mépris de l'humanité.

Je ferai cependant la même observation finale que sur le discours de Ribbentrop à Hambourg. Ribbentrop avait formulé un catéchisme de propagande nazie; Molotov vient de formuler un catéchisme de propagande communiste. Il ne suffit pas d'opposer à ces formulaires des cris de révolte et d'indignation; il faut les saisir, les prendre corps à corps, les détruire. Sur tous les points que je viens de signaler, les thèses hitlériennes et soviétiques doivent être réfutées à fond et sans merci. D'un mot, d'ailleurs, j'en ferai sentir le danger. Selon Molotov, Hitler n'est pas l'agresseur; pourtant, il en faut bien un : si ce n'est pas Hitler, qui est-ce ? Selon Molotov, c'est Hitler aujourd'hui qui veut la paix, ce sont les Alliés qui veulent la guerre, et ils ne la veulent pas pour des raisons d'ordre idéal, ni même d'ordre politique, mais pour des motifs d'intérêt, d'égoïsme matériel, de cupidité. Ainsi, la responsabilité de l'agression est retournée; la responsabilité actuelle de l'état de guerre est reportée sur les Alliés ! Quand ils tiennent un tel langage, les hommes d'Etat soviétiques cherchent avant tout un alibi pour leur gouvernement et pour eux-mêmes, c'est entendu. Mais prenons garde qu'ils dressent en même temps le programme idéologique d'une intense campagne, dirigée contre l'opinion française aussi bien que contre les opinions neutres, et qu'il ne faut point tarder à briser... par les seules armes de la vérité et de la raison."

( Le Populaire du 2 novembre 1939)

(1) Le 6 février 1933, à la Conférence pour la réduction et la limitation des armements organisée à Genève par la Société des Nations, le commissaire du peuple aux Affaires étrangères, Maxime Litvinov, déposa au nom du gouvernement soviétique un projet définissant la notion d'agresseur :

"Serait reconnu pour agresseur dans un conflit international l'Etat qui, le premier, aura commis l'une des actions suivantes : a) Qui aura déclaré la guerre à un autre Etat; b) Dont les forces armées, même sans déclaration de guerre, auront envahi le territoire d'un autre Etat; c) Dont les forces terrestres, navales et aériennes auront bombardé le territoire d'un autre Etat ou auront sciemment attaqué les navires ou les aéronefs de ce dernier; d) Dont les forces terrestres, navales ou aériennes auront été débarquées ou introduites dans les confins d'un autre Etat sans l'autorisation du gouvernement de ce dernier ou auront violé les conditions d'une pareille autorisation, particulièrement en ce qui concerne la durée de leur séjour; e) Qui aura établi le blocus naval des côtes ou des ports d'un autre Etat." (L'Humanité du 7 février 1933)

L'éditorial de Léon Blum du 2 novembre est consacré au discours de Molotov dont le contenu lui inspire un "sentiment de révolte et de dégoût.

Le dirigeant socialiste dénonce notamment la position de l'URSS attribuant la responsabilité de la guerre aux Alliés :

"Selon Molotov, c'est Hitler aujourd'hui qui veut la paix, ce sont les Alliés qui veulent la guerre, et ils ne la veulent pas pour des raisons d'ordre idéal, ni même d'ordre politique, mais pour des motifs d'intérêt, d'égoïsme matériel, de cupidité. Ainsi, la responsabilité de l'agression est retournée; la responsabilité actuelle de l'état de guerre est reportée sur les Alliés !"

Pour Léon Blum ce "catéchisme de la propagande communiste" doit être combattu "par les seules armes de la vérité et de la raison."

Les communistes dénonceront cet éditorial dans un texte publié dans l'Humanité numéro spécial de novembre 1939 sous le titre... "Le Sinistre Blum" :
 
"Léon Blum a été chargé par son patron Daladier de se livrer à un débordement d'injures contre le discours du camarade Molotov qui a mis les points sur les i et souligné la responsabilité des fauteurs de guerres impérialistes."


4 novembre 1939

● Editorial de Léon Blum intitulé "Clairvoyance ouvrière"

En ce moment même, un changement considérable s'accomplit dans la structure, dans le classement, dans l'organisation, et je crois bien aussi dans le « comportement » psychologique du prolétariat français. Une véritable révolution corporative est en marche, et les forces qui la mènent se sont groupées sous le contrecoup, dans le remous d'événements de guerre. Scindée en deux tronçons après la constitution de l'internationale Syndicale Communiste, la C.G.T. française avait retrouvé, voici bientôt trois ans, son unité organique, qui continuait cependant d'ailleurs à couvrir les différends persistants d'ordre doctrinal, d'ordre tactique, d'ordre personnel. Or, voici que, sous nos yeux, et par une répercussion indirecte de la guerre, se produit un phénomène qui n'avait pas encore eu d'exemple, autant que je sache, dans l'histoire ouvrière. Non pas une nouvelle scission, mais tout au contraire une réunification complète, intégrale, obtenue par l'expulsion spontanée des éléments hétérogènes. Il n'y a pas deux C.G.T., il n'y en a qu'une. Toutes ses fédérations, toutes ses unions départementales, tous ses syndicats, à d'infimes exceptions près, restent intacts. L'organisation n'a pas bougé dans sa figure extérieure et aucune organisation dissidente n'a été créée ni ne peut être créée en dehors d'elle. Mais, par un réflexe irrésistible, et entièrement spontané, je le répète, la classe ouvrière en a rejeté, tout comme l'estomac rejette un aliment non assimilable, les éléments communistes irréductibles, ceux qui faisaient prévaloir « l'omni-obéissance » envers Moscou sur la bonne foi, la raison, le patriotisme - le patriotisme de classe aussi bien que sur le patriotisme national.

Ce travail vraiment extraordinaire est en voie d'achèvement sans que l'opinion publique se rende le moindre compte de son importance, ni même de son existence. Il a été exécuté par la seule classe ouvrière, sans nulle aide venue du dehors, et même, selon mon jugement, malgré certains obstacles ou certaines gênes extérieures. La classe ouvrière a été mue tout à la fois par sa droiture naturelle, c'est-à-dire par son amour de la justice et de la vérité, par son attachement à la nation et par son attachement à la paix. Ce qu'elle n'a pu tolérer, au sens propre du terme, c'est, d'une part, la duplicité communiste, c'est, d'autre part, la responsabilité décisive assumée par les Soviets dans le déclenchement de la guerre aujourd'hui imposée à la nation française. Car, quel que puisse être dans l'avenir le déroulement imprévisible des événements, une chose est et restera certaine : si les Soviets avaient voulu la paix, il n'y aurait pas aujourd'hui la guerre. Cela, personne ne peut le contester et personne ne peut non plus le pardonner.

(Le Populaire du 4 novembre 1939)

Dans son éditorial du 3 novembre, Léon Blum célèbre la "clairvoyance ouvrière" qui a permis à la CGT de s'engager sur le chemin de l'unité en excluant de son organisation les "éléments communistes irréductibles, ceux qui faisaient prévaloir « l'omni-obéissance » envers Moscou sur la bonne foi, la raison, le patriotisme - le patriotisme de classe aussi bien que sur le patriotisme national.

Son éditorial du lendemain portera sur l'unité politique du mouvement ouvrier qui se fera en deux étapes : tout d'abord, la décomposition du PCF, puis l'absorption par le Parti socialiste des éléments communistes sains.


5 novembre 1939

● Editorial de Léon Blum intitulé "Eclairer et réunir"

"QUAND on considère l'état du prolétariat français, on constate que la conclusion du pacte germano-soviétique n'a pas entraîné sur le plan politique les mêmes conséquences que sur le plan corporatif. Il était impossible d'ailleurs que la même cause déterminât exactement les mêmes effets, puisqu'elle agissait sur une situation toute différente. Sans doute, la scission communiste s'est produite dans le Parti socialiste français comme dans la C.G.T. L'opération politique a même été la première en date. Mais le pacte germano-soviétique tombait sur une C.G.T. seule de son espèce, réunifiée organiquement depuis trois ans, et qui n'avait plus par conséquent qu'à se réunifier spirituellement par le rejet spontané des éléments inassimilables. Le même événement trouvait, au contraire, deux partis politiques distincts, séparés, dont l'un portait encore le nom de Parti communiste et n'avait jamais relâché ses liens de subordination hiérarchique vis-à-vis de l'Internationale et du gouvernement de Moscou.
[...] Il y avait en France, au début de la guerre, deux partis politiques se réclamant du prolétariat. Des lors, la réunification véritable ne peut pas s'opérer comme elle s'opère en ce moment sous nos yeux dans la C.G.T. unique, par voie d'épuration intérieure. Elle comporte nécessairement, d'abord la désagrégation du Parti communiste, ensuite l'incorporation dans le Parti socialiste de tous les éléments « décommunisés » par l'espèce de révélation brutale qu'a provoquée le pacte germano-soviétique. Expulsion par la C.G.T. des corps inassimilables et, tout au contraire, absorption par le Parti socialiste des corps redevenus assimilables, voilà comment se pose le problème. Le Parti socialiste doit l'envisager franchement, puisqu'une de ses tâches immédiates et essentielles est de le résoudre. C'est à ce prix que pourra se constituer en France, sur le plan politique comme sur le plan corporatif, un parti unique eu prolétariat."

(Le Populaire du 5 novembre 1939)

Dans son éditorial du 5 novembre, Léon Blum s'enthousiasme à l’avènement dans un futur proche d'un parti unique du prolétariat qui sera consécutif à "la désagrégation du Parti communiste" et à "l'incorporation dans le Parti socialiste de tous les éléments « décommunisés » par l'espèce de révélation brutale qu'a provoquée le pacte germano-soviétique".

Une remarque : pour le dirigeant socialiste la désagrégation du PCF est un fait inéluctable. C'est d'ailleurs pour cette raison que dans Le Populaire du 27 septembre il a jugé, sur un plan personnel, que la dissolution du PCF était "une faute", considérant que la clandestinité renforcerait les liens entre les militants et le Parti et retarderait en conséquence ce phénomène de décomposition.

Dans son éditorial de la veille, Léon Blum a célébré la CGT pour avoir mis fin à ses divisons internes en excluant les éléments communistes inassimilables et être ainsi devenu véritablement le syndicat unique du prolétariat. 


7 novembre 1939

● Un avion allemand assure la propagande... soviétique

Le 7 novembre, date anniversaire de la Révolution bolchévique de 1917, un avion allemand diffuse sur la région parisienne des tracts reproduisant le discours de Molotov du 31 octobre 1939.

Le même événement se produira aussi à la fin du mois dans le département de la Côte d'Or.

Cet effort de la Luftwaffe en faveur de la propagande... soviétique est un bel hommage au contenu du discours prononcé par le Chef du gouvernement soviétique.


● Editorial de Léon Blum intitulé "Le devoir de chacun"

"Dans mes articles de samedi [4 novembre] et de dimanche matin [5 novembre], j'ai formulé un problème dont chacun de mes lecteurs sent aussi bien que moi l'importance. L'unité de la classe ouvrière, - j'entends l'unité réelle, vivante, reposant sur la communauté libre des esprits, des sentiments, des volontés - qui est en voie de reconstitution dans la C.G.T. sur le plan corporatif, peut-elle se reconstituer sur le plan politique au sein du Parti socialiste ? La différence des situations antérieures à la guerre fait que le résultat obtenu dans la C.G.T. par l'élimination des éléments réfractaires, ne peut être recherché au sein du Parti que par l'absorption des éléments assimilables. Examinons d'un peu plus près comment cette absorption doit être préparée et organisée.
L'opération suppose évidemment, comme condition préalable, la désagrégation du Parti communiste fiançais. Mais, au moment même où j'emploie cette expression, je voudrais prévenir toute équivoque sur le sens que j'y attache. Le Parti communiste français, pris en tant que personne de droit, a été supprimé par voie législative aux termes d'un décret-loi issu des pleins pouvoirs gouvernementaux. D'autre part, le gouvernement s'est efforcé et s'efforce encore de le supprimer matériellement, en lui appliquant toute une série de mesures judiciaires et policières. Quand je parle de la désagrégation communiste, il est bien entendu que je ne vise en rien cette entreprise gouvernementale exécutée du dehors par voie d'autorité ou de contrainte. Je pense uniquement au processus spontané de décomposition interne que le pacte germano-soviétique a mis en mouvement, et que d'ailleurs, suivant une opinion que j'ai déjà exprimée ici-même, l'entreprise gouvernementale retarde plutôt qu'accélère, et contrarie plutôt que favorise.
Sur l'immense majorité des membres du Parti communiste français, sur la quasi-totalité des « sympathisants » et électeurs communistes, le pacte germano-soviétique est tombé comme un coup de massue. Le prolétariat communiste ou communisant a été assommé, si je puis dire, par la violence et la brutalité extraordinaire de l'événement. Inutile que je développe longuement des thèmes qui sont aujourd'hui courants et banaux. Les communistes ou communisants ont compris aussi clairement que les autres Français que, sans le geste de Staline, la guerre n'aurait pas été possible. Ils ont éprouvé la même émotion, la même alarme vis-à-vis du nouveau péril qui menaçait la sécurité du pays. Mais ils se sont trouvés encore plus sensibles à la contradiction soudaine, totale, inexplicable, qui se dressait tout à coup entre la politique nouvelle des Soviets et celle que les chefs du communisme français avaient propagée depuis plus de quatre ans avec une âpreté si agressive. Et ils ont considéré ces chefs responsables avec une stupeur indignée et désolée, en se demandant si la pratique prolongée de « l'omni-obéissance » avait aboli en eux la conscience ou la raison.
La fraction du prolétariat français qui s'était agglomérée autour de l'organisation communiste s'est ainsi éveillée d'une sorte de griserie. Soit le passé, soit le présent sont devenus pour elle incompréhensibles. Un charme s'est rompu; un lien s'est brisé. Voilà le premier stade. Mais ce que je voudrais faire clairement entendre, c'est que, si ces éléments une fois libérés devaient être laissés à la dérive, à l'abandon, la situation créée par le pacte germano-soviétique ne serait pas nécessairement profitable à la cause ouvrière, ni peut-être à la cause républicaine. Les hommes qui avaient été communistes de bonne foi, ou qui avaient suivi de bonne foi le Parti communiste ont été exorcisés par le Diktat stalinien. Mais où iront-ils désormais, s'ils ne vont pas au Parti socialiste pour lequel ils sont redevenus des éléments assimilables ? Quel sera sur eux l'effet de la déception et du dégoût, si l'on n'a pas su les persuader d'une nouvelle règle ? Iront-ils grossir la masse des sceptiques, des indifférents, des désabusés ? Se laisseront-ils attirer, comme ce fut le cas dans d'autres pays, et spécialement en Allemagne, par des formes différentes de la discipline totalitaire ? La question est grave. Ce qui ne viendra pas à nous risque d'être perdu pour la démocratie et le socialisme, ou risque même de passer d'un coup dans le camp des ennemis permanents du socialisme et de la démocratie.

Quand je dis que la question est grave, on voit donc que je ne me place pas à un point de vue égoïste et mesquin. Ce qui me préoccupe, n'est pas de grossir nos effectifs de cotisants et notre clientèle électorale à la faveur d'événements qui bouleversent le monde. Mais j'envisage l'avenir en même temps que le présent. Je recherche si dans ce monde bouleversé, la classe ouvrière ne voit pas émerger peu à peu de nouvelles conditions de développement et de lutte. Elle ne pourra remplir sa mission que si elle est unie. Mais précisément la catastrophe universelle est en train de créer les conditions de son unité véritable. Pour tous les autres partis politiques et pour le gouvernement, le devoir est de comprendre la nécessité nationale de ce travail, et de ne pas y apporter d'entraves. Pour notre Parti, le devoir national et socialiste est d'en prendre la charge et la direction.

(Le Populaire du 7 novembre 1939)

Dans son éditorial du 7 novembre, après avoir décrit un Parti communiste en voie de décomposition, Léon Blum plaide en faveur de l'unité de la classe ouvrière et fixe dans cette perspective le "devoir de chacun" : "Pour tous les autres partis politiques et pour le gouvernement, le devoir est de comprendre la nécessité nationale de ce travail, et de ne pas y apporter d'entraves. Pour notre Parti, le devoir national et socialiste est d'en prendre la charge et la direction."


8 novembre 1939

● Maurice Thorez, déserteur et secrétaire général du PCF, arrive à Moscou

● Editorial de Léon Blum intitulé "Attirer et instruire"

"JE poursuis, dans leur ordre logique, mes réflexions sur la situation nouvelle que le pacte germano-soviétique a créée au sein de la classe ouvrière et sur les possibilités de « réunification » qu'il a ouvertes. Je les poursuis avec d'autant plus de sérénité que depuis quelques semaines — et cela me rajeunit de quelques années — je suis redevenu une des cibles de la polémique communiste, non seulement en France mais en Russie. La presse et la radio de Moscou me flétrissent à toute occasion, en des termes que je n'éprouve pas le besoin de reproduire, comme un agent du capitalisme international et comme un des fauteurs de la guerre impérialiste.

Quelques-uns de mes camarades socialistes s'en étonneront peut-être. Ils étaient plutôt enclins à me reprocher doucement ma confiance et ma crédulité envers les communistes français, ma tenace loyauté de conduite avec eux, ma persévérance à les retenir dans la majorité de Front populaire, mes tentatives infatigables pour faire aboutir le pacte tripartite. Mais il est vrai que j'ai depuis lors commis un crime inexpiable : je n'ai pu réprimer ma révolte de socialiste et de « pacifiste » devant le diktat stalinien. J'ai fait pis : je me suis efforcé de communiquer aux éléments populaires encore groupés autour du communisme ce sentiment de colère et d'horreur; j'ai cherché à dissiper les derniers mensonges par lesquels on croyait les abuser encore, je les ai adjurés de répudier « l'omni-obéissance » pour recouvrer la pleine liberté de leur conscience et de leur raison.

Voilà mon crime. Il est moins grave, en réalité, que la presse et la radio moscovites ne le supposent, car les masses populaires de France n'avaient nul besoin de mon appel. Elles avaient compris à elles toutes seules. C'est par un mouvement purement spontané qu'elles ont répudié l'obédience stalinienne, devenue tout à la fois pour elles inexplicable et haïssable.

Les ouvriers, les paysans, les artisans, qui subissaient l'obédience ou l'influence communiste s'en sont dégagés eux-mêmes en déchirant d'un coup le lien. Les éléments assimilables sont donc présentement libérés et ils sont devenus assimilables de par leur libération même. Cependant ce n'est que la première des opérations successives que j'ai distinguées, ou si l'on préfère ce n'est que la première des phases successives de la même opération. Après la libération de la servitude communiste doit absolument se placer l'absorption dans l'unité socialiste. Tout le monde dans notre pays doit comprendre l'opportunité de ce travail. Mais le Parti socialiste doit en sentir la nécessité, et surtout il doit se rendre compte qu'il est en état de l'accomplir."

(Le Populaire du 8 novembre 1939)

L'éditorial de Léon Blum du 8 novembre est une nouvelle fois consacré à la réunification de la classe ouvrière dans le Parti socialiste.

On notera qu'il fait aussi état des attaques de la presse et de la radio de Moscou qui accusent le dirigeant socialiste d'être "un agent du capitalisme international" et "un des fauteurs de la guerre impérialiste.


11 novembre 1939

● 21e anniversaire de l'armistice de 1918

● Discours d'Albert Lebrun

"Car notre victoire est certaine. Il n'est que de regarder et de réfléchir pour en prendre l'assurance.
La guerre est avant tout une question de force, Or, la force est avec nous. Les empires britanniques et français avec leurs métropoles et, par delà des mers que dominent leurs flottes unies, leurs, dominions et leurs colonies, constituent le groupement le plus puissant du monde. [...]
La guerre - et celle-ci plus que toute autre, on l'a dit déjà - est aussi affaire de force morale. La victoire couronnera les buts de guerre les plus nobles, les plus généreux, les plus humains.
Or, là-bas, on a pris les armes pour asséner un nouveau coup de violence, poursuivre les attentats perpétrés depuis quelques années contre la liberté des peuples, parfaire une volonté d'hégémonie intolérable, affirmer des principes et imposer des lois qui rendent impossible toute vie internationale normale et saine.
Les démocratie occidentales, dans une complète identité de vues, se sont dressées pour que la liberté, la justice, la vérité, le respect de la personne humaine, la fidélité à la parole jurée demeurent à la base des relations des hommes et des Etats, pour que les petites nations ne courent pas le risque de se voir rayer les une après les autres de la carte du monde, en un mot pour que les principes de civilisation pour lesquels des générations ont lutté et souffert dans le passé demeurent toujours vivants et respectés".

(Le Temps du 12 novembre 1939)

Le 11 novembre 1939, après avoir participé à l'Arc de Triomphe à la cérémonie commémorant l'armistice de 1918, le président de la République, Albert Lebrun, prononce à la radio un discours dans lequel il affirme que la "victoire est certaine" au vu de la supériorité des forces matérielles et morales de la France et de l'Angleterre.


13 novembre 1939

Dans un article titré "11 novembre 1939", l'Humanité clandestine dénonce la commémoration de la victoire de 1918

"Le onze novembre a été l'occasion pour la réaction  au  pouvoir,  pour  ses  maîtres  fascistes  et ses valets, les chef "socialistes", non seulement d'exalter la guerre impérialiste qui rapporte gros aux profiteurs et coûte cher au peuple mais aussi de glorifier la fausse paix de Versailles. Car leur but est d'infliger à l'Europe un nouveau traité impérialiste, d'écraser les peuples ici comme là. 
[...] En dépit des menaces de Sarraut [ministre de l'Intérieur] du Sphinx [maison-close], dont la colère est le meilleur brevet à la persistance et à l'efficacité de notre action, le Parti communiste français ne cessera avec Maurice Thorez de dénoncer et de combattre les fauteurs de guerre, en vue d'en délivrer notre pays et d'instaurer une paix stable dans l'indépendance, par l'Union de tous le peuple et l'accord avec la grande URSS puissante et pacifique."

(L'Humanité n° 6 du 13 novembre 1939)

Dans son numéro du 13 novembre, l'Humanité clandestine dénonce la commémoration de la victoire de 1918 en soulignant qu'elle a permis à la France d'imposer à l'Allemagne "la fausse paix de Versailles".

En outre elle rappelle les objectifs du Parti communiste : délivrer la France des "fauteurs de guerre" et instaurer une "paix stable".


15 novembre 1939

● Article de Marx Dormoy intitulé "Molotov, Hitler, Thorez et Cie"

Sénateur-maire socialiste de Montluçon, ancien ministre de l'Intérieur, Max Dormoy signe dans Le Populaire du 15 novembre 1939 un article intitulé "Molotov, Hitler, Thorez et Cie".

Dans ce texte, après avoir dénoncé les calomnies et les insultes propagées par le pouvoir soviétique et leurs affidés, les communistes français, Marx Dormoy affirme que les véritables traîtres sont Staline, signataire du Pacte germano-soviétique et Thorez, le déserteur.



28 novembre 1939

● Condamnation de Maurice Thorez à 6 ans de prison pour désertion

Le 28 novembre 1939, le sapeur Maurice Thorez est condamné par défaut à 6 ans de prison pour désertion en temps de guerre par le tribunal militaire de la 2e Région siégeant à Amiens.

En raison de la participation des communistes à la Résistance, cette condamnation sera amnistiée par un décret du 6 novembre 1944 signé par le Général de Gaulle : "le bénéfice de la grâce amnistiante est accordé aux ci-après nommés : [...] Thorez (Maurice) condamné le 28 novembre 1939 par le tribunal militaire d'Amiens à six ans d'emprisonnement pour désertion à l'intérieur en temps de guerre". (Journal officiel des 6 et 7 novembre 1944).

30 novembre 1939

● l'URSS envahit Finlande

Le 30 novembre 1939, après le refus du gouvernement finlandais de satisfaire ses revendications territoriales, l'Union soviétique envahit la Finlande en invoquant un incident de frontière qui s'est produit quatre jours plus tôt et ... qu'elle a elle-même organisé.

Cette agression est la conséquence directe du Protocole seccret du Pacte germano-soviétique dans lequel l'Allemagne reconnaissait que le territoire finlandais appartenait à la zone d'influence soviétique.


● Première séance de la session extraordinaire de la Chambre des députés

● Déclaration de Florimond Bonte à la Chambre

"Tous unis, démasquons les traitres au service du capital, les Blum, les Jouaux et autres. [...]
Tous unis, luttons pour briser le joug de la dictature imposée au peuple de France par le gouvernement Daladier. [...]
A bas la guerre impérialiste source de profits pour les uns, de ruines et de souffrance pour les autre !
A la porte, le gouvernement de misère, de dictature, de guerre et d’assujettissement de la France aux banquiers de la Cité de Londres, à la finance internationale !"

(L'Humanité numéro spécial de décembre 1939)

Le 30 novembre, à la première séance de la session extraordinaie de la Chambre, pendant le discours du président du Conseil, le député communiste Florimond Bonte fait irruption dans l'hémicycle à la stupéfaction de tous ses collègues car il est recherché par la police dans l'affaire de la lettre au président Herriot.

Cette lettre des députés communistes du groupe paysan et ouvrier français prônaient la Paix sous les auspices de l'URSS. Elle a déclenché l'ouverture d'une instruction par la justice militaire.

Membre du Comité central, Florimond Bonte est sorti de la clandestinité pour remplir une mission précise : lire une déclaration du Parti communiste.

Après quelques phrases prononcées, le député de Paris est saisi par les huissiers et expulsé de la salle des séance. A la sortie du Palais Bourbon, il est arrêté par la police.

Accompagnée d'un hommage du Parti communiste saluant son "courage", sa déclaration sera intégralement publiée dans un numéro spécial de l'Humanité de décembre 1939.

L'extrait cité en illustre le contenu pacifiste, anglophobe et antipatriotique.



## novembre 1939

● Article "La guerre et la classe ouvrière des pays capitalistes" de Georges Dimitrov, secrétaire général de l'IC

"Par son caractère et sa nature, la guerre actuelle est, des deux côtés, une guerre impérialiste injuste malgré des mots d'ordre trompeurs dont les classes gouvernantes des Etats capitalistes belligérants cherchent à couvrir leurs véritables buts aux yeux des masses populaires. [...]
De même qu'en 1914, c'est la bourgeoisie impérialiste qui aujourd'hui même la guerre. Celle-ci elle le prolongement direct de la lutte entre les puissances impérialistes pour un nouveau partage du monde, pour la domination universelle.
Il n'y a que les aveugles pour ne pas voir, et que les fieffés charlatans et mystificateurs pour nier que la guerre actuelle entre l'Angleterre et la France, d'une part, et l'Allemagne, de l'autre, est faite pour les colonies, les sources de matières premières, la domination des routes maritimes, l'asservissement et l'exploitation des autres peuples. [...]
Voilà ce qu'est au fond la guerre actuelle. Le conflit guerrier entre les Etats belligérants se poursuit pour l'hégémonie en Europe, pour les possessions coloniales en Afrique et dans les autres parties du monde, pour le pétrole, le charbon, le fer, le caoutchouc, et non point pour la défense de la « démocratie », de la « liberté », du « droit international » et pour assurer l'indépendance des petits pays et peuples, ainsi que le proclame la presse bourgeoise et social-démocrates, mystificateurs de la classe ouvrière. [...]
On peut distinguer nettement deux étapes dans le cours de la deuxième guerre impérialiste. A la première étape l'Italie, l'Allemagne et le Japon ont directement fait figure d'Etats agresseurs. [...] Aujourd'hui, les impérialistes de l'Angleterre et de la France ont engagé l'offensive : ils ont jetés leurs peuples dans une guerre contre l'Allemagne et s'appliquent par tous les moyens à attirer de leur coté certains autres Etats.
Si auparavant les dit Etats européens se divisaient en agresseurs et non-agresseurs [...]. Cette différence a disparu. Mieux : ce sont finalement les impérialistes anglais et français qui font figure de partisans les plus zélés pour continuer et propager la guerre. [...]
Les impérialistes des pays belligérants ont commencé la guerre pour un nouveau partage du monde, pour la domination universelle, en vouant à l'extermination des millions d'hommes. La classe ouvrière est appelée à en finir avec cette guerre à sa façon, dans son intérêt, dans l'intérêt de toute l'humanité travailleuse, et à supprimer, ainsi, à tout jamais, les causes essentielles qui engendrent les guerres impérialistes.

(Texte repris dans les Cahiers du bolchévisme du 2e semestre 1939)

En novembre 1939, Georges Dimitrov, secrétaire général de l'Internationale communiste, publie un article intitulé "La guerre et la classe ouvrière des pays capitalistes" dans lequel il définit la position de l'IC sur le conflit européen.

Dans ce texte de référence, Georges Dimitrov montre que la guerre est une guerre impérialiste et que sa cause n'est pas le nazisme mais le capitalisme, et appelle en conséquence tous les Partis communistes à se mobiliser pour la Paix et la Révolution socialiste.

Par rapport au contenu du télégramme de l'IC du 9 septembre, ce texte présente une nouveauté : il accuse la France et l'Angleterre d'être les responsables de la guerre au motif que les gouvernements français et anglais ont rejeté les propositions de paix allemandes du 6 octobre !!!

Cette accusation est conforme à la Déclaration germano-soviétique du 28 septembre.


● Appel de l'IC au "Prolétaires et travailleurs du monde entier !"

"La guerre se poursuit au cœur de l'Europe. Les classes gouvernantes d'Angleterre, de France et d'Allemagne mènent la guerre.

POUR L'HEGEMONIE MONDIALE
Cette guerre est le prolongement de longues années de rivalités impérialistes dans le camp du capitalisme. Les trois plus riches Etats - l'Angleterre, la France et les Etats-Unis - exercent leur domination sur les plus grandes voies et les plus grands marchés du monde. Ils se sont emparés des principales sources de matières premières. Entre leurs mains se trouvent de formidables ressources économiques. Ils maintiennent dans la soumission plus de la moitié de l'espèce humaine. Ils dissimulent l'exploitation des travailleurs, l'exploitation des peuples opprimés sous le faux masque de la démocratie pour pouvoir tromper d'autant plus facilement les masses. C'est contre leur hégémonie mondiale et pour leur propre suprématie que luttent les autres Etats capitalistes, entrés plus tard dans les voies de l'expansion coloniale. Ils entendent repartager à leur profit les sources de matières de premières, de subsistances, les réserves d'or, les masses humaines des colonies. Tel est le sens véritable de cette guerre injuste, réactionnaire, impérialiste. Les responsables de cette guerre sont tous les gouvernements capitalistes et, en premier lieu, les classes gouvernantes des Etats belligérants. 
La classe ouvrière ne saurait soutenir une telle guerre. Celle-ci a toujours été combattue par les communistes. Maintes fois ils ont averti les travailleurs que les classes dominantes préparaient une boucherie sanglante, exterminatrice pour des centaines de millions d'hommes. [...]
Depuis plus de vingt ans, l'Union Soviétique a mené une lutte inlassable pour le maintien de la paix. [...]

L'Union Soviétique, en signant un pacte de non-agression avec l'Allemagne, a déjoué les plus perfides des provocateurs d'une guerre antisoviétique. Par ce pacte, elle a mis ses peuples hors de la tuerie sanglante et circonscrit l'étendue de la conflagration militaire européenne. Et lorsque l'Etat polonais, cette véritable prison des peuples, s'est désagrégé, l'Union Soviétique a tendu une main secourable à ses frères de l'Ukraine et de la Biélorusssie occidentale. Elle a arraché treize millions d'hommes du gouffre de la guerre, les a affranchis du joug des hobereaux et des capitalistes polonais. Elle leur a accordé le droit de déterminer eux-mêmes leur organisation politique. Elle leur a garanti la libre disposition nationale. [...]
En s'affirmant pour la cessation de la guerre en signant un pacte d'amitié et de délimitation des frontières avec l'Allemagne, l'Union Soviétique a apporté une nouvelle contribution à la cause de la paix : elle a empêché les provocateurs de guerre d'y entraîner les Etats danubiens et balkaniques et déposé les plans de ceux qui entendent transformer la guerre européenne en guerre mondiale. Ce grand mérite de l'Union Soviétique, les travailleurs de tous les pays ne l'oublieront jamais.  
Cependant, les ténébreuses forces de guerres continuent à faire rage. Elles veulent la guerre « jusqu'à la victoire finale », jusqu'à l'aboutissement de leurs visées impérialistes. C'est pour cela qu'ils poussent les peuples  à l'abattoir. [...]

OUVRIERS !
Ne croyez pas ceux qui vous appellent à la guerre sous le drapeau de l'union nationale. Que peut-il y avoir de commun entre vous et les marchands de canons et de sang humain. Ne croyez pas ceux qui vous entraînent à la guerre sous le prétexte fallacieux de défense de la démocratie. Quel droit ont-ils de parler de démocratie, ceux qui oppriment les Indes, l'Indochine, les pays arabes, ceux qui maintiennent dans les chaînes de l'esclavage colonial la moitié de l'univers ? Les banquiers de Londres et de Paris ont sauvé et continuent de sauver avec leurs emprunts les pires régimes réactionnaires d'Europe. Les Lords anglais soutiennent la réaction sur les cinq continents du globe. Les démocrates tant vanté de la France jettent en prison les députés communistes, détruisent la presse communiste, anéantissent les libertés politiques.
Ce n'est pas pour la liberté des peuples qu'ils font la guerre, mais pour leur asservissement. Ce n'est pas pour sauver la démocratie du fascisme mais pour le triomphe de la réaction. Ce n'est pas pour la paix sociale, mais pour de nouvelles conquêtes impérialistes génératrices de nouvelles guerres.
Mais la bourgeoisie n'aurait pu ni commencer, ni mener cette guerre si elle n'était épaulée par les dirigeants traîtres des partis social-démocrates.
Ces dirigeants sont aujourd'hui ceux qui excitent la réaction. Ils ramassent le drapeau antikomintern qui a fait faillite. Ils appellent aujourd'hui les ouvriers à mourir pour que soit restauré le régime réactionnaire des partisans de Pilsudski. Ce sont les Blum, qui , obéissant  à la réaction, ont saboté le front unique ouvrier et populaire en France. C'est à la demande de Blum que le groupe parlementaire est livré au conseil de guerre; que sont dissoutes les municipalités communistes, que les communistes sont arrêtés par milliers. C'est lui, Blum, qui de concert avec Jouhaux et sur l'ordre des magnats du capital financier, scissionne les syndicats français. Ce sont les Blum qui, avec les leaders des travaillistes anglais, ont saboté l'unité d'action du prolétariat international. 

 PROLETAIRES ET TRAVAILLEURS !
[...]
L'unité de la classe ouvrière, le front populaire unique doivent réalisés, présentement, à la base, dans la lutte contre la bourgeoisie impérialiste, contre les chefs des partis social-démocrates et autres partis petit-bourgeois, chef faillis et passé au camp des impérialistes, dans la lutte pour la cessation de la guerre impérialiste qui porte la ruine, la famine et la mort aux millions de travailleurs. [...]
En dénonçant le caractère spoliateur de la guerre actuelle et en mobilisant contre elles les larges masses, la classe ouvrière s'affirme comme le défenseur des intérêts vitaux de tous les travailleurs des villes et des champs sur le dos desquels s'abattent toutes les charges et les sacrifices de la guerre impérialiste, déclenchée par les classes gouvernantes. Intervenant comme force essentielle du front populaire unique de lutte contre la guerre et la réaction, la classe ouvrière défend les travailleurs, ceux de l'ensemble du peuple, pour lequel la guerre signifie d'innombrables calamités et le renforcement du joug capitaliste. En luttant contre l'ennemi qui se trouve dans son propre pays, la classe ouvrière forge l'unité des prolétaires de tous les pays, elle forge l'arme la plus efficace de sa victoire. "

(Texte repris dans les Cahiers du bolchévisme du 2e semestre 1939)

A l'occasion du XXIIe anniversaire de la Révolution d'octobre, l'International communiste lance un Appel aux Prolétaires et travailleurs du monde entier condamnant la guerre impérialiste et plaidant en faveur de la paix.

Diffusé en France novembre 1939, cet appel sera aussi publié en janvier 1940 dans les Cahiers du bolchévisme du 2e semestre 1939.

● Un numéro spécial de l'Humanité clandestine dénonce "Le sinistre Léon Blum" pour son soutien à la guerre contre Hitler

LE SINISTRE BLUM
Léon Blum a été chargé par son patron Daladier de se livrer à un débordement d'injures contre le discours du camarade Molotov qui a mis les points sur les i et souligné la responsabilité des fauteurs de guerres impérialistes.
Le sinistre Léon Blum, dont les mains sont rouges du sang des républicains espagnols qu'il a livré aux agresseurs, continue à faire son métier d'agent de la bourgeoise.
Tout ce que dit et écrit cet individu provoque un sentiment de dégoût et de mépris chez les travailleurs. Mais que Blum ne l'oublie pas, il y aura des comptes à régler.

(Numéro spécial imprimé de l'Humanité de novembre 1939)

Diffusé en novembre 1939, le numéro spécial de l'Humanité intitulé "A bas la guerre impérialiste" est le premier numéro imprimé de l'Humanité clandestine.

Préparé en Belgique où se trouve une direction du PCF dirigée par Jacques Duclos, ce numéro porte la mention "imprimé quelque part en France" pour masquer cette réalité. C'est aussi pour convaincre les militants communistes que leur dirigeants n'ont pas quitté le territoire français que les textes signés par Maurice Thorez et Jacques Duclos portent les mentions "Quelque part en France, le 26 octobre 1939" pour le premier et "Quelque part en France, le 25 octobre 1939" pour le second.

Dans son éditorial, après avoir expliqué que son interdiction en août 1939 était due à son opposition à la guerre impérialiste alors en préparation, l'Humanité affirme qu'elle poursuivra dans la clandestinité son combat pour... la Paix avec l'Allemagne nazie : 

"Le 26 août dernier, le gouvernement Daladier suspendait « l'Humanité », organe central du Parti communiste français.
Il voulait étouffer la voix du journal de la paix pour préparer la guerre impérialiste. [...]
Tiré à la Ronéo, parfois même simplement à la pâte à polycopier, « l'Humanité » circule dans les villes et les villages de notre pays. « L'Humanité » de Jaurès, de Vaillant-Couturier, « l'Humanité » du Parti communiste français, S.F.I.C., entrée dans la vie illégale, continue son œuvre de rassemblement des masse populaires pour la lutte contre le puissances d'argent, pour la lutte contre la guerre impérialiste. 
En publiant ce numéro qui sera suivi d'autres, nous faisons appel à tous nos amis, à tous nos lecteurs, à tous ceux qui ne veulent pas que notre pays soit la victime des fauteurs de guerre impérialistes. [...]
Alors que le bourrage de crâne bat à nouveau son plein, « L'Humanité » entend dénoncer les menteurs et tous les soutiens du gouvernement de misère et de guerre, au premier rang desquels ont pris place les chefs socialistes. [...]
« L'Humanité » est le journal de la lutte contre le capitalisme qu'il faut détruire pour établir la paix. [...]
Tous ensemble travaillons pour que notre journal aille à travers le pays montrer aux ouvriers, aux paysans, aux soldats, à l'ensemble des masses laborieuses le chemin de la lutte et de la victoire.
Vive « L'Humanité » !"

Ce numéro spécial de quatre pages est composé en partie des textes communistes publiés dans Le Monde, hebdomadaire de l'IC édité en Belgique : "Le Parti communiste français / Au Peuple français", "Interview de Maurice Thorez", "Lettre ouverte d'André Marty à Monsieur Léon Blum".

Il contient aussi en dernière page un texte intitulé "Le sinistre Blum" dans lequel Léon Blum est dénoncé avec virulence pour son engagement en faveur de la guerre contre l'Allemagne nazie.

Dans ce réquisitoire, l'Humanité accuse le dirigeant socialiste d'être "un agent de la bourgeoise" en avançant deux preuves.

Tout d'abord son éditorial du 2 novembre 1939 dans lequel le directeur politique du Populaire dénonçait le discours prononcé par Molotov le 31 octobre 1939 :

"[...] Je rappelais à l'instant le discours de Ribbentrop. Le sentiment de révolte et de dégoût que m'inspire le discours de Molotov n'est pas moins intolérable. Il est vraiment impossible de pousser plus loin l'hypocrisie cauteleuse et pateline, le déni outrageant de la vérité. Dans ces paroles publiques, proférées à la face du monde, on ne trouve plus la moindre considération pour la dignité humaine, plus la moindre trace de respect humain.
[...] Si jamais dans une guerre quelconque il y eut un agresseur incontestablement désigné, c'est Hitler dans la guerre actuelle. Si jamais il y eut un fait d'agression caractérisé avec évidence, c'est l'agression hitlérienne contre la Pologne.
[...] Mais aujourd'hui il est devenu incommode pour l'U.R.S.S. qu'Hitler assumât le rôle d'agresseur. Qu'à cela ne tienne, et voilà que Molotov affirme sans rougir devant l'opinion universelle que depuis trois ou quatre mois - depuis l'accord de principe entre l'Allemagne et l'U.R.S.S. - les mots d'agresseur et d'agression ont changé de signification, que certaines vieilles formules sont désormais périmées ! !
[...] Selon Molotov, Hitler n'est pas l'agresseur; pourtant, il en faut bien un : si ce n'est pas Hitler, qui est-ce ? Selon Molotov, c'est Hitler aujourd'hui qui veut la paix, ce sont les Alliés qui veulent la guerre, et ils ne la veulent pas pour des raisons d'ordre idéal, ni même d'ordre politique, mais pour des motifs d'intérêt, d'égoïsme matériel, de cupidité. Ainsi, la responsabilité de l'agression est retournée; la responsabilité actuelle de l'état de guerre est reportée sur les Alliés !".

En contestant la thèse de Molotov attribuant la responsabilité de la guerre à la France et à l'Angleterre, Léon Blum manifeste par ce "débordement d'injures" sa servitude aux impérialistes franco-anglais.

Autre preuve de la servitude de Léon Blum aux intérêts de la bourgeoisie, la politique de non-intervention de son gouvernement pendant la guerre d'Espagne. Cette politique est même qualifiée de criminelle. En effet, considérant que le refus d'intervenir en faveur des républicains espagnols revenait en fait à soutenir leurs ennemis, l'Humanité fait de Léon Blum un criminel dont "les mains sont rouges du sang des républicains espagnols qu'il a livré aux agresseurs".

Traître aux intérêts de la classe ouvrière, Léon Blum ne doit susciter qu'un "sentiment de dégoût et de mépris chez les travailleur". Cette haine justifiera le châtiment qui sera à la mesure de son crime : "Mais que Blum ne l'oublie pas, il y aura des comptes à régler".

Signalons qu'à son retour à Paris en juin 1940, Jacques Duclos écrira un tract intitulé "Il y a des comptes à régler"... qui sera d'ailleurs soumis à la censure allemande.