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Octobre 1939

1er octobre
➤ Lettre des députés communistes demandant au président de la Chambre, Edouard Herriot, d'organiser un vote en faveur des propositions de Paix qui seront faites à la France.

4 octobre
➤ Désertion de Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste français.

➤  Editorial de Léon Blum intitulé "La règle et le joug" dans lequel il dénonce l'initiative pacifiste des députés communistes.

5 octobre
➤ Résolution du Groupe parlementaire socialiste rejetant la Déclaration germano-soviétique du 28 septembre appelant la France et l'Angleterre à répondre favorablement aux propositions de Paix qui leurs seront faites et qui seront conditionnées à la reconnaissance du partage de la Pologne entre l'Allemagne et l'URSS.

6 octobre
➤ Discours de Hitler célébrant la victoire en Pologne, rendant hommage au rôle positif de l'URSS et formulant des propositions de Paix dans les mêmes termes que la Déclaration germano-soviétique du 28 septembre.

➤ Mobilisé, Vital Gayman, conseiller communiste de Paris et du département de la Seine, rompt publiquement avec le Parti communiste.

7 octobre
➤ "Lettre ouverte d'André Marty à Monsieur Léon Blum" dans laquelle le dirigeant communiste réfugié à Moscou expose dans la longueur et avec enthousiasme la nouvelle ligne du Parti communiste qui s'est imposée progressivement depuis la mi-septembre et qui s'organise autour de trois thèmes majeurs : la Paix, la guerre impérialiste et la trahison des socialistes.

10 octobre
➤ Dans une allocution radiodiffusée, le Président du Conseil, Edouard Daladier, rejette les propositions de Paix formulées par Hitler et accusent les communistes de trahison pour les avoir soutenues.

12 octobre
➤ Dans un discours prononcé à la Chambre des Communes, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain juge que les propositions de Paix formulées par Hitler sont inacceptables.

14 octobre
➤ Le PCF lance dans la clandestinité son premier appel au Peuple de France : "Le Parti communiste français / Au peuple de France".

26 octobre
➤ Le premier numéro de l'Humanité clandestine dénonce la dictature Daladier et plaide pour la Paix avec Hitler.

28 octobre
➤ Interview de Maurice Thorez par un journaliste communiste anglais dans laquelle il affirme qu'il n'est pas un déserteur au motif qu'il a rejoint son poste de combat dans la lutte contre la guerre impérialiste.

31 octobre
➤ Dans un discours prononcé devant le Soviet suprême, Viatcheslav Molotov, chef du gouvernement soviétique fait les déclarations suivantes : 1) la France et l'Angleterre "sont responsables de la continuation de la guerre" parce qu'elles ont refusé de faire la Paix avec l'Allemagne, 2) il est "criminel" de vouloir détruire "l'idéologie de l'hitlérisme" "par la force" ou "la guerre" et 3) "une Allemagne forte est la condition nécessaire d'une paix solide en Europe."



1er octobre 1939

● Lettre des députés communistes demandant au président de la Chambre, Edouard Herriot, d'organiser un vote en faveur des propositions de Paix qui seront faites à la France


Paris, le 1er octobre 1939

Monsieur le Président,

La France va se trouver incessamment en présence de propositions de paix. 
A la seule pensée que la paix prochaine pourrait être possible, une immense espérance soulève le peuple de notre pays qu'angoisse la perspective d'une guerre longue qui ensevelirait les trésors de la culture humaine sous des monceaux de ruines et coûterait la vie à des millions d'hommes, de femmes et d'enfants confondus dans le massacre. 
A peine a-t-on parlé de ces propositions de paix, dues aux initiatives diplomatiques de l'U.R.S.S., qu'une presse dirigée a répondu avec ensemble : non !
Est-il possible que des journalistes ne détenant aucun mandat de la nation puissent froidement trancher en faveur de la continuation de la guerre jusqu'au bout ?
Est-il possible que des propositions de paix puissent être rejetées avant même d'être connues et sans que la représentation nationale et souveraine ait été consultée ?
Nous ne le pensons pas quant a nous, et nous vous demandons, en tant que Président de la Chambre, d'intervenir auprès des Pouvoirs Publics pour demander :
1° que le Parlement soit appelé à délibérer en séance publique sur le problème de la paix;
2° que les parlementaires aux Armées puissent prendre part aux délibérations sur cette question capitale, d'où dépend la vie ou la mort de millions de Français.
Chaque Français veut la paix, car il sent qu'une guerre de longue durée serait terrible pour notre pays et compromettrait à la fois son avenir et ses libertés démocratiques.
II faut absolument empêcher qu'on puisse rejeter a priori des propositions de paix, et nous conduire, par cela même, à l'aventure et aux pires catastrophes.
Nous voulons de toutes nos forces une paix juste et durable et nous pensons qu'on peut l'obtenir rapidement, car en face des fauteurs de guerre impérialistes et de l'Allemagne hitlérienne en proie à des contradictions internes, il y a la puissance de l'Union soviétique qui peut permettre la réalisation d'une politique de sécurité collective susceptible d'assurer la paix et la sauvegarde de l'indépendance de la France.
Voila pourquoi nous avons conscience de servir les intérêts de notre pays en demandant que les propositions de paix qui vont être faites à la France soient examinées avec la volonté d'établir au plus vite une paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens.
  
Pour le Groupe ouvrier et paysan français,
   Le secrétaire général :                                                        Le président :
                   F. BONTE, Député.                                                      A. RAMETTE, Député.

Lettre du 1er octobre 1939

Le 28 septembre, après deux jours de négociations, l'URSS et l'Allemagne se partagent la Pologne en signant un Traité de frontières et d'amitié.

Signé à Moscou, ce Traité d'amitié est accompagné d'une Déclaration dans laquelle les deux bourreaux du peuple polonais appellent la France et l'Angleterre à répondre favorablement aux propositions de Paix qui leurs seront faites et qui seront conditionnées à la reconnaissance du partage de la Pologne entre les deux régimes totalitaires.

Une seule formation politique va apporter son soutien à cette offensive de Paix hitléro-stalinienne : le Parti communiste français. Son objectif : démontrer que sa capacité d'action en faveur de la paix avec les nazis n'a pas été altérée par sa dissolution. Son mode d'action : la mobilisation de son groupe parlementaire.

Dernière tribune légale du Parti, le groupe ouvrier et paysan français - anciennement groupe communiste - prépare le 1er octobre une lettre qui sera remise le lendemain au président de la Chambre, Edouard Herriot.

Dans cette lettre il affirme que "La France va se trouver incessamment en présence de propositions de paix" et demande en conséquence l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens."

Pour justifier sa démarche, le groupe parlementaire communiste accuse la France et l'Angleterre d'être les responsables de la guerre, dénonce les conséquences d'une guerre longue, condamne la presse belliciste et enfin invoque la diplomatie soviétique.

La lettre au président Herriot provoquera une réaction indignée de presse, une condamnation de tous les partis politiques et le plus important l'ouverture d"une procédure judiciaire pour infraction au décret de dissolution du PCF qui aboutira à la tenue d'un procès du 20 mars au 3 avril 1940 au terme duquel 44 députés communistes seront condamnés à 4 et 5 ans de prison par le 3e tribunal militaire de Paris.

Célébrée par le Parti communiste comme un succès dans son combat pour la Paix, cette lettre sera un élément récurent de sa propagande pendant la guerre de 1939-1940.

Elle sera même publiée pendant l'occupation allemande : en juillet 1940 dans un tract intitulé "Qui avait raison ?", en septembre 1940 dans un numéro spécial de l'Humanité.

Autre preuve de son utilisation au cours de cette période, un article de septembre 1940 exaltant "La politique de paix des communistes" consacrera un passage à "la lettre historique au Président Herriot".


4 octobre 1939

● Désertion de Maurice Thorez, secrétaire général du PCF

Mobilisé au 3e régiment de génie d'Arras, Maurice Thorez déserte dans la nuit du 3 au 4 octobre 1939 sur les instructions de l'IC.

Cette désertion sur les ordres de Moscou en pleine guerre contre l'Allemagne d'Hitler constitue un démenti aux propos qu'il avait tenus au meeting de Neuilly, pendant la campagne électorale de 1936, en réponse à son contradicteur Henri de Kerillis :

"Enfin, vous m'avez parlé des ordres de Staline. Demander si Staline pourrait un jour nous ordonner de nous dresser contre la France, c'est demander si Staline a le pouvoir de transformer les hommes en femmes". (l'Humanité du 24 avril 1936).

Après un court séjour à Bruxelles, Mauricette se réfugie en Russie. Au cours de son séjour dans la capitale belge, le dirigeant communiste donne une interview à une publication de l'IC - l'hebdomadaire Le Monde - dans laquelle il développe la thèse qu'il n'est pas un déserteur mais un combattant de... la Paix :

"La presse vendue dit que je suis déserteur. J'aurais été un déserteur si je n'avais pas fait le nécessaire pour rester à mon poste dans la bataille de classe que le peuple de France doit livrer aux fauteurs de guerre, aux fascistes, aux exploiteurs capitalistes. [...]
Les communistes seront les meilleurs défenseurs du peuple de France, ils lutteront de toutes leurs forces contre la guerre impérialiste, pour la paix et contre le gouvernement Daladier dont il faut débarrasser notre pays."

Le 28 novembre 1939, Maurice Thorez sera condamné par défaut à 6 ans de prison pour désertion en temps de guerre par le tribunal militaire d'Amiens.

Pour le même motif, il sera déchu de la nationalité française par un décret pris le 17 février 1940.

● Editorial de Léon Blum intitulé "La règle et le joug"

"QUAND un ami m'a lu au téléphone la lettre adressée à Herriot par les députés ex-communistes, j'ai arrêté le lecteur au bout de deux phrases. Un haut-le-cœur m'avait soulevé : je n'en aurais pas supporté davantage. Administrés à cette dose, le cynisme et l'hypocrisie sont physiquement intolérables, et l'estomac les rejette comme un aliment altéré. Mais il faut passer outre à ce mouvement de dégoût instinctif; il faut réfléchir et juger. Or, à la réflexion, ce qu'il y a de plus grave dans la démarche des députés ex-communistes, ce n'est pas le cynisme et l'hypocrisie, c'est la servilité, c'est ce que j'appelais l'autre jour l'omni-obéissance."

(Le Populaire du 4 octobre 1939)

Dans son éditorial du 4 octobre, Léon Blum condamne l'initiative pacifiste des députés communistes - la lettre au président Herriot - en soulignant qu'elle constitue une preuve supplémentaire de la servilité des communiste français - "l'omni-obéissance" - dont l'action est uniquement guidée par la défense des intérêts de l'URSS.


5 octobre 1939

● Résolution du Groupe parlementaire socialiste 

"Le Groupe Socialiste Parlementaire, réuni le 5 octobre, à la Chambre des députés, affirme que la France n'est entrée en guerre que pour remplir, vis-à-vis d'un peuple libre, victime d'une abominable agression, le plus impérieux devoir de solidarité humaine. [...]
II constate qu'après avoir sciemment rendu la guerre inévitable en refusant d'entrer dans la coalition des peuples pacifiques, le gouvernement russe n'a pas hésité à s'associer avec l'agresseur de la Pologne et, lorsque celle-ci fut sur le point de succomber, à envahir son territoire pour toucher sans risque le prix de la trahison la plus vile que l'histoire ait enregistrée.
Cette trahison, les dirigeants du Parti Communiste Français l'ont approuvée. Asservis depuis longtemps à une doctrine qui est la négation même de socialisme démocratique, ils n'ont pas voulu se dégager d'une ignoble complicité. Le Groupe flétrit leur attitude et approuve hautement la Confédération Générale du Travail et les Fédérations syndicales qui les ont rejetés de leur sein.
Saisi du texte de l'accord récemment signé à Moscou, il dénonce l'impudent mensonge par lequel les gouvernements totalitaires de Russie et d'Allemagne voudraient faire retomber sur la France et la Grande-Bretagne la responsabilité de la prolongation de la guerre et déclare que des propositions de paix qui consacreraient, au profit des agresseurs, l'asservissement de la Pologne et des Pays Baltes, en laissant notre pays sous la menace de la force brutale, ne sauraient être discutées."

(Le Populaire du 6 octobre 1939)

Le 5 octobre, les députés et sénateurs socialistes se réunissent à la Chambre sous la présidence de Léon Blum pour définir principalement la position du groupe parlementaire sur la Déclaration germano-soviétique du 28 septembre dans laquelle les gouvernements allemand et soviétique subordonnaient l'ouverture de négociations de paix à la reconnaissance par la France et l'Angleterre du partage de la Pologne entre la Russie de Staline et l'Allemagne d'Hitler.

Au terme de cette réunion, le Groupe parlementaire socialiste adopte une Résolution par 115 voix contre 10 et 7 abstentions.

Cette résolution présente plusieurs points d'intérêt. Tout d'abord, elle rappelle que la France est entrée en guerre à la suite de l'agression de son allié polonais par les armées hitlériennes. Ensuite, elle condamne l'URSS pour sa responsabilité dans l'échec des négociations d'un Pacte anglo-franco-soviétique, pour sa signature du Pacte germano-soviétique et pour son invasion de la Pologne. Autre élément, elle dénonce le Parti communiste pour avoir approuvé cette trahison. Enfin - le plus important - elle rejette toute négociation de paix ayant pour objet de valider la destruction de la Pologne.


6 octobre 1939

● Discours de Hitler

"Je vous ai convoqués de nouveau pour vous donner un aperçu dans le présent et, pour autant qu'il me l'est possible, pour vous indiquer l'avenir. Au son des cloches, le peuple allemand célèbre une grande victoire, une victoire unique en son genre dans l'histoire. [...]
Quand un Etat de 36 millions d'habitants, de cette puissance militaire, est complètement abattu en quatre semaines et quand, pendant tout ce temps, le vainqueur n'a pas subi un seul échec, on ne peut pas y voir la grâce d'une chance particulière, mais la preuve de la meilleure préparation, de la direction la plus capable et d'une vaillance méprisant la mort. [...]

 [Eloge des relations germano-soviétiques]
Si en raison de l'activité de l'Allemagne, il en est résulté une communauté d'intérêts avec la Russie, cela ne provient pas seulement de ce que les mêmes problèmes sont posés aux deux Etats, mais de ce que tous deux ont reconnu qu'ils ont fait des constatations au sujet de leurs relations. Dans mon discours de Dantzig, déjà, j'ai dit que la Russie était organisée selon des principes qui sont différents des principes allemands. L'Union soviétique est l'Union soviétique, et l'Allemagne est et reste l'Allemagne nationale-socialiste. Une chose est certaine : c'est qu'au moment où les deux Etats respectent réciproquement leurs régimes différents et leurs principes, il n'y a plus la moindre raison d'avoir une attitude hostile à l'égard l'un de l'autre. J'ai déjà déclaré, il y a un mois, au Reichstag, que la conclusion du pacte de non-agression germano-russe est un tournant dans toute la politique allemande. Le nouveau pacte d'amitié et d'intérêt conclu entre l'Allemagne et l'U.R.S.S. permettra aux deux Etats de collaborer d'une façon durable et heureuse pour la paix. L'Allemagne et la Russie, en commun, enlèveront tout caractère menaçant à un des points les plus dangereux de l'Europe, permettant à tous ses habitants d'obtenir plus de bien-être, contribuant ainsi à la paix.
La résolution irrévocable de l'Allemagne est de créer également à l'est de notre empire des conditions pacifiques, stables et supportables et c'est en cela que les intérêts de l'Allemagne et ses désirs correspondent à ceux de l'U.R.S.S. Les deux Etats sont résolus à ne pas admettre que s'élève entre eux une situation problématique qui serait le foyer de nouveaux troubles intérieurs ou même extérieurs et contribuerait à créer des conditions défavorables entre les deux grandes puissances. L'Allemagne et l'U.R.S.S. ont tracé une ligne claire entre leurs domaines d'intérêts réciproques avec la détermination de veiller au calme et à l'ordre dans la partie qui leur revient et d'empêcher tout dommage causé à l'autre partenaire. [...]

[Propositions de Paix]
Ces jours derniers, j'ai lu dans certains journaux que toute tentative de règlement pacifique entre l'Allemagne d'une part, l'Angleterre et la France de l'autre, est exclue et qu'une proposition dans ce sens prouve seulement que j'envisage avec crainte l'effondrement de l'Allemagne et que je fais ces propositions que par lâcheté ou par mauvaise conscience.
Si j'exprime mon avis à ce sujet, cela voudrait dire que j'accepte d'être considéré par ces gens comme lâche, désespéré. Mon prestige est assez grand pour permettre cela. Si j'exprime les idées qui vont suivre par crainte ou par désespoir, c'est ce que la suite des événements ne tardera pas à montrer. 

[Pas de motifs légitimes pour continuer la guerre contre l'Allemagne]
Pourquoi la guerre a-t-elle lieu à l'ouest ? Pour le rétablissement de la Pologne ? La Pologne du traité de Versailles ne sera jamais rétablie. Deux grandes puissances en donnent la garantie. L'organisation définitive de cet espace, la question du rétablissement d'un Etat polonais sont des problèmes qui ne peuvent pas être résolus par la guerre à l'ouest, mais par la Russie dans un cas et par l'Allemagne dans l'autre. [...]
On sait, du reste, parfaitement bien qu'il n'y a pas de sens de détruire des millions d'hommes, des centaines de milliards de valeurs, pour rétablir un Etat qui au moment de sa création déjà n'était pas viable. Quelle en serait donc la raison ? L'Allemagne a-t-elle posé à l'Angleterre une revendication quelconque qui menacerait le monde britannique ou mettrait son existence en jeu ? Non, au contraire; cette guerre n'aurait-elle lieu que pour donner à l'Allemagne un autre régime, c'est-à-dire pour briser à nouveau le Reich actuel ? Serait-ce pour créer un nouveau Versailles que des millions d'hommes seraient sacrifiés sans but.
Car le Reich allemand ne sera pas brisé et l'on ne verra pas un deuxième Versailles. Et même si l'on y parvenait après trois, quatre ou huit années de guerre, le deuxième Versailles serait, par la suite, la source de nouveau conflits. Non, cette guerre à l'ouest ne règle aucun problème, à l'exception des finances de quelques profiteurs de guerre internationaux.
Deux problèmes sont aujourd'hui en discussion :
1. Le règlement des questions résultant de l'effondrement de la Pologne;
2. Celui de la disparition des soucis internationaux qui alourdissent la vie politique et économique des peuples.


[Objectifs du Reich dans les territoires polonais occupés
Quels sont les buts du gouvernement du Reich en ce qui concerne l'ordre des relations dans l'espace situé à l'ouest de la ligne de démarcation germano-soviétique et reconnu comme sphère d'influence allemande ?
1. Création d'une frontière du Reich qui réponde aux conditions historiques, ethnographiques et économiques;
2. Organisation de l'ensemble de l'espace par nationalités, c'est-à-dire solution du problème des minorités non seulement dans cet espace, mais au delà, dans tous les Etats du sud et du sud-est européen;
3. A cette occasion, le règlement du problème juif sera tenté; [...]
6. Rétablissement d'un Etat polonais qui dans sa constitution et sa direction, donne la garantie de ne plus être un nouveau foyer d'incendie pour l'Allemagne, ni un centres d'intrigues contre l'Allemagne et la Russie. [...]
Si l'Europe tient vraiment à la tranquillité et à la paix, les Etats européens doivent remercier la Russie et l'Allemagne qui, de ce foyer de troubles, ont fait une zone de développement pacifique. C'est pour l'Allemagne une activité qui durera de 50 à 100 ans. 

 [Conditions nécessaires à la conclusion d'une Paix durable]
La deuxième tâche qui, à mes yeux est la plus importante, est de rétablir non seulement la conviction mais aussi le sentiment d'une sécurité européenne. Pour cela, il est absolument nécessaire :
1. Qu'une clarté absolue soit faite sur les buts de la politique étrangère des pays européens. En ce qui concerne l'Allemagne, le gouvernement du Reich est disposé à faire une clarté complète sur ses intentions en matière de politique étrangère. En tête de cette déclaration, il constate que le traité de Versailles est considéré par lui comme non existant, c'est-à-dire que le gouvernement du Reich et avec lui tout le peuple allemand considèrent qu 'il n'y a aucune raison de revendiquer une révision quelconque, en dehors de la revendication du Reich concernant les possessions coloniales et en premier lieu le retour à l'Allemagne des possessions allemandes. Cette revendication n'a aucun caractère d'ultimatum, et ce n'est pas une revendication appuyée par la force, mais une revendication d'équité politique et de raison économique;
2. Favoriser le développement réel de l'économie internationale et accroître les relations internationales et le trafic. Afin de faciliter l'échange de la production, il faut réorganiser les marchés, arriver à un règlement monétaire définitif et écarter peu à peu les entraves au commerce libre;
3.  La condition la plus indispensable à la prospérité réelle de l'économie européenne et extra-européenne est l'établissement d'une paix rétablie sans conditions et un sentiment de sécurité des divers peuples. Cette sécurité ne sera pas seulement rendue possible par le sanctionnement définitif du statut européen, mais aussi par un désarmement jusqu'à un niveau raisonnable et supportable par l'économie. A ce sentiment nécessaire de sécurité, s'ajoute un éclaircissement sur l'utilisation et les possibilités d'emploi de certaines armes modernes qui , par leurs effets, ont la possibilité en tout temps d'atteindre le cœur de tout peuple et d'y laisser un sentiment durable d'insécurité. [...]

[Convocation d'une Conférence internationale]
 Pour atteindre ce but, il faudra que les grandes nations de ce continent se retrouvent pour élaborer un statut apportant un règlement général, pour l'adopter et le garantir, pour que chacun ait le sentiment de la sécurité, de la tranquillité et ait ainsi la paix.
Il est impossible qu'une conférence semblable se réunisse sans une préparation complète, c'est-à-dire avant que les divers points aient été éclaircis. Il est également impossible qu'une conférence semblable qui devra régler le sort de ce continent pour des dizaines d'années travaille sous le bruit des canons ou sous la pression des armées mobilisées.
Si ces problèmes doivent être traités tôt ou tard, il serait raisonnable d'envisager cette solution, avant que des millions d'hommes soient perdus et que des milliards soient détruits. Le maintien de la situation actuelle à l'ouest est impossible. Chaque jour, le nombre des victimes ira croissant."

(Feuille d'avis de Neuchâtel du 7 octobre 1939  p. 4 et p. 6)

Le 6 octobre 1939 le Chancelier Hitler prononce devant Reichstag un discours dans lequel il célèbre la victoire des armées allemandes en Pologne en soulignant que la disparition de l'Etat polonais marque la fin du Traité de Versailles.

Il fait aussi l'éloge des relations germano-soviétiques en rappelant le rôle positif de l'URSS dans la victoire allemande.

Enfin, considérant que le rétablissement de l'Etat polonais et la destruction du nazisme ne sont pas des motifs légitimes pour continuer la guerre, argumentaire que l'on retrouvera dans le discours de Molotov du 31 octobre 1939, il soumet à la France et à l'Angleterre un plan de Paix qui se présente en deux volets :

1) reconnaissance par les gouvernements français et anglais du règlement définitif de la question polonaise par le Traité de frontières et d'amitié germano-soviétique.
2) convocation d'une conférence internationale qui portera sur l'organisation politique et économique du continent européen ainsi que sur son... désarmement.

Le président du Conseil Edouard Daladier et le Premier ministre anglais Neville Chamberlain rejetteront ces propositions de Paix. Ce double refus sera explicitement dénoncé par Molotov dans ses discours du 31 octobre 1939 et du 29 mars 1940 prononcés devant le Soviet suprême de l'URSS.

On fera remarquer que dans les territoires polonais qui sont désormais, aux termes du Traité de frontières et d'amitié germano-soviétique, sous contrôle allemand, Hitler indique que le gouvernement du Reich aura pour objectif d'organiser l'ensemble de cet espace par nationalités en précisant qu' "à cette occasion, le règlement du problème juif sera tenté".

● Mobilisé, Vital Gayman, conseiller communiste de Paris et du département de la Seine, rompt publiquement avec le Parti communiste

"Ce n'est pas sans déchirement qu'après avoir consacré vingt années de vie militante au parti communiste, je me vois obligé par ma conscience même de militant de me désolidariser de la façon la plus absolue avec l'action d'un parti qui représentait jusqu'ici un idéal et une doctrine en qui j'avais placé tous mes espoirs de progrès social et d'émancipation humaine."

(Lettre intégrale)


7 octobre 1939

● "Lettre ouverte d'André Marty à Monsieur Léon Blum"

Une lettre ouverte d'André Marty
à Monsieur Léon Blum
Directeur du « Populaire »

Monsieur le Conseiller d'Etat,

Vous voici donc satisfait.
Après l'interdiction de « l'Humanité » et de la presse communiste, le Parti Communiste Français est dissous et ses membres traqués.
Vous avez bien défendu les intérêts du capital financier. Car c'est en effet vous qui le premier avec votre « Populaire » et votre Parti avez attaqué avec violence l' « Humanité ». Prétexte le pacte germano-soviétique. But, chloroformer les masses populaires en vue de la suppression de « l'Humanité », décidée par vous et Daladier. [...]
La guerre venue, il ne se passa pas un seul jour où vous, votre journal, votre Parti n'avez été à la tête de l'excitation antisoviétique, anticommuniste. C'est les députés socialistes qui ont fait exclure les communistes des grandes commissions parlementaires. Ce sont les députés socialistes qui publiquement et par écrit ont demandé à Daladier l'interdiction de notre parti.
A quelques jours même de cette cette opération infâme, la CAP [Commission Administrative Permanente de la SFIO], sur votre proposition, assurait Daladier « qu'il continuera de trouver auprès du Parti et du groupe parlementaire dans toutes les mesures qu'imposent le salut de la Nation, une collaboration complète et sans réserve ».
C'est l'aveu de l'Union Sacrée jusqu'au bout de vous et de votre parti avec le gouvernement réactionnaire du capitalisme français.
C'est vous qui avez conclu ce pacte infâme avec la pire réaction contre la classe ouvrière française et son parti, le Parti Communiste, contre le pays du socialisme et de la Paix, contre l'Union soviétique. [...]
Quelle est donc la vraie raison de votre attitude à vous et à votre parti ? C'est cela que je veux expliquer aux ouvriers, aux travailleurs socialistes en premier lieu, au peuple français.

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Car aujourd'hui une réalité tragique est devant la classe ouvrière, devant le peuple de tout ce pays : une deuxième guerre impérialiste vient de s'abattre sur l'Europe avec tout son cortège de massacres, d'indicibles souffrances et de misère. Or, vous savez bien que le Parti communiste français est contre la guerre impérialiste et sa cause essentielle le capitalisme. C'est pour cela que vous et les vôtres (Socialistes d'Union Sacrée) avez été de la lutte contre le Parti communiste français, la seule force opposée à cette guerre. C'est pour cela que vous avez exiger sa dissolution, croyant ainsi que la bourgeoisie aura les mains libres pour mener cette guerre impérialiste, cette guerre injuste. [...]
Il reste donc acquis que l'actuelle guerre européenne est une guerre provoqué par 2 groupes impérialistes dont chacun veut dépouiller l'autre; par conséquent, les ouvriers, les paysans, les peuples n'ont n'ont rien à voir dans cette affaire. Où plutôt, ils ont à s'occuper non seulement pour y mettre fin, mais pour l'utiliser en vue de supprimer la cause des guerres, le système capitaliste.
Seulement, c'est cela qui vous gêne Blum en bon dirigeant social-démocrate que vous êtes. Et, c'est pourquoi comme en 1914, vous cherchez des arguments pour justifier la guerre de Chamberlain de la City et de Daladier des banques.
Tout d'abord vous prétendez que la guerre actuelle a pour but de défendre l'indépendance de la Pologne ! [...]
C'était une Pologne impérialiste qui, voici un an, a contribué avec Hitler à démembrer la Lithuanie et même son propre allié la Tchécoslovaquie !
C'est ça la Pologne « indépendante » au nom de laquelle vous avez, Blum avec Daladier, lancé le peuple français dans la guerre actuelle avec ses horreurs, ses souffrances et - déjà- avec ses fortunes scandaleuses ? [...]
Mais, dites-vous, avec votre ami et obligé M. Daladier, la Parole de la France, l'Honneur de la France exigent qu'elle aille au secours de la Pologne ? [...]
On comprend bien que pour cette Pologne, M. Daladier et vous, teniez à remplir vos engagements. Mais justement pour celle-là la classe ouvrière française n'a rien à faire. Car elle aime la Pologne que vous haïssez, la vraie Pologne, celle des ouvriers de Varsovie, celle des textiles de Lodt, celle des mineurs, celle des paysans affamés et assassinés, celle des Ukrainiens et des Blancs-Russiens - aujourd'hui libres. Elle aime ces nobles fils du peuple polonais, les magnifiques héros prolétariens de la Brigade Dombrowski qui s'est couverte de gloire en Espagne républicaine. Et qui sont comme les ouvriers français, les ennemis de l'Etat polonais réactionnaire qui  vient de disparaître. [...]
Vous avez fini par trouver un nouvel argument pour tenter de justifier cette guerre. C'est - dites-vous - une guerre pour dompter les forces hitlériennes, c'est une guerre antifasciste !
Le bon sens populaire a déjà répondu à ce bobard !
Qui mène cette guerre « antifasciste » ?
Daladier-pleins-pouvoirs, Daladier-antiparlementaire, Daladier-pouvoir-personnel qui concentre en ses mains cinq Ministères. Et dont vous prétendez qu'il est le seul président du Conseil possible ! Nouvel preuve de votre complicité avec lui. Quelle guerre « antifasciste » peut mener un gouvernement qui non seulement a libéré les cagoulards, mais encore les a installés à la défense passive et à la censure ? [...]
Donc Blum, pas un seul de vos arguments en faveur de la guerre actuelle ne tient. Vous voulez tromper les travailleurs comme vous avez déjà fait en août 1914 avec Paul Faure. Vous parliez alors d'une guerre pour le droit, pour la civilisation, pour la démocratie, contre le militarisme. Et nul n'a oublié que jamais le militarisme français et le l'impérialisme français n'ont été plus insolents que dans les années qui suivirent la première guerre impérialiste. Vous parlez maintenant d'une guerre antifasciste; et jamais le fascisme et la réaction n'ont été si insolents et si puissants en France depuis que fut déclenchée cette nouvelle guerre de brigandage.

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A coup de calomnies et de campagnes infâmes vous avez préparé les violences du gouvernement réactionnaire Daladier. Et ensuite vous, Blum, essayez de désorganiser la seule force qui s'oppose à la guerre de l'impérialisme français : le parti communiste. Vous vous adressez hypocritement aux communistes. Vous nous demandez de renier l'Internationale Communiste et de vous suivre sous votre drapeau d'Union Sacrée pour la guerre impérialiste[...]
Nous, Monsieur le Conseiller d'Etat, sommes des communistes et sommes fiers de l'être. Nous sommes fiers d'être membres de l'Internationale Communiste de Lénine et Staline, vous entendez bien Blum, de Staline[...]
En ces jours de guerre, nous sommes fiers et heureux que dans tous les pays du vieux monde capitaliste, des centaines de milliers d'adhérents de notre Internationale luttent comme nous, communistes français, contre leurs propres impérialistes fauteurs de guerre et leurs meilleurs valets les sociaux-démocrates de votre espèce, avec une seule pensée, une seule doctrine, celle de Lénine et de Staline. [...]
Et nous sommes fiers d'être membres de la même Internationale que le communiste Dimitrof qui nous montra face aux juges de classe et même devant le couperet, un communiste qui ne renie rien de ses convictions et défend inébranlablement la classe ouvrière et notre parti mondial des communistes. [...]
Nous sommes fiers d'être membre de ce parti mondial des communistes qui a renversé pour toujours le capitalisme sur un sixième du globe et instauré à sa place un régime socialiste de bien-être et de paix. Nous somme donc fiers d'appartenir au même parti que Staline; nous nous efforçons d'apprendre dans son œuvre grandiose et d'être des élèves dignes de lui.
Vous insultez bassement, vilement Staline, Monsieur le Conseiller d'Etat impérialiste, vous vous démasquez ainsi un peu plus en essayant - vous pygmée - d'atteindre un géant de l'Humanité. [...]
Aux ouvriers, aux hommes d'esprit avancé qui me lisent, je dis : nous, communistes, sommes fiers d'être englobés avec notre grand Staline dans la haine des capitalistes, que vous exprimez et défendez si bien.
Sûrs que l'avenir est au prolétariat français, sûrs qu'il triomphera dans des temps plus proches peut-être qu'on ne croit, nous sommes fiers d'être du parti de Lénine et de Staline. Nous sommes fiers que notre glorieux parti communiste mérite une telle haine et une telle répression de la clique impérialiste de France avec ses laquais de votre espèce. Et comme nos maîtres aimés, nous ne cesserons la lutte qu'à la victoire contre notre ennemi qui est chez nous.
A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE !
André Marty
Député de Paris


Membre du Bureau politique du PCF, député de la Seine, André Marty est aussi secrétaire de l'Internationale communiste. C'est à la demande du Komintern qu'il quitte le territoire français vers le 15 août 1939. Cet important dirigeant de l'IC arrive à Moscou quelques jours avant la signature du Pacte germano-soviétique.

Le "député de Paris" publie dans Le Monde n° 4 du 7 octobre 1939, un hebdomadaire de l'IC édité en Belgique, une "Lettre ouverte d'André Marty à Monsieur Léon Blum" dans laquelle il accuse le dirigeant socialiste d'avoir trahi les intérêts de la classe ouvrière en apportant son soutien à la guerre contre l'Allemagne d'Hitler.

Cette accusation repose sur la démonstration que la guerre est une "guerre impérialiste", que sa cause n'est pas le nazisme mais "le capitalisme" et que les arguments avancés pour la justifier - défense de la Pologne, respect des alliances, sécurité de la France, lutte contre le fascisme - ne sont que des mensonges visant à masquer ces deux vérités.

La lettre d'André Marty est le premier texte du Parti communiste apportant clairement et dans de longs développements cette démonstration et se conformant ainsi à la Directive de l'IC du 9 septembre dans laquelle Moscou demandait au Parti communiste d'abandonner sa ligne favorable à la défense nationale et de s'engager dans la lutte contre la guerre impérialiste.

Exigeant du Parti communiste qu'il redresse rapidement sa ligne, ces Instructions ont été reçues à Paris vers le 15 septembre.

Adoptée le 20 septembre, la Résolution du Comité central du PCF intitulée "Il faut faire la Paix" dénonçait l'impérialisme anglais et contenait une condamnation implicite de l'impérialisme français. Quant à la lettre des députés communistes du 1er octobre, elle accusait la France et l'Angleterre d'être des "fauteurs de guerre impérialistes" sans plus de développement.

Par son contenu, cette lettre rédigée à Moscou par un dirigeant de l'IC définit avec clarté la nouvelle ligne du Parti : dénonciation de la guerre impérialiste, lutte pour la Paix, condamnation du Gouvernement Daladier. 

Illustrée par les mots d'ordres suivants : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate", et "notre ennemi est chez nous", cette ligne se caractérise aussi par la critique de l'Angleterre qui est accusée comme la France d'être impérialiste et la mise en cause des socialistes qui sont accusés eux d'avoir trahi le prolétariat.

Ces deux thèmes sont présents dans le pamphlet de Marty qui présente la particularité d'être centré sur la trahison des socialistes.

Autre caractéristique marquante du texte : le témoignage de fidélité à l'IC, à l'URSS et à Staline qui constitue une réponse non seulement à la dissolution du PCF le 26 septembre mais aussi aux articles de Léon Blum appelant les militants communistes à rejoindre la SFIO.

Texte de référence, la lettre de Marty sera largement diffusée en France. Outre la diffusion de l'hebdomadaire Le Monde, il sera publié clandestinement dans une brochure titrée "Pour la victoire !". Il sera aussi reproduit dans le numéro spécial de l'Humanité de novembre 1939 intitulé "A bas la guerre impérialiste et dans les Cahiers du Bolchévisme du 2e semestre 1939.



10 octobre 1939

Allocution radiodiffusée du Président du Conseil

"Il y a quelques semaines à peine que les chefs communistes se présentaient à vous comme de farouches patriotes. C'étaient, à les entendre, de nouveaux Jacobins. Ils n'avaient pas de mots assez durs et même pas assez d'injures pour flétrir les efforts pacifiques du gouvernement.
Ils annonçaient dans les meetings qu'ils seraient à la pointe du combat contre Hitler et contre ses armées, pour la liberté, pour la patrie, et il a suffi que les bolchevistes trouvent leur intérêt à s'entendre avec les nazis et à partager avec eux la Pologne pour que ces mêmes grands patriotes fassent l'apologie d'une paix de trahison. [...]
Ni la France ni la Grande-Bretagne, en effet, ne sont entrées en guerre pour soutenir une sorte de croisade idéologique. Ni la France ni la Grande-Bretagne ne sont davantage entrées en guerre par esprit de conquête. Elles ont été obligées de combattre parce que l'Allemagne veut leur imposer sa domination sur l'Europe. [...]
Je sais bien qu'on vous parle aujourd'hui de paix, de la paix allemande, d'une paix qui ne ferait que consacrer les conquêtes de la ruse ou de la violence et n'empêcherait nullement d'en préparer de nouvelles.
A quoi se résume en effet le dernier discours du Reichstag ? A ceci : J'ai anéanti la Pologne, je suis satisfait, arrêtons le combat, tenons une conférence pour consacrer mes conquêtes et organiser la paix. [...]
Certes, nous avons toujours désiré et nous désirons toujours qu'une collaboration sincère et une entente loyale puissent être établies entre les peuples, mais nous sommes résolus à ne pas nous soumettre aux « diktats » de la violence. Nous avons pris les armes contre l'agression; nous ne les reposerons que lorsque nous aurons des garanties certaines de sécurité, d'une sécurité qui ne soit pas mise en question tous les six mois. [...]
La France, à qui la guerre a été imposée, tient au combat le même langage qu'elle a toujours tenu. J'affirme donc, en votre nom, que nous combattons et que nous continuerons à combattre pour obtenir une garantie définitive de sécurité."

(Le Populaire du 11 octobre 1939)

le 11 octobre, dans une allocution radiodiffusée, le Président du Conseil, Edouard Daladier, rejette "la paix allemande" proposée par Hitler et accusent les communistes de "trahison" pour l'avoir soutenue par avance dans une lettre du 1er octobre adressée au président de la Chambre.


12 octobre 1939

● Discours du Premier ministre britannique

"Il faut en conclure que les propositions que présente le chancelier du Reich pour ce qu'il appelle « la certitude de la sécurité européenne » doivent être fondées sur la reconnaissance de ces conquêtes et le droit de faire de ceux qu'il a vaincus ce que bon lui semblera. Il serait impossible à la Grande-Bretagne d'accepter aucune base de ce genre sans forfaire à l'honneur et abandonner sa thèse que les différends internationaux doivent être réglés par la discussion et non pas par la force. [...]
Ce ne fut donc pas dans un dessein de vengeance que nous sommes entrés dans cette guerre, mais tout simplement pour la défense de la liberté. Ce n'est pas seulement la liberté des petites nations qui est en jeu. Ce qui est également menacé, c'est l'existence, dans la paix, de la Grande-Bretagne, des Dominions, de l'Inde, de tout l'Empire britannique, de la France et, en fait, de tous les pays épris de liberté. Quel que soit le résultat de cette lutte et quelle que soit la façon dont on y mettra fin, le monde ne sera plus celui que nous aurons connu auparavant. [...]
Les propositions contenues dans le discours du Chancelier sont vagues, indéfinies et ne comportent aucune suggestion tendant à la réparation des torts infligés à la Tchéco-Slovaquie et à la Pologne. 
Même si les propositions de M. Hitler étaient définies et contenaient des suggestions en vue du redressement de ces torts, il faudrait encore se demander par quels moyens pratiques le gouvernement allemand se propose de convaincre le monde que désormais l'agression cessera et que les engagements pris seront tenus. L'expérience passée nous a démontré qu'il est impossible d'avoir confiance dans les promesses du gouvernement allemand actuel. Et c'est pourquoi, il faut maintenant plus que des paroles, il faut des actes pour que nous, les peuples britanniques et la France, notre vaillante et fidèle alliée, soyons fondés à mettre fin à des opérations de guerre que nous entendons poursuivre avec le maximum de nos forces."

(Bulletin quotidien de la presse étrangère n° 265 du 17 octobre 1939)

Le 12 octobre, dans un discours prononcé à la Chambre des Communes, le Premier ministre britannique, Neville Chamberlain, juge que les propositions de Paix formulées par Hitler sont inacceptables.


14 octobre 1939

● Appel du "Parti communiste français / Au peuple de France

LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS
AU PEUPLE DE FRANCE

Le Parti Communiste Français adresse un fraternel salut aux élus du peuple, fidèles à la cause du peuple, qui pour avoir combattu la guerre impérialiste et lutté pour la la paix ont été jetés en prison par le gouvernement de réaction qui impose à la France la volonté des banquiers de Londres. [...]

GUERRE DE CAPITALISTES
La guerre qui est imposée au peuple de France est une guerre de capitalistes, une guerre qui dresse l'un contre l'autre l'impérialisme anglais et l'impérialisme allemand, cependant qu'au peuple de France est réservée la mission d'exécuter les consignes des banquiers de Londres. [...]
Les travailleurs allemands, nos frères communistes d'Allemagne, combattent Hitler dans leur pays qu'ils veulent libérer et qu'ils libéreront. Les travailleurs français avec leur Parti Communiste ont à combattre les fascistes et fauteurs de guerre impérialistes en France même. [...]

LES ENNEMIS DU PEUPLE DE FRANCE [...]
Les ennemis du peuple de France, ce sont les politiciens sans honneur qui obéissant aux ordres de la finance anglaise trahirent les intérêts de la France à Munich et sont prêts à faire couler le sang de millions de Français pour le profit des impérialistes. [...]

PAS D'UNION SACREE
Les communistes ont toujours combattu et ils combattront sans relâche les hommes du grand capital, les de Wendel, les Schneider et autres marchands de canon pour qui la guerre est immanquablement une bonne affaire.
L'Union Sacrée avec gens-là ? L'Union Sacrée avec leurs agents, avec les La Rocque, les Maurras et autres fascistes ?
Jamais, jamais, répond le peuple de France laissant aux socialistes, à Léon Blum et à Paul Faure, le triste privilège de mériter les encouragements de tout ce joli monde pour leurs campagnes anticommunistes en attendant de connaître le sort des laquais remerciés à coups de trique, car les méthodes de la réaction sont partout les mêmes. Après avoir frappé les communistes, elle s'attaque aux autres comme cela s'est fait en Allemagne.
Non, pas d'union sacrée avec les fauteurs de guerre. Non pas d'union sacrée avec les marchands de canon. Contre eux, contre les ennemis du peuple, contre la réaction, travailleurs français soyons unis et nous vaincrons.

VIVE L'UNION SOVIETIQUE [...]
Les peuples de l'univers tournent leur regard vers le pays du socialisme, vers le pays d'où le capitalisme a été à jamais extirpé, vers le pays où a pris fin l'exploitation de l'homme par l'homme, vers le pays du bonheur humain, de la liberté et de la paix. 

TRAVAILLEURS FRANCAIS, 
 UNISSEZ-VOUS !
Soyons unis pour imposer la libération des défenseurs de la paix emprisonnés par ordre des profiteurs de guerre. [...]
Soyons unis pour combattre le fascisme et la réaction.
Soyons unis pour combattre la guerre impérialiste et pour exiger que la paix soit rétablie
Soyons unis pour donner à la France un gouvernement qui assurera aux travailleurs le pain, la liberté et la paix. [...]

Le Parti Communiste Français
(S.F.I.C)

Au début du mois d'octobre 1939, en raison du décret de dissolution, le Parti communiste met en place une double direction.

La première installée à Paris aura à sa tête Benoît Frachon, secrétaire de la CGT. Ce dernier a démissionné pour la forme du Bureau politique du PCF quand il a été nommé à la direction de la CGT en 1936.

La seconde établie à Bruxelles sera confiée à Jacques Duclos, secrétaire du PCF et député de la Seine.

Particularité de Bruxelles : la présence d'une antenne de l'IC qui est dirigée par Eugen Fried et dont la mission est de contrôler les partis communistes d'Europe occidentale. Ce dernier vient de lancer un hebdomadaire - Le Monde - en remplacement de la Correspondance Internationale, revue de l'IC éditée en France et désormais interdite en raison du décret de dissolution.

Signalons qu'après sa désertion le 4 octobre, Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, séjournera pendant quelques semaines en Belgique avant de rejoindre Moscou.

Initiative de sa direction belge, le Parti communiste lance un appel au peuple de France dans Le Monde n° 5 du 14 octobre 1939 sous le titre "Le Parti communiste français / Au peuple de France".

Dans cet appel, s'adressant aux Français pour la première depuis sa dissolution, le Parti communiste affirme que la guerre contre l'Allemagne nazie est une "guerre de capitalistes", qualifie ceux qui la soutiennent de "fascistes", de "fauteurs de guerre impérialistes" et "d'ennemis du peuple de France", accuse le gouvernement français d'être soumis à la volonté des "banquiers de Londres", condamne "l'Union Sacrée" en visant nommément "Léon Blum" et enfin célèbre le partage de la Pologne entre l'Allemagne et "l'Union soviétique de Lénine et de Staline".

En conclusion, il appelle les "travailleurs français" à s'unir "pour libérer les défenseurs de la Paix" autrement dit les communistes, "pour combattre le fascisme et la réaction", "pour combattre la guerre impérialiste" et enfin "pour exiger que la paix soit rétablie" autrement dit pour exiger le remplacement du Gouvernment Daladier par un Gouvernement de Paix.

On notera que le Parti communiste réussit l'exploit de présenter son combat pour la paix avec les nazis comme un combat antifasciste !!!

Texte pacifiste, anglophobe et antipatriotiques, l'Appel du "Parti communiste français / Au peuple de France" sera reproduit dans un numéro spécial de l'Humanité de novembre 1939 et dans les Cahiers du Bolchévisme du 2e semestre 1939.


26 octobre 1939

Premier numéro de l'Humanité clandestine

"L'Humanité reparaît, grande voix populaire qu'on ne saurait bâillonner, expression d'un parti qu'on ne saurait réduire. [...]
Contre la dictature Daladier il importe de sceller l'union des travailleurs autour du Parti Communiste, ce Parti plus vivant que jamais, décidé au combat pour le socialisme libérateur qui mettra bas le capitalisme fauteur de misère et de guerre.
EN AVANT, PEUPLE DE FRANCE, POUR LE PAIN, LA PAIX, LA LIBERTE !"

(L'Humanité n° 1 du 26 octobre 1939)

La première édition clandestine de l'Humanité - organe central du PCF - est un numéro ronéoté daté du 26 octobre 1939 portant en manchette la citation suivante :

"On croire mourir pour la Patrie. On meurt pour les banquiers et les capitalistes. (Anatole France)".

Ce numéro plaide pour le renversement de "la dictature Daladier" qui symbolise le "capitalisme fauteur de misère et de guerre".

Il définit sans aucune ambiguïté les deux objectifs qui forment le projet du Parti communiste : la Révolution socialiste (libération sociale) et la Paix avec l'Allemagne nazie (libération nationale).

Dans une lettre rédigée vers le 27 octobre 1939 à l'attention de Jacques Duclos, dirigeant communiste réfugié en Belgique, Benoît Frachon, qui assume en France la direction du Parti communiste, évoque le lancement de l'Humanité clandestine :  

"Nous avons l'intention de faire éditer dans la R.P. [Région parisienne] et dans les principales régions, et ce régulièrement, l'Humanité. Naturellement ce sera un journal fait au duplicateur comme un journal d'usine. Nous n'avons hélas pas d'autre moyen pour l'instant. Notre ambition serait que le journal paraisse tous les jours. Que sa rédaction soit centralisée (pour Paris naturellement) mais que l'impression se fasse dans un nombre de centres assez importants, de façon que toute la région soit touchée. Je dis bien, c'est notre ambition, pour le moment un numéro est paru. Nous nous efforcerons de réaliser notre ambition."

Faute de moyen d'impression, l'Humanité clandestine sera ronéotée. Toutefois des numéros spéciaux imprimés en Belgique seront diffusés en France à partir de novembre 1939.

Pour le Parti communiste l'Humanité clandestine constitue "une arme particulièrement importante pour la lutte à mener contre la guerre impérialiste". Ce point est développé dans un texte de référence publié en janvier 1940 dans les Cahiers du Bolchévisme du 2eme semestre 1939 sous le titre  "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste" :

"Dans le domaine de la réorganisation, le parti communiste considère comme une question capitale la parution régulière de « l'Humanité » pour faire connaître aux militants et aux masses laborieuses la position politique et les mots d'ordre du Parti. Cela signifie que le Parti entend déployer les plus grands efforts pour faire beaucoup mieux en ce qui concerne la publication et la diffusion de son organe central qui constitue une arme particulièrement importante pour la lutte à mener contre la guerre impérialiste."

On précisera que ce texte a été rédigé à Moscou par Maurice Thorez et André Marty.


28 octobre 1939

● Interview de Maurice Thorez

MAURICE THOREZ NOUS DIT...

[...]
La réaction, les hommes du 6 février, leur homme de confiance ! Daladier et les chefs traitres du Parti socialiste SFIO sont furieux parce que nous dénonçons les buts impérialistes de la guerre qu'ils imposent au peuple français. [...]
C'est parce que nous dénonçons la politique de rapine et de duplicité des impérialistes que notre Parti Communiste est persécuté sur l'ordre des banquiers et des marchands de canons, mais, patience, nous avons raison et le peuple de France nous donnera raison demain. [...]
L'ennemi est chez nous, voilà ce que nous avons dit à la veille des élections de 1936 et nous avons conscience d'être restés fidèles au mandat que nous a été donné par le peuple de France, mandat qui se résume dans la défense du pain des travailleurs contre les deux cents familles, dans la défense de la liberté contre les hommes du 6 février et dans la défense de la paix contre les fauteurs de guerre. [...]
Le peuple de France commence à se rendre compte du rôle spécial joué par l'Angleterre impérialiste qui a pour défendre sa politique les valets de la IIe Internationale et qui si elle n'admet nullement l'égalité devant les sacrifices, sait s'assurer toujours la suprématie dans les profits.
Nous aimons le peuple anglais que nous ne confondons pas avec le gouvernement conservateur d'Angleterre, comme je le disais au banquet de la presse anglo-américaine en mai 1936. Nous aimons tous les peuples, nous ne confondons pas le peuple allemand avec ses maîtres du moment et nous agissons en défenseurs du peuple français en ne voulant pas que la jeunesse de notre pays soit jetée en holocauste aux capitalistes anglais en lutte d'intérêts avec les capitalistes allemands.
Nous souffrons de voir qu'un Daladier peut froidement sacrifier des vies françaises à des intérêts qui ne sont pas ceux du peuple de France; nous souffrons de voir qu'on peut à la faveur de la guerre faire de notre beau pays de France un pays de réaction et de régression sociale. C'est pourquoi nous avons conscience d'agir en vrai fils du peuple de France, en luttant contre la guerre impérialiste, en luttant contre le gouvernement de déshonneur, de misère  et de guerre qui est à la direction des affaires du pays. [...]
La presse vendue dit que je suis déserteur. J'aurais été un déserteur si je n'avais pas fait le nécessaire pour rester à mon poste dans la bataille de classe que le peuple de France doit livrer aux fauteurs de guerre, aux fascistes, aux exploiteurs capitalistes. [...]
Nous entendons, en un mot, continuer notre action pour la défense du pain, de la liberté et de la paix. [...]
Les communistes seront les meilleurs défenseurs du peuple de France, ils lutteront de toutes leurs forces contre la guerre impérialiste, pour la paix et contre le gouvernement Daladier dont il faut débarrasser notre pays. [...]
Quelque part en France,
le 20 octobre 1939

(Texte repris dans le numéro spécial de l'Humanité clandestine de novembre 1939)

Après sa désertion le 4 octobre 1939, Maurice Thorez s'est réfugié à Bruxelles pendant quelques semaines avant de rejoindre Moscou. Particularité de la capitale belge : la présence d'une antenne de l'IC qui était dirigée par Eugen Fried et dont la mission était de contrôler les partis communistes de l'Europe occidentale.

Au cours de ce séjour, le secrétaire général du PCF a donné une interview à un journaliste communiste anglais, Sam Russell (pseudonyme de Manasseh Lesser), qu'il a pu rencontrer par l'intermédiaire d'Eugen Fried.

Cette interview a été publiée le 4 novembre 1939 en première page du Daily Worker, organe central du Parti communiste anglais, sous le titre "Outlawed French leader tells why he is hunted (Le dirigeant français hors-la-loi explique pourquoi il est recherché). Des extraits ont été reproduits dans l'Humanité n° 7 du 17 novembre 1939 qui précisait - en citant le Daily Worker - que la rencontre avait eu lieu "quelque part en France".

La version française de cette interview a été publiée en Belgique dès le 28 octobre dans le numéro 7 de l'hebdomadaire Le Monde, revue de l'IC lancée par Eugen Fried en remplacement de La Correspondance Internationale, publication de l'IC éditée en France et désormais interdite en raison de la dissolution du PCF. Le texte précisait que l'interview avait été faite "quelque part en France, le 20 octobre 1939" par un "journaliste communiste français". Ces mensonges visaient à convaincre les militants communistes que Maurice Thorez était toujours présent en France et qu'il assumait dans la clandestinité la direction du PCF. La version du Monde a été reprise dans le numéro spécial de l'Humanité de novembre 1939 intitulé "A bas la guerre impérialiste" et dans les Cahiers du Bolchévisme du 2 semestre 1939 diffusés en janvier 1940. Signalons que le sommaire des Cahiers du Bolchévisme mentionnait l'interview de Maurice Thorez en précisant son contenu : "Maurice Thorez - Déclaration sur la lutte à mener contre la guerre impérialiste".

Dans ses réponses à Sam Russell, Maurice Thorez indique que le Parti communiste est réprimé parce qu'il dénonce le caractère impérialiste de la guerre menée contre l'Allemagne nazie. Il écarte toute accusation de trahison en expliquant que le Parti communiste reste fidèle au Front Populaire et à son slogan de campagne : "Pour le Pain, la Paix, la Liberté". Il dénonce l'impérialisme anglais en expliquant l'engagement de la France dans la guerre contre l'Allemagne nazie par la soumission du gouvernement Daladier à l'Angleterre. Il estime qu'il n'est pas déserteur au motif qu'il a rejoint dans la clandestinité son poste de combat dans la lutte contre la guerre impérialiste. (Il n'a donc ni déserté ni quitté le territoire national !!!). Enfin, il fixe clairement les objectifs du Parti communiste : la chute du gouvernement Daladier et la paix avec l'Allemagne nazie.


31 octobre 1939

● Discours de Molotov

"Camarades Députés, au cours des deux derniers mois, des changements importants sont survenus dans la situation internationale. Cela concerne avant tout la situation en Europe, mais aussi les pays éloignés de l'Europe.
Ceci étant, il faut marquer trois circonstances essentielles dont l'importance est décisive. Premièrement, il faut marquer le changement intervenu dans les rapports entre l'Union soviétique et l'Allemagne. Le pacte de non-agression conclu le 23 août entre l'URSS et l'Allemagne a mis fin à la situation anormale qui avait existé pendant des années entre ces deux pays. L'hostilité attisée de toutes manières par certaines puissances européenne a fait place à un rapprochement et à l'établissement de relations amicales entre l'U.R.S.S. et l'Allemagne. L'amélioration continue  de ces nouveaux, de ces bon rapports a trouvé son expression dans le pacte Germano-Soviétique concernant l'amitié et les frontières entre l'U.R.S.S. et l'Allemagne, signé le 28 septembre à Moscou. 
Le brusque tournant qui s'est opéré dans les rapports entre l'Union Soviétique et l'Allemagne, entre les deux plus grands Etats de l'Europe, ne pouvait manquer d'opérer son effet sur l'ensemble de la situation internationale.
Les événements ont entièrement confirmé l'appréciation qui a été donnée à la dernière session du Soviet Suprême sur la portée politique du rapprochement Soviéto-Allemand.
Deuxièmement, il convient de signaler ces faits que sont la débâcle militaire de la Pologne et la désagrégation de l'Etat polonais.
Les milieux dirigeants de la Pologne ne se sont pas peu vantés de la « solidité » de leur Etat et de la « puissance » de leur armée.
Cependant il a suffi que la Pologne reçoive un coup bref, d'abord de l'armée allemande et puis de l'armée rouge pour qu'il ne restât rien de cet avorton issu du Traité de Versailles et qui ne vivait que de l'oppression des nationalités non polonaise. La « politique traditionnelle » de louvoiement et de jeu sans principe entre l'Allemagne et l'URSS a révélé sa carence et a fait complètement faillite.
Troisièmement, il faut reconnaître que la grande guerre qui a éclaté en Europe a radicalement changé toute la situation internationale.
Cette guerre ayant commencé entre l'Allemagne et la Pologne s'est transformée en guerre entre l'Allemagne d'une part, l'Angleterre et la France d'autre part. [...]

Formules périmées
En relation avec ces changements importants survenus dans la situation internationale, certaines vieilles formules, dont nous nous servions récemment encore et auxquelles beaucoup s'étaient tellement accoutumés, sont manifestement périmées et désormais impraticables. 
Il faut s'en rendre compte, afin d'éviter les erreurs grossières dans l'appréciation de la nouvelle situation politique en Europe.
On sait, par exemple, qu'en ces quelques derniers mois les notions telles que « agression », « agresseur » ont reçu un nouveau contenu concret, ont acquis un nouveau sens. 
On conçoit aisément que nous ne puissions plus aujourd'hui nous servir de ces notions dans le même sens qu'il y a trois ou quatre mois, par exemple. 
Si l'on parle aujourd'hui des grandes puissances européennes, l'Allemagne se trouve dans la situation d'un Etat qui aspire à voir la cessation la plus rapide de la guerre et à la paix, tandis que l'Angleterre et la France, qui hier encore s'affirmaient contre l'agression, sont pour la continuation de la guerre et contre la conclusion de la paix. Les rôles changent, comme vous le voyez.
Les tentatives des gouvernements Anglais et Français pour justifier leur nouvelle attitude en arguant des engagements pris envers la Pologne sont bien entendus nettement inconsistantes.
Il ne saurait être question chacun le comprend, de rétablir l'ancienne Pologne. Aussi est-il insensé de continuer la guerre actuelle sous le prétexte de rétablir l'ancien Etat polonais.
Les gouvernements d'Angleterre et de France qui s'en rendent compte, ne veulent cependant pas cesser la guerre et rétablir la paix; ils cherchent une nouvelle justification pour continuer la guerre contre l'Allemagne.
Depuis quelques temps les milieux dirigeants d'Angleterre et de France essayent de faire figure de champions des droits démocratiques des peuples contre l'hitlérisme.

Ce que cache la soi-disant « lutte contre l'hitlérisme »
Ainsi, le gouvernement anglais a proclamé que pour lui la guerre contre l'Allemagne aurait pour but ni plus ni moins « l'anéantissement de l'hitlérisme ». Il s'ensuit qu'en Angleterre, de même qu'en France, les partisans de la guerre ont déclaré à l'Allemagne quelque chose comme une « guerre idéologique » qui rappelle les veilles guerres de religion. 
En effet, les guerres de religion contre les hérétiques et les hétérodoxes furent autrefois à la mode. Elles ont entraîné, on le sait, les plus funestes conséquences pour les masses populaires, la ruine économique et le déclin culturel des peuples.
Ces guerres ne pouvaient donner rien d'autres; mais elles remontent au moyen-âge. N'est-ce pas vers cette époque de guerres de religion, de superstitions et de déclin culturel, que nous entraînent à nouveau les classes dominantes d'Angleterre et de France.
Quoi qu'il en soit, on a entrepris aujourd'hui sous le signe « idéologique » une guerre de plus grande envergure et présentant des dangers encore plus graves pour les peuples d'Europe et du monde entier. Or, une guerre de ce genre ne saurait être justifiée en aucune façon. L'idéologie de l'hitlérisme comme tout autre système idéologique peut-être reconnue ou rejetée, c'est une question d'opinions politiques. Mais n'importe qui comprendra qu'on ne saurait détruire une idéologie par la force, que l'on ne saurait en finir avec elle par la guerre. C'est pourquoi il est insensé, voire criminel de mener une semblable guerre pour l' « anéantissement » de l'hitlérisme en le couvrant du faux drapeau de la lutte pour la « démocratie ». [...]

Le caractère impérialiste de la guerre
Le motif réel de la guerre anglo-française contre l'Allemagne ce n'est pas que l'Angleterre et la France aient juré de rétablir l'ancienne Pologne, ni bien entendu qu'elles aient résolu soi-disant de prendre sur elles de lutter pour la démocratie. Les milieux gouvernants d'Angleterre et de France ont, comme de juste, d'autres motifs plus réels pour une guerre contre l'Allemagne. Ces motifs ne sont pas du domaine d'une idéologie quelconque, mais bien de la sphère de leurs intérêts essentiellement matériels de grandes puissances coloniales. [...]
La peur devant les prétentions allemandes à ces possessions coloniales, voilà le dessous de la guerre actuelle de l'Angleterre et de la France contre l'Allemagne, laquelle s'est sérieusement renforcée en ces derniers, à la suite de l'effondrement du traité de Versailles. 
La crainte de perdre l'hégémonie mondiale dicte aux gouvernements d'Angleterre et de France une politique d'excitation à la guerre contre l'Allemagne. Dès lors le caractère impérialiste de cette guerre devient évident pour quiconque veut voir la situation réelle des choses et ne ferme pas les yeux sur les faits. [...]

Nos rapports avec l'Allemagne
Nous en venons aux changements qui se sont produits dans la situation internationale de l'Union soviétique elle-même. Changements importants. [...] Nos rapports avec l'Allemagne, comme je l'ai déjà dit, se sont foncièrement améliorés.
Ici, les choses ont évolué dans le sens du renforcement des relations amicales, du développement de la collaboration pratique et du soutien politique de l'Allemagne dans ses aspirations à la paix. Le pacte de non-agression conclu entre l'Union soviétique et l'Allemagne nous obligeait à la neutralité en cas de participation de l'Allemagne dans une guerre. Nous avons appliqué cette ligne avec esprit de suite, et l'entrée de nos troupes commencée le 17 septembre, sur le territoire de l'ancienne Pologne, n'y contredit nullement. [...]
Les événements ultérieurs ont pleinement démontré que les nouvelles relations soviéto-allemandes étaient édifiées sur la solide base des intérêts réciproques.
Après l'entrée des unités de l'Armée rouge sur le territoire de l'ancien état Polonais, se sont posées les sérieuses questions de limitation des intérêts d'Etat de l'URSS et de l'Allemagne. Ces questions furent vite réglées de commun accord. Le traité germano-soviétique d'amitié et de délimitation des frontières entre l'URSS et l'Allemagne, dès la fin de septembre, a concilié nos relations avec l'Etat allemand. [...]
Nous avons toujours été de cette opinion qu'une Allemagne forte est une condition nécessaire de la paix solide en Europe. Il serait ridicule de penser qu'on puisse « simplement mettre hors combat » l'Allemagne et l'éliminer de tout calcul. [...]
Nous nous sommes constamment efforcés d'améliorer nos relations avec l'Allemagne et avons toujours salué les tendances analogues du côté de l'Allemagne. Aujourd'hui, nos relations avec l'Etat allemand ont pour base nos rapports d'amitié, notre volonté de soutenir les aspirations de paix de l'Allemagne et en même temps notre désir de contribuer par tous les moyens au développement des relations économiques soviéto-allemandes à l'avantage réciproque des deux pays. 
Il est à noter spécialement que les changements qui se sont produits dans les relations soviéto-allemandes sur le plan politique ont créé des conditions favorables au développement des relations économiques entre l'Union soviétique et l'Allemagne.
Les dernières négociations économiques de la délégation allemande à Moscou et celles que la délégation économique soviétique mène en ce moment en Allemagne, préparent une large base pour développer des échanges entre l'Union soviétique et l'Allemagne".

(Cahiers du Bolchévisme du 2e semestre 1939)

Le 28 septembre, l'URSS et l'Allemagne signent un Traité de frontières et d'amitié qui organise le partage de la Pologne entre les deux alliés et fonde sur cette double annexion territoriale "le développement et le progrès des relations amicales entre leurs peuples".

Ce traité qui marque la fin de la Campagne de Pologne est accompagné d'une Déclaration dans laquelle les gouvernements soviétique et allemand s'engagent à faire "des efforts communs" pour "mettre fin à l'état de guerre qui existe entre l'Allemagne d'une part, la France et l'Angleterre d'autre part" en soulignant que l'échec de leur démarche signifierait que la France et l'Angleterre "sont responsables de la continuation de la guerre".

Formulées par le Chancelier Hitler dans son discours du 6 octobre 1939, ces propositions de paix seront rejetées par le gouvernement français le 10 octobre et par le cabinet anglais le 12 octobre.

C'est dans ce contexte que le 31 octobre, Viatcheslav Molotov, président du Conseil et commissaire du peuple aux Affaires étrangères, prononce devant le Soviet suprême de l'URSS un discours consacré à la politique extérieure de son gouvernement.

Des extraits de cette intervention seront reproduits dans l'Humanité n° 3 du 3 novembre 1939 avec ce commentaire : "Par la voix de MOLOTOV l'URSS, qui garde sa neutralité, a ainsi dénoncé le caractère impérialiste de la guerre imposée au peuple de France et d'autre pays".

Le rapport de Molotov sera intégralement publié dans Le Monde n° 8 du 4 novembre 1939. Cette traduction sera reprise dans les Cahiers du Bolchévisme du 2e semestre 1939.

Enfin, on mentionnera qu'en novembre 1939 des avions allemands diffuseront sur le territoire français des tracts reproduisant ce discours de Molotov. Ce sera donc son second discours approuvé publiquement par l'Allemagne nazie. Rappelons que dans son allocution du 1er septembre, le Chancelier Hitler avait exprimé sa totale adhésion à celui du 31 août : "Je puis souscrire mot pour mot au discours qu'a prononcé le commissaire du peuple Molotov."

Le chef du gouvernement soviétique débute son rapport en indiquant que la situation internationale a connu trois changements majeurs depuis son intervention du 31 août 1939 qui était motivée par la signature du Pacte germano-soviétique :
1) amélioration des relations entre l'URSS et l'Allemagne,
2) disparition de l'Etat polonais,
3) transformation de la guerre : germano-polonaise dans un premier temps elle oppose désormais le bloc anglo-français à l'Allemagne.

Concernant la disparition de l'Etat polonais, il souligne que la défaite de la Pologne résulte avant tout d'une collaboration militaire entre l'URSS et l'Allemagne :

"Les milieux dirigeants de la Pologne ne se sont pas peu vantés de la « solidité » de leur Etat et de la « puissance » de leur armée.
Cependant il a suffi que la Pologne reçoive un coup bref, d'abord de l'armée allemande et puis de l'armée rouge pour qu'il ne restât rien de cet avorton issu du Traité de Versailles et qui ne vivait que de l'oppression des nationalités non polonaise."

Viatcheslav Molotov s'attaque ensuite à la France et à l'Angleterre en montrant que leur décision de poursuivre la guerre contre l'Allemagne s'explique par leur bellicisme et leur impérialisme.

Il estime que le rejet des propositions de paix allemandes par les gouvernements français et anglais témoigne de leur bellicisme. En conséquence, la France et l'Angleterre sont désormais considérées par l'URSS comme les agresseurs autrement dit les responsables de la guerre. Cet argumentaire est conforme à la Déclaration germano-soviétique du 28 septembre 1939.

En outre, il affirme que le véritable objectif de cette guerre n'est ni le rétablissement de la Pologne dans ses droits, ni la destruction du nazisme mais le maintien de l'hégémonie mondiale de la France et de l'Angleterre capitalistes. Leur guerre est donc impérialiste autrement dit illégitime. 

Dans son soutien au IIIe Reich, le chef du gouvernement soviétique va même jusqu'à condamner sur un plan moral toute guerre visant à détruire "l'idéologie de l'hitlérisme" :
"L'idéologie de l'hitlérisme, comme tout autre système idéologique, peut être reconnue ou rejetée — c'est une question d'opinion politique. Mais n'importe qui comprendra qu'on ne saurait détruire une idéologie par la force, qu'on ne saurait en finir avec elle par la guerre. C'est pourquoi il est insensé, voire criminel, de mener une semblable guerre, soi-disant pour « l'anéantissement de l'hitlérisme », en la couvrant du faux drapeau de la lutte pour la « démocratie »".
Enfin, dans ses développements consacrés aux relations bilatérales de l'URSS, Viatcheslav Molotov évoque les relations germano-soviétiques en ces termes :

"Aujourd'hui, nos relations avec l'Etat allemand ont pour base des rapports d'amitié, notre volonté de soutenir les aspirations de paix de l'Allemagne et en même temps notre désir de contribuer par tous les moyens au développement des relations économiques soviéto-allemandes à l'avantage réciproque des deux pays."

L'Union soviétique déclare officiellement que ses relations avec l'Allemagne d'Hitler sont fondées sur "des rapports d'amitiés". Ce point vient confirmer la signature du Traité de frontières et d'amitié du 28 septembre 1939. Nazis et communistes sont donc non seulement des alliés mais aussi des amis.

Elle manifeste en outre sa volonté de "soutenir les aspiration de paix de l'Allemagne". Pour l'URSS et les communistes français Hitler est un donc un pacifiste. A l'inverse la France et l'Angleterre sont considérés comme des puissances impérialistes.

Enfin, elle plaide pour un "développement des relations économiques soviéto-allemandes à l'avantage réciproque des deux pays". Ce vœux sera réalisé le 11 février 1940 avec la signature d'un accord commercial.

Preuve supplémentaire des relations idylliques entre l'URSS et l'Allemagne, cette affirmation de Molotov qui perdra toute valeur avec l'invasion allemande du 22 juin 1941 :

"Nous avons toujours été de cette opinion qu'une Allemagne forte est la condition nécessaire d'une paix solide en Europe.