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Mars 1940

5 mars
➤ Staline donne l'ordre d'exécuter 25 700 officiers et civils polonais (Massacre de Katyn).

12 mars
➤ Signature à Moscou d'un traité de paix russo-finlandais qui marque la défaite de la Finlande.

19 mars
➤ Au Sénat, en réponse à l'interpellation du sénateur Reibel, le ministre de l'intérieur, Albert Sarraut, détaille le bilan de son action contre les menées hitléro-communistes.

➤ A la Chambre, les députés siègent en Comité secret à partir de 16 heures pour débattre de la politique de guerre en général et des événements de Finlande en particulier.

➤ A Moscou, le Chargé d'affaires de France, Jean Payart, informe Viatcheslav Molotov que l'ambassadeur soviétique à Paris, Iakov Souritz, n'est plus persona grata en raison du contenu injurieux d'un télégramme qui a été intercepté par la censure avant sa transmission par les PTT.

20 mars
➤ A 4 heures du matin, au terme de son Comité secret, la Chambre approuve l'action du gouvernement par 239 voix contre 1. Il est à noter que 300 députés et notamment 154 socialistes ont fait le choix de l'abstention.

➤ Estimant que l'abstention qui s'est exprimée à la Chambre était une marque de défiance, le Gouvernement Daladier démissionne en fin de matinée.

➤ Ouverture du procès de 44 députés communistes qui sont accusés d'avoir enfreint le décret de dissolution du PCF à la fin de la Campagne de Pologne en remettant une lettre au président de la Chambre dans laquelle ils demandaient l'organisation d'un vote du Parlement en faveur des propositions de Paix qui allaient être faites à la France par l'intermédiaire de l'URSS.

21 mars
➤ Ministre des Finances dans le cabinet démissionnaire, Paul Reynaud est nommé président du Conseil.

➤ Le Parti socialiste accepte d'entrer dans le Gouvernement Reynaud. Il obtient trois ministères dont la Justice et trois sous-secrétariats.

22 mars
➤ Les séances du Sénat et de la Chambre débutent par une communication du nouveau gouvernement dans laquelle ce dernier expose sa mission : "Susciter, rassembler, diriger toutes les énergies françaises pour combattre et pour vaincre; écraser la trahison, d'où quelle vienne".

➤ A la Chambre, au cours du débat précédant le vote de confiance, Paul Reynaud déclare : "En ce qui concerne les communistes, je ne veux plus savoir qu'une chose : ils ont joué contre le pays, ils jouent contre le pays, je les écraserai".

25 mars
➤ Tribune de Léon Blum intitulée "Risques de conflit avec l'URSS" dans laquelle il affirme qu'il soutiendra une guerre contre l'URSS si les circonstances la justifie.

26 mars
➤ A Moscou, le vice-commissaire du peuple aux Affaires étrangères remet à Jean Payart une note dans laquelle le gouvernement soviétique informe le gouvernement français que Iakov Souritz "est libéré de ses fonctions d'ambassadeur de l'URSS en France".

28 mars
➤ Déclaration franco-britannique aux termes de laquelle les deux signataires s'engagent à ne pas conclure d'armistice ou de Paix séparés avec l'Allemagne.

29 mars
➤ Dans un discours prononcé devant le Soviet suprême, Viatcheslav Molotov se félicite des "nouvelles et bonnes relations soviéto-allemandes" et souligne qu'elles marquent l'échec des impérialistes français et anglais qui voulaient imposer à l'URSS une "politique d'hostilité et de guerre contre l'Allemagne".



5 mars 1940

● Ordre de Staline d'exécuter 25 700 officiers et civils polonais (Massacre de Katyn)

Le 5 mars 1940, Lavrenti Béria, Commissaire du peuple aux Affaires intérieures, soumet à Staline la proposition d'appliquer "le châtiment suprême : la peine de mort par fusillade" à 25 700 officiers et civils polonais détenus dans trois camps de prisonniers de guerre du NKVD (14 700) ainsi que dans plusieurs prisons situées dans la partie occidentale de l'Ukraine et de la Biélorussie (11 000).

Les 14 700 prisonniers de guerres sont essentiellement des officiers (8 400) ainsi que des policiers, des gendarmes, des gardiens de prison et des gardes-frontières (6 200) qui ont été internés dans trois camps spéciaux créés par le NKVD en novembre 1939 : Kozielsk, Starobielsk, Ostachkov.

Quant au 11 000 polonais détenus dans plusieurs prisons situées dans la partie occidentale de l'Ukraine et de la Biélorussie autrement dit dans la partie de la Pologne annexée par l'URSS, il s'agit essentiellement de personnes appartenant à des réseaux de résistance, d'anciens officiers qui n'avait pas été mobilisés en 1939, d'anciens membres de la police ou de la gendarmerie, et enfin de personnes arrêtées soit parce qu'elles ont fui les territoires polonais contrôlés par les allemands, soit parce qu'elles ont tenté de fuir vers la Lituanie, la Hongrie ou la Roumanie pour échapper à l'occupation soviétique.

Béria précise dans sa lettre que cette mesure est nécessaire "étant donné que tous ces individus sont des ennemis acharnés et irréductibles du pouvoir soviétique."

Le Chef du NKVD indique aussi que ces condamnations à mort seront prononcées par un tribunal spécial qui aura au préalable examiné les dossiers individuels "sans comparution des détenus et sans acte d'accusation".

Le projet de Béria est approuvé par six membres du Politburo du Parti communiste de l'Union soviétique : Joseph Staline, Kliment Vorochilov, Viatcheslav Molotov, Anastase Mikoyan, Mikhaïl Kalinine et Lazare Kaganovitch. Les quatre premiers ont apposés leur signature sur le document, celle de Staline est précédée de la mention "Pour". Pour les deux derniers il n'y a pas de signature, leur nom est simplement précédé de la mention "Pour".

Le jour même le Politburo adopte une résolution dans laquelle il donne instruction au NKVD de procéder à l'étude de ces 25 700 cas en vue de leur appliquer "le châtiment suprême : la peine de mort par fusillade".

Ainsi, entre avril et mai 1940, 14 587 (1) prisonniers de guerre polonais sont exécutés par le NKVD avec comme mode opératoire une balle dans la nuque  :
- 4 404 prisonniers du camp de Kozielsk sont abattus dans la forêt de Katyn.
- 3 896 prisonniers du camp Starobielsk sont tués dans la prison du NKVD à Kharkov.
- 6 287 prisonniers du camp d'Ostachkov sont assassinés dans les locaux du NKVD à Kalinine.

En outre, 7 300 détenus polonais subissent le même sort : 3 400 en Ukraine et 3 900 en Biélorussie. (2)

Ce sont donc près de 22 000 polonais qui ont été assassinés dans la cadre de la décision du 5 mars 1940. Symbolisés par le massacre de Katyn, ces crimes de masses seront pendant de nombreuses décennies niés par l'Union soviétique qui en attribuera la responsabilité au régime nazi.

Ajoutons que la répression soviétique a aussi frappé les familles de ces prisonniers. En effet, dans une résolution adoptée le 3 mars 1940, le Politburo a demandé au NKVD de procéder avant le 15 avril 1940 à la déportation vers le Kazakhstan des familles des prisonniers de guerre polonais soit 22 000 à 25 000 familles. Sur la base de cette résolution 60 000 personnes ont ainsi été déportés. (3)

La rafle du 13 avril 1940 est l'une des quatre déportations de masses organisées entre février 1940 et juin 1941 par le pouvoir soviétique dans les territoires polonais annexés. Au total ce sont près de 330 000 personnes qui ont été déportées : 110 000 (140 000 dont 80% de polonais) en février 1940, 60 000 en avril 1940, 80 000 en juin 1940 et enfin  86 000 en mai-juin 1941. (4)

Pour terminer, on citera un extrait du poème "Front rouge", écrit par Louis Aragon en 1931 après un séjour en Union soviétique, dans lequel le poète du Parti communiste célèbre la répression stalinienne :

"L'éclat des fusillades ajoute au paysage 
une gaîté jusqu'alors inconnu
Ce sont des ingénieurs, des médecins qu'on exécute 
Mort à ceux qui mettent en danger les conquêtes d'Octobre
Mort aux saboteurs du Plan Quinquennal"

(1) Stephane Courtois, Le livre noir du communisme, 1997 p. 430.
(2) Decision to commence investigation into Katyn Massacre
(3) Decision to commence investigation into Katyn Massacre.
(4) Stephane Courtois, op. cit. pp. 431-433.


12 mars 1940

● Traité de paix soviéto-finlandais (Traité de Moscou)

Après trois mois de guerre, l'URSS et la Finlande décident d'entamer des négociations de Paix.

La décision du pouvoir soviétique s'explique par la résistance finlandaise et la menace d'une intervention franco-anglaise. Quant à celle du gouvernement finlandais, elle est motivée par le fait que sa principale ligne de défense dans l’Isthme de Carélie - la ligne Mannerheim - a cédé et que la Suède a non seulement refusé par avance de laisser les troupes alliés transiter par son territoire mais aussi menacé de suspendre son aide militaire si le conflit devait perdurer.

Ces négociations débutent le 6 mars 1940 avec l'arrivée à Moscou d'une délégation finlandaise menée par le premier ministre, Risto Ryti.

C'est dans la soirée du 12 mars 1940 et après avoir obtenu l'accord de leur Parlement que les négociateurs finlandais signent avec les dirigeants soviétiques un traité de Paix qui marque la fin du conflit russo-finlandais.

Plus importantes que celles exigées par le pouvoir soviétique pendant les négociations d'octobre-novembre 1939, les concessions territoriales finlandaises permettront à l'URSS de célébrer le traité de Moscou comme un succès éclatant alors que son objectif premier était l'annexion de la Finlande.

L'Humanité se félicitera de la victoire soviétique dans un article publié dans son numéro du 15 mars 1940 sous le titre "Vive l'URSS ! Vive Staline !".

Dernier élément, n'ayant plus aucune utilité,la République démocratique de Finlande et son gouvernement populaire seront dissous par le pouvoir soviétique.



19 mars 1940

● Au Sénat, discours du ministre de l'intérieur, Albert Sarraut

Le 19 mars, au Sénat, le ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut, radical-socialiste, répond à une interpellation du sénateur Charles Reibel portant sur la passivité du gouvernement dans sa lutte contre les menées hitléro-communistes.

Dans sa réponse, le ministre se félicite que depuis le début du conflit l'ordre public ait été préservé de toute violence communiste. Il attribue ce succès à l'adoption de nouveaux textes répressifs et à la mobilisation de l'ensemble du gouvernement. Il détaille l'action de son ministère contre le Parti communiste : élus, presse, organisations politiques et syndicales, fonctionnaires, militants, étrangers. Il fait état d'une activité résiduelle du PCF qui se manifeste essentiellement dans la diffusion de tracts fabriqués à l'étranger. Enfin, il déclare que le gouvernement continuera avec la même vigueur sa lutte contre la propagande défaitiste qu'elle soit communiste ou hitlérienne.


● La France demande à l'URSS que son ambassadeur à Paris soit rappelé à Moscou

A Moscou, le Chargé d'affaires de la France, Jean Payart, informe Viatcheslav Molotov que l'ambassadeur soviétique à Paris, Iakov Souritz, n'est plus persona grata en raison du contenu injurieux d'un télégramme qui a été intercepté par la censure avant sa transmission par les PTT.

Rédigé en français et en clair, ce télégramme félicitait Staline pour la conclusion de la Paix russo-finlandaise. Il contenait le passage suivant :

"Grâce à la sagesse du gouvernement soviétique et grâce à notre vaillante armée rouge, les plans des fauteurs de guerre anglais et français qui s'efforcèrent d'attiser un foyer de guerre au nord-est de l'Europe ont essuyé de nouveau un échec. [...] L'Union soviétique reste une forteresse invincible contre laquelle se briseront dans l'avenir les sinistres plans des ennemis du socialisme et des travailleurs du monde entier". (1)

(Le Temps du 28 mars 1940)


20 mars 1940

● Vote de la Chambre approuvant l'action du gouvernement avec une abstention de 300 députés

Le 20 mars, à 4 heures du matin, au terme d'un débat en Comité secret qui a débuté la veille sur la politique de guerre en général et les événements de Finlande en particulier, la Chambre est appelée à voter sur les deux alinéas de l'ordre du jour suivant :

"La Chambre
Exprime à la nation et à l'armée finlandaises l'hommage de son admiration pour leur magnifique courage,
Fait confiance au gouvernement pour prendre immédiatement et dans tous les domaines les mesures indispensables pour porter au maximum la force de la France et pour conduire jusqu'à la victoire, en accord étroit avec nos alliés, la guerre qui nous a été imposée, et où nous défendons, avec, la sécurité du pays, nos libertés et celles du monde.
Et, repoussant toute addition,
Passe a l'ordre du jour."

La premier alinéa rend hommage à la Finlande : il est adopté à l'unanimité.

Le second soutient l'action du gouvernement. Il est approuvé par 239 voix contre 1 et... 300 abstentions.

Le décompte des voix sera corrigé ultérieurement en raison d'une erreur matérielle (une corbeille de bulletins a été oublié) : 256 voix pour, 1 contre et 283 abstentions.

Cette erreur suscitera une polémique compte tenu des conséquences du vote du 20 mars.

● Estimant que l'abstention qui s'est exprimée à la Chambre était une marque de défiance, le Gouvernement Daladier démissionne

● Début du procès des députés communistes

Le 20 mars, s'ouvre devant le 3e tribunal militaire de Paris le procès de 44 députés du groupe ouvrier et paysan français anciennement groupe communiste.

Inculpés en octobre 1939, incarcérés à la même période à l'exception des neuf députés toujours en fuite, ces parlementaires sont accusés d'avoir enfreint à deux reprises le décret de dissolution du PCF.

Tout d'abord, en constituant le GOPF. Ensuite, en adressant une lettre au président de la Chambre dans laquelle ils demandaient l'organisation d'un vote du Parlement en faveur des propositions de Paix qui allaient être faites à la France par l'intermédiaire de l'URSS, et soulignaient que ce vote permettrait "d'établir au plus vite une paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens".

Prévues par le décret de dissolution, les peines encourues sont d'un an à cinq ans de prison et une amende de 100 à 5 000 francs.

Tenu à huis-clos à la demande du gouvernement, ce procès prendra fin le 3 avril.


21 mars 1940

● Formation du Gouvernement Reynaud

Le 21 mars, Paul Reynaud, ministre des Finances dans le cabinet démissionnaire, est nommé à la présidence du Conseil par le président de la République, Albert Lebrun. (1)

Le cabinet qu'il constitue se caractérise notamment par l'entrée du Parti socialiste qui était absent du précédent gouvernement et qui obtient dans le nouveau trois ministères - Albert Sérol (Justice), Albert Rivière (Anciens combattants) et Georges Monnet (Blocus) - et 3 sous-secrétariats d'Etat : André Février (Information),  Fabien Albertin (Travaux publics) et François Blancho (Armement) .

A l'exception de la Fédération Républicaine qui a refusé les propositions que Paul Reynaud a soumises à son président, Louis Marin, l'ensemble des forces politiques présentes au Parlement sont représentées dans ce cabinet qui se veut d'union nationale.

Remanié le 10 mai (entrée de Louis Marin) puis le 18 mai (entrée du Maréchal Pétain), le Gouvernement Reynaud démissionnera le 16 juin 1940.

(1) Journal officiel du 22 mars 1940.


22 mars 1940

● Communication du Gouvernement au Sénat et à la Chambre

"Messieurs, la France est engagée dans la guerre totale.
Un ennemi puissant, organisé, résolu, transforme en moyens de guerre et concentre, pour triompher, toutes les activités humaines.
Aidé par la trahison des Soviets (Applaudissements sur un grand nombre de bancs), il porte la lutte dans tous les domaines et conjugue tous les coups qu'il frappe, avec une sorte de génie de la destruction dont nous ne méconnaissons point ce qu'il a de grandiose en même temps que d'odieux.
Par le fait même, l'enjeu de cette guerre totale est un enjeu total.
Vaincre c'est tout sauver. Succomber c'est perdre tout. (Très bien! très bien!)
Messieurs, le Parlement exprimant le sentiment national a mesuré dans toute leur étendue ces terribles réalités. Aussi le Gouvernement qui se présente devant vous n'a-t-il pas d'autre raison d'être et n'en veut-il pas d'autre que-celle-ci : Susciter, rassembler, diriger toutes les énergies françaises pour combattre et pour vaincre; écraser la trahison, d'où quelle vienne. (Applaudissements.)
Grâce à votre confiance et avec votre appui nous accomplirons cette tâche. S'il nous fallait un autre réconfort nous n'aurions qu'à recenser les ressources immenses de la patrie et de l'empire, nous n'aurions qu'à regarder, les yeux dans les yeux, nos admirables alliés, nous n'aurions qu'à évoquer la vaillance de notre peuple, le labeur de nos ouvriers et de nos paysans (Applaudissements), la force de nos armées l'ardeur de nos soldats, la valeur de leurs chefs, nous n'aurions enfin qu'à penser au génie éternel de la France. (Applaudissements à gauche, à l'extrême gauche et sur divers autres bancs.)"

(Journal officiel du 22 mars 1940)

La séance du 22 mars, à la Chambre, débute à 15 heures. Elle s'ouvre par une Déclaration de Paul Reynaud, président du Conseil, dans laquelle il expose la mission de son gouvernement : "Susciter, rassembler, diriger toutes les énergies françaises pour combattre et pour vaincre; écraser la trahison, d'où quelle vienne".

Au même moment, au Sénat, Camille Chautemps, vice-président du Conseil lit la même Déclaration.

● Intervention de Paul Reynaud dans le débat précédant le vote de confiance

"Messieurs, quand la France est en guerre, son Gouvernement ne peut avoir qu'une mission, qu'un programme, qu'une volonté: combattre et vaincre. (Applaudissements à gauche.) [...]
Je suis responsable devant vous de mes actes et je viens vous demander de juger, en fonction de l'intérêt du pays, mon premier acte : la constitution du mon Gouvernement.
Le Gouvernement a dû être formé sans délai.  [...]
Fallait-il maintenir la formule politique adoptée il y a deux ans, en temps de paix, ou élargir la base du Gouvernement pour s'adapter aux nécessités du temps de guerre ?
D'abord, j'ai élargi sa base. [...]
J'ai cru et je crois fermement qu'il n'est pas de l'intérêt de la France de ne pas associer aux responsabilités graves du Gouvernement le parti le plus nombreux de cette Assemblée [NdB: Le Parti socialiste]. J'estime que ce ne serait ni habile, ni conforme à l'intérêt du pays d'agir ainsi désormais. [...]
Voilà ce que j'avais à dire sur la constitution de ce Gouvernement. [...]

Mais il faut maintenant agir.
Quel politique allez-vous faire ? m'a-t-on demandé. [...]
La politique militaire ? On en a parlé tout à l'heure.
Aucun d'entre nous n'a oublié les douloureuses leçons de la dernière guerre. Il y des erreurs que nous ne commettrons de nouveau. C'est la raison pour laquelle la Chambre a si souvent, si justement, applaudi le président Daladier d'avoir été ménager du sang de nos soldats. (Applaudissements.)
La politique extérieure ? On en a parlé aussi. [...]
Dans le drame effrayant que nous vivons, rien de ce que nous avons pu penser ou dire dans le passé ne compte. Il n'existe plus qu'une seule règle, qui est de répondre à l'amitié par l'amitié et à l'hostilité par l'hostilité. (Applaudissements à l'extrême gauche [NdB : Parti socialiste] et sur divers bancs.)
Politique intérieure, m'a-t-on dit aussi.
Ici, j'imagine que la déclaration ministérielle a le mérite de la franchise. Mais laissez-moi ajouter que nous ne négligerons aucun effort pour faire comprendre aux ouvriers que, si nous combattons le communisme, ce n'est pas à une doctrine qui se présente d'extrême gauche que nous en avons; c'est à un système organisé de trahison. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs.)
En ce qui concerne les communistes, je ne veux plus savoir qu'une chose: ils ont joué contre le pays, ils jouent contre le pays, je les écraserai. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
« Et votre politique sociale ? », vient-on de me dire. C'est une politique dure, oui, messieurs. Il n'y a pas de victoire sans dureté, c'est vrai. Etes-vous sûrs, d'ailleurs, que le pays ne le comprenne pas ?
Seulement, si la dureté est fatale, elle n'est tolérable que dans la justice. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs.)

(Journal officiel du 23 mars 1940)

Dans son intervention, Paul Reynaud justifie l'entrée du Parti socialiste dans son gouvernement et manifeste sa détermination à combattre la trahison communiste : "En ce qui concerne les communistes, je ne veux plus savoir qu'une chose: ils ont joué contre le pays, ils jouent contre le pays, je les écraserai".

● La Chambre vote la confiance en adoptant l'ordre du jour suivant par 256 voix contre 156

"La Chambre, approuvant les déclarations du Gouvernement et confiante en lui pour susciter et diriger toutes les énergies du pays pour vaincre, repoussant toute addition, passe à l'ordre du jour".

(Journal officiel du 23 mars 1940)


25 mars 1940

● Tribune de Léon Blum intitulée "Risques de conflit avec l'URSS"

"NE chicanons pas avec la réalité. La paix cruelle et périlleuse qui vient d'être imposée à la Finlande est une défaite pour la cause alliée. [...]

L'ANGLETERRE et la France ont décidé, le 5 février, dans une réunion de leur Conseil suprême, de ne pas borner à des envois de matériel l'aide prêtée à la Finlande et de mettre à la disposition de l'héroïque petit pays un corps expéditionnaire. Les préparatifs nécessaires ont été ordonnés et exécutés. Toutefois, le départ du corps anglo-français dépendait politiquement et juridiquement d'une demande formelle de la Finlande. Il dépendait pratiquement des facilités de débarquement et de transit octroyées par la Suède et la Norvège. En fait, l'appel exprès n'a jamais été formulé et le corps expéditionnaire n'est pas parti. Les causes qui ont différé et entravé son départ sont complexes, mais au nombre de ces causes figure, sans contredit possible, le caractère équivoque des relations de la Grande-Bretagne et de la France avec la Russie soviétique.

JE précise ma pensée. L'entrée en campagne de divisions anglaises et françaises, agissant comme unités militaires distinctes, pouvait — je dis : pouvait — entraîner comme conséquence la création d'un état de belligérance directe entre l'Angleterre et la France, d'une part, les Soviets de l'autre. En France, cette conséquence était et est encore considérée comme souhaitable par certains groupes politiques, mais en revanche elle était et est encore considérée comme indésirable ou comme redoutable par d'autres groupes.
Les uns réclamaient d'autant plus ardemment une expédition engagée à plein qu'ils y voyaient un moyen plus sûr de déterminer une rupture avec l'U.R.S.S.; les autres, du fait même qu'ils voulaient éviter la rupture, n'envisageaient l'expédition qu'avec un fond d'appréhension et de réticence. [...]
Le sort de la Finlande est maintenant révolu, hélas ! Mais le problème qui pesait hier sur le dénouement du drame finlandais peut se poser demain sur d'autres terrains, dans d'autres régions de l'Europe. Il doit donc être abordé sans détour et résolu sans arrière-pensée. J'apporterai, quant à moi, une conclusion bien nette. Nous n'avons pas à déclarer la guerre aux Soviets; nous n'avons à prendre l'initiative de la guerre avec personne. Nous ne l'avons pas prise avec Hitler; nous n'avons pas à la prendre avec Staline. Mais en revanche, la crainte d'une rupture déclarée avec Staline, d'une belligérance ouverte avec les Soviets ne doit pas entrer en ligne de compte dans les délibérations et dans les actions des Alliés. L'événement ne doit être ni provoqué ni redouté.
« Fais ce que dois », dit le vieil adage.
Que les-Alliés fassent ce qu'ils doivent, en chaque conjoncture. Qu'ils se déterminent selon les inconvénients, et les avantages intrinsèques de chaque décision. Qu'ils aillent droit leur chemin sans égard aux incidences que les uns escomptent et que les autres appréhendent. Si l'entrée en guerre avec les Soviets peut être évitée, tant mieux; si elle ne peut pas l'être, soit ! [...]

JE m'excuse en achevant.
J'ai discuté le plus froidement, le plus sèchement que j'ai pu, comme si je traitais de choses inanimées. Je me suis astreint à oublier, en parlant de Staline et des Soviets, que le sang de la Finlande mutilée est tout frais encore. J'ai écarté tout appel à l'émotion, à la passion. Je souhaite que ma démonstration en paraisse plus convaincante."

(Paris-soir du 25 mars 1940)

Dans une tribune publiée dans le Paris-soir du 25 mars 1940 sur les risques d'un conflit avec l'URSS, après s'être démarqué de ceux qui par principe approuvent ou désapprouvent une guerre entre la France et l'URSS, Léon Blum affirme qu'il soutiendra une entrée en guerre contre les Soviets si les circonstances la justifie comme c'était le cas avec l'intervention soviétique en Finlande.

Pour le dirigeant cet événement "ne doit être ni provoqué ni redouté".


26 mars 1940

● Note de l'URSS informant la France que Iakov Souritz ne sera plus son ambassadeur à Paris

"1° Le gouvernement de l'URSS ne voit pas au fond de raison pour que le gouvernement français ne puisse plus considérer l'ambassadeur soviétique Sourtiz comme persona grata, à cause du contenu du télégramme signé par lui et destiné à Moscou, télégramme dans lequel il n'est même pas fait mention du gouvernement français;

2° Cependant, étant donné que le gouvernement français soulève au sujet de M. Souritz une question formelle de confiance, le gouvernement de l'URSS l'informe que M. Souritz est libéré de ses fonctions d'ambassadeur de l'URSS en France."

(Le Temps du 28 mars 1940)

A Moscou, le vice-commissaire du peuple aux Affaires étrangères, Alexandre Lozovsky, remet à Jean Payart une note dans laquelle le gouvernement soviétique informe le gouvernement français que Iakov Souritz est libéré de ses fonctions d'ambassadeur de l'URSS en France.


28 mars 1940

● Déclaration franco-britannique

Le 6ème Conseil suprême interallié qui se tient le 28 mars 1940 à Londres adopte une Déclaration franco-britannique aux termes de laquelle les gouvernements français et britannique s'engagent à ne pas négocier d'armistice ou de paix séparés avec l'Allemagne.



29 mars 1940

● Discours de Molotov

"Les récents événements de la vie internationale doivent être examinés tout d'abord à la lumière de la guerre qui a éclaté en automne dernier en Europe centrale. Jusqu'à présent, le bloc anglo-français et l'Allemagne n'ont pas connu de grande bataille. L'action s'est bornée à des batailles isolées principalement sur mer et dans l'air. On sait que la volonté de paix exprimée par l'Allemagne à la fin de l'an dernier fut rejetée par les gouvernements de l'Angleterre et de la France, ce qui a eu pour résultat d'intensifier des deux côtés les préparatifs en vue d'élargir les hostilités.
L'Allemagne qui a réuni ces temps derniers jusqu'à 80 millions d'Allemands et qui a ployé sous sa domination certains Etats voisins, s'est de beaucoup renforcée du point de vue militaire; elle est devenue, visiblement, un concurrent dangereux pour les principales puissances impérialistes de l'Europe : l'Angleterre et la France.
C'est pourquoi sous prétexte de remplir leurs obligations envers la Pologne, ces deux pays ont déclaré la guerre à l'Allemagne. Aujourd'hui il apparaît de toute évidence combien les buts réels des gouvernements de ces puissances sont éloignés des intérêts de la défense de la Pologne disloquée ou de la Tchécoslovaquie; témoin, le fait que les gouvernements d'Angleterre et de France ont proclamé que dans cette guerre leur but était d'écraser et de démembrer l'Allemagne, encore que ces desseins continuent d'être dissimulés aux yeux des masses populaires et voilés sous les mots d'ordre de défense des pays « démocratiques » et des « droits » des petits peuples.
L'U.R.S.S. ayant refusé de se faire l'auxiliaire de l'Angleterre et de la France dans l'application de cette politique impérialiste contre l'Allemagne, leur attitude d'hostilité s'est encore accentuée envers l'U.R.S.S., témoignant avec évidence combien profondes sont les racines de classes de la politique hostile des impérialistes à l'égard de l'Etat Socialiste. [...]

[Relations germano-soviétiques]
Le brusque tournant vers de meilleures dispositions survenu dans les rapports entre l'U.R.S.S. et l'Allemagne a trouvé son expression dans le pacte de non-agression signé au mois d'août dernier. Ces nouvelles et bonnes relations soviéto-allemandes se sont pratiquement vérifiées lors des événements qui se sont déroulés dans l'ancienne Pologne, elles ont montré suffisamment leur solidité. Le développement des relations économiques, envisagées, déjà dès l'automne dernier, a trouvé son expression concrète dans la convention commerciale d'août 1939, puis dans celle de février 1940. Les échanges commerciaux entre l'Allemagne et l'U.R.S.S. se sont accrus sur la base de la réciprocité des avantages économiques et tout porte à croire qu'ils se développeront ultérieurement.

[Relations entre l'URSS et les puissances française et anglaise]
[...] La question évidemment est que la politique de neutralité pratiquée par l'U.R.S.S. n'est pas du goût des milieux dirigeants anglo-français. Au surplus ils ont apparemment les nerfs un peu malades. (Rires.) Ils voudraient nous imposer une autre politique, politique d'hostilité et de guerre contre l'Allemagne, politique qui leur permettrait d'utiliser l'U.R.S.S. à des fins impérialistes. Ces Messieurs devraient enfin comprendre que l'U.R.S.S. n'a été et ne sera jamais l'instrument d'une politique étrangère, que l'U.R.S.S. a toujours appliqué et continuera d'appliquer une politique à elle sans s'inquiéter de savoir si cela plait ou non à ces Messieurs des autres pays. (Applaudissements frénétiques et prolongés.)"

Le 29 mars 1940, près de deux semaines après la fin du conflit russo-finlandais, Viatcheslav Molotov, président du Conseil et commissaire aux Affaires étrangères, s'exprime devant le Soviet suprême sur la politique extérieure de l'URSS. 

Dans ce discours consacré essentiellement à la question finlandaise, il rappelle la position de l'URSS dans le conflit qui oppose l'Allemagne aux "principales puissances impérialistes de l'Europe : l'Angleterre et la France".

Tout d'abord, il accuse la France et l'Angleterre d'être les responsables de la guerre au motif qu'elles ont refusé les propositions de Paix formulées par le Chancelier Hitler dans son discours du 6 octobre 1939 célébrant la victoire allemande en Pologne. Ensuite, il dénonce leurs motivations en affirmant qu'elles ne se sont pas engagées dans cette guerre pour respecter leurs engagements vis-à-vis de la Pologne ou détruire l'idéologie nazie mais pour préserver leur hégémonie mondiale des prétentions allemandes. Le bellicisme et l'impérialisme franco-anglais ainsi que le pacifisme allemand ont été au centre de sa précédente intervention devant le Soviet suprême qui date du 31 octobre 1939.

Il évoque aussi les relations avec l'Allemagne. Tout d'abord, il se félicite des "nouvelles et bonnes relations soviéto-allemandes" tant sur le plan politique avec le respect des engagement pris au moment du partage de la Pologne que sur le plan économique avec le développement des échanges commerciaux. Ensuite, évoquant les aspirations franco-anglaises à un rapprochement  avec l'URSS, il affirme que le pouvoir soviétique n'a nullement l'intention de mener une "politique d'hostilité et de guerre contre l'Allemagne".

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