Le 28 septembre 1939, à Moscou, l'URSS et l'Allemagne nazie signent un Traité de frontières et d'amitié qui organise le démembrement de la Pologne et fonde sur ce partage "le développement et le progrès des relations amicales entre leurs peuples".
Preuve supplémentaire de leur alliance, les deux bourreaux du peuple polonais paraphent le même jour une Déclaration conjointe.
Dans ce texte, ils appellent la France et l'Angleterre à approuver leur action en Pologne, s'engagent à faire des "efforts communs" pour "mettre fin à l'état de guerre qui existe entre l'Allemagne d'une part, la France et l'Angleterre d'autre part" et enfin affirment qu'un échec de leurs démarches pour la paix établira le fait que "l'Angleterre et la France sont responsables de la continuation de la guerre".
Un seul parti va apporter son soutien à cette offensive de Paix hitléro-stalinienne : le Parti communiste français. Son objectif : démontrer que sa capacité d'action en faveur de la paix n'a pas été altérée par sa dissolution. Son mode d'action : la mobilisation de sa dernière tribune légale qu'est son groupe parlementaire.
C'est dans ce contexte que le groupe ouvrier et paysan français - anciennement groupe communiste - envoie au président de la Chambre une lettre en date du 1er octobre 1939 dans laquelle il annonce l'imminence de "propositions de paix, dues aux initiatives diplomatiques de l'U.R.S.S." et demande en conséquence l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens".
Dans ce texte, ils appellent la France et l'Angleterre à approuver leur action en Pologne, s'engagent à faire des "efforts communs" pour "mettre fin à l'état de guerre qui existe entre l'Allemagne d'une part, la France et l'Angleterre d'autre part" et enfin affirment qu'un échec de leurs démarches pour la paix établira le fait que "l'Angleterre et la France sont responsables de la continuation de la guerre".
Un seul parti va apporter son soutien à cette offensive de Paix hitléro-stalinienne : le Parti communiste français. Son objectif : démontrer que sa capacité d'action en faveur de la paix n'a pas été altérée par sa dissolution. Son mode d'action : la mobilisation de sa dernière tribune légale qu'est son groupe parlementaire.
C'est dans ce contexte que le groupe ouvrier et paysan français - anciennement groupe communiste - envoie au président de la Chambre une lettre en date du 1er octobre 1939 dans laquelle il annonce l'imminence de "propositions de paix, dues aux initiatives diplomatiques de l'U.R.S.S." et demande en conséquence l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens".
Pour justifier sa démarche, le groupe parlementaire communiste accuse la France et l'Angleterre d'être les responsables de la guerre, dénonce les conséquences d'une guerre longue, condamne la presse belliciste et enfin invoque la diplomatie soviétique.
Le Parti communiste aura la volonté de faire connaître son initiative pacifiste - qualifiée de "coup d'éclat" par Maurice Thorez, secrétaire général du PCF - non seulement à la représentation nationale mais aussi à l'ensemble de la population française. Dans ce but, des copies de la lettre seront envoyées par courrier à tous les députés et des exemplaires supplémentaires seront remis aux correspondants de la presse présents à la Chambre.
La lettre au président Herriot est signée au nom du GOPF par Arthur Ramette et Florimond Bonte, respectivement président et secrétaire général du groupe parlementaire communiste. Député du Nord, le premier est membre du Bureau politique. Député de Paris le second est membre du Comité central.
Par son contenu, la lettre du GOPF provoquera une réaction indignée de la presse, suscitera une condamnation de tous les partis politiques et le plus important aura des conséquences sur le plan judiciaire.
En effet, considérant que la diffusion de cette lettre constitue une infraction au décret de dissolution du PCF, la justice militaire engagera des poursuites contre tous les députés communistes. Elle cherchera aussi à déterminer si l'article 75 du code pénal qui définit la trahison peut s'appliquer à cette initiative qui invoque la diplomatie soviétique.
Dans le premier cas - un délit - la peine d'emprisonnement peut aller jusqu'à 5 ans. Dans le second cas - un crime - la peine de mort peut-être requise.
Jugés au cours d'un procès qui se tient devant le 3e tribunal militaire de Paris du 20 mars au 3 avril 1940, 44 députés communistes, qui ont été déchus de leur mandat en février, sont condamnés à 4 et 5 ans de prison. L'instruction pour trahison, qui au final n'a été retenue que pour les 9 députés en fuite, n'ira pas son terme en raison de la défaite de juin 1940.
En effet, considérant que la diffusion de cette lettre constitue une infraction au décret de dissolution du PCF, la justice militaire engagera des poursuites contre tous les députés communistes. Elle cherchera aussi à déterminer si l'article 75 du code pénal qui définit la trahison peut s'appliquer à cette initiative qui invoque la diplomatie soviétique.
Dans le premier cas - un délit - la peine d'emprisonnement peut aller jusqu'à 5 ans. Dans le second cas - un crime - la peine de mort peut-être requise.
Jugés au cours d'un procès qui se tient devant le 3e tribunal militaire de Paris du 20 mars au 3 avril 1940, 44 députés communistes, qui ont été déchus de leur mandat en février, sont condamnés à 4 et 5 ans de prison. L'instruction pour trahison, qui au final n'a été retenue que pour les 9 députés en fuite, n'ira pas son terme en raison de la défaite de juin 1940.
Célébrée par le Parti communiste comme un succès dans son combat pour la Paix, la lettre du 1er octobre 1939 sera un élément récurent de sa propagande clandestine pendant la guerre de 1939-1940.
Elle sera même publiée pendant l'occupation allemande. Un exemple, un tract de juillet 1940 intitulé "Qui avait raison ?" dans lequel elle sera reproduite sous le titre "Lettre des Députés communistes pour demander la Paix" et précédée d'un texte affirmant notamment :
"Seul le Parti communiste eu le courage de demander la Paix. Le 1er octobre 1939, les députés communistes adressèrent au Président de la Chambre la lettre ci-dessous, dont la publication fut interdite par Daladier.
A la lecture de cette lettre, on peut voir que les communistes avaient raison et faisaient preuve d'une grande clairvoyance. C'est pour cela que les Députés communistes ont été jetés en prison par les fauteurs de guerre.
Mais aujourd'hui, chacun peut comprendre que c'est derrière la Parti communiste, qui a eu le courage de défendre la Paix, que doivent se grouper tous les travailleurs qui veulent en finir avec le capitalisme, générateur de misère et de guerres, tous les Français qui veulent une France libre et indépendante."
Fait particulier : informé de la diffusion de ce tract pacifiste par un dirigeant communiste, les Allemands suggéreront une réédition incorporant des extraits du discours de Hitler du 19 juillet. Les communistes ne donneront aucune suite à cette suggestion...
A défaut de publier la lettre, des textes communistes saluerons l'initiative des camarades députés. Un exemple, un article de septembre 1940 exaltant "La politique de paix des communistes" consacrera un passage à "la lettre historique au Président Herriot" :
"Les communistes en appellent au pays. Ils demandent au président de la Chambre de convoquer l'Assemblée. Ils se proposent de dire qu'il faut mettre un terme à une guerre injuste qui est sortie d'une diplomatie criminelle. Ils entendent affirmer que la négociation avec l'Allemagne et la collaboration avec l'Union Soviétique doivent être l'assise solide de la Paix."
Le présent texte se compose de huit parties. La Partie I portera sur
la création du GOPF et son "coup d'éclat" : la lettre au président Herriot. La
Partie II analysera le contenu de cette lettre. Dans la Partie III, on
exposera les réactions de la presse. La Partie IV aura pour objet les critiques
formulées par deux députés communistes : Renaud Jean et Marcel Capron.
Dans
la Partie V, on évoquera les propositions de Paix formulées par Hitler le 6 octobre 1939 et leur
rejet par la France et l'Angleterre. La Partie VI sera consacrée à la
procédure judiciaire engagée par la justice militaire contre le GOPF.
Dans les Parties VII et VIII, on montrera que la lettre au président Herriot a été
un élément important de la propagande pacifiste du PCF non seulement
pendant la guerre de 1939-1940 mais aussi au cours de l'occupation
allemande.
Partie I
Groupe ouvrier et paysan français
Le 26 septembre 1939, soit trois semaines après le début de la guerre contre l'Allemagne nazie, le Conseil des ministres adopte sur la proposition du ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut, radical-socialiste, un décret-loi prononçant la dissolution du Parti communiste français
Nouvelle mesure visant le PCF après la suspension de sa presse consécutive à son approbation du Pacte germano-soviétique du 23 août 1939, cette décision du gouvernement dirigé par Edouard Daladier, radical-socialiste, est une réaction à l'invasion de la Pologne par l'Armée rouge le 17 septembre.
Le Parti communiste n'a pas condamné cette agression. Mieux, un communiqué de presse (censuré) de son groupe parlementaire l'a approuvée.
Elément supplémentaire sur le contexte. Le 21 septembre, au terme d'une réunion à laquelle ont participé les dirigeants non mobilisés, le Comité central du PCF a adopté une résolution intitulée "Il faut faire la Paix".
Premier plaidoyer du Parti communiste en faveur de la Paix, cette résolution témoignait du revirement de sa ligne politique qui était consécutif aux Instructions de l'IC du 9 septembre. Reçues à la mi-septembre, ces Instructions demandaient au PCF d'abandonner sa ligne favorable à la défense nationale et de s'engager dans la lutte contre la guerre impérialiste. Compte tenu de sa diffusion limitée, le manifeste "Il faut faire la Paix" n'a pas connu une grande publicité. Pour la presse, le premier texte pacifiste du PCF sera la lettre du 1er octobre 1939.
Le 27 septembre, jour de la publication du décret de dissolution, les députés du groupe communiste décident de former un nouveau groupe parlementaire.
Ce nouveau groupe est formellement constitué le lendemain sous le nom de groupe ouvrier et paysan français. Sa création est annoncée au Journal officiel du 29 septembre 1939. Pour marquer son absence de tout lien avec la IIIe Internationale son programme fait référence à la plateforme de 1880 du Parti ouvrier français de Jules Guesde.
Sur les 74 députés communistes issus des élections législatives de 1936 et des partielles qui les ont suivi, 53 rejoindront le GOPF. Les autres n'y adhéreront pas soit parce qu'ils sont mobilisés (18) soit parce qu'ils ont rompu avec le PCF (3).
"Coup d'éclat"
Le 28 septembre, à Moscou, l'URSS et l'Allemagne signent un Traité de frontières et d'amitié qui organise le démembrement de la Pologne et fonde sur ce partage "le développement et le progrès des relations amicales entre leurs peuples".
Comme le Pacte germano-soviétique du 23 août 1939, ce traité porte les signatures de Ribbentrop et de Molotov, ministres des Affaires étrangères du Reich et de l'Union soviétique.
Preuve supplémentaire de leur alliance, les deux bourreaux du peuple polonais paraphent le même jour une Déclaration conjointe.
Preuve supplémentaire de leur alliance, les deux bourreaux du peuple polonais paraphent le même jour une Déclaration conjointe.
Dans ce texte, ils appellent la France et l'Angleterre à approuver leur action en Pologne, s'engagent à faire des "efforts communs" pour "mettre fin à l'état de guerre qui existe entre l'Allemagne d'une part, la France et l'Angleterre d'autre part" et enfin affirment qu'un échec de leurs démarches pour la paix établira le fait que "l'Angleterre et la France sont responsables de la continuation de la guerre".
Un seule formation politique va apporter son soutien à cette offensive de Paix hitléro-stalinienne : le Parti communiste français. Son objectif : démontrer que sa capacité d'action en faveur de la Paix n'a pas été altérée par sa dissolution. Son mode d'action : la mobilisation de sa dernière tribune légale qu'est son groupe parlementaire.
C'est dans ce contexte que le 30 septembre, le groupe ouvrier et paysan français se réunit pour débattre d'une initiative en faveur de la Paix. Au terme de cette réunion, à laquelle n'ont pas participé les élus mobilisés ou retenus dans leur circonscription, les députés communistes approuvent le principe d'envoyer une lettre au président de la Chambre. A la réunion du lendemain, le texte préparé par Florimond Bonte n'est pas retenu et c'est finalement Jacques Duclos, député de la Seine et secrétaire du PCF, qui rédige le texte définitif de cette lettre.
Datée du 1er octobre 1939, la lettre au président Herriot est signée au nom du groupe ouvrier et paysan français par Arthur Ramette et Florimond Bonte, respectivement président et secrétaire général du groupe parlementaire communiste.
Cette démarche des parlementaires communistes est une décision de la direction du PCF. Deux éléments permettent de l'attester.
Tout d'abord, le rôle prééminent de Jacques Duclos. Le n° 2 du Parti communiste a nous seulement soumis l'idée de la lettre à ses camarades mais il a aussi été le rédacteur du texte.
Ensuite, l'accord de Maurice Thorez, alors mobilisé. Dans ses notes rédigées en novembre 1939 à Moscou, le secrétaire général du PCF qui a déserté au mois d'octobre indique qu'il a approuvé l'initiative de Jacques Duclos d'adresser une lettre au président Herriot et qualifie cette lettre de "coup d'éclat" en faveur de la Paix :
"Puis est venue interdiction du Parti
Alors Jacques a réalisé et recherché l'occasion coup d'éclat
Ce fut lettre Herriot
manifestation que j'ai approuvé
- le Parti contre la guerre
- le Parti fidèle U.S [Union Soviétique]
- le Parti pour respects droits et liberté". (1)
Alors Jacques a réalisé et recherché l'occasion coup d'éclat
Ce fut lettre Herriot
manifestation que j'ai approuvé
- le Parti contre la guerre
- le Parti fidèle U.S [Union Soviétique]
- le Parti pour respects droits et liberté". (1)
La lettre du GOPF est remise au président de la Chambre le 2 octobre. Pour en assurer la publicité elle aussi communiquée à la presse et envoyée par voie postale à tous les députés.
Par son contenu, elle provoquera une réaction indignée de la presse, une condamnation de tous les partis politiques et le plus important l'ouverture d'une procédure judiciaire pour infraction au décret de dissolution du PCF.
(1) Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes, Le PCF 1938-1941 n° 14, 1983 p. 127.
Marcel Brout
A peine constitué le GOPF connaît le 29 septembre sa première défection : Marcel Brout. La démission du député de la Seine est motivée par la signature la veille du Traité de frontières et d'amitié germano-soviétique comme le rapporte Le Matin du 1er octobre 1939 :
"M. Marcel Brout, député de la Seine, vient d'informer M. Ramette, président du nouveau groupe « ouvrier et paysan français », qu'il ne fait plus partie de ce groupe, étant en désaccord avec ses collègues sur le nouveau pacte germano-soviétique qui conclut à l'aide effective de l'Union soviétique à l'Allemagne hitlérienne et qui lui parait être l'aboutissement du premier pacte signé.
M. Brout a exposé dans les couloirs de la Chambre qu'avant la dissolution du parti communiste, il avait indiqué que, s'il avait la conviction que la position de l''URSS consistait à apporter son concours à l'Allemagne hitlérienne pour la poursuite de la guerre, il ne continuerait plus sa collaboration au groupe parlementaire.
C'est pour se conformer à cette déclaration qu'il se retire du groupement qui s'est substitué au groupe communiste et auquel il avait donné son adhésion avant la signature du nouvel accord de Moscou qu'il réprouve."
Lettre au président Herriot
Le lundi 2 octobre 1939, le groupe ouvrier et paysan français remet au président de la Chambre des députés la lettre suivante :
Paris, le 1er octobre 1939
Monsieur le Président,
La France va se trouver incessamment en présence de propositions de paix.
A la seule pensée que la paix prochaine pourrait être possible, une
immense espérance soulève le peuple de notre pays qu'angoisse la
perspective d'une guerre longue qui ensevelirait les trésors de la
culture humaine sous des monceaux de ruines et coûterait la vie à des
millions d'hommes, de femmes et d'enfants confondus dans le massacre.
A peine
a-t-on parlé de ces propositions de paix, dues aux initiatives
diplomatiques de l'U.R.S.S., qu'une presse dirigée a répondu avec
ensemble : non !
Est-il
possible que des journalistes ne détenant aucun mandat de la nation
puissent froidement trancher en faveur de la continuation de la guerre
jusqu'au bout ?
Est-il
possible que des propositions de paix puissent être rejetées avant même
d'être connues et sans que la représentation nationale et souveraine
ait été consultée ?
Nous
ne le pensons pas quant a nous, et nous vous demandons, en tant que
Président de la Chambre, d'intervenir auprès des Pouvoirs Publics pour
demander :
1° que le Parlement soit appelé à délibérer en séance publique sur le problème de la paix ;
2°
que les parlementaires aux Armées puissent prendre part aux
délibérations sur cette question capitale, d'où dépend la vie ou la mort
de millions de Français.
Chaque
Français veut la paix, car il sent qu'une guerre de longue durée serait
terrible pour notre pays et compromettrait à la fois son avenir et ses
libertés démocratiques.
II
faut absolument empêcher qu'on puisse rejeter a priori des propositions
de paix, et nous conduire, par cela même, à l'aventure et aux pires
catastrophes.
Nous voulons de toutes nos forces une paix juste et durable et nous
pensons qu'on peut l'obtenir rapidement, car en face des fauteurs de
guerre impérialistes et de l'Allemagne hitlérienne en proie à des
contradictions internes, il y a la puissance de l'Union soviétique qui
peut permettre la réalisation d'une politique de sécurité collective
susceptible d'assurer la paix et la sauvegarde de l'indépendance de la
France.
Voila
pourquoi nous avons conscience de servir les intérêts de notre pays en
demandant que les propositions de paix qui vont être faites à la France
soient examinées avec la volonté d'établir au plus vite une paix juste,
loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos
concitoyens.
Pour le Groupe ouvrier et paysan français,
Le secrétaire général : Le président :
F. BONTE, Député. A. RAMETTE, Député.
|
"Une paix juste, loyale et durable"
Dans sa lettre au président Herriot, le groupe ouvrier et paysan français annonce l'imminence de "propositions de paix, dues aux initiatives diplomatiques de l'U.R.S.S." et demande en conséquence l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens".
Accessoirement, il souhaite que "les parlementaires aux Armées"
puissent participer aux délibérations de la Chambre. Ainsi, dans l'hypothèse d'un vote sur des propositions de Paix, le Parti
communiste pourra compter sur les voix de ses 22 députés mobilisés parmi
lesquels figure son secrétaire général : Maurice Thorez.
Pour justifier sa démarche en faveur de la Paix, le groupe parlementaire communiste accuse la France et l'Angleterre d'être les responsables de la guerre, dénonce les conséquences d'une guerre longue, condamne la presse belliciste et enfin invoque la diplomatie soviétique.
Responsabilité franco-anglaise dans le déclenchement du conflit
La lettre des députés communistes accuse la France et l'Angleterre d'être des "fauteurs de guerre impérialistes". En revanche elle ne formule aucune accusation contre l'Allemagne d'Hitler qui est simplement décrite comme un pays "en proie à des contradictions internes". Conclusion, les responsables de la guerre sont la France et l'Angleterre !!!
Les élus du PCF ne font aucune référence aux motifs pour lesquels la France est entrée en guerre : la défense de la Pologne, la lutte contre le nazisme, la sécurité de son territoire.
Conséquences d'une guerre longue
Pour susciter l'adhésion de la population française et de la représentation nationale à leur démarche en faveur d'une Paix immédiate avec l'Allemagne, les députés communistes affirment "qu'une guerre de longue durée serait terrible pour notre pays et compromettrait à la fois son avenir et ses libertés démocratiques".
Ils insistent sur ce point en dénonçant "la perspective d'une guerre longue qui ensevelirait les trésors de la
culture humaine sous des monceaux de ruines et coûterait la vie à des
millions d'hommes, de femmes et d'enfants confondus dans le massacre".
Presse belliciste
Les
députés communistes condamnent la presse pour son opposition à toute négociation de paix franco-allemande en soulignant que son bellicisme s'explique par sa soumission au gouvernement :
"une presse dirigée a répondu avec ensemble : non ! Est-il possible que des journalistes ne détenant aucun mandat de la nation puissent froidement trancher en faveur de la continuation de la guerre jusqu'au bout ?"
La lettre envoyée au président Herriot sera fustigée dans tous les journaux de la presse parisienne, preuve supplémentaire pour les communistes qu'elle est aux ordres des fauteurs de guerre qui abreuvent la population de
bobards.
Au début de juillet 1940, le Parti communiste diffusera le tract "Les bourreurs de crâne au pilori" dans lequel il plaidera en faveur de la reparution légale de l'Humanité, c'est-à-dire sous censure allemande, en dénonçant les mensonges de la presse belliciste pendant la guerre de 1939-1940 :
"Pour conduire la France au désastre une bande de malfaiteurs publics a
trompé le peuple de notre pays. On l'a trompé sur la force de notre
armée, on l'a trompé sur la politique des communistes présentés comme
des traîtres, alors qu'ils étaient les seuls à lutter pour la Paix, en
Français clairvoyants et en militants courageux. On l'a trompé ce pauvre
peuple de France, de la façon la plus ignoble."
Diplomatie soviétique
La lettre au président Herriot célèbre l'URSS pour son action en faveur de la Paix. Tout d'abord, elle indique que les propositions de paix que le France va recevoir sont "dues aux initiatives diplomatiques de l'URSS".
Ensuite, elle souligne que "la puissance de l'Union soviétique" non seulement permettra au gouvernement français de conclure "rapidement" un traité de Paix avec Hitler mais en plus garantira la pérennité de cette Paix dans le cadre "d'une politique de sécurité collective".
Gabriel Péri
Membre du groupe ouvrier et paysan français, Gabriel Péri affirmera sans aucune équivoque dans un article de septembre 1940 - "La politique de paix des communistes" - que la démarche du groupe parlementaire communiste avait pour finalité la conclusion d'un traité de paix franco-allemand avec le parrainage de l'URSS :
"Les communistes en appellent au pays. Ils demandent au président de la Chambre de convoquer l'Assemblée. Ils se proposent de dire qu'il faut mettre un terme à une guerre injuste qui est sortie d'une diplomatie criminelle. Ils entendent affirmer que la négociation avec l'Allemagne et la collaboration avec l'Union Soviétique doivent être l'assise solide de la Paix."
On consacrera un plus long développement à cet article dans la Partie "Propagande communiste pendant l'occupation allemande".
Partie III
Indignation de la Presse
Le jour même où il remet sa lettre au président Herriot - le 2 octobre - le groupe parlementaire communiste la communique aux correspondants de la presse présents à la Chambre avec un objectif précis : susciter l'adhésion de la population française à sa démarche en faveur de la Paix.
En dépit d'une censure incohérente autorisant ou non la mention de la lettre, la publication d'extraits ou encore des commentaires, la presse parisienne du lendemain condamnera dans son ensemble cette initiative du Parti communiste comme le montrent ces titres :
"Les communistes français complices en pleine guerre de Hitler et de Staline" (Le Matin), "Tollé général au Parlement contre les agissements de l'ex-parti communiste" (Le Petit Parisien), "Un peu de décence SVP" (Le Populaire), "Une odieuse manœuvre des députés communistes" (L'époque), "Une manifestation de propagande" (Le Temps), "L'offensive de Paix - Une lettre du Groupe ouvrier et paysan" (Le Figaro), "Intelligences avec l'ennemi" (Paris-Soir), "Il faut en finir avec la trahison !" (La Justice), "Aux ordres de Staline - Un manifeste des députés du groupe « ouvrier et paysan » ex-communiste" (La Croix), "Intelligences avec l'ennemi" (Le Journal), "Agents de l'ennemi" (L'intransigeant), "Les Staliniens français au secours de l'offensive de Paix germano-soviétique" (Le Petit Journal).
"Les communistes français complices en pleine guerre de Hitler et de Staline" (Le Matin), "Tollé général au Parlement contre les agissements de l'ex-parti communiste" (Le Petit Parisien), "Un peu de décence SVP" (Le Populaire), "Une odieuse manœuvre des députés communistes" (L'époque), "Une manifestation de propagande" (Le Temps), "L'offensive de Paix - Une lettre du Groupe ouvrier et paysan" (Le Figaro), "Intelligences avec l'ennemi" (Paris-Soir), "Il faut en finir avec la trahison !" (La Justice), "Aux ordres de Staline - Un manifeste des députés du groupe « ouvrier et paysan » ex-communiste" (La Croix), "Intelligences avec l'ennemi" (Le Journal), "Agents de l'ennemi" (L'intransigeant), "Les Staliniens français au secours de l'offensive de Paix germano-soviétique" (Le Petit Journal).
Deux cas particuliers. Tout d'abord L'Action Française mentionne la démarche des députés communistes dans son numéro du 4 octobre ("Un manifeste communiste")
en précisant que cette information a été supprimée de l'édition de la
veille par la censure. Constatant que cette censure n'a pas visé les
autre journaux, un article à la une est spécifiquement consacré à ce
fait : "La censure exagère".
Ensuite, L'Homme libre. Son directeur, Henri Dié, dénonce "l'invraisemblable lettre" des parlementaires communistes dans son éditorial du 4 octobre intitulé "Les mauvais manœuvriers de la Paix" en soulignant que son article de la veille a été censurée : "La Censure ne m'a pas permis hier la plus chétive allusion à ce texte effarant qui témoigne d'une méconnaissance profonde et congénitale de l'opinion française".
Pour illustrer les différences de ton dans cette condamnation unanime de la lettre au président Herriot, on citera Le Matin du 3 octobre 1939 (journal conservateur) et l'éditorial de Léon Blum publié dans Le Populaire du 4 octobre 1939 (organe central de la SFIO).
Le Matin
Dans son numéro du 3 octobre 1939, Le Matin dénonce l'initiative des députés communistes comme un "crime d'intelligence avec l'ennemi" et plaide pour leur exclusion de la Chambre :
Les communistes français
complices en pleine guerre de Hitler et de Staline
Le
29 septembre dernier, Ribbentrop et Molotov signaient un accord pour se
partager le produit de leur assassinat de la Pologne et jetaient les
bases de l'offensive de paix, seule susceptible de leur permettre de
jouir de l'impunité pour leur crime.
Tous
les honnêtes gens ont tressailli d'indignation et déclaré qu'un marché
aussi honteux ne pouvait pas être envisagé un seul instant par la
Grande-Bretagne et la France.
Or,
hier, 2 octobre, d'ordre de leurs maîtres, les communistes français
viennent d'intervenir. Au nom des quarante-trois fidèles qui ont donné
leur adhésion au nouveau parti « ouvrier et paysan français » , MM.
Ramette et Florimond Bonte, président et secrétaire général du groupe
parlementaire, ont osé adresser à M Herriot, président de la Chambre des
députés, une lettre dans laquelle ils lui demandent d'intervenir auprès
des pouvoir publics pour que « le Parlement soit appelé délibérer en
séance publique sur le problème de la paix et que les parlementaires aux
armées puissent prendre part aux délibérations ». Et ils ne craignent pas d'écrire :
« Il faut absolument empêcher qu'on puisse rejeter à priori des propositions de paix et nous conduire par cela même à l'aventure et aux pires catastrophes.
Nous voulons de toutes nos forces une paix juste et durable et nous pensons qu'on peut l'obtenir rapidement, car en face des fauteurs de guerre impérialistes et de l'Allemagne hitlérienne en proie à des contradictions internes, il y a la puissance de l'Union soviétique qui peut permettre la réalisation d'une politique de sécurité collective susceptible d'assurer la paix et de sauvegarder l'indépendance de la France. »
La
collusion ne pouvait s'étaler plus cyniquement. Les communistes
français, en pleine guerre, se font les complices de Hitler et de
Staline pour tenter de désarmer la France.
C'est le crime d'intelligence avec l'ennemi commis délibérément et par ordre.
Il
est inutile de dire que, dès que le texte de cette lettre fut connu
dans les couloirs du Palais-Bourbon, une vague de dégoût déferla
aussitôt.
Si la France est saisie de propositions de paix, il est infiniment probable que le gouvernement ne manquera pas d'en saisir le Parlement. Mais il serait inadmissible que des agents de l'étranger puissent prendre part au vote. L'opinion ne le tolérerait pas.
Il n'appartient qu'aux Français de parler au nom de la France et l'attitude prise par les salariés de Moscou ne pourrait que renforcer encore, s'il en était nécessaire, l'unanimité des véritables représentants de la nation.
|
Leon Blum
Dans son éditorial "La règle et le joug" publié dans Le Populaire du 4 octobre 1939, Léon Blum exprime le dégoût ("haut-le-coeur") qu'il a éprouvé à la lecture de lettre du GOPF avant de montrer qu'elle est une parfaite illustration de "l'omni-obéissance" des communistes autrement dit de leur totale soumission à Staline :
La Règle et le Joug
QUAND
un ami m'a lu au téléphone la lettre adressée à Herriot par les députés
ex-communistes, j'ai arrêté le lecteur au bout de deux phrases. Un
haut-le-coeur m'avait soulevé : je n'en aurais pas supporté davantage.
Administrés à cette dose, le cynisme et l'hypocrisie sont physiquement
intolérables, et l'estomac les rejette comme un aliment altéré. Mais il
faut passer outre à ce mouvement de dégoût instinctif; il faut réfléchir
et juger. Or, à la réflexion, ce qu'il y a de plus grave dans la
démarche des députés ex-communistes, ce n'est pas le cynisme et
l'hypocrisie, c'est la servilité, c'est ce que j'appelais l'autre jour
l'omni-obéissance.
Reportons-nous
à l'attitude qu'ils avaient affichée depuis plus de quatre ans - et
surtout depuis l'an passé - à la face du pays. Qui donc aurait dû
rejeter plus catégoriquement qu'eux l'offre de paix hitlérienne ? Qui
donc aurait dû dénoncer avec plus de rudesse et de mépris toute
complaisance préalable à une offre de cette nature ? Tous les thèmes
connus de leurs campagnes trouvaient leur place; toutes les formules
usuelles étaient de mise : soumission aux diktats de la force, prime à
l'agression, commerce honteux avec le fascisme hitlérien, chantage à la
guerre, récidive des « Munichois » et des « capitulards »... Pour ne pas
rompre avec toute leur conduite passée, voilà celle qu'ils auraient dû
tenir aujourd'hui. Eh bien, non ! Du moment que l'offre hitlérienne se
présente sous le patronage et avec l'aval de Staline, les députés
ex-communistes y adhèrent, y applaudissent, la cautionnent, la
propagent. Les hommes qu'ils dénoncent à présent comme les ennemis du
pays, comme les ennemis de la paix, ce sont ceux qui opposent à l'offre
de Hitler une répugnance préalable. Staline a paru; Staline a parlé;
cela suffit.
Ce
qui est vraiment grave, c'est cette détermination exacte, rigoureuse,
totale, de la pensée et des actes des députés ex-communistes par la
pensée et les actes de Staline, c'est ce caractère absolu de
l'obédience. Je conviens qu'un tel état de choses n'a rien de neuf. Il y
a une douzaine d'années, à cette même place, je me rappelle avoir
discuté les thèses du malheureux Boukharine sur les devoirs du
prolétariat européen en temps de guerre. Le devoir de chaque prolétariat
national, disait en substance Boukharine, dépend de la position prise
par l'U.R.S.S; vis-à-vis de chaque nation d'Europe. Le prolétariat d'un
pays que l'U.R.S.S. considère comme un allié est patriote et soutient à
fond son propre gouvernement; le prolétariat d'un pays que l'U.R.S.S.
traite avec inimitié ou méfiance pratique le défaitisme révolutionnaire.
C'est bien simple; nul besoin de se creuser la cervelle. Staline
protège aujourd'hui la paix de Hitler; le prolétariat français doit donc
se déclarer pour la paix de Hitler tout comme Staline ! Que demain
l'U.R.S.S. se rapproche de la France - car tout est possible - et l'on
assistera à la contre-épreuve : on verra si les députés ex-communistes
tardent à reprendre leur place au premier rang des « durs » !...
Boukharine a été fusillé par Staline, et pourtant ce sont les thèses de
Boukharine qu'appliquent les staliniens.
On
me dira peut-être : « Mais vous saviez tout cela; vous n'avez pu
l'oublier si vite, et pourtant vous avez travaillé à l'unité d'action
entre socialistes et communistes, vous avez travaillé à la constitution
du Front Populaire entre socialistes, communistes et radicaux ? Comme
chef de gouvernement, vous vous êtes exposé sciemment aux pires
difficultés plutôt que de rompre avec les communistes, que de les
rejeter hors de la majorité... » Ma justification est simple. Elle tient
avant tout dans les attaques dirigées du dedans et du dehors, il y a
cinq ou six ans, contre les libertés républicaines et que seule une
coalition de toutes les forces démocratiques et ouvrières pouvait alors
tenir en échec. Sans doute aussi avais-je conservé au fond de moi-même
l'espoir tenace d'une réunification possible, quels qu'en fussent le
moment ou le mode, du prolétariat français. Et puis enfin, comme tant
d'autres - qui n'étaient pas tous des socialistes - j'avais cru à un
changement profond, à une sorte de renouvellement de la pensée et de la
tactique sous l'effet de l'expérience acquise... Eh bien, non; il y a
quelque chose de permanent; il y a quelque chose d'incorrigible. La
règle était restée ce qu'elle était; le joug était resté ce qu'il était.
Puisse cette dernière palinodie, plus scandaleuse encore que les
précédentes affranchir de la règle et délivrer du joug ceux qui n'ont
pas entièrement perdu le sens du devoir ouvrier et de la solidarité
nationale.
LEON BLUM.
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Partie IV
Renaud Jean et Marcel Capron
Député du Lot-et-Garonne, Renaud Jean participe à la réunion du groupe communiste du 27 septembre. Informé qu'un nouveau groupe va être constitué sous le nom de groupe ouvrier français, il donne son adhésion et suggère l'ajout du mot paysan à la nouvelle dénomination.
Rentré dans sa circonscription, il est revient à Paris dans la soirée du 2 octobre. Le lendemain, il prend connaissance dans la presse que ses camarades ont envoyé une lettre au président Herriot. A la réunion du groupe, il manifeste son désaccord avec le contenu de la lettre en contestant la référence à l'URSS et l'approbation sans condition de toute proposition de paix. Il veut que le groupe clarifie sa position en envoyant une seconde lettre dans laquelle il sera affirmé qu'il appartient au Parlement de débattre de toute offre de paix formulée par l'ennemi et que les communistes n'ont qu'un seul but : la lutte contre l'hitlérisme.
Ce projet d'une seconde lettre est de nouveau discuté à la réunion du 4 octobre. Il n'aura aucune suite malgré le soutien de plusieurs députés et les menaces de démission formulées par Renaud Jean et Marcel Capron, député-maire d'Alfortville dont la dernière apparition à la Chambre remonte au 27 septembre.
.
Cette réunion sera la dernière du groupe parlementaire communiste. Le lendemain, la justice militaire engagera des poursuites contre le GOPF.
Par fidélité à ses camarades, Renaud Jean restera solidaire de la lettre envoyée au président Herriot. Gardant dans le privé tous ses désaccords, il ne répondra pas aux questions du magistrat instructeur sur les réunions des 3 et 4 octobre. En revanche, au cours du procès qui se tiendra en mars-avril 1940, il refusera de signer avec quatre de ses camarades la déclaration qui sera lue par François Billoux au nom de tous les accusés et dans laquelle sera réaffirmée l'opposition du PCF à la guerre ainsi que sa fidélité à l'IC, à l'URSS et à Staline.
Quant à Marcel Capron, fidèle à sa parole, il enverra sa lettre de démission à la questure de la Chambre le 8 octobre. Jugée irrégulière, elle sera rejetée. Le 11, il enverra une nouvelle démission qui sera acceptée. Son retrait du groupe ouvrier et paysan français sera mentionnée au Journal officiel du 15 octobre 1939.
Partie V
"Paix de trahison"
Le 6 octobre 1939, le chancelier Hitler célèbre la victoire allemande en Pologne dans un discours prononcé devant le Reichstag.
Formulant à la fin de son intervention des propositions de Paix, le dictateur nazi avance l'idée d'une conférence internationale sur l'organisation politique et économique du continent européen ainsi que sur... son désarmement en posant une exigence identique à celle contenue dans la déclaration germano-soviétique du 28 septembre : la France et l'Angleterre doivent approuver le partage de la Pologne entre l'Allemagne nazie et la Russie soviétique.
Dans son allocution radiodiffusée le 10 octobre, le président du Conseil, Edouard Daladier, rejettera les propositions de paix allemandes et condamnera les communistes pour leur soutien à une "paix allemande" qui n'est qu'une "paix de trahison" :
"Il y a quelques semaines à peine que les chefs communistes se
présentaient à vous comme de farouches patriotes. C'étaient, à les
entendre, de nouveaux Jacobins. Ils n'avaient pas de mots assez durs et
même pas assez d'injures pour flétrir les efforts pacifiques du
gouvernement.
Ils
annonçaient dans les meetings qu'ils seraient à la pointe du combat
contre Hitler et contre ses armées, pour la liberté, pour la patrie, et
il a suffi que les bolchevistes trouvent leur intérêt à s'entendre avec
les nazis et à partager avec eux la Pologne pour que ces mêmes grands
patriotes fassent l'apologie d'une paix de trahison [Lettre du 1er octobre 1939]. [...]
Ni
la France ni la Grande-Bretagne, en effet, ne sont entrées en guerre
pour soutenir une sorte de croisade idéologique. Ni la France ni la
Grande-Bretagne ne sont davantage entrées en guerre par esprit de
conquête. Elles ont été obligées de
combattre parce que l'Allemagne veut leur imposer sa domination sur
l'Europe. [...]
Je
sais bien qu'on vous parle aujourd'hui de paix, de la paix allemande,
d'une paix qui ne ferait que consacrer les conquêtes de la ruse ou de la
violence et n'empêcherait nullement d'en préparer de nouvelles.
A quoi se résume en effet le dernier discours du Reichstag
[Discours du 6 octobre 1939] ? A ceci : J'ai anéanti la Pologne, je suis satisfait, arrêtons le
combat, tenons une conférence pour consacrer mes conquêtes et organiser
la paix. [...]
Certes, nous avons toujours désiré et nous désirons toujours qu'une
collaboration sincère et une entente loyale puissent être établies entre
les peuples, mais nous sommes résolus à ne pas nous soumettre aux «
diktats » de la violence. Nous avons pris les armes contre l'agression;
nous ne les reposerons que lorsque nous aurons des garanties certaines
de sécurité, d'une sécurité qui ne soit pas mise en question tous les six mois. [...]
La France, à qui la guerre a été imposée, tient au combat le même
langage qu'elle a toujours tenu. J'affirme donc, en votre nom, que nous
combattons et que nous continuerons à combattre pour obtenir une
garantie définitive de sécurité."
De même, dans son discours prononcé à la Chambre des Communes le 12 octobre, le premier ministre anglais, Neville Chamberlain, repoussera les proposition de paix du Chancelier Hitler :
"Il
faut en conclure que les propositions que présente le chancelier du
Reich pour ce qu'il appelle « la certitude de la sécurité européenne »
doivent être fondées sur la reconnaissance de ces conquêtes et le droit
de faire de ceux qu'il a vaincus ce que bon lui semblera. Il serait
impossible à la Grande-Bretagne d'accepter aucune base de ce genre sans
forfaire à l'honneur et abandonner sa thèse que les différends
internationaux doivent être réglés par la discussion et non pas par la
force. [...]
Ce
ne fut donc pas dans un dessein de vengeance que nous sommes entrés
dans cette guerre, mais tout simplement pour la défense de la liberté.
Ce n'est pas seulement la liberté des petites nations qui est en jeu. Ce
qui est également menacé, c'est l'existence, dans la paix, de la
Grande-Bretagne, des Dominions, de l'Inde, de tout l'Empire britannique,
de la France et, en fait, de tous les pays épris
de liberté. Quel que soit le résultat de cette lutte et quelle que soit
la façon dont on y mettra fin, le monde ne sera plus celui que nous
aurons connu auparavant. [...]
Les
propositions contenues dans le discours du Chancelier sont vagues,
indéfinies et ne comportent aucune suggestion tendant à la réparation
des torts infligés à la Tchéco-Slovaquie et à la Pologne.
Même
si les propositions de M. Hitler étaient définies et contenaient des
suggestions en vue du redressement de ces torts, il faudrait encore se
demander par quels moyens pratiques le gouvernement allemand se propose
de convaincre le monde que désormais l'agression cessera et que les
engagements pris seront tenus. L'expérience passée nous a démontré qu'il
est impossible d'avoir confiance dans les promesses du gouvernement
allemand actuel. Et c'est pourquoi, il faut maintenant plus que des
paroles, il faut des actes pour que nous, les peuples britanniques et la
France, notre vaillante et fidèle alliée, soyons fondés à mettre fin à
des opérations de guerre que nous entendons poursuivre avec le maximum
de nos forces."
Le refus de la France et de l'Angleterre de reconnaître comme un fait acquis le partage de la
Pologne entre l'Allemagne et l'URSS et donc d'engager des négociations
de Paix avec Berlin marque l'échec à la fois de la diplomatie soviétique
et de l'initiative pacifiste des députés communistes.
Partie VI
Justice militaire
Le 5 octobre 1939, sur les instructions du général Héring, gouverneur militaire de Paris, le colonel Loriot, commissaire du gouvernement auprès du 3e tribunal militaire de Paris, ouvre une information judiciaire contre Arthur Ramette et Florimond Bonte - les deux signataires de la lettre au président Herriot - et tous autres que l'information fera connaître pour infraction au décret de dissolution du Parti communiste.
Cette information judiciaire est confiée au capitaine de Moissac, juge d'instruction au 3e tribunal militaire de Paris.
Jugeant que la constitution du groupe ouvrier et paysan français est une infraction à l'article 1 du décret de dissolution qui proscrit toute activité ayant pour objet de propager les mots d'ordre de la IIIe Internationale et que la lettre au président Herriot est une infraction à l'article 3 du même décret qui interdit la publication, la circulation et la distribution des écrits tendant à propager les mots d'ordre de la IIIe Internationale, le magistrat instructeur inculpera en quelques jours tous les membres du GOPF, à l'exception de Mercier.
Jugeant que la constitution du groupe ouvrier et paysan français est une infraction à l'article 1 du décret de dissolution qui proscrit toute activité ayant pour objet de propager les mots d'ordre de la IIIe Internationale et que la lettre au président Herriot est une infraction à l'article 3 du même décret qui interdit la publication, la circulation et la distribution des écrits tendant à propager les mots d'ordre de la IIIe Internationale, le magistrat instructeur inculpera en quelques jours tous les membres du GOPF, à l'exception de Mercier.
Le décret de dissolution prévoit que toute infraction à ses articles est un délit qui sera punie d'un an à cinq ans de prison et de 100 à 5 000 francs d'amende. Peine accessoire : la privation des droits civiques, civils et de famille.
Dans son enquête, le capitaine de Moissac tentera aussi de déterminer si la lettre des députés communiste relève des articles 75 et suivants du code pénal qui définissent les crimes de trahison et d'atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat.
Dans son enquête, le capitaine de Moissac tentera aussi de déterminer si la lettre des députés communiste relève des articles 75 et suivants du code pénal qui définissent les crimes de trahison et d'atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat.
Sa réflexion le portera à envisager que la lettre au président Herriot contrevient :
- soit à l'article 75 alinéa 5 qui stipule que tout Français qui entretiendra des intelligences avec une puissance étrangère - l'URSS dans le cas présent - "en vue de favoriser les entreprises de cette puissance contre la France" sera puni de la peine de mort pour acte de trahison.
- soit à l'article 80 alinéa 2 qui prévoit que "tout Français qui entretiendra avec les agents d'une puissance étrangère des intelligences ayant pour objet, ou ayant eu pour effet de nuire à la situation militaire ou diplomatique de la France" sera puni en temps de guerre aux travaux forcés à temps pour atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat.
Inculpation de 51 députés
Dans la matinée du 5 octobre 1939, le capitaine de Moissac convoque les 43 membres du groupe ouvrier et paysan français.
Apprenant qu'Arthur Ramette et Florimond Bonte ont pris la fuite, il délivre contre eux des mandats d'amener. Le gouvernement ayant pris la veille un décret clôturant la session extraordinaire dans les deux Chambres, les députés communistes ne bénéficient plus de leur immunité parlementaire.
Dans l'après-midi et le lendemain, l'officier instructeur auditionne 14 députés communistes qui ont répondu à sa convocation.
Compte tenu des réponses données au cours de ces interrogatoires, du refus de plusieurs députés de répondre à ses convocations et enfin de la fuite de Ramette et de Bonte, le magistrat instructeur décide d'inculper tous les membres du GOPF. Pour cela, il lance de nouveaux mandats d'amener.
Avec une démission et dix nouvelles adhésions officialisées les 4 et 6 octobre, le groupe parlementaire communiste compte désormais 52 membres. Un cas particulier : André Mercier. Mobilisé, il ne fera pas l'objet de poursuites au motif qu'il a été porté adhérent du GOPF sans être consulté.
Dans les jours qui suivent 38 députés communistes sont arrêtés. Présentés au capitaine de Moissac, ils sont inculpés d'infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 portant dissolution du Parti communiste. Ils sont tous écroués à la prison militaire de la Santé. Une exception, Philippot est laissé en liberté pour raison de santé.
Bilan de cette première phase : 51 des 52 membres du GOPF on été inculpés, 38 ont été incarcérés, 10 sont en fuite et visés par un mandat d'arrêt (Bonte, Catelas, Duclos, Dutilleul, Monmousseau, Péri, Ramette, Rigal, Thorez, Tillon), 3 sont en liberté soit parce qu'ils sont mobilisés (Fajon et Puech), soit pour raison de santé (Philippot).
Renvoi de 44 inculpés
Le 5 février 1940, au terme de quatre mois d'instruction, l'officier instructeur décide de renvoyer 44 députés communistes devant le 3e tribunal militaire de Paris et de prononcer un non-lieu pour 7 inculpés.
La première mesure concerne les 9 députés qui sont toujours recherchés par la police (Catelas, Duclos Jacques, Dutilleul, Monmousseau, Péri, Ramette, Rigal, Thorez, Tillon - Bonte a été arrêté en novembre) et les 35 parlementaires qui au cours de leur audition (1) ont approuvé le contenu de la lettre adressée au président Herriot.
Bénéficient d'un non-lieu, les 7 inculpés (Capron, Daul, Fouchard, Jardon, Piginnier, Pillot, Valat) qui se sont désolidarisés (2) de la ligne du Parti communiste et ont démissionné du groupe ouvrier et paysan français :
Autre décision importante du capitaine de Moissac : la poursuite de son instruction relative à des infractions aux articles 75 et suivants du code pénal dans une procédure séparée.
Ne visant plus que les neufs députés en fuite, cette procédure n'ira pas à son terme à cause de la défaite de juin 1940.
(1) Le site Pandor publie des documents conservés dans les archives de l'IC. Un rapport de Marty de décembre 1939 sur l'attitude des députés communistes arrêtés en octobre et en novembre (seul Bonte a été arrêté en novembre) compile leurs interrogatoires d'octobre sous le statut de témoin (5, 6 et 7 oct) puis d'inculpé.
(2) Interrogatoires d'octobre sous le statut de témoin (5, 6 et 7 oct) puis d'inculpé (site Pandor) : Capron (5 / 13 / 20 [p. 1 - p. 2]), Daul (9 / 20), Fouchard (7 / 14 / 21), Jardon (9 / 16 / 21), Piginnier (6 / 9 / 18), Pillot (6 / 14), Valat (9 / 17 / 21).
Déchéance des députés communistes
Le 9 janvier 1940, la Chambre des députés se réunit pour la première fois de l'année. Bénéficiant d'une permission exceptionnelle de 8 jours, de nombreux parlementaires mobilisés sont présents.
Cette séance de rentrée doit commencer par le discours d'usage prononcé par président d'âge puis se consacrer uniquement à l'élection du Bureau pour l'année 1940 qui comprend 1 président, 6 vice-présidents, 12 secrétaires et 3 questeurs.
Doyen de la Chambre assumant la présidence de la séance, le président d'âge débute son allocution "en envoyant aux armées de la République qui, avec tant de calme et fière résolution, se sont levées en masse à l'appel de la Patrie en danger, le salut plein d'émotion et d'affection de cette Assemblée".
Ce vibrant hommage aux armées de la République suscite les applaudissements enthousiastes de la représentation nationale debout à l'exception de quatre députés communistes permissionnaires (Fernand Grenier, Raymond Guyot, André Mercier et Charles Michels) qui entendent ainsi manifester publiquement et avec éclat l'opposition du Parti communiste à la guerre contre l'Allemagne d'Hitler.
La Chambre condamne immédiatement cette attitude en votant à main levée une peine de censure avec exclusion temporaire.
A l'opposé de cette réaction, le Parti communiste célébrera le comportement de ses parlementaires en leur adressant dans l'Humanité n° 19 du 14 janvier 1940 ses "plus chaleureuses félicitations" pour avoir "refusé de s'associer aux manifestations chauvines et d'Union Sacrée des fauteurs de guerre" et ainsi "exprimé le sentiment des ouvriers, des paysans et des soldats qui condamnent la guerre des capitalistes et réclament la paix".
Dans ce même numéro, l'Humanité les félicitera d'avoir "refusé de se prêter à l'indigne comédie d'union sacrée".
Après la lettre au président Herriot du 1er octobre 1939 et la tentative de Florimond Bonte de lire une Déclaration du PCF à la séance du 30 novembre 1939, la manifestation anti-républicaine et antipatriotique du 9 janvier 1940 est la troisième mobilisation des députés communistes en faveur de la Paix avec Hitler.
Cette troisième mobilisation au sein même du Parlement français aura une conséquence majeure : la promulgation le 20 janvier 1940 d'une loi prononçant la déchéance de tous les élus communistes qui n'ont pas rompu avec le PCF, et définissant par ailleurs la procédure à suivre pour la rendre effective.
Pour les députés, cette déchéance sera validée par le vote d'une résolution de la Chambre en date du 20 février 1940.
Conséquence de cette résolution excluant les députés communistes, le Journal officiel du 23 février 1940 annonce la suppression du GOPF : "Supprimer le groupe ouvrier et paysan français".
Procès
Le 20 mars 1940, s'ouvre devant le 3e tribunal militaire de Paris le procès de 44 ex-députés communistes du groupe ouvrier et paysan français.
Le Conseil de guerre devra déterminer pour chaque accusé s'il est coupable :
2) "d'avoir participé à la publication, à la circulation et à la diffusion d'une lettre adressée au président de la Chambre des députés, ayant pour but de prôner la paix sous les auspices de l'Union soviétique". (1)
Outre le huis clos et l'absence de neuf accusés qui seront jugés par contumace, ce procès qui prendra fin le 3 avril sera marqué par la Déclaration que Françoix Billoux, député des Bouches-du-Rhône et membre du Bureau politique, prononcera le dernier jour au nom de ses co-accusés à l'exception de 5 refus :
"Nous sommes poursuivis parce que nous nous sommes dressés et que nous
dressons avec la dernière énergie contre la guerre impérialiste qui
sévit sur notre pays, parce que nous appelons le peuple à exiger qu'il y
soit mis fin par la paix, parce que nous indiquons au peuple de France
le moyen de rendre notre pays libre et heureux. [...]
Communistes
français. Avec Maurice Thorez, André Marty, Jacques Duclos, et tous nos
amis co-inculpés, nous travaillons à la libération de notre pays.
Nous voulons le débarrasser de la guerre.
Nous appelons le peuple à imposer la paix."
Le Parti communiste diffusera l'intégralité de cette Déclaration sous forme de tract pour inciter les Français à se mobiliser contre la guerre. Elle sera même publiée à l'étranger pour dénoncer la répression des capitalistes français.
En raison de son contenu - dénonciation de la guerre impérialiste, plaidoyer pour la paix, témoignage de fidélité à l'IC, à l'URSS et à Staline - cinq députés ont refusé de la signer : Béchard, Jean, Vazeilles, Puech et Philippot.
Au final, au cours de la guerre de 1939-1940, 25 députés ont rompu avec le PCF : Béchard, Benenson, Brout, Capron, Daul, Declerq, Dewez, Fouchard, Fourrier, Gitton, Honel Jardon, Jean, Langumier, Le Corre, Loubradou, Nicod, Philippot, Piginnier, Pillot, Puech (dit Parsal), Raux, Saussot, Valat, Vazeilles.
Une précision : député de la Seine et secrétaire à l'organisation, Marcel Gitton a quitté le PCF en novembre 1939.
Jugement
Le tribunal militaire rend sa décision le 3 avril en fin d'après-midi après quatre heures de délibération.
Concernant la première accusation, tous les accusés sont reconnus coupables d'avoir enfreint l'article 1 du décret de dissolution qui proscrit toute activité ayant pour objet de propager les mots d'ordre de la IIIe Internationale.
Quant à la seconde accusation, seuls les deux signataires de la lettre - Florimond Bonte (présent) et Arthur Ramette (en fuite) - sont reconnus coupables d'avoir enfreint l'article 3 du décret de dissolution qui interdit la publication, la circulation et la distribution des écrits tendant à propager les mots d'ordre de la IIIe Internationale.
Quant à la seconde accusation, seuls les deux signataires de la lettre - Florimond Bonte (présent) et Arthur Ramette (en fuite) - sont reconnus coupables d'avoir enfreint l'article 3 du décret de dissolution qui interdit la publication, la circulation et la distribution des écrits tendant à propager les mots d'ordre de la IIIe Internationale.
Au vu de ces éléments et de la situation de chaque accusé, le tribunal condamne 36 députés communistes à 5 ans de prison ferme (peine maximale prévue par le décret de dissolution) et les 8 autres à 4 ans de prison avec sursis
Bénéficient du sursis les 3 députés (Dadot, Brun, Duclos Jean), mutilés de guerre, en liberté provisoire pour raisons de santé et les 5 députés (Béchard, Jean, Philippot, Puech, Vazeilles) qui n'ont pas signé la Déclaration de Billoux. Ces sursitaires ne seront pas libérés mais internés administrativement dans un Centre de séjour surveillé.
Partie VII
Propagande communiste
pendant la guerre de 1939-1940
pendant la guerre de 1939-1940
La
lettre au président Herriot a été un élément récurrent et important de la propagande pacifiste du PCF pendant la guerre de 1939-1940 :
Pour illustrer cette réalité, on citera quatre textes significatifs :
1) "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste" (janvier 1940).
2) l'Humanité du mercredi 19 juin 1940.
3) l'Humanité n° 57 du 24 juin 1940.
4) "Peuple de Paris" (25 juin 1940).
"Le Parti Communiste Français (SFIC)
en lutte contre la guerre impérialiste" (janvier 1940)
En janvier 1940, le Parti communiste diffuse clandestinement le numéro du 2e semestre 1939 de son organe théorique, les Cahiers du bolchévisme.
Titrée "La défense de la liberté" pour en masquer le contenu communiste, cette brochure de 70 pages a été préparée et imprimée en Belgique. Une direction communiste avec à sa tête Jacques Duclos, secrétaire du PCF, est installée dans la capitale belge depuis octobre 1939.
Les Cahiers du bolchévisme du 2e semestre 1939 publie en éditorial un texte intitulé : "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste".
Ce texte correspond à la lettre du 4 décembre 1939 que Maurice Thorez, secrétaire du PCF, et André Marty, membre du Bureau politique et secrétaire de l'IC, ont envoyée depuis Moscou à la direction du Parti avec l'autorisation de la publier.
Fondement théorique de la ligne du PCF, l'article "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste" dénonce le caractère "impérialiste" de la guerre menée contre l'Allemagne nazie et définit sur la base de cette analyse les mots d'ordre qui guident l'action des communistes : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate" et "Notre ennemi est chez nous".
Ce texte évoque en terme élogieux la lettre au président Herriot :
Titrée "La défense de la liberté" pour en masquer le contenu communiste, cette brochure de 70 pages a été préparée et imprimée en Belgique. Une direction communiste avec à sa tête Jacques Duclos, secrétaire du PCF, est installée dans la capitale belge depuis octobre 1939.
Les Cahiers du bolchévisme du 2e semestre 1939 publie en éditorial un texte intitulé : "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste".
Ce texte correspond à la lettre du 4 décembre 1939 que Maurice Thorez, secrétaire du PCF, et André Marty, membre du Bureau politique et secrétaire de l'IC, ont envoyée depuis Moscou à la direction du Parti avec l'autorisation de la publier.
Fondement théorique de la ligne du PCF, l'article "Le Parti Communiste Français (SFIC) en lutte contre la guerre impérialiste" dénonce le caractère "impérialiste" de la guerre menée contre l'Allemagne nazie et définit sur la base de cette analyse les mots d'ordre qui guident l'action des communistes : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate" et "Notre ennemi est chez nous".
Ce texte évoque en terme élogieux la lettre au président Herriot :
"la lettre du groupe parlementaire plaçant publiquement et avec éclat le Parti dans une attitude d'hostilité à la guerre."
L'Humanité du mercredi 19 juin 1940
Le 17 juin 1940, à Bordeaux, le Maréchal Pétain annonce à la radio qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.
Le lendemain, à Paris où les armées hitlériennes sont présentes depuis
quatre jours, suivant des instructions de Moscou, le Parti communiste
engage - lui aussi - une démarche auprès des Allemands et ce pour
obtenir la légalisation de l'Humanité dont la publication a été suspendue le 26 août 1939 en raison de son soutien... au Pacte
germano-soviétique.
Invités à revenir le lendemain pour exposer à nouveau leur demande, les communistes décident de préparer un numéro modèle de l'Humanité légale : l'Humanité du mercredi 19 juin 1940.
Composé d'un "communiqué officiel allemand" et de six articles, ce numéro zéro apporte son soutien à la demande d'armistice en citant le Maréchal Pétain et en rappelant l'initiative pacifiste prise par les députés communistes à la fin de la Campagne de Pologne :
"Tous les hommes qui constituent le gouvernement portent, à des titres divers, la responsabilité de la politique qui a conduit la France à la guerre, à la catastrophe. Le maréchal Pétain a dit qu'il faut tenter de cesser le combat. Nous prenons acte, mais le peuple prendra acte aussi du fait que si, en septembre dernier les propositions des députés communistes avaient été retenues, nous n'en serions pas où nous en sommes.
Les députés communistes qui, en septembre proposaient une paix qui auraient laissé intactes la puissance et l'économie française, en même temps qu'elle aurait épargné bien des vies humaines et des destructions, furent jetés en prison et aujourd'hui ceux qui ont fait cette criminelle besogne sont acculés à la paix après la défaite."
Parfaite illustration de la ligne pacifiste et anglophobe du Parti communiste, l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 sera soumise à la censure de la Propaganda Staffel le 20 juin 1940 avec un ensemble de textes devant être publiés dans l'Humanité légale.
Elle fera même fait l'objet d'une édition clandestine à part entière dans les jours suivants.
Elle fera même fait l'objet d'une édition clandestine à part entière dans les jours suivants.
L'Humanité n° 57 du 24 juin 1940.
Signé le 22 juin 1940 par le Gouvernement Pétain, l'armistice franco-allemand marque la défaite de la France.
Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix,
cet armistice impose au pays vaincu l'occupation d'une zone couvrant les
trois-cinquièmes de son
territoire et comprenant sa capitale, le maintien en captivité de 1,5
million prisonniers de
guerre, la démobilisation et le désarmement de ses forces armées,
et enfin le paiement d'une indemnité journalière dont le montant sera fixé quelques semaines tard à 400 millions francs et représentera pour le budget français un prélèvement massif et abusif relevant plus des réparations de guerre que de l'entretien d'une armée d'occupation.
Dans
une allocution prononcée le lendemain à la Radio de Londres, le Général
de Gaulle déclare que cet armistice est une véritable "capitulation" et
que de ce fait le Gouvernement Pétain a perdu toute légitimité :
"L'armistice accepté par le gouvernement de Bordeaux est une capitulation.
Cette
capitulation a été signée avant que soient épuisés tous les moyens de
résistance. Cette capitulation livre à l'ennemi qui les emploiera contre
nos alliés nos armes, nos avions, nos navires, notre or. Cette
capitulation asservit complétement la France et place le gouvernement de
Bordeaux sous la dépendance immédiate et directe des Allemands et des
Italiens.
Il
n'existe donc plus sur le territoire de la France métropolitaine de
gouvernement indépendant susceptible de soutenir au dehors les intérêts
de la France et ceux des Français."
Pour connaître la réaction du PCF à la
défaite de la France et à l'occupation allemande qui en est la conséquence, il suffit de lire l'Humanité du 24 juin 1940 et son article leader intitulé... "Construire la paix" :
"L'armistice est signé.
Ah,
certes nous serrons les poings à la pensée qu'une autre paix eut pu
être conclue en Septembre-Octobre dernier comme la proposaient les
Communistes. Mais à cette époque Daladier jugeait que les ordres de la
Cité de Londres devaient être obéis.
Construire la Paix ! Voilà donc la tâche urgente.
Nous
savons bien, nous autres communistes, qu'il n'y aura de paix véritable
que lorsque auront été extirpées les racines profondes de la guerre. LA PAIX C'EST LE SOCIALISME.
Lutter
pour la paix, c'est coordonner l'action des prolétaires de tous les
pays dans la lutte pour la victoire du socialisme, de ce socialisme dont
l'URSS offre au monde le resplendissant exemple. Tel est notre but.
Préparer
cette paix implique que la France est un gouvernement capable de
comprendre et de traduire les aspirations populaires. La France de juin
1940 ne possède pas un [tel] gouvernement. [...]
Pour négocier la paix, il faut pouvoir parler au nom du peuple. On ne parle
pas au nom du peuple quand on tient en prison et dans les camps des
milliers de militants du peuple. Seul, sera digne de négocier une paix
équitable, le gouvernement qui rendra au prolétariat ses droits et sa
liberté. [...]
Que disparaissent les fauteurs de guerre, les responsables du désastre, les valets de la Cité de Londres : PLACE AU PEUPLE !".
Dans ce texte approuvant l'armistice franco-allemand, l'Humanité affirme que seul le Parti
communiste est en mesure de négocier avec Hitler "une paix véritable" ou encore une "paix équitable"
car il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre et à pouvoir en
outre bénéficier du soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne.
Autre élement d'intérêt, l'Humanité rappelle l'initiative pacifiste des députés communistes à la fin de la Campagne de Pologne et en attribue l'échec à la soumission du gouvernement français aux "ordres de la Cité de Londres".
Autre élement d'intérêt, l'Humanité rappelle l'initiative pacifiste des députés communistes à la fin de la Campagne de Pologne et en attribue l'échec à la soumission du gouvernement français aux "ordres de la Cité de Londres".
"Peuple de Paris" (25 juin 1940)
Le 25 juin 1940, le jour de l'entrée en vigueur de l'armistice
franco-allemand, le Parti communiste clandestin lance un Appel au "Peuple de Paris !".
Dans ce tract,
il condamne le Général de Gaulle et son Appel à poursuivre le combat
contre les envahisseurs allemands, se félicite d'avoir défendu la Paix
pendant la guerre de 1939-1940 et enfin plaide pour la constitution d'un
Gouvernement communiste " décidé à maintenir la paix " avec l'Allemagne nazie.
Autre élément d'intérêt, il célèbre la lettre au président Herriot comme un acte de " courage" :
"Et aujourd'hui, devant les désastres accumulées par la guerre, le Peuple comprend que si on avait écouté les communistes, la France n'aurait pas connu la guerre.
Les députés communistes qui eurent le courage de demander la paix, en septembre 1939, furent odieusement attaqués, persécutés, emprisonnés. On leur imputait ce crime de vouloir "une paix blanche", une paix sans morts, qui aurait laissé la France comme avant septembre 1939."
Cet Appel au Peuple de Paris est le premier texte du Parti communiste
faisant référence au Général de Gaulle et ce... pour le condamner.
Partie VIII
Propagande communiste
pendant l'occupation allemande
Pour la période de l'occupation allemande allant du 25 juin 1940 (entrée en vigueur de l'armistice franco-allemand) au 22 juin 1941 (invasion de l'URSS par les armées allemandes), le Parti communiste s'est mobilisé pour la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste appelé Gouvernement du Peuple.
On pourra démontrer cette vérité historique incontestable en citant un seul document : son programme de gouvernement publié en février 1941 sous le titre "Pour le salut du Peuple de France".
Dans le chapitre consacré à la politique extérieure, le PCF proposait non seulement d'établir des "relations PACIFIQUES"
entre la France et l'Allemagne nazie mais aussi d'instaurer des "rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand" !!!
Pour convaincre les Français d'adhérer à leur projet pacifiste et non à celui du Maréchal Pétain, les communistes se sont attachés à montrer qu'ils étaient - contrairement à ce dernier - des pacifistes de la première heure.
C'est dans ces circonstances que la lettre au président Herriot a été au cours de cette période un élément récurrent et important de la propagande pacifiste du PCF.
Pour illustrer cette réalité, on citera six textes significatifs :
1) "Qui avait raison ?" (juillet 1940).
2) "Peuple de France" (juillet 1940).
3) "La politique de paix des communistes" (septembre 1940).
4) L'Humanité n° 76 du 27 septembre 1940.
5) "Lettre aux militants communistes" (novembre 1940)
6) "Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France" (mai 1941).
"Qui avait raison ?" (juillet 1940)
Publié dans la seconde quinzaine de juillet 1940, le tract "Qui avait raison ?" reproduit l'intégralité de la lettre au président Herriot.
Cette dernière est précédée d'un texte affirmant qu'à la fin de la Campagne de Pologne "Seul, le Parti communiste a eu le courage de demander la Paix" et qu'à "la lecture de cette lettre, on peut voir que les communistes avaient raison et faisaient preuve d'une grande clairvoyance". Il se termine sur la conclusion suivante :
"Mais aujourd'hui, chacun peut comprendre que c'est derrière le Parti Communiste, qui a eu le courage de défendre la Paix, que doivent se grouper les travailleurs qui veulent en finir avec le capitalisme, générateur de misère et de guerre, tous les Français qui veulent une France libre et indépendante."
Particularité de ce tract : sa diffusion sera approuvée par... les Allemands.
Dans le cadre des pourparlers que les communistes ont engagés avec les autorités allemandes le 18 juin 1940, Maurice Tréand, n° 2 du Parti communiste clandestin, rencontre un représentant de la Propagande Staffel le 19 juillet.
Dans une lettre du 20 juillet 1940 adressée à l'IC, Maurice Tréand relate le contenu de sa conversation de la veille.
Evoquant le tract "Qui avait raison ?", le dirigeant communiste indique que l'officier allemand a fait le commentaire suivant :
"Votre tract sur la lettre des députés au président de la Chambre n'a pas un assez grand tirage, diffusez en plus ajoutez les passage d'Hitler sur son discours pour la paix d'aujourd'hui et multipliez le." (1)
Maurice Tréand juge nécessaire de rassurer Moscou quant à la suggestion allemande de diffuser dans des tracts communistes le discours d'Hitler du 19 juillet 1940 : "Vous pensez bien qu'il n'y aura aucune suite". (2)
(2) Ibid.
"Peuple de France" (juillet 1940)
A la fin de juillet 1940, soit un mois après la signature de l'armistice
franco-allemand, le Parti communiste lance un Appel au "Peuple de France".
Signé "Au nom du Comité Central du Parti Communiste Français" par
Maurice Thorez et Jacques Duclos, secrétaire général et secrétaire du
PCF, cet appel est un véritable plaidoyer pour la constitution... d'un Gouvernement de Paix communiste.
Pour justifier cette revendication et en même temps marquer la
différence entre son projet pacifiste et celui du Maréchal Pétain, le
Parti communiste affirme que seuls les communistes sont en mesure de
négocier avec Hitler une "Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France" ou encore "une paix véritable" car "seuls, les Communistes ont lutté contre la guerre".
Autres caractéristiques marquantes du texte : la condamnation de "l'impérialisme britannique", la célébration du "Pacte germano-soviétique", l'éloge de la fraternité franco-allemande ("la fraternité des peuples que de toutes nos forces nous voulons") ou encore la revendication portant sur "la libération des défenseurs de la Paix".
On citera un extrait de la Partie titrée "Seuls, les Communistes ont lutté contre la guerre !" dans lequel le Parti communiste met en avant la lettre au président Herriot comme preuve de son pacifisme :
"Nous, Communistes, nous avons défendu le Pacte germano-soviétique parce qu’il
était un facteur de paix, et dès le premier mois de la guerre, alors
que la répression s’était abattue sur nous, face à tous les profiteurs,
affairistes et politiciens pour qui la guerre était une fructueuse
entreprise NOUS AVONS RÉCLAMÉ LA PAIX par l’envoi d’une lettre des Députés Communistes au Président de la Chambre.
C’est pour cela que ces députés ont été emprisonnés et condamnés, c’est pour
cela que des milliers de communistes ont été jetés dans les cachots et
les camps de concentration cependant que, sous la menace de la prison
et du peloton d’exécution, nos militants ont continué vaillamment la
lutte pour la Paix."
Dernier élément, cet appel est le tract le plus important diffusé par les communistes à l'été 1940.
"La politique de paix des communistes" (septembre 1940)
A l'automne 1940, le Parti communiste diffuse clandestinement les Cahiers du Bolchévisme du 3e trimestre 1940.
La publication de son organe théorique est l'un des objectifs qu'il
s'est fixé au début de l'occupation allemande. Diffusé en janvier 1940,
le précédent numéro était celui du 2e semestre 1939.
Brochure
imprimée de 48 pages, ce premier numéro de l'année 1940 comprend quatre
parties. La première est composée essentiellement des tracts les plus
importants diffusés par les communistes au cours des mois de juillet,
août et septembre 1940 (3e trimestre 1940). Le contenu des trois autres
parties est défini par leur titre : Doctrine et Histoire, Politique
Internationale, Au pays du socialisme.
Dans cette brochure, on peut lire un article de Gabriel Péri célébrant... "La politique de paix des communistes".
Dans
ce texte de 12 pages rédigé en septembre 1940, le dirigeant communiste
montre que son Parti s'est toujours mobilisé en faveur de la Paix sur la
période allant de la fin de la première guerre mondiale à la défaite de
la France en juin 1940 et qu'en conséquence il a toute légitimité pour
former un gouvernement qui négociera la Paix avec Hitler.
Journaliste réputé, membre du Comité central, il est aussi député de Seine-et-Oise. C'est pour cette raison qu'au procès de mars-avril 1940 de 44 députés communistes jugés pour la remise d'une lettre au président Herriot dans laquelle ils plaidaient pour la Paix, il a été condamné par contumace à 5 ans de prison et 5 000 francs d'amende.
Dans une partie titrée "Octobre 1939 : nouveaux efforts des communistes" pour la Paix avec Hitler, Gabriel Péri consacre un passage à "la lettre historique au Président Herriot" dans lequel il justifie l'initiative des députés communistes au vu de la situation militaire, précise qu'elle avait pour finalité la conclusion d'un traité de paix franco-allemand avec le parrainage de l'URSS et enfin condamne la répression qui a frappés les élus du Parti :
"Un
gouvernement capable d'interpréter les aspirations du peuple eût compris
le sens et la portée de ces deux expériences et de ces deux échecs [Pour Gabriel Péri les pactes germano-soviétiques d'août et
septembre 1939 ont marqué à chaque fois l'échec du plan franco-anglais
visant à provoquer une guerre entre l'Allemagne et l'URSS]. Il
eût tiré à la fin de septembre la conclusion qu'il n'avait pas su
dégager à la fin du mois d'août. L'armée française n'avait alors subi
aucun échec, le sang français n'avait pas coulé, les villes françaises
n`avaient pas été détruites, des milliers d'hommes et de femmes
n'avaient pas péri sur les routes dans le tragique exode de
l'évacuation.
La paix juste et équitable, la paix négociée d'égal à
égal dans une Conférence internationale à laquelle l'URSS aurait
participé était possible alors. Les
communistes en appellent au pays. Ils demandent au président de la
Chambre de convoquer l'Assemblée. Ils se proposent de dire qu'il faut
mettre un terme à une guerre injuste qui est sortie d'une diplomatie
criminelle. Ils entendent affirmer que la négociation avec l'Allemagne
et la collaboration avec l'Union Soviétique doivent être l'assise solide
de la Paix. On
sait ce qu'il advint de notre initiative et comment les signataires de
la lettre historique au Président Herriot furent jetés en prison,
condamnés, poursuivis pour trahison et menacés de la peine de mort. Mais
les communistes savaient que le service de la Paix commande de
terribles sacrifices. Ce sera leur honneur d'avoir affronté le danger
pour sauver la vie de centaines de milliers de Français."
Directement concerné par l'épisode, Gabriel Péri écrit que c'est "l'honneur" des communistes que d'avoir sollicité en octobre 1939 la convocation du Parlement dans le but de proposer la tenue d'une "Conférence internationale"
qui aurait réuni les belligérants, à savoir la France, l'Angleterre,
l'URSS et l'Allemagne, avec comme objectif de négocier une "paix juste et équitable".
Pour atteindre ce résultat ils auraient ratifié le partage de la
Pologne entre l'URSS et l'Allemagne et mis ainsi un terme à "une guerre injuste" sortie de la "diplomatie criminelle" des impérialistes franco-anglais.
Quant
à la condamnation pénale des signataires de la lettre au président
Herriot, elle est dénoncée par le dirigeant communiste en ces termes : "les communistes savaient que le service de la Paix commande de
terribles sacrifices".
Ainsi, Gabriel Péri, ce "grand Français" (1), célébrait en septembre 1940 le sacrifice
des communistes en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie alors que
d'autres au même moment sacrifiaient leur vie pour libérer la
France de l'occupation allemande.
L'Humanité n° 76 du 27 septembre 1940.
Le 27 septembre 1940, le Parti communiste diffuse un numéro spécial de l'Humanité consacré pour partie aux militants et élus communistes emprisonnés.
Comme le tract "Qui avait raison ?", ce numéro reproduit l'intégralité de la lettre au président Herriot.
Cette publication est précédée du texte suivant :
213 ANNEES DE PRISON, 2.133.000 frs D'AMENDES
et 220 ANNES D'INTERDICTION DES DROITS CIVILS ET POLITIQUES
Tel est le bilan des condamnations prononcées par le 3e Tribunal Militaire de Paris, présidé par le colonel-flic Gafajoli, le 3 avril dernier contre les députes communistes, coupables d'avoir envoyé à Herriot, en date du 1er octobre 1939, la lettre ci-après pour demander la discussion immédiate de la paix, en séance publique du Parlement
"Lettre aux militants communistes" (novembre 1940)
En novembre 1940, soit quatre mois après le début de l'occupation
allemande, le Parti communiste s'adresse à ses membres dans une "Lettre aux militants communistes".
Rédigée au mois d'octobre ("Nous sommes au quatorzième mois de la deuxième guerre impérialiste"), cette lettre porte les signatures de Maurice Thorez et de Jacques Duclos, secrétaire général et secrétaire du PCF.
La signature de Maurice Thorez doit convaincre les militants que ce
dernier est présent sur le territoire français et que c'est lui qui
dirige le Parti dans la clandestinité. En réalité le secrétaire général
du PCF s'est réfugié en Russie après sa désertion en octobre 1939 et un
court séjour en Belgique.
Tirée à 200 000 exemplaires, la "Lettre aux militants communistes" est le tract le
plus important diffusé par les communistes à l'automne 1940. C'est pour
cette raison qu'elle sera reproduite en mars 1941 dans les 20 000 exemplaires des Cahiers du Bolchévisme du 1er trimestre 1941.
Tract pacifiste, anti-gaulliste et anglophobe, cette lettre vise trois objectifs : rappeler aux militants communistes la ligne du Parti, célébrer leur engagement et enfin définir leurs tâches.
Autre élément d'intérêt, le texte justifie l'initiative pacifiste des députés communistes du 1er octobre 1939 et rend hommage "à leur acte de courage civique et de clairvoyance politique" :
"Quand, après l'effondrement de la Pologne réactionnaire, criminellement poussée à la guerre par les gouvernements de Paris et de Londres, après la libération de treize millions de Biélorussiens et d'Ukrainiens subissant le joug des capitalistes polonais par l'Armée Rouge de l'Union Soviétique, nos députés demandèrent publiquement la discussion des problèmes de la paix par le Parlement, ils agirent au nom du seul Parti soucieux d'éviter au peuple de France et à tous les peuples, les terribles conséquences d'une nouvelle guerre impérialiste.
Nos députés payent de leur liberté leur acte de courage civique et de clairvoyance politique; ils sont emprisonnés, mais désormais dans toutes les couches de la population française on leur rend hommage, on reconnaît qu'ils ont vu, qu'il ont eu raison".
"Pour la formation d'un Front National
de lutte pour l'Indépendance de la France" (mai 1941)
Le 15 mai 1941, dans une France occupée par les armées allemandes depuis près de 11 mois, "Le Parti Communiste Français s'adresse à tous ceux qui pensent français et veulent agir en Français" dans un appel intitulé "Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France".
Dans ce tract, s'opposant aux pétainistes et aux gaullistes qui menacent
l'indépendance de la France en servant l'impérialisme allemand pour les
premiers et l'impérialisme anglais pour les seconds, le Parti
communiste appelle les Français à se mobiliser pour maintenir la France
hors du conflit qui oppose l'Angleterre à l'Allemagne nazie :
"IL NE FAUT PAS PERMETTRE QUE LE PEUPLE DE FRANCE, LES RESSOURCES DE
NOTRE PAYS ET NOTRE TERRITOIRE SOIENT UTILISES DANS LA GUERRE ENTRE
L'ALLEMAGNE ET L'ANGLETERRE. [...]
IL FAUT
CONSTITUER UN LARGE FRONT NATIONAL DE LUTTE POUR L'INDEPENDANCE DE LA
FRANCE
Diffusé un mois
avant l'invasion de l'URSS par les armées allemandes, ce texte rend hommage aux députés communistes pour leur action en faveur de la Paix :
"Dès
le début de la guerre, le Parti Communiste combattit pour une paix
honorable, juste, durable et exclusive de toute hégémonie; cette paix
que demandaient les députés communistes était possible et pouvait être
réalisée avec la participation de l'URSS, ce qui aurait épargné bien des
malheurs à la France. Mais pour avoir fait preuve ainsi de courage et
de clairvoyance politiques, les députés communistes ont été jetés dans
les prisons et les camps de concentration."
Tract le plus important diffusé par le Parti communiste au printemps 1941, l'Appel "Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France" sera publié dans les Cahiers du bolchévisme des 2e et 3e trimestres 1941.