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Brochure "Réponse aux chefs communistes" 8/10 - Discours de Daladier du 18 juillet 1946 - Annexe 4


ANNEXE 4



LES DÉMARCHES DU PARTI COMMUNISTES
AUPRÈS DE LA PROPAGANDASTAFFEL
A LA FIN DE JUIN 1940


Le 20 juin 1940 eut lieu, à la Porte Saint-Denis, l'arrestation de Maurice Tréand, alors membre du Comité central du parti communiste et de deux dames, Mmes Schrodt et Ginollin-Reydet.
Ils étaient porteurs d'un document de la Propagandastaffel établissant que des pourparlers avaient été engagés avec les services allemands en vue de faire reparaître l'Humanité.
Une des dames était munie, d'autre part, d'un laissez-passer jaune, établi à son nom par les mêmes services pour les besoins de ce journal et signé : Lieutenant Weber.
Maurice Tréand était seulement pourvu d'argent belge.
Sur réquisitoire du procureur de la République Frette-Demicourt, l'instruction ouverte contres eux fut confiée à M. Pihier.
Trois mandats de dépôt furent délivrés :
Maurice Tréand fut écroué à la Santé,
Les deux dames à la Roquette.
Quelques jours après, le 25 juin, ils furent délivrés sur l'ordre du Conseiller supérieur de Justice Fritz, qui vint lui-même chercher Tréand à la Santé.


[NdB : Le 25 juin 1940, Maurice Tréand, Denise Ginollin et Jeanne Schrodt sont libérés de prison sur ordre des autorités allemandes à la suite de l'intervention d'Otto Abetz. C'est l'avocat de Maurice Tréand, Me Robert Foissin, qui a sollicité cette intervention par l'intermédiaire Me André Picard, avocat d'extrême droite qui s'est mis au service du ministre plénipotentiaire allemand dès son arrivée à Paris.]



L'HUMANlTE SOLLICITE 
DE LA PROPAGANDASTAFFEL
L'AUTORISATION DE REPARAITRE


Une lettre de Maurice Tréand,
Jean Catelas et Robert Foissin


Le 25 juin 1940, MM Maurice Tréand du Comité central du parti communiste, Jean Catelas député et membre du Comité central du parti communiste, Robert Foissin, avocat à la Cour de Paris, adressaient aux Services de Presse de la Propagandastaffel une demande officielle en vue d'obtenir pour l'Humanité l'autorisation de reparaître sous le régime nazi.
Voici les principaux passages de ce document :
« Comme suite à la conversation que nous avons eue ce matin, nous tenons à vous préciser les préoccupations qui sont nôtres, dans les moments difficiles que traverse notre pays.
« Laissez-nous vous rappeler que nous, communistes..., nous avons été seuls à nous dresser contre la guerre, à demander la paix, à une heure où il y avait quelque danger à le faire.
« Il faut mettre un terme aux attentats criminels des fauteurs et profiteurs de guerre.

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« Nous demandons donc l'autorisation de publier l'Humanité sous la forme dans laquelle elle se présentait à ses lecteurs avant son interdiction par Daladier au lendemain de la signature du pacte germano-soviétique.

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« L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche d'être au service du peuple et de dénoncer les responsables de la situation actuelle de la France.
« L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre et d'appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance contre leurs oppresseurs impérialistes.
« L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable.

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« P.-S. - Afin que l'Humanité puisse remplir sa tâche de défenseur et conseiller du peuple, il faut : 1° que soient libérés les militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration; 2° que soient rétablis dans leurs fonctions et droits de représentants du peuple tous les élus arbitrairement déchus de leur mandat et qui ont, envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétíque (sénateurs, députés, maires, conseillers généraux, conseillers d'arrondissement, conseillers municipaux). »

TREAND Maurice,
du Comité central du parti communiste français.
CATELAS Jean,
député, du Comité central du parti communiste français.
Robert FOISSIN,
Avocat à la Cour de Paris.


[NdB : Le 26 septembre 1940, Abetz reçoit le matin à l'ambassade d'Allemagne une délégation du Parti communiste composée de Tréand, Catelas, Foissin et Ginollin. Cette réunion porte notamment sur les conditions d'une reparution légale de l'Humanité. A la suite de cette rencontre, Tréand et Catelas rédigent une lettre dans laquelle ils demandent officiellement l'autorisation de faire paraître l'Humanité sous censure allemande. Cette lettre datée du 26 juin 1940 sera remise le lendemain à Abetz par Foissin.
Ce sont des extraits de cette lettre qui sont reproduits dans la brochure "Réponse aux Chefs communistes".
Edouard Daladier est ainsi le premier auteur à faire référence aux négociations que le PCF a engagées avec les autorités allemandes au cours de l'été 40 pour obtenir notamment la reparution de l'Humanité , et à produire des documents à l'appui de ces révélations.]


DOCUMENT ALLEMAND DU 28 JUIN 1940


Paris, den 28 Juni 1940.

An den
Militärbefehlhaber Paris
Militärverwaltung
z. Hd. von Herrn Staatsrat Dr. Turner

Betr : Zeitung Humanité

Beiliegend übersende ich die Abschrift eines gestern eingegebenen Briefes, in dem 3 Vertreter des Zentralbüros der französischen Kommunistischen Partei die Gründe und das Programm für eine Neuherausgabe der Humanite darlegen, und für die Freilassung der von der französischen Regierung inhaftierten Kommunisten sowie für die Einsetzung der bei Kriegsbeginn ihrer öffentlichen  Ämter enthobenen französischen Kommunisten plädieren.
Der brief ist von Maurice Treand und Jean Catelas und wurde von Robert Foissin persönlich überbracht.
Gut informierte Dissidenten der Kommunistischen Partei Frankreichs, die heute im nationalen Lager stehen, behaupten dass Maurice Tréand die geheime Karten der französischen Kommunisten mit 8 millionen politischen Beurteilungen französischer Staatsbürger in Händen habe, und von August 1939 bis zum Einzug der Deutschen Truppen in Paris der Leiter der illegalen Propaganda gegen den Krieg, die französische Regierung und für das deutsch-sowjetrussische Abkommen gewesen sei.
Der Abgeordnete Jean Catelas hat in seiner Privatwohnung während des spanischen Bürgerkrieges die Passionara beherbergt.
Robert Foissin ist seit über einem Jahrzehnt der Französische Anwalt der Pariser Sowjetrussischen Botschaft und soll der offizielle Verbindungsmann der Kommunistischen Partei Frankreichs mit der russischen Regierung sein.
Die 3 genannten Personen erweckten bei mir nicht den Eindruck, dass sie von ihrer Doktrin je abzubringen seien. Sie schienen hingegen bereit, uns im Rahmen einer Klaren Vereinbarung für die Wiederhingangbringung [sic] der französischen Wirtschaft und die Herstellung gesünderer sozialer Verhältnisse nützliche Dienste zu leisten.
Sie behaupten das beiliegende uns von einen Vertrauensmann überbrachte Flugblatt « Peuple de Paris » nicht zu kennen, und erklären in diesem Zusammenhang, dass eine von deutschen Stellen erlaubte und eingeschene [sic] unpolitische Tätigkeit der Kommunistischen Partei in Frankreich schon deswegen von Vorteil sei, Weil dadurch unkontrollierte Initiativen vor allem der Trotzkisten keinen Nährboden finden können.
Foissin, Tréand und Catelas bitten um eine Unterredung mit dem zuständigen Sachbearbeiter der Militärverwaltung.

2 Anlagen
[2 pièces jointes]
GESANDTER [sic]


A Paris, le 28 Juin 1940.

Au Gouverneur militaire, Paris
Administration militaire
sous le couvert de M. le Conseiller d'Etat Dr Turner

Objet : Journal Humanité

Je vous envoie ci-joint la copie d'une lettre arrivée hier, dans laquelle trois représentants du Bureau central du parti communiste français exposent les motifs et le programme d'une reparution de l'Humanité et plaident pour la libération des communistes incarcérés par le gouvernement français ainsi que pour la réinstallation des fonctionnaires communistes français déposés au début de la guerre.
La lettre est de Maurice Tréand et Jean Catelas et a été apportée personnellement par Robert Foissin.
Des dissidents bien informés du parti communiste français, qui sont aujourd'hui dans le camp national, affirment que Maurice Tréand a en mains le fichier des communistes français avec 8 millions de fiches politiques de citoyens français et qu'il était, d'août 1939 jusqu'à l'entrée des troupes allemandes à Paris, le chef de la propagande illégale contre la guerre, contre le gouvernement français et pour l'accord germano-soviétique.
Le député Jean Catelas a hébergé chez lui pendant la guerres civile espagnole la Pasionaria.
Robert Foissin est depuis une dizaine d'années le chargé de mission de l'Ambassade soviétique à Paris et doit être l'agent de liaison officiel du parti communiste français avec le gouvernement russe.
Les trois personnes nommées ne m'ont pas donné l'impression qu'elles s'étaient déjà en quoi que ce soit détournées de leur doctrine. Elles semblent au contraire disposées à nous rendre d'utiles services dans le cadre d'une claire entente pour le relèvement de l'économie française et l'établissement d'une plus saine compréhension sociale.
Elles affirment ne pas connaître le tract ci-joint « Peuple de Paris » apporté par un homme de confiance et déclarent dans cet ordre d'idées, qu'une activité apolitique du parti communiste français, autorisée et intronisée par les autorités allemandes, serait déjà un avantage par le fait que par ce moyen les initiatives non contrôlées venant en particulier des Trotskystes ne pourraient trouver aucun aliment.
Foissin Tréand et Catelas demandent une entrevue avec la personnalité compétente de l'Administration militaire.

2 copies [sic]


[NdB : Le 28 juin 1940, Otto Abetz envoie au Dr Turner, Chef des Verwaltungsstabes beim Militärbefehlshaber Paris (Chef de l'Etat-Major administratif du Commandant militaire de Paris), une lettre relative à la reparution de l'Humanité à laquelle sont joints deux documents : la lettre du 26 juin 1940 de Tréand et Catelas et le tract "Peuple de Paris".

Edouard Daladier est le premier auteur à publier la lettre d'Otto Abetz du 28 juin 1940. En publiant ce document allemand l'ancien président du Conseil apporte la preuve formelle, en 1946,  que des négociations se sont tenus à Paris à l'été 1940 entre le Parti communiste et les autorités d'occupation. Cette lettre est présentée dans sa version originale ainsi que dans une traduction en français. Toutefois, pour une meilleur compréhension de son contenu, on citera, pour les paragraphes suivants, la traduction publiée dans Sur le Parti 1939-1940 de Francis Crémieux, Jacques Estager (p. 288) :
"Les trois personnes nommées ne m'ont pas donné l'impression que l'on pourrait les amener à s'écarter de leur doctrine. Par contre elles paraissent susceptibles de nous rendre d'utiles services dans le cadre d'un accord clair pour remettre en marche l'économie française et rétablir une situation sociale plus saine.
Elles affirment ne pas connaître le tract ci-joint Appel au Peuple de Paris apporté par un homme de confiance et déclarent qu'une activité apolitique du Parti communiste en France s'exerçant au vu au su des autorités allemandes présenterait des avantages du fait que par ce moyen des initiatives non contrôlées venant en particulier des trotskystes ne pourraient trouver de terrain".

Outre la réalité des pourparlers entre le PCF et les autorités allemandes, la lettre d'Abetz du 28 juin 1940 présente l'intérêt de mettre aussi en évidence les objectifs des deux parties dans ces négociations :
- objectifs du PCF : la reparution de l'Humanité, la libération des militants communistes emprisonnés, le rétablissement des municipalités communistes.
- objectif des autorités allemandes : reprise de l'activité économique et garantie de la paix sociale.

On notera que Tréand et Catelas ont parfaitement intégré les objectifs des autorités allemandes puisque ils  plaident auprès d'Abetz pour une légalisation du Parti communiste en soulignant qu'il se cantonnerait à des activités apolitiques comme le serait sa participation à la réouverture des entreprises ou au ravitaillement des populations. D'ailleurs, pour convaincre Abetz de l'engagement apolitique du Parti communiste, les deux dirigeants communistes nient même toute responsabilité dans la diffusion d'un Appel au "Peuple de Paris" dans lequel les communistes appellent à la formation d'un gouvernement populaire autrement dit d'un gouvernement dirigé par le PCF. Expression de l'activité politique clandestine du Parti communiste, cet appel manifeste aussi son pacifisme puisque dans ce texte les communistes appellent à faire la Paix avec l'Allemagne nazie.]