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Brochure "Réponse aux chefs communistes" 3/10 - Discours de Daladier du 18 juillet 1946 - La vérité sur les négociations avec l'URSS


LA VERITE SUR LES NEGOCIATIONS
AVEC L'URSS


Mais si violente que soit cette campagne contre les accords de Munich, aujourd'hui encore, après huit années, il semble pourtant que l'effort du parti communiste porte davantage sur les négociations anglo-soviétiques qui se sont déroulées au printemps et pendant l'été de 1939. Leur conclusion imprévue a été la signature du pacte germano-russe dont M. Léon Blum a pu écrire à plusieurs reprises qu'il était la véritable cause de la seconde guerre mondiale.
Mais, si nous avions livré la Russie à Hitler, si à Munich, nous avions orienté les coups d'Hitler vers la Russie des Soviets, pourquoi cette même Russie des Soviets aurait-elle négocié avec la France et l'Angleterre pendant plusieurs semaines et même pendant plusieurs mois ?
Alors que l'on fait gloire au gouvernement de Moscou d'avoir fait preuve de loyauté et de franchise, on vous affirme et l'on affirme au peuple Français que, si les négociations ont échoué, c'est en raison de la mauvaise foi de la France et sans doute de l'Angleterre, qui n'avaient d'autre préoccupation que de tendre un piège à la Russie des Soviets afin de détourner vers elle les coups de l'Allemagne nationale-socialiste.
Je n'ai pas à mettre en cause la politique d'un gouvernement étranger, mais je veux montrer par contre que la thèse du parti communiste ne résiste pas à l'examen impartial des textes et des faits.
J'affirme ici, appuyé sur des documents également sûrs et authentiques, que pendant cette négociation le gouvernement français n'a pas cessé un seul jour de soutenir non seulement les propositions russes, mais — j'ai le droit de le dire — les exigences russes, même lorsqu'à bon droit le gouvernement français les trouvait excessives.

LES EXIGENCES SOVIETIQUES

Aussi bien me bornerai-je à citer deux exemples caractéristique, sur lesquels d'ailleurs a porté depuis plusieurs mois la propagande communiste : l'exemple de l'assistance militaire aux pays baltes et l'exemple de ce qu'on appelle l'agression indirecte.
Le 2 juin, alors que l'accord était fait sur les points essentiels au point de vue politique, la Russie des Soviets a brusquement exigé que les trois grandes puissances en négociation, l'Angleterre, la France et la Russie, accordassent leur assistance militaire à tous les pays baltes, même s'ils la refusaient.
Lorsque le gouvernement de Londres fut saisi de cette proposition, il protesta déclarant qu'il était vraiment impossible de donner une garantie militaire à des Etats qui la refusaient.
Nous avons alors insisté auprès du gouvernement de Londres et j'ai le droit de dire que c'est en partie en raison de l'insistance du gouvernement français que quelques jours après, l'Angleterre donna son adhésion à cette proposition déclarée d'abord insolite.
Mais alors que nous croyions que tout était terminé et qu'il n'y avait plus qu'à signer l'accord, le 4 juillet, nous nous trouvions en présence d'une nouvelle exigence : il ne suffisait pas d'imposer une assistance militaire à des nations qui la refusaient, il fallait encore faire jouer l'alliance militaire des trois grandes nations au cas où se produirait ce que le gouvernement russe appelait « une agression indirecte ».
Que signifie « l'agression indirecte » ? Cela veut dire que, si un coup d'Etat politique se produisait à Riga ou à Tallinn, que s'il se produisait,, dans l'un des pays baltes, un changement de politique intérieure qui parût favorable à l'agresseur éventuel, il en résultait, le pacte jouant, la guerre générale en Europe.
La France a accepté. Elle a donné tous apaisements et elle voulait donner tous apaisements à la Russie, parce qu'elle savait bien que la crise européenne s'aggravait de jour en jour et qu'il fallait mettre un terme à des pourparlers qui déjà avaient duré trop longtemps.
Mais le gouvernement britannique s'irrita, et je pourrais vous lire le télégramme dans lequel un homme comme lord Vansittart, l'apôtre, depuis de nombreuses années, de la sécurité collective, exprimait son inquiétude et un certain découragement.
Qu'avons-nous fait ? Nous avons insisté encore; j'ai insisté personnellement. La Grande-Bretagne a accepté et enfin, le 17 juillet, après tant de traverses, après avoir côtoyé tant d'écueils, nous avions l'illusion d'arriver au port, puisque M. Molotov déclarait qu'il ne subsistait plus que des divergences de dernier ordre, que l'accord politique était virtuellement conclu.

LE REFUS DE MOLOTOV

Mais comme nous demandions que, puisqu'il était conclu, des signatures y fussent apposées, il s'y refusa, il ne voulût pas donner son accord à un communiqué qui, cependant, à cette époque, étant donné la tension européenne, aurait eu de très grands et très heureux effets pour la pacification de notre continent. On se borna donc à parapher l'accord et on accepta tout de suite la convocation de missions militaires.
On m'a reproché d'avoir envoyé comme chef de la mission militaire française, au lieu du chef d'état-major général de l'armée, le général Doumenc.
Ceux d'entre vous, qui connaissant le général Doumenc pensent que le choix était, au contraire, excellent. Et d'ailleurs, à cette époque, à la fin de juillet, alors que tous les jours on redoutait une agression allemande, il était impossible d'envoyer à Moscou le chef d'état-major général.

NOUVELLES EXIGENCES DU MARECHAL VOROCHILOV

Je m'excuse, mesdames Messieurs, de rappeler tous ces faits et d'être peut-être trop long. (Non ! non !) Mais je le fais par respect pour l'Assemblée. Je veux aussi que ces documents soient versés au débat et que le peuple français les connaisse.
Les missions militaires se réunissent, les plans sont confrontés; mais brusquement, le 14 août, alors que jusqu'à ce moment, c'était la France, l'Angleterre et la Russie qui négociaient entre elles et s'engageaient entre elles, le maréchal Vorochilov posa la question du passage des troupes russes par le territoire polonais et déclara que, si ce passage était refusé à l'armée russe, les négociations militaires n'étaient plus possibles.
Nous fûmes informés, le 15 août, de ces événements. La Pologne avait souvent affirmé que si elle était prête à s'entendre avec l'URSS, une fois les hostilités déclarées, elle refusait de prendre un engagement dès le temps de paix, parce que, disait-elle, l'Allemagne, dès qu'elle serait informée de cet engagement, se précipiterait sur elle.
Par contre, lorsque la guerre aurait éclaté, les difficultés seraient surmontées.
Il est certain qu'il y avait aussi dans l'esprit des gouvernants de la Pologne quelques arrière-pensées. Le gouvernement polonais croyait que si l'armée russe était autorisée à franchir la frontière et à passer par son territoire, elle ne s'en irait plus et qu'elle s'installerait définitivement dans les provinces orientales de la Pologne.
Voilà, mesdames, messieurs, ce qui explique que, du 16 au 20 août, malgré tous les moyens de pression employés par le gouvernement français sur les hommes responsables du gouvernement et de l'armée polonais, les uns et les autres se sont obstinés dans leur refus.

LA FRANCE INSISTE AUPRES DE LA POLOGNE

C'est alors que, dans la matinée du 21 août, je convoquai l'ambassadeur de Pologne; je lui expliquai que le pacte que nous étions en train de conclure était la seule garantie d'un maintien possible de la paix, que si la guerre éclatait, il nous donnait une grande espérance de victoire.
J'ajoutai que son pays prenait une terrible responsabilité en s'enfermant ainsi dans une position intransigeante, qu'il savait très bien qu'en vertu même des accords franco-polonais, la France ne pourrait intervenir efficacement qu'après le 15e ou même le 17e jour suivant le début des hostilités.
J'ajoutai, enfin, que si cet aveuglement persistait la France serait sans doute amenée à réviser son traité d'alliance.
« Si vous venez me dire », concluais-je, « au début de cet après-midi, après avoir téléphoné à Varsovie, que la Pologne persiste dans son attitude, alors, je saisirai aussitôt le conseil des ministres et, devant lui sera évoqué tout le problème de l'alliance franco-polonaise. Si, au contraire, vous ne manifestez plus votre opposition, comme les heures pressent, cet après-midi, je télégraphierai au général Doumenc l'autorisation de signer, au nom de la France, la convention militaire qui nous est proposée. »
J'ai envoyé ce télégramme au général Doumenc l'autorisant à signer la convention militaire. Il reçut cette dépêche le 21 août à 22 heures, et j'ai toujours pensé qu'elle avait été retardée dans sa transmission, mais qu'importe !
Dès le 22 au matin, le général Doumenc faisait connaître au maréchal Vorochilov la réponse affirmative du gouvernement français et par conséquent, du gouvernement britannique que nous avions informé de notre décision.
Ce 22 août, aux premières heures de la matinée, il lui demandait instamment de réunir l'après-midi même les délégations militaires. Le maréchal Vorochilov lui répondit seulement de venir le voir personnellement à dix-huit heures trente, donc à la fin de l'après-midi, après toute une journée. Lorsque le général Doumenc se présenta chez lui, il exprima une nouvelle exigence.
Jusqu'alors, nous avions négocié à trois Jusqu'alors les engagements que nous prenions l'étaient vis-a-vis de nous trois. Nous étions responsables de nos actes les uns vis-à-vis des autres. Jamais, au cours de la négociation, du côté de la Russie des Soviets, le problème polonais n'avait été posé.

LES ATERMOIEMENTS DU MARECHAL VOROCHILOV

Cependant, au lieu de répondre au général Doumenc : « Oui, nous allons réunir les délégations militaires », on lui dit : « Il faut que nous ayons l'assurance que le gouvernement polonais et le gouvernement roumain sont bien consentants. Alors la rédaction du pacte militaire sera faite facilement, si les circonstances politiques restent les mêmes. Il faut donc de toute façon, conclut le maréchal, attendre quelques jours pour nous réunir ».
Pourquoi cet atermoiement ? Quelles circonstances politiques pouvaient faire obstacle à la conclusion d'un pacte entre trois nations qui affirmaient, depuis des semaines et des mois, leur volonté commune de faire face à l'agresseur éventuel ?


DEUXIEME PARTIE


La Vérité
sur le Pacte Germano-soviétique
du 23 Août 1939


Lorsque le général Doumenc sortit de cette entrevue, il put apprendre qu'en cette même journée du 22 août l'agence nazie de Berlin, le DNB., annonçait que M. de Ribbentrop arriverait à Moscou le 23 août pour signer avec la Russie des Soviets un pacte de non agression qui, en réalité, comme je le démontrerai, était un pacte de partage éventuel du territoire polonais.
Ce même jour, aussi, à Moscou, l'agence Tass informait le général Doumenc que M. de Ribbentrop était en route. Et le même jour, à Berchtesgaden, Hitler, pris d'une sorte de délire frénétique, annonçait avant qu'il fût conclu, la signature du pacte germano-russe, ajoutant qu'il irait le dimanche suivant serrer la main de Staline sur la nouvelle frontière de l'Allemagne et de la Russie et que tous deux se partageraient le monde. (Sourires à droite.)
Ribbentrop était reçu, en effet, au Kremlin le 23 août, à quinze heures trente.
Ah ! il ne s'agissait plus de prendre tant de précautions, il ne s'agissait plus de soulever tant de difficultés ! En quelques heures, l'accord fut signé (Annexe n° 1).
On a beaucoup discuté sur ce texte, on a cru que c'était vraiment un pacte de non-agression et, dans la presse communiste, on l'a, célébré comme une victoire diplomatique de la Russie des Soviets.
C'est possible. Mais ce que je sais, c'est que ce pacte n'était pas un pacte de non-agression, que son article 2 reproduit la clause qui figure déjà dans le pacte d'acier signé entre Hitler et Mussolini, qu'il contient aussi des clauses secrètes qui prévoient la destruction d'une nation au profit des deux signataires. Il ne s'agissait nullement d'un pacte de neutralité ou d'amitié, il s'agissait d'un pacte de complicité dans le partage éventuel d'un malheureux pays qui, avait peut-être commis des fautes politiques, mais qui, en tout cas, pendant plusieurs années et encore jusqu'à la veille de la guerre, avait toujours refusé à Hitler d'être son second dans une guerre contre la Russie des Soviets. (Applaudissements sur quelques bancs à gauche et à droite.)
Voilà la vérité, et on ne peut rien contre elle.
Où est donc, dans ces événements, la responsabilité du gouvernement français ?
Je ne parle pas de trahison, je n'aime pas ces grands mots (Rires à l'extrême gauche), surtout quand vous les employez d'une manière aussi vague, sans apporter aucun fait ni aucune accusation qui ne soit de mauvaise foi. Mais s'il y a eu une « trahison » contre la paix, où est-elle, où est la responsabilité du gouvernement français ?
[Je voudrais ajouter qu'en réalité, le gouvernement de Moscou a mené concurremment deux négociations : l'une à peu près publique avec la France et l'Angleterre, l'autre secrète avec l'Allemagne de Hitler, et que je suis d'accord avec Léon Blum lorsqu'il dit que, dès le mois d'avril, la décision de Moscou était prise. (Murmures à l'extrême gauche.)] [NdB : ce paragraphe que l'on peut lire dans le discours de Daladier publié au Journal officiel n'est pas mentionné dans la brochure "Réponse aux Chefs communistes".]


- La vérité sur les négociations avec l'URSS (3/10)