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Demande de parution de l'Humanité sous censure allemande du 26 juin 1940

Dans une lettre rédigée le 26 juin 1940, soit quatre jours après la signature de l'armistice franco-allemand, le Parti communiste demande officiellement aux autorités allemandes :
 
1) "l'autorisation de publier l'Humanité",
2) la libération des "militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration" pour avoir défendu la Paix,
3) le retour dans leurs fonctions électives des élus communistes déchus de leur mandat pour avoir, "envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétique". (Doc. 1)

Ayant pour objet principal la demande de reparution de l'Humanité, cette lettre porte les signatures de deux membres du Comité central du PCF : Maurice Tréand et Jean Catelas.

Elle a été écrite dans l'après-midi du 26 à la suite d'une réunion qui s'était tenue dans la matinée à l'ambassade d'Allemagne et au cours de laquelle les deux dirigeants communistes avaient rencontré Otto Abetz, le représentant de Hitler en France.

Cette rencontre a été la contrepartie communiste à l'intervention du diplomate allemand en faveur de la libération de Maurice Tréand et de trois de ses camarades qui avaient été arrêtés par la police française pour leur implication dans les négociations que le PCF avait menées avec le service de presse de la Kommandantur les 18, 19 et 20 juin 1940 dans le but d'obtenir l'autorisation de publier l'Humanité dont la diffusion avait été suspendue le 26 août 1939 en raison de son soutien au... Pacte germano-soviétique.

Elle a marqué le début de la deuxième négociation entre le PCF et les nazis. Encore une preuve de... la Résistance communiste.

Pour le représenter dans cette nouvelle négociation, le Parti a désigné Me Robert Foissin. En charge de la défense de ses camarades arrêtés par la police française les 20 et 21 juin, l'avocat communiste avait sollicité l'intervention d'Otto Abetz. Sa désignation a été la conséquence directe du succès de sa démarche. Fait significatif, Robert Foissin est le conseiller juridique de l'ambassade de l'URSS et de la représentation commerciale soviétique à Paris. Initiative personnelle, à la mi-juillet, il exposera au Chargé d'affaires soviétique, alors de passage dans la capitale, le contenu de ses négociations avec les Allemands. Réaction positive du diplomate russe qui l'encouragera à les poursuivre. Evoquant des négociations politiques qui étaient hors du cadre fixé par l'IC, le compte rendu de Foissin suscitera la consternation à Moscou...

C'est dans ces circonstances que Robert Foissin se rend à l'ambassade d'Allemagne le 27 juin pour remettre à Otto Abetz la lettre de ses deux camarades.

Le lendemain, le diplomate allemand transmet la demande communiste au Chef de l'Etat-Major administratif du Commandant militaire de Paris (1), le Dr Harald Turner. Il y joint une lettre dans laquelle il rend compte de la démarche communiste et décrit les bénéfices que pourraient tirer les Allemands d'un accord avec les communistes :

"Je vous envoie ci-joint la copie d'une lettre arrivée hier, dans laquelle trois représentants du Bureau central du parti communiste français exposent les motifs et le programme d'une reparution de l'Humanité et plaident pour la libération des communistes incarcérés par le gouvernement français ainsi que pour la réinstallation des fonctionnaires communistes déposés au début de la guerre. 
La lettre est de Maurice Tréand et Jean Catelas et a été apportée personnellement par Robert Foissin. [...]
Les trois personnes nommées ne m'ont pas donné l'impression que l'on pourrait les amener à s'écarter de leur doctrine.
Par contre elles paraissent susceptibles de nous rendre d'utiles services dans le cadre d'un accord clair pour remettre en marche l'économie française et rétablir une situation sociale plus saine. [...]
Foissin, Tréand et Catelas demandent une entrevue avec la personnalité compétente de l'Administration militaire." (2)

Dans sa demande de reparution de l'Humanité, le Parti communiste expose sa ligne politique à la fois sur le plan intérieur et sur le plan extérieur. Sa politique étrangère est définie en ces termes :

"L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre et d'appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance contre leurs oppresseurs impérialistes.
L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable."

A la lecture de ce texte, on peut constater que l'Humanité légale se fixe les tâches suivantes :
 
1) combattre le Général de Gaulle et ses Appels à poursuivre la lutte contre les Allemands,
2) dénoncer l'impérialisme britannique,
3) soutenir la Paix avec Hitler,
4) défendre la signature d'un pacte d'amitié entre la France et l'URSS en soulignant qu'il serait un complément du "pacte germano-soviétique" et qu'il "créerait les conditions d'une paix durable" en Europe.

Ces engagements politiques sont une parfaite illustration de la ligne pacifiste, antigaulliste, anglophobe et germanophile du PCF. Identiques à ceux défendus dans l'Humanité clandestine, ils ne devraient pas heurter la censure allemande.

Au vu de ce qui précède, on posera la question suivante : doit-on considérer la lettre du 26 juin 1940 comme un acte de Résistance ou un acte de Collaboration ?
 
Sur le point particulier de l'Humanité, cette deuxième négociation prendra fin le 4 juillet sur un échec comme la première mais pour des motifs différents.

Dans le cas présent, les Allemands expliqueront aux communistes que pour des raisons politiques ils ne peuvent laisser paraître l'Humanité et qu'un journal communiste ne sera autorisé qu'à la condition de changer de titre. Après le lancement, à leur initiative, d'un quotidien du matin sur le modèle de l'Humanité ayant pour titre La France au Travail, les Allemands poseront une deuxième condition : une parution le soir.

Déterminé à obtenir la légalisation de son organe central, le Parti communiste proposera de faire paraître l'Humanité le soir sous le titre l'Humanité du soir. Nouveau refus.

Au final, il cédera aussi à la première exigence allemande et demandera l'autorisation de reprendre la publication de Ce Soir, le quotidien communiste du soir qui a été suspendu à la même date que l'Humanité - le 26 août 1939 - et pour le même motif : l'approbation du Pacte germano-soviétique.

Dernier élément, l'existence et le contenu de la lettre du 26 juin 1940 seront révélés à la Libération dans un article publié dans le numéro du 19 octobre 1945 du quotidien pro-gaulliste L'Epoque.
 
Son auteur : Jean-Louis Vigier, directeur du journal et ancien de la France Libre. 
 
Cet article relate sommairement les négociations de juin 1940 entre le PCF et les nazis et les décrit avec des imprécisions en raison du peu de documents disponibles à l'époque.
 
L'auteur avait déjà évoqué le sujet - brièvement - dans son éditorial du 28 juin 1945 intitulé "Un prémaquisard" dans lequel il s'étonnait avec ironie des déclarations ("nous sommes les premiers résistants") que Maurice Thorez, secrétaire général du PCF et... déserteur, avait faites l'avant-veille devant le Congrès du Parti, 
 
Nouveauté, l'article du 19 octobre 1945 cite des extraits de la lettre remise à Abetz et propose même un cliché reproduisant la fin du document à savoir le post-scriptum et les signatures.
 
Il est titré : "Clandestin malgré lui... Dès le 20 juin 1940 les dirigeants communistes avec l'approbation de la Gestapo voulait faire reparaître « l'Humanité »" .
 
Le sous-titre tout aussi significatif indique : « Le refus des autorités françaises d'abord et des autorités allemandes ensuite empêcha seul « l'Humanité » de prendre sa place dans la "presse pourrie" ».
 
Publiées quelques jours avant le scrutin devant élire les députés à l'Assemblée nationale constituante, ces révélations doivent éclairer les Français sur le Parti communiste français qui se présente aux suffrages des électeurs comme le Parti des premiers résistants.
 
Historique, le document cité prouve qu'en juin 1940, non seulement le PCF ne s'est pas précipité pour combattre les Allemands mais qu'en plus il s'est compromis en négociant avec eux.
 
Le 5 mai 1946, les Français rejettent par referendum le projet de constitution préparé par la Constituante. Conséquence : une nouvelle Assemblée nationale constituante doit être élue.
 
Quelques jours avant ces élections, Jean-Louis Vigier renouvelle ses révélations sur l'attitude du PCF au début de l'occupation allemande en publiant dans L'Epoque du 1er juin 1946 un article intitulé :
 
"Le 20 juin 1940 (sic) l'Humanité écrivait aux Allemands « ...Notre journal (sic) se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme anglo-saxons (sic) qui veulent entraîner les Colonies françaises dans la guerre... » et DEMANDAIT A L'OCCUPANT l'AUTORISATION de PARAITRE au GRAND JOUR".
 
Preuve que le mensonge est une vertu révolutionnaire, à la séance du 4 juillet 1946 de la 2e Assemblée nationale constituante, en réponse à un député ayant lu des extraits de la lettre du 26 juin 1940, Jacques Duclos, député de la Seine et.... ancien chef du Parti communiste clandestin, déclarera :
 
"Tout à l'heure, M. Frédéric-Dupont, sortant un peu du sujet qui nous préoccupe et qui a trait à une affaire de commerce avec l'ennemi, a donné lecture d'un certain nombre de documents. Nous aurons sans doute l'occasion de parler de ces documents dans de prochains débats et nous ferons toute la lumière sur les problèmes qui ont été soulevés dans un but évident de diversion. Cependant, sans attendre davantage, je veux me permettre de dire quelques mots au sujet de l'un d'eux.
Il s'agit de ce document [la lettre du 26 juin 1940] qui traîne depuis quelque temps dans les colonnes de l'Epoque, le journal bien connu des trusts. Ce document tend à faire la démonstration qu'au mois de juin 1940, le comité central du parti communiste français aurait demandé l'autorisation de faire paraître l'Humanité. Permettez-moi de vous dire que c'est là une machination de la Gestapo. (Rires et exclamations à droite. — Applaudissements à l'extrême gauche). [...]
 Quand la Gestapo a lancé ce faux, elle voulait porter atteinte à l'honneur de cet homme [Jean Catelas] qui est mort en brave, qui est mort en héros."
 
L'intégralité de la lettre du 26 juin 1940 sera reproduite en annexe d'un article de l'historien communiste Denis Peschanski publié en 1980 dans Le Mouvement social n° 113 d'octobre-décembre sous le titre "La demande de parution légale de « l'Humanité » (17 juin 1940 - 27 août 1940)".
 
Le présent texte est composé de huit parties. La Partie I sera consacrée à la première tentative de reparution de l'Humanité.

La Partie II portera sur l'entrevue du 26 juin 1940. Les Parties III et IV analyseront le contenu de la demande de reparution de l'Humanité. La Partie V montrera que cette demande a été rédigée par Jacques Duclos, chef du Parti communiste clandestin.

Dans la Partie VI, on décrira les pourparlers entre le PCF et les nazis pour la période du 26 juin au 4 juillet 1940.

La Partie VII reproduira trois textes de Jean-Louis Vigier qui ont été publiés à la Libération dans L'Epoque et dans lesquels il a combattu les "vérités" communistes avec des faits historiques documentés. Dans la Partie VIII, on formulera quelques commentaires sur l'article de Denis Peschanski.

(1) Chef des Verwaltungsstabes beim Militärbefehlshaber Paris.
(2) Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, pp. 287-288.


Partie I

Négociations des 18, 19 et 20 juin 1940

A l'été 1940, sur les instructions de l'Internationale communiste, le Parti communiste a mené une série de négociations avec les autorités allemandes pour obtenir la légalisation de ses activités.

La première de ces négociations s'est tenue les 18, 19 et 20 juin 1940. Elle a eu pour unique objet la reparution de l'Humanité dont la publication avait été suspendue le 26 août 1939 en raison de son soutien au... Pacte germano-soviétique.

Elle a pris la forme de plusieurs rencontres entre une militante communiste, Denise Ginollin, et un officier de la Propaganda Staffel Frankreich, le lieutenant Weber.

Cette militante a agi sur les ordres de Maurice Tréand, membre du Comité central, responsable de la commission des cadres et adjoint de Jacques Duclos, chef du Parti communiste clandestin.

Quelques faits marquants de cette première négociation :

1) Elle a débuté avant même la signature de l'armistice et donc l'arrêt des combats.

Négocier avec les envahisseurs allemands avant même la fin des hostilités est une preuve incontestable de... la Résistance communiste.

2) Pour obtenir l'accord des nazis, les communistes ont préparé un numéro modèle de l'Humanité légale : l'Humanité du mercredi 19 juin 1940.

En totale conformité avec la ligne défendue par le PCF depuis le début du conflit, ce numéro plaidait pour la paix avec Hitler, faisait l'éloge de la fraternité franco-allemande et condamnait l'Angleterre : autant d'engagements politiques qui n'ont pas dû pas heurter la censure allemande.

Autre élément significatif : la publication dans ce numéro d'un "communiqué officiel allemand".

Cette publication devait prouver la bonne foi des communistes en montrant qu'ils acceptaient non seulement de se soumettre aux règles fixées par les Allemands en matière de presse mais aussi de faire de l'Humanité légale un relais de leur propagande.

3) Pour réussir sa mission, Denise Ginollin a rédigé sous la dictée de Maurice Tréand un argumentaire. Dans ce texte on peut notamment lire :

"2) Sommes communistes avons appliqué ligne PC sous Dal [Daladier] Ray [Reynaud] juif Mandel
Juif M [Mandel] après Dal [Daladier] nous a emprisonnés. Fusillé des ouvriers qui sabotaient défense nat [nationale]
Sommes PC français pas eu peur
3) pas cédé face dictature juif M [Mandel] et du défenseur des intérêts capitalistes anglais Raynaud [Reynaud]
4) [...]
avons été d'accord avec pacte G S [pacte germano-soviétique]
notre lutte contre Bonnet, Dal [Daladier], Ray [Reynaud], Man [Mandel], cela a facilité votre victoire
notre défense du pacte
cela vous a avantagé
pour l'URSS nous avons bien travaillé par conséquent par ricochet pour vous". (1)

Cet extrait permet de connaître quatre des arguments communistes devant convaincre les Allemands de légaliser l'Humanité.

Tout d'abord, la célébration du Pacte germano-soviétique. Le message est clair : les communistes et les nazis sont des... alliés. L'ouverture d'une négociation entre le PCF et les autorités d'occupation est donc tout à fait légitime.

Ensuite, la revendication du sabotage des fabrications de guerre. Encore un message clair. La contribution des communistes à la défaite de la France et à la victoire allemande mérite une récompense : l'autorisation de publier l'Humanité.

Autre élément, la dénonciation de Georges Mandel, dernier ministre de l'Intérieur dans le Gouvernement Reynaud, en soulignant sa qualité de "Juif". Le sens de cette dénonciation est évident : les communistes sont comme les nazis des victimes des Juifs.

Enfin, la condamnation des capitalistes anglais. Le propos est explicite. Les communistes et les nazis combattent un même ennemi : l'impérialisme britannique.

Le 20 juin, à son rendez-vous de 16 heures avec le lieutenant Weber, Denise Ginollin a obtenu l'autorisation de publier l'Humanité. Ses arguments ont dû être convaincants...

A 18 heures, elle lui a soumis les articles devant paraître dans le premier numéro de l'Humanité légale. Des changements ayant été demandés, la militante communiste devait revenir à 22 heures pour obtenir le visa définitif de la Kommandantur. Preuve des bonnes relations entre les deux parties, l'officier allemand lui a remis... un laissez-passer lui permettant de circuler après le couvre-feu.

A 20 h 30 près du Métro Saint-Martin, Denise Ginollin a rencontré comme prévu Maurice Tréand et Jeanne Schrodt pour faire le point sur les négociations.

C'est à ce moment qu'ils ont été arrêtés par des policiers français qui les soupçonnaient de vouloir faire reparaître l'Humanité et d'avoir de ce fait enfreint deux textes de loi. Tout d'abord, le décret-loi du 24 août 1939 en vertu duquel le journal communiste avait été suspendu le 26 août 1939 par un arrêté ministériel. Ensuite, le décret de dissolution du PCF du 26 septembre 1939 interdisant notamment toutes les publications communistes.

Ce sont les démarches entreprises tant auprès de l'imprimeur Dangon que des Allemands qui avaient suscité ces soupçons.

Sans nouvelles de la représentante du PCF, le lieutenant Weber, passé le délai d'une heure qu'il avait accordé, a informé l'Etat-major que l'Humanité ne paraîtrait pas le lendemain :

"Le 20 juin à 23 heures, l'envoyé de l'Humanité n'ayant pas présenté les modifications demandées, ce journal ne paraîtra pas le 21 juin". (2)

C'est donc l'intervention de la police française qui a empêché la parution du premier numéro de l'Humanité sous censure allemande !!!

Le 21 juin, les trois suspects et une quatrième personne arrêtée le jour même, Valentine Grunenberger, ont été auditionnés par le commissaire Lafont. Le lendemain, sur décision du Juge Pihier, Maurice Tréand et les trois militantes ont été incarcérés respectivement à la Santé et à la Petite Roquette.
 
Dernier élément, leur arrestation a été annoncé dans Le Matin du 22 juin 1940 :
 
Arrestations à Paris de responsables communistes

La préfecture de police ayant constaté une tentative de regroupement de quelques éléments du parti communiste dissous et un début de diffusion d'un tract révolutionnaire, a ouvert immédiatement une enquête qui a amené l'arrestation de :
Maurice Treand, responsable de la commission des cadres de l'ex-parti communiste français;
Denise Reydet, femme Ginollin, du comité mondial des femmes;
Jeanne Lacloche, femme Schrodt;
Valentine Roux, femme Grunenberger.
Les inculpés ont été mis aussitôt à la disposition de la justice.

(1) Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, Juin 40, la négociation secrète, 2006 pp. 10-11.
(2) Ibid. p. 57.


Intervention d'Otto Abetz

Le 24 juin, l'avocat de Maurice Tréand, Me Robert Foissin, sollicite l'intervention d'Otto Abetz par l'intermédiaire de l'une de ses connaissances, Me André Picard, un familier de l'ambassade d'Allemagne.

Membre du Parti communiste, Robert Foissin, est l'avocat depuis dix ans de l'Ambassade soviétique et de la représentation commerciale de l'URSS. Il suit aussi le dossier des députés communistes emprisonnés puisqu'il a fait partie du collectif d'avocats chargé de leur défense au cours de leur procès qui s'est déroulé du 20 mars au 3 avril 1940.

Sympathisant d'extrême droite, André Picard s'est mis au service d'Otto Abetz qui est arrivé à Paris le 15 juin 1940. Représentant du ministère des Affaires étrangères auprès du Militärbefehlshaber in Frankreich (Commandant militaire en France), ce dernier s'est installé à l'ambassade d'Allemagne. Sa mission : conseiller politiquement les autorités militaires en vue de favoriser le rapprochement franco-allemand. En août 1940, il sera nommé au rang d'ambassadeur.

Devant son confrère, Robert Foissin s'étonne de "l'attitude singulière et contradictoire des autorités allemandes". (1)

En effet, explique-t-il, ses camarades ont été arrêtés par la police française pour une tentative de reparution de l'Humanité alors que "cette reparution avait été formellement autorisée par le lieutenant Weber, chef de la censure allemande à Paris". (2)

Au vu de la situation, soit ces arrestations ont été faites avec l'accord des Allemands et dans ce cas pourquoi négocier avec le PCF, soit ce n'est pas le cas et dans cette hypothèse la libération des militants communistes est totalement justifiée.

La démarche de l'avocat communiste est un succès comme il le relate dans une note du 7 novembre 1944 :

"Le 25 juin au matin, je revois Picard qui m'assure que mes camarades seront libérés dans la journée et me demande de leur proposer de venir le lendemain à l'ambassade pour expliquer les conditions dans lesquelles la censure les avait autorisés à tirer l'Humanité ainsi que les circonstances de leur arrestation et surtout pour reprendre le problème dans son ensemble. Je vais aussitôt à la Santé mettre Tréand au courant. De fait, dans la journée, sont libérés non seulement ces quatre militants mais encore tous ceux qui avaient été poursuivis ou condamnés depuis septembre 1939 pour avoir défendu le pacte germano-soviétique et qui se trouvaient détenus soient à Fresnes, soit à la Santé, soit à la Petite-Roquette." (3)

Maurice Tréand, Denise Ginollin, Jeanne Schrodt et Valentine Grunenberger sont donc libérés à la demande des autorités allemandes le 25 juin 1940. Ces libérations et l'intervention des Allemands sont attestées par quatre lettres de l'administration pénitentiaire en date des 25 et 26 juin 1940.

Autre élément d'intérêt dans la note de Foissin : la libération des militants communistes détenus à la Santé, à Fresnes et à la Petite Roquette (prison pour femmes) "pour avoir défendu le pacte germano-soviétique".

Le 26 juin, le Parti communiste ayant accepté de satisfaire la demande allemande rapportée par Picard, Maurice Tréand se rend à l'ambassade d'Allemagne pour conférer avec Otto Abetz. Il est accompagné d'un autre membre du Comité central : Jean Catelas. Sont aussi présents à la réunion : Me Foissin et Denise Ginollin.
 
Première rencontre entre un officiel allemand et... deux dirigeants communistes, cette réunion du 26 juin 1940 marque le début de la seconde négociation entre le PCF et les nazis. Encore une preuve de... la Résistance communiste.

L'IC sera informé de tous ces événements par le rapport de Jacques Duclos du 30 juin 1940 :

Arrestation de Tréand et des trois militantes

"Ayant eu vent de la parution prochaine de l'Humanité, la police surveillait l'imprimerie Dangon et quand D.R. [Denise Reydet, nom de jeune fille de Denise Ginollin] se rendit à cette imprimerie avant d'aller à un rendez-vous avec Grégoire [pseudonyme de Maurice Tréand] elle fût prise en filature et lorsque plus tard elle rencontra ce dernier, ils furent immédiatement arrêtés ainsi qu'une autre camarade [Jeanne Schrodt] et, par la suite, une autre camarade [Valentine Grunenberger] qui avait été prévue pour s'occuper de l'Huma et s'était mise en rapport avec Dangon fût également arrêtée, c'était le 20 juin au soir [le 21 juin pour Grunenberger] et le 22 le « Matin » annonçait l’arrestation des camarades pour tentative de reconstitution d’un groupement dissous et tentative de distribution de tracts." (4)

Intervention des autorités allemandes

"Notre première réaction fût de considérer que la Kommandantur sans se mêler directement de l’affaire avait fait agir la préfecture de police, mais les événements ont montré par la suite que la situation était autre. Ce qui pour nous était extrêmement désagréable c’était l’arrestation de Grégoire d’une façon aussi stupide et aussitôt nous avons demandé à un avocat [Foissin] de s’occuper de l’affaire.
Après l’arrestation de Grégoire la préfecture de police mit en branle un juge d’instruction, des interrogatoires eurent lieu et tout s’engageait selon les conditions habituelles de la procédure contre les communistes, mais l’avocat intervint auprès des autorités allemandes en soulignant les démarches faites pour obtenir l'autorisation de faire paraître « l'Huma » et le 24 juin Grégoire ainsi que les trois camarades femmes qui avaient été arrêtées étaient mis en liberté [les libérations ont eu lieu le 25 juin]". (5)

Rencontre avec Abetz

"Un personnage bien connu, Abetz, avait entre temps été informé des démarches faites par l'Humanité et il fit demander par l'intermédiaire de Foissin une entrevue avec le camarade qui venait d'être libéré pour discuter de la question de l'Humanité; nous aurions préféré que Grégoire n'ait point à participer à une telle entrevue mais en raison des circonstances il était difficile de s'abstenir, aussi décidâmes nous qu'il verrait ce personnage en compagnie de Catelas, de la camarade D.R. et de Foissin". (6)

(1) Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, p. 353. (Note de Me Foissin du 7 novembre 1944).
(2) Ibid., p. 353. (Note de Me Foissin du 7 novembre 1944).
(3) Ibid., p. 354. (Note de Me Foissin du 7 novembre 1944).
(4) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993, p. 195.
(5) Ibid. pp. 195-196
(6) Ibid. p. 196.


Partie II

Rencontre du 26 juin 1940

Dans la matinée du 26 juin 1940, Otto Abetz reçoit à l'ambassade d'Allemagne une délégation du Parti communiste composée de Denise Ginollin, de Robert Foissin et de deux membres de son Comité central : Maurice Tréand et Jean Catelas.

Quatre documents permettent de connaître le contenu de cette première rencontre entre des dirigeants communistes et le représentant d'Hitler en France.

Tout d'abord, une note du 7 novembre 1944 rédigée par l'un des participants, Robert Foissin :

"L'entretien porte essentiellement sur les impossibilités d'ordre politique d'une reparution de l'Humanité, sur la nécessité de choisir un autre titre, ainsi que sur le programme concret du Parti communiste. Mes camarades promettent de remettre un plan de travail et de propagande." (1)

Ensuite, un rapport de Jacques Duclos du 30 juin 1940 envoyé à l'IC :
 
"Abetz les reçut dans le jardin de l’ambassade d’Allemagne et leur tint des propos qui peuvent se résumer ainsi.
« Vous avez entendu parler de moi; on a dit beaucoup de choses sur mon compte mais la vérité est plus simple. J’ai tout simplement travaillé pour le rapprochement entre l’Allemagne et la France que je considère comme ma seconde patrie, etc » En passant, Abetz se lança dans une attaque a fond contre la police française contre les méthodes qu’elle emploie pour arracher des aveux, etc, puis il en vint a l’objet de la conversation à savoir la parution de l’Humanité s’exprimant comme suit :
« Il n’est pas possible de laisser publier « l’Humanité » comme organe communiste; il ne nous est pas possible de légaliser le Parti Communiste et lui seul » Il exposa ensuite les raisons de cette attitude.
« Vous comprenez, il y a plusieurs courants dans la politique allemande; il y a les civils et les militaires qui ne voient pas les choses de la même manière; il y a aussi des courants favorables a l’Union Soviétique et les courants pro-italiens, pro-franquistes. Les militaires ne veulent pas qu’on fasse de politique; nous avons interdit la publication de « l’Emancipation Nationale » de Doriot. Et puis pensez un peu à ce que diraient Mussolini et Franco qui sont a droite par rapport a l’Allemagne, si « l’Humanité » paraissait comme organe communiste. »
Après quoi le personnage en question poursuivit ses explications sur le thème suivant. « La France traverse de grandes difficultés : il faut la relever or qui peut la relever ? C'est seulement le peuple et le peuple c’est vous. La bourgeoisie française bornée, vindicative, hostile aux contacts avec les soldats allemands est dépassée par les événements. Il faut que nous suscitions des initiatives que nous formions des comités et si vous allez partout vous aurez votre Parti partout ».
En conclusion de tout cela notre délégation n'avait pas de réponse définitive concernant la parution de « l’Humanité », la question devant être encore examinée et avant de quitter nos camarades Abetz leur dit quelques mots sur la profonde impression faite par le camarade Staline à son patron Ribbentrop lors de ses voyages a Moscou. (2)

Une lettre de Jacques Duclos du 2 juillet 1940 adressée à Eugen Fried qui dirige à Bruxelles une antenne de l'IC qui a pour mission de contrôler les Partis communistes d'Europe occidentale :

"Abetz a dit toutes les raisons qui s’opposent à la parution de l’Huma, organe du PC, assurant que nous sommes les seuls a avoir une influence de masse, insistant sur la nécessite de ne pas faire de politique et aucune réponse définitive n’a encore été donnée." (3)

Enfin, après trois documents communistes, une lettre en date du 28 juin 1940 d'un autre participant, Otto Abetz :

"Les trois personnes nommées [Foissin, Tréand et Catelas] ne m'ont pas donné l'impression qu'elles s'étaient déjà en quoi que ce soit détournées de leur doctrine. Elles semblent au contraire disposées à nous rendre d'utiles services dans le cadre d'une claire entente pour le relèvement de l'économie française et l'établissement d'une plus saine compréhension sociale.
Elles affirment ne pas connaître le tract ci-joint « Peuple de Paris » apporté par un homme de confiance et déclarent dans cet ordre d'idées, qu'une activité apolitique du parti communiste français, autorisée et intronisée par les autorités allemandes, serait déjà un avantage par le fait que par ce moyen les initiatives non contrôlées venant en particulier des Trotskystes ne pourraient trouver aucun aliment." (4)

L'original de la lettre d'Otto Abetz et une traduction en français de ce document ont été publiés dès 1946 par Edouard Daladier dans une brochure reproduisant sous le titre "Réponse au chefs communistes" le discours qu'il avait prononcé à l'Assemblée nationale constituante le 18 juillet 1946 en réponse au Parti communiste qui avait demandé à la Chambre d'invalider son élection et qui avait justifié cette demande en mettant en cause l'action qu'il avait mené à la tête du gouvernement français entre avril 1938 et mars 1940 (accords de Munich, négociations anglo-franco-sovétiques, dissolution du PCF).

Dans le livre publié en 1983 par Francis Crémieux et Jacques Estager sous le titre Sur le Parti 1939-1940, on peut lire une autre traduction qui présente deux différences notoires portant sur les deux paragraphes cités.

Sur la forme les deux phrases composant le premier paragraphe forment chacune un paragraphe à part entière. Sur le fond, la seconde traduction est de meilleure qualité et notamment le passage suivant : "dans le cadre d'un accord clair pour remettre en marche l'économie française et rétablir une situation sociale plus saine." (5)

Quant second paragraphe cité, la seconde traduction édulcore le texte original correctement rendu dans la première traduction : "qu'une activité apolitique du Parti communiste en France s'exerçant au vu et au su des autorités allemandes présenteraient des avantages du fait que par ce moyen les initiatives non contrôlées venant en particulier des trotskystes ne pourraient trouver de terrain". (6)

"Au vu et au su" (tolérance des Allemands) au lieu de "autorisé et intronisé" (autorisation des Allemands).

Le texte original indique : "dass eine von deutschen Stellen erlaubte [autorisé] und eingeschene [eingesehen : reconnu] unpolitische Tätigkeit der Kommunistischen Partei in Frankreich". (7)

(1) Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, p. 354.
(2) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, p. 196.
(3) Ibid. p. 205.
(4) Edouard Daladier, Réponse aux chefs communistes, 1946, p. 60.
(5) F. Crémieux, J. Estager, op. cit. p. 288.
(6) Ibid., p. 288.
(7) E. Daladier, op. cit., p . 59.


Objectifs des deux parties

Les documents cités permettent d'établir - point important - la volonté des deux parties d'engager des négociations. Ils permettent aussi de connaître leurs objectifs respectifs.
 
Abetz
 
Côté allemand, Abetz a indiqué à ses interlocuteurs que pour des motifs politiques ni le Parti communiste ni son organe central, l'Humanité, ne pouvaient être légalisés. L'autorisation accordée le 20 juin par le lieutenant Weber n'était donc de fait plus valide.

En revanche, il a marqué l'intérêt des Allemands pour une activité apolitique des communistes qui se serait faite au travers de comités et même d'un journal autorisé par la puissance occupante. Ces structures et ce journal autorisé n'auraient donc fait aucune référence au Parti communiste.

L'activité apolitique des communistes devait se concentrer sur deux points jugés prioritaires par les Allemands :

1) La réouverture des entreprises. Cette reprise d'activité devait avoir un impact positif sur le climat social. Elle devait aussi servir l'économie de guerre allemande.

2) La paix sociale. Parti des masses au yeux des Allemands, le PCF devait la garantir en empêchant ou en canalisant tout mouvement de contestation de la population fondé sur la présence allemande, les difficultés de ravitaillement ou le chômage.

Sur les contacts entre la population française et les soldats allemands, Abetz a dénoncé devant ses interlocuteurs "La bourgeoisie française bornée, vindicative, hostile aux contacts avec les soldats allemands". On retrouvera un écho de ce propos dans un article publié dans l'Humanité n° 59 du 4 juillet 1940 sous le titre "Travailleurs français et soldats allemands" :

"Il est particulièrement réconfortant, en ces temps de malheurs, de voir de nombreux travailleurs parisiens s'entretenir amicalement avec des soldats allemands, soit sur la rue, soit au bistrot du coin.
Bravo, camarade, continuez, même si cela ne plait pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants.
La fraternité des peuples ne sera pas toujours une espérance, elle deviendra une réalité vivante."

On peut constater que sur ce point particulier, le message des Allemands a été bien reçu.
 
Concernant le ravitaillement et la lutte contre le chômage, on exposera les faits suivants. Au mois de juillet 1940 le Parti communiste a appelé ses militants à créer des comités populaires. Ces structures avaient pour vocation de rassembler les masses populaires et d'organiser leur action. Elles ne faisaient aucune référence au PCF et ce afin de ne dissuader aucun Français d'y adhérer. Elles avaient des finalités particulières. Il y avait notamment les comité populaires d'entreprise, appelés aussi comités populaires d'usine, qui rassemblaient les personnels d'une entreprise en vue d'assumer deux fonctions : ravitailler en vivre les familles du personnel et remettre l'entreprise en activité (La Vie Ouvrière du 1er août 1940). Et les comités populaires d'entr'aide et de solidarité qui visaient à organiser à l'échelle locale le ravitaillement des populations (l'Humanité n° 60 du 7 juillet 1940 et le n° 64 du 24 juillet 1940). On mentionnera aussi les comités pour la libération des prisonniers politiques "organisant l'action en faveur de la paix, aidant leurs femmes et leurs enfants, réalisant une œuvre de solidarité et menant campagne pour que justice soit rendue à ceux qui ont combattu les fauteurs de guerre". Défini dans le numéro de septembre 1940 de la Vie du Parti, bulletin édité par le Comité central du PCF, l'objet de ces comités pour la libération des prisonniers politiques reflétait parfaitement la position pacifiste du Parti communiste. Avec d'autres mesures comme le rétablissement des municipalités communistes, les comités populaires constituaient pour le PCF une première étape vers la prise du pouvoir tant sur le plan économique que sur le plan politique. Au mois d'août, dans le cadre de leurs négociations avec l'ambassade d'Allemagne, les communistes ont demandé aux Allemands de légaliser ces structures pour en faire des interlocuteurs à part entière des autorités d'occupation. Constatant que les comités populaires répondaient à toutes ses exigences, la puissance occupante a répondu favorablement à cette demande communiste. Réponse positive qui ne s'est pas concrétisée dans les faits en raison de la rupture des négociations entre les deux parties.

Un dernier élément sur les motivations allemandes. Dans la suite des négociations Abetz a mis en avant la question sécuritaire en expliquant à Ribbentrop et à Hitler qu'une activité communiste autorisée aurait permis de faire sortir de la clandestinité les militants et les chef communistes, de les identifier et enfin de les éliminer le moment venu.
 
PCF
 
Concernant les communistes, on peut retenir de l'entrevue du 26 juin trois prises de position.
 
Tout d'abord, ils ont manifesté leur désir de faire reparaître l'Humanité.
 
Ensuite, sur les conseils d'Abetz les invitant à changer de titre et à formuler leur demande par écrit, ils se sont engagés à remettre un "plan de travail et de propagande" (mémorandum de Foissin).
 
Cet engagement s'est concrétisé le jour même avec la rédaction d'une lettre demandant "l'autorisation de publier l'Humanité" .

Les communistes espéraient que l'argumentaire développé dans cette lettre permettrait de faire changer la position des Allemands.

En refusant de changer de titre, ils marquaient leur détermination à obtenir la légalisation l'Humanité. Autre preuve de cette détermination, le rapport de Jacques Duclos du 30 juin 1940 envoyé à l'IC :

"Nous pensons qu’il est juste de faire de gros efforts pour essayer d'obtenir le droit de faire paraitre « l'Huma » dont le succès serait considérable mais nous sommes fermement décidés a ne pas nous laisser influencer étant bien entendu que si « l’Humanité » peut paraitre légalement elle défendra notre politique." (1)

Enfin, les communistes ont plaidé pour une activité apolitique en soulignant les avantages que pourraient en tirer les Allemands avec comme exemple la lutte contre les menées... "trotskystes" (lettre d'Abetz).
 
On ne doit pas déduire de cette dénonciation que les quelques trotskystes présents à Paris représentaient une quelconque menace pour la puissance occupante. En revanche, elle rend compte de la haine que les staliniens leur portaient et prouve que ces derniers étaient prêts à s'allier avec les nazis pour les combattre.
 
(1) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, p. 197.


Partie III

Lettre du 26 juin 1940

Dans l'après-midi du 26 juin 1940, en accord avec les déclarations d'Otto Abetz les invitant à demander par écrit l'autorisation de publier un journal, mais en écartant les réserves formulées par ce dernier concernant l'Humanité en particulier, Maurice Tréand et Jean Catelas préparent une lettre dans laquelle ils "exposent les motifs et le programme d'une reparution de l'Humanité" (lettre d'Abetz).

Cette lettre porte la date du "26 juin 1940" et les signatures des deux dirigeants communistes avec la mention explicite qu'ils sont membres "du Comité central du Parti communiste français".
 
A ces deux signatures vient s'ajouter une mention manuscrite, la seule du document, indiquant "Robert Foissin / avocat à la Cour de Paris".
 
Si la signature de Foissin est absente de la lettre reproduite dans l'article de Denis Peschanski, elle est présente dans la lettre reproduite sous forme de cliché dans L'Epoque du 19 octobre 1945. Elle est aussi corroborée par la lettre d'Abetz dans laquelle on peut lire :

"Je vous envoie ci-joint la copie d'une lettre arrivée hier, dans laquelle trois représentants du Bureau central du parti communiste français exposent les motifs et le programme d'une reparution de l'Humanité [...]".
 
Signalons une autre absence : la référence au mandat de député de Jean Catelas. En effet, dans la lettre publiée par Peschanski on peut lire "Catelas Jean / du Comité central du Parti communiste français" et dans celle de l'Epoque : "Catelas Jean / député, du Comité central du Parti communiste français".

Dernier élément, la première phrase du texte permet d'établir que le destinataire du courrier ("Monsieur") est Otto Abetz et que la rédaction de ce document est liée à la rencontre du matin à l'ambassade d'Allemagne :

"Comme suite à la conversation que nous avons eue ce matin, nous tenons à vous préciser les préoccupations qui sont nôtres dans les moments difficiles que traverse notre pays."


Motifs

Après avoir évoqué la rencontre du matin, le Parti communiste expose les motifs justifiant la légalisation de l'Humanité par les autorités allemandes.
 
Tout d'abord, il met en avant que pendant toute la durée du conflit franco-allemand les communistes ont été les seuls à se battre en faveur de la Paix et ce au péril de leur vie :

"Laissez-nous vous rappeler tout d'abord que nous, communistes, décidés à rester communistes devant la guillotine ou le poteau d'exécution nous avons été seuls à nous dresser contre la guerre, à demander la paix à une heure où il y avait quelque danger à le faire."
Si on nous avait écoutés dans les milieux dirigeants français notre pays ne connaîtrait pas les difficultés qu'il connaît aujourd'hui. La France n'aurait pas connu la guerre. Mais au lieu de nous écouter on a jeté nos militants en prison, on s'est livré contre nous aux pires persécutions."

Il décrit ensuite les malheurs de la France au nombre desquels ne figure pas l'occupation allemande, dénonce ceux qui en portent la responsabilité c'est-à-dire les fauteurs de guerre français et enfin tirent la conclusion de ce qui précède que seuls les communistes méritent la confiance des Français et... celle des Allemands :

"Et aujourd'hui, les conséquences de cette politique sautent aux yeux; des milliers et des milliers d'évacués errent sur les routes de France, de nombreuses populations sont insuffisamment ravitaillé(e)s, la misère fait tâche d'huile et s'étend sur le territoire de la France.
Dans une situation aussi pénible le peuple de France en est à se demander quel malheur terrible s'est abattu sur sa tête. Il pense que désormais quelque chose doit changer et qu'il faut mettre un terme aux agissements criminels des fauteurs et profiteurs de guerre. Il attend des directives émanant d'hommes qui ne lui ont pas menti, d'hommes qui n'ont pas hésité à braver la prison et le poteau d'exécution pour lui clamer la vérité.

Le Parti communiste poursuit en évoquant le cas de l'Humanité pour souligner qu'elle a été interdite par les bellicistes français et qu'elle a donc toute légitimité pour reparaître contrairement aux journaux autorisés par les Allemands comme Le Matin ou Paris Soir qui pendant toute la durée du conflit ont été les relais des mensonges de la propagande officielle :

"Ces hommes, chacun le sait, ce sont les communistes et quand, par exemple, des journaux comme le Matin ou Paris-soir qui se sont rendus célèbres par leurs mensonges, viennent maintenant parler au peuple, qui donc pourrait avoir confiance en eux. Il y a un journal qui est capable d'inspirer confiance au peuple parce qu'il a été interdit par le Gouvernement de fauteurs de guerre. Ce journal c'est  l'Humanité, bien connu comme organe central du Parti communiste français."

On retrouvera le même argumentaire dans de nombreux textes de la période comme l'article "Ceux qui ont le droit de parler" publié dans l'Humanité clandestine n° 58 du 1er juillet 1940 ou le tract "Les bourreurs de crâne au pilori" diffusé au début de juillet 1940.

Dans le premier texte, on peut notamment lire :

""L'HUMANITE" interdite, en août dernier, par Daladier pour avoir défendu le pacte germano-soviétique, "l'HUMANITE", interdite pour avoir défendu la Paix, ne peut toujours pas paraître normalement.
Par contre, deux journaux bien connus pour leurs mensonges, "Le MATIN" et "PARIS-SOIR" peuvent paraître, mais ils ne parviendront jamais à faire oublier leur triste besogne d'excitation à la guerre. [...]
Les valets des fauteurs de guerre peuvent se répandre aujourd'hui, en bavardages, ils ne feront pas oublier leur attitude d'excitateurs à la guerre.
Un journal a le droit de parler, un journal a le droit de dire leur fait aux responsables des malheurs de la France; ce journal c'est "l'HUMANITE" qui a défendu la grande cause de la liberté et de la Paix, a lutté pour le socialisme contre le capitalisme générateur de misère et de guerre."

Pour le second texte, on reproduira l'extrait suivant :

"Pour conduire la France au désastre une bande de malfaiteurs publics a trompé le peuple de notre pays. On l'a trompé sur la force de notre armée, on l'a trompé sur la politique des communistes présentés comme des traîtres, alors qu'ils étaient les seuls à lutter pour la Paix, en Français clairvoyants et en militants courageux. On l'a trompé ce pauvre peuple de France, de la façon la plus ignoble.

En voici des preuves :

M.FROSSARD a fait dire par ses serviteurs de l'information, en Mai dernier, que Maurice Thorez était en Allemagne. Ce ministre a menti pour essayer de déshonorer les défenseurs de la Paix, il a menti par ordre des ploutocrates fauteurs de guerre. [...]

Ainsi le Peuple de France a été trompé, odieusement trompé; seul un journal, l'Humanité, seul un parti, le Parti communiste ont dit la Vérité, honnêtement, simplement, courageusement.

C'est pour cela que l'Humanité a été interdite, c'est pour cela que les masses populaires doivent demander qu'elle puisse paraître normalement.

Les bourreurs de crâne doivent être cloués au pilori et seul un journal peut le faire. Ce journal c'est le grand journal de Jaurès et de Vaillant-Couturier, le journal qui fut le seul à se dresser en 1923 contre l'occupation de la Rhur par Poincaré, le journal qui a toujours fait flotter bien haut le drapeau de la fraternité des peuples, le journal qui, en Août dernier, défendit contre tous le pacte germano-soviétique."


Demande de légalisation de l'Humanité
comme tribune officielle du PCF

Après avoir exposé les motifs justifiant sa démarche, le Parti communiste demande formellement la légalisation de l'Humanité :

"Daladier avait songé à utiliser le titre de ce journal pour essayer de tromper le peuple mais il s'est rendu compte que l'influence de ce journal tenait non pas seulement à son titre mais à sa qualité de journal communiste et aussi à la personnalité de ses rédacteurs.
C'est pourquoi nous pensons que dans les circonstances actuelles le journal l'Humanité peut rendre d'inestimables services au peuple à condition qu'on n'essaye pas de dissimuler son véritable caractère faute de quoi il apparaîtrait comme une contrefaçon sans aucune espèce d'intérêt.
Nous demandons donc l'autorisation de publier l'Humanité sous la forme dans laquelle elle se présentait à ses lecteurs avant son interdiction par Daladier au lendemain de la signature du pacte germano-soviétique."

Deux remarques distinctes sur cette demande. Tout d'abord, le Parti communiste rappelle que l'Humanité a été interdite pour avoir approuvé le Pacte germano-soviétique.
 
Ensuite, le plus significatif, évoquant la forme de l'Humanité légale, il plaide pour le maintien de la mention "Organe central du Parti communiste français (SFIC)" ainsi que de la faucille et du marteau, symboles du communisme, afin de garantir aux masses populaires que ce journal sera sans aucune équivoque la tribune officielle du PCF.
 
Pour appuyer cette revendication, il affirme que l'influence de l'Humanité dans le monde ouvrier est fondée sur la présence de rédacteurs et la défense de positions clairement identifiés comme communistes par les lecteurs, et donne comme contre-exemple le projet que le Gouvernement Daladier a formé à la fin de septembre 1939 de la faire reparaître sur une ligne patriotique et qu'il abandonné en raison du refus des responsables du journal qu'il avait contactés.


Politique intérieure

Dans la suite du texte, le Parti communiste expose sa ligne politique tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur.
 
Tout comme le rappel de son attitude pacifiste pendant la guerre de 1939-1940, cet exposé doit convaincre les Allemands de répondre favorablement à sa demande.

Evoquant ses combats sur le plan intérieur, le Parti communiste déclare que l'Humanité sous censure allemande se mobilisera pour assurer le ravitaillement des populations, soutenir la reprise de l'activité économique, combattre les capitalistes, promouvoir la famille et le sport et enfin dénoncer les responsables de la situation actuelle du pays :

"L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de défendre le peuple en stimulant la constitution de comités populaires de défense et d'entraide pour secourir les victimes militaires et civiles de la guerre, pour organiser le rapatriement et le logement des évacués, pour déterminer d'un bout à l'autre du pays un vaste mouvement de solidarité en faveur des couches les plus éprouvées de la population.
L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche d'œuvrer au redressement économique du pays en exaltant la mission créatrice des travailleurs, en s'efforçant de développer l'effort de production dans tous les domaines, tant dans l'agriculture que dans l'industrie.
L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de stimuler l'œuvre indispensable de reconstruction du pays en préconisant des mesures à prendre contre les gros possédants, en combattant l'égoïsme capitaliste responsable de la catastrophe qui s'est abattue sur la France.
L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de défendre l'avenir de la France en poursuivant une politique de protection de la maternité et de l'enfance et en développant l'éducation physique.
L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche d'être au service du peuple et de dénoncer les responsables de la situation actuelle de la France."

Ce plan répond parfaitement aux préoccupations allemandes : reprise de l'activité économique, ravitaillement des populations, aucune critique de l'occupant. Tous ces éléments devant concourir à préserver l'ordre public de toute contestation sociale ou politique.


Politique étrangère

En matière de politique étrangère, le Parti communiste affirme que :

"L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonises françaises dans la guerre et d'appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance contre leurs oppresseurs impérialistes.
L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable".

A la lecture de ce texte, on peut constater que l'Humanité légale se fixe les tâches suivantes :
 
1) combattre le Général de Gaulle et ses Appels à poursuivre la lutte contre les Allemands,
2) dénoncer l'impérialisme britannique,
3) soutenir la Paix avec Hitler,
4) défendre la signature d'un pacte d'amitié entre la France et l'URSS, l'alliée de l'Allemagne, en soulignant qu'il serait un complément du "pacte germano-soviétique" et qu'il "créerait les conditions d'une paix durable" en Europe.

Ces engagements politiques sont une parfaite illustration de la ligne pacifiste, antigaulliste, anglophobe et germanophile du PCF. Identiques à ceux défendus dans l'Humanité clandestine, ils ne devraient pas heurter la censure allemande.

Au vu de ce qui précède, on posera la question suivante : doit-on considérer la lettre du 26 juin 1940 comme un acte de Résistance ou un acte de Collaboration ?


L'Humanité clandestine

La politique étrangère définie dans la lettre du 26 juin 1940 est identique à celle défendue dans l'Humanité clandestine.
 
Parfait reflet des positions défendues par les communistes entre juin 1940 (défaite de la France) et juin 1941 (invasion de l'URSS par les armées allemandes), elle n'est donc nullement le résultat des négociations entre les communistes et les Allemands et plus précisément de concessions que les premiers auraient accepté de faire pour obtenir la bienveillance des seconds.

Pour démontrer la véracité de ces affirmations et le mensonge des auteurs qui affirment que cette ligne politique n'a été formulée que dans le cadre des pourparlers avec les Allemands, on citera deux numéros de l'Humanité clandestine dans lesquels sont exposées les exigences du Peuple de France autrement dit celles... du PCF.

Dans un article publié dans l'Humanité n° 58 du 1 juillet 1940 sous le titre les "Les revendications du Peuple de France", on peut lire :

"Le Peuple de France soucieux d'assurer le redressement économique et moral du pays demande :
1°) La libération de tous les défenseurs de la Paix et le rétablissement dans leurs fonctions des élus du peuple déchus pour avoir défendu la Paix. [...]
7°) Le maintien de la Paix et la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique et qui permettrait la conclusion d'un accord commercial avec l'Union soviétique pour éviter la famine."

Publié dans l'Humanité n° 59 du 4 juillet 1940, l'article "Le Peuple de France veut la paix" présente le contenu suivant :

"Il [Le Peuple de France] demande d'énergiques mesures contre tous ceux, qui par ordre de l'Angleterre impérialiste, voudraient entraîner à nouveau les Français dans la guerre.
Il demande la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique et serait la garantie de la paix en Europe.
Il demande la conclusion d'un accord commercial avec l'URSS en vue d'aider notre pays à surmonter ses difficultés de ravitaillement.

Dans ces deux numéros, le Parti communiste expose sans aucune équivoque sa ligne politique :

1) combattre le Général de Gaulle et ses Appels à poursuivre la lutte contre les Allemands,
2) dénoncer l'impérialisme britannique,
3) soutenir la Paix avec Hitler,
4) défendre la signature d'un pacte d'amitié entre la France et l'URSS, l'alliée de l'Allemagne, en soulignant qu'il serait un complément du "pacte germano-soviétique" et "la garantie de la paix en Europe".

On peut constater que les mesures prônées par les communistes sont identiques à celles mentionnées dans la lettre remise à Abetz.

Signalons pour terminer que dans son article "La demande de parution légale de « l'Humanité » (17 juin 1940 - 27 août 1940)", Denis Peschanski réussit l'exploit de mettre en évidence des différences entre le contenu politique de la lettre du 26 juin 1940 et celui des Humanités clandestines de l'été 1940 !!!


Pacte d'amitié franco-soviétique

Peut-on rêver d'un plus beau symbole de collaboration entre la France de Thorez, l'Allemagne d'Hitler et la Russie de Staline qu'un "pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable" en Europe ?

Absente des livres d'histoire, cette proposition communiste stipule que la signature d'un pacte d'amitié entre la France et l'URSS : 
 
1) serait conforme aux intérêts de l'Allemagne nazie !!!
2) garantirait le succès d'une négociation de Paix entre un gouvernement communiste et Hitler, et inciterait en outre l'Angleterre à mettre fin au conflit anglo-allemand !!! 
 
Par con contenu, non seulement elle reconnaît et soutient l'alliance germano-soviétique mais en plus elle célèbre l'URSS pour son engagement en faveur de... la Paix en Europe.
 
Point central de la politique étrangère du PCF, elle est mentionnée dans plusieurs textes rédigés à la même période par Jacques Duclos :

1) Appel au "Peuple de Paris" du 25 juin 1940 : "Le gouvernement que le pays attend et que les événements imposent, c'est un gouvernement populaire, démocratique, [...] un gouvernement décidé à poursuivre avec l'URSS, pays du socialisme, une politique d'amitié qui compléterait heureusement le pacte germano-soviétique et contribuerait à créer les conditions d'une paix juste et durable."

2) Rapport à l'IC du 30 juin 1940 : "Conclusion d'un pacte d'amitié avec l'URSS qui compléterait le pacte germano-soviétique et constituerait un important facteur de pacification européenne".

3) L'Humanité n° 58 du 1 juillet 1940 (article "Les revendications du peuple de France") : "7) Le maintien de la Paix et la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique et qui permettrait la conclusion d'un accord commercial avec l'Union soviétique pour éviter la famine."

4) L'Humanité n° 59 du 4 juillet 1940 (article "Le peuple de France veut la paix") : "Il demande la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique et serait la garantie de la paix en Europe."

5) Tract "La bande à Doriot" diffusé au début de juillet 1940 : "C'est vers ces hommes qui n'ont pas courbé la tête, que monte la confiance du peuple de notre pays qui veut en finir avec le capitalisme pour se sauver, qui sait qu'un pacte d'amitié franco-soviétique, complétant le pacte germano-soviétique ouvrirait une ère de Paix [...]."

En réponse aux rapports de Duclos dont celui du 30 juin, l'IC adoptera le 19 juillet une Directive qui sera envoyée le lendemain à Paris dans un Télégramme signé par Thorez et Dimitrov.

Dans ce télégramme l'IC corrigera la proposition portant sur un pacte d'amitié franco-soviétique :

"Juste proposer entente avec URSS mais sans la présenter comme un complément pacte germano- soviétique et sans parler de pacification Europe."

Suivant les Instructions de Moscou, le Parti communiste ne fera plus référence à cette proposition dans sa forme initiale...


Indépendance des peuples coloniaux

On évoquera l'engagement "d'appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance" pour signaler que cet engagement vise deux objectifs bien précis : empêcher l'implantation de la France libre dans les territoire de l'Empire français et la mobilisation des peuples coloniaux dans la guerre contre Hitler.

Preuve supplémentaire que ces motivations expliquent la position du PCF sur ce point particulier, l'Appel au "Peuple de Paris" du 25 juin 1940 :

"L'armistice est signé. Nos soldats ne se battent plus et, tandis qu'a cessé le bruit du canon, nos pensées vont à tous ceux qui sont restés sur les champs de bataille, aux mères, aux veuves, aux orphelins, aux mutilés, à toutes les pitoyables victimes de la guerre.
C'est en vain que les agents de l'impérialisme britannique essayent maintenant de persuader le peuple de France qu'il doit poursuivre maintenant la guerre pour le compte des financiers de la Cité et, tandis que ces messieurs tentent d'étendre le feu de la guerre aux colonies, les communistes disent aux peuples coloniaux : « Mettez à profit les difficultés de vos oppresseurs pour briser vos chaînes, pour vous libérer, pour conquérir votre indépendance »."


Partie IV

Demandes supplémentaires

La lettre du 26 juin 1940 formule en forme de post-scriptum deux revendications supplémentaires :

"P.S. Afin que l'Humanité puisse remplir sa tâche de défenseur et conseiller du peuple il faut :
1) Que soient libérés les militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration.
2) Que soient rétablis dans leurs fonctions et droits de représentants du peuple tous les élus arbitrairement déchus de leur mandat et qui ont, envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétique (sénateurs, députés, maires, conseillers généraux, conseillers d'arrondissement, conseillers municipaux)."

La première revendication porte sur la libération des militants et élus communistes qui ont été condamnés par les tribunaux de la République entre septembre 1939 et juin 1940 en raison de leur engagement en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie, et ceux qui pour les mêmes motifs ont été internés administrativement en application du décret-loi du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à l'égard des individus dangereux pour la défense nationale.
 
En d'autres termes, le Parti communiste demande aux nazis d'amnistier tous les "militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration" pour avoir combattu la guerre.

On notera que la demande s'adresse aux bonnes personnes.

La seconde revendication porte sur le retour dans leurs fonctions électives des élus communistes ("sénateurs, députés, maires, conseillers généraux, conseillers d'arrondissement, conseillers municipaux") déchus de leur mandat pour avoir, "envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétique".

Sur ce point particulier, le Parti communiste a une priorité : obtenir des Allemands le rétablissement des municipalités communistes.

Ce rétablissement aurait pour effet d'abroger de fait deux textes de loi. Tout d'abord, le décret-loi du 26 septembre 1939 suspendant les municipalités communistes et confiant leur gestion à des délégations spéciales.

Ensuite, la loi du 20 janvier 1940 qui a déchu de leur mandat tous les élus communistes qui n'avaient pas rompu publiquement avec le PCF. Cette loi a été votée à la suite du refus de quatre députés communistes permissionnaires de se lever à la séance du 9 janvier 1940 alors que la Chambre rendait hommage aux armées de la République engagées contre l'Allemagne nazie.


Partie V

Jacques Duclos

Si la demande de reparution de l'Humanité du 26 juin 1940 porte les signatures de Maurice Tréand et Jean Catelas, on ne doit pas pour autant en déduire qu'ils en sont les auteurs.

En effet, on peut attribuer la rédaction de ce texte à Jacques Duclos, chef du Parti communiste clandestin, en avançant deux arguments.

Tout d'abord, les circonstances. Au vu de l'importance des enjeux, ce texte a été rédigé par un dirigeant de premier plan. Or, le nombre de dirigeants présents à Paris était réduit, Maurice Tréand n'avait pas été nommé dans les fonctions importantes qu'il occupait pour ses talents d'écrivain et enfin Jean Catelas était un membre suppléant du Comité central. Ne restait donc que Jacques Duclos.

Autre argument, plus probant, un écrit. Dans son rapport du 30 juin 1940, Jacques Duclos a défini un programme identique dans ses termes à celui contenu dans la lettre du 26 juin 1940.

Le chapitre consacré à la "Politique Extérieure" présentait le contenu suivant :

"Maintien de l'armistice et répression énergique de toute action tendant à entraîner à nouveau le peuple français dans la guerre.
Soutien des peuples coloniaux dans la lutte pour leurs revendications et leur indépendance
Conclusion d'un pacte d'amitié avec l'URSS qui compléterait le pacte germano-soviétique et constituerait un important facteur de pacification européenne". (1)

Rappelons que la dernière proposition était mentionnées dans plusieurs textes rédigés à la même période par Jacques Duclos.
 
Du chapitre consacré à la "Politique intérieure", on retiendra les mesures suivantes :
 
"Libération de tous les défenseurs de la paix, communistes et autres, jetés en prison ou internés dans les camps de concentration pour avoir combattu la guerre".
 
"Rétablissement dans leurs droits et fonctions de tous les élus du peuple qui ont été frappé de déchéance par le gouvernement de fauteurs de guerre."

"Remise en activité de toutes les entreprises et en attendant versement d'allocations de secours aux sans-travail". (2)


Séance du 4 juillet 1946
 
Compte tenu du rôle de Jacques Duclos dans les négociations de l'été 1940 en général et dans la rédaction de la lettre du 26 juin 1940 en particulier, on appréciera les propos que l'ancien chef du Parti communiste clandestin a tenu au cours de la séance du 4 juillet 1946 de l'Assemblé nationale constituante dans le débat précédent le vote sur les opérations électorales de la 1ère circonscription de la Seine.
 
Indigné par le comportement des parlementaires communistes qui demandait l'invalidation de son élection en s'appuyant sur des accusations mensongères concernant son comportement pendant l'occupation allemande, le député de la Seine Etienne Frédéric-Dupont est intervenu dans cette séance pour dénoncer les accusations communistes et lire trois textes visant à prouver la trahison du PCF au cours de la guerre de 1939-1940 (lettre du 1er octobre 1939 du groupe parlementaire communiste plaidant pour la paix avec l'Allemagne, traité de frontières et d'amitié germano-soviétique du 28 septembre 1939 organisant le partage de la Pologne entre l'URSS et l'Allemagne, lettre du 26 juin 1940) non sans provoquer la colère et l'indignation des députés communistes et notamment celles de... Jacques Duclos qui a pris la parole pour évoquer le troisième document et déclarer que ce document était... un "faux", le fruit d'une "machination de la Gestapo" qui visait à "porter atteinte à l'honneur" de Jean Catelas  :

"M. Frédéric-Dupont. Vous me reprochez d'avoir transmis des propositions, qui étaient d'ailleurs favorables, du Viennois Heske au préfet de la Seine alors que vous, le 1er octobre 1939, trois jours après la signature du pacte germano-soviétique, quinze jours après l'attaque par derrière par les armées russes, des défenseurs de Varsovie, de nos valeureux alliés pour la liberté du monde... (Violentes protestations à l'extrême gauche. — Applaudissements à droite.)
 
M. Fernand Grenier [député communiste]. Ce n'est pas vrai!
 
A l'extrême gauche. Menteur! traître! 
 
M. Waldeck Rochet [député communiste]. S'agit-il de la validation de M. Dupont ou d'un débat de politique extérieure ?
 
M. Frédéric-Dupont. Trois jours après ce pacte, qui consacrait le quatrième partage de la Pologne, vous avez été les courtiers d'Hitler pour une paix de déshonneur. Vous le savez d'ailleurs très bien, puisque vous en avez touché le bénéfice... (Exclamations et bruit à l'extrême gauche.)
 
M. Waldeck Rochet. C'est vous qui avez négocié avec les Allemands. 
 
M. Frédéric-Dupont. ...car cinq jours avant l'armistice, en pleine guerre, le délégué central du parti communiste est allé solliciter de la Gestapo qui l'a accordée, l'autorisation de faire paraître l'Humanité. (Vives interruptions et protestations à l'extrême gauche.)
 
M. Georges Cogniot [député communiste]. Souvenez-vous de Péri!
 
M. le président. Devant ce tumulte, je vais suspendre la séance ! (Le tumulte continue. — Les membres du mouvement républicain se lèvent et quittent la salle des séances.) 
La séance est suspendue. 
 
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq minutes, est reprise à dix-sept heures dix minutes.) 
 
M. le président. La séance est reprise. [...]
 
M. le président. Nous reprenons la suite de la discussion des conclusions du rapport du 9e bureau sur les opérations électorales de la 1ere circonscription de la Seine. 
La violence des incidents qui se sont produits tout à l'heure m'a obligé à suspendre la séance, car il m'apparaissait que la raison ne pouvait avoir raison de la passion.
Je regrette, vous regretterez tous de part et d'autre, j'en suis sûr, la violence de ces incidents, surtout au moment où se tient à Paris la conférence que vous savez. (Applaudissements à gauche, au centre et à droite.)
Ne vous contentez pas de m'applaudir, mes chers collègues ! Je vous demande aux uns et aux autres de prendre garde; quelques séances comme celle d'aujourd'hui risquent de compromettre, non seulement la dignité de l'Assemblée, mais le régime représentatif lui-même. (Applaudissements à gauche, au centre et à droite.) [...]
La parole est à M. Frédéric-Dupont.

M. Frédéric-Dupont. [...]
J'en reviens au point où j'en étais resté. Je constate avec regret que vous avez alors envoyé au conseiller Turner, le jour de l'armistice, la lettre suivante :
« Monsieur, comme suite à la conversation que nous avons eue ce matin, nous tenons à vous préciser les préoccupations qui sont nôtres dans les moments difficiles que traverse notre pays. Nous avons été seuls à nous dresser contre la guerre et à demander la paix à une heure où il y avait quelque danger à le faire. Il y a un journal qui est capable d'inspirer confiance au peuple parce qu'il a été interdit par le gouvernement des fauteurs de guerre. Ce journal, c'est l'Humanité, bien connu comme organe central du parti communiste fiançais. 
« Nous vous demandons l'autorisation de publier l'Humanité, sous la forme dans laquelle elle se présentait à ses lecteurs avant son interdiction par Daladier au lendemain de la signature du pacte germano-soviétique. 
« L'Humanité publiée par nous se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre et d'appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance contre les oppresseurs impérialistes. »
 
Jacques Duclos. Voulez-vous me permettre de vous interrompre.

M. Frédéric-Dupont. Je préfère continuer, vous répondrez tout à l'heure. (Interruptions à l'extrême gauche.)
Or, j'ai le regret de constater que cette lettre, dont on possède l'original, a été envoyée au conseiller Turner le jour-même de l'armistice par le comité central du parti communiste français. [...]
J'en ai fini. Je voudrais simplement, pour terminer, vous rappeler que le parti communiste, malgré son héroïsme, devant lequel nous nous inclinons tous, à partir du jour où la Russie fut attaquée, n'est pas qualifié pour devenir, comme il l'est, hélas ! depuis deux ans, l'arbitre de notre patriotisme et de notre honnêteté. (Applaudissements à droite.)
On parle toujours de la France glorieuse, de la France résistante des deux dernières années. Mais il y a aussi une autre France, un peu plus vieille, croyez-moi, la France de 1939, la France de 1940, la France des derniers combats, la France de nos camarades qui se sont battus jusqu'au bout, la France de Clostermann et des autres, la France même de l'exode.
Cette France, c'est devenu un principe, chez tous les gouvernements, de lui jeter la pierre. Je l'aime, cette France, parce que si elle fut légère, elle fut surtout malheureuse. Je constate que vous, communistes, vous l'avez désertée dans ses mauvais jours, cette France de 1939, de 1940, vous l'avez trahie dans sa misère. (Applaudissements à droite.) [...]

M. le président. J'entends demander la clôture.
M. Duclos était inscrit, je lui donne la parole contre la clôture. 

M. Jacques Duclos. Tout à l'heure, M. Frédéric-Dupont, sortant un peu du sujet qui nous préoccupe et qui a trait à une affaire de commerce avec l'ennemi, a donné lecture d'un certain nombre de documents. Nous aurons sans doute l'occasion de parler de ces documents dans de prochains débats et nous ferons toute la lumière sur les problèmes qui ont été soulevés dans un but évident de diversion. Cependant, sans attendre davantage, je veux me permettre de dire quelques mots au sujet de l'un d'eux.
Il s'agit de ce document [la lettre du 26 juin 1940] qui traîne depuis quelque temps dans les colonnes de l'Epoque, le journal bien connu des trusts. Ce document tend à faire la démonstration qu'au mois de juin 1940, le comité central du parti communiste français aurait demandé l'autorisation de faire paraître l'Humanité. Permettez-moi de vous dire que c'est là une machination de la Gestapo. (Rires et exclamations à droite. — Applaudissements à l'extrême gauche).
Qu'il me soit permis de dire que M. Frédéric-Dupont n'a pas parlé des deux signataires présumés, d'après la Gestapo, de cette fameuse lettre. L'un de ces deux prétendus signataires était un de nos anciens collègues de la Chambre élue en 1936, M. Jean Catelas, député d'Amiens, décoré quatre fois sur le front, à Verdun, au cours de la guerre 1914-1918. Catelas avait été un des députés persécutés en 1939-1940. Il fut arrêté et condamné par les tribunaux de Vichy et, un matin de septembre 1941, il était guillotiné dans la cour de la prison de la Santé. Il n'y avait pas de préfet de police pour l'aider à s'enfuir. (Vifs applaudissements à l'extrême gauche )
Quand la Gestapo a lancé ce faux, elle voulait porter atteinte à l'honneur de cet homme qui est mort en brave, qui est mort en héros.
Aussi permettez-moi de dire à l'Assemblée comment est mort Jean Catelas, député communiste d'Amiens. Après avoir été condamné à mort par la justice de Vichy, Jean Catelas fut guillotiné avec deux autres de ses compagnons, un jeune architecte de 22 ans, Jacques Voog, et un ouvrier métallurgiste, Adolphe Guyot, un matin de septembre 1941. Jean Catelas, exécuté le dernier, vit tomber la tête de ses deux camarades dans la cour de la prison de la Santé, tandis qu'un détachement de SS était venu assister à l'exécution de trois communistes.
Ces SS. étaient les mêmes qui, le jour où l'on fusillait des communistes à Châteaubriant, disaient « Communistes, pas Français ! », comme si les Boches étaient habilités à délivrer des certificats de patriotisme français. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
Jean Catelas, dont le nom figure sur ce faux de la Gestapo...

A droite. Cela est en dehors de la question.

Jacques Duclos. ... que M. Frédéric-Dupont a lu à l'Assemblée est mort en héros, en criant : « Vive la France !» et : « Vive le parti communiste français ! » et c'est le couperet de la guillotine qui arrêta la Marseillaise sur ses lèvres ! (Applaudissements à l'extrême gauche.)
Permettez-moi de vous dire...

M. André Mutter. Parlez-nous de l'affiche de Cachin.

M. Jacques Duclos. ...que si nous avons tout à l'heure entendu l'éloge de certains de nos camarades qui sont morts pour que vive la France, nous n'oublions pas que souvent on exalte les morts pour insulter les vivants et nous savons aussi qu'il y a des gens qui regrettent que tous les communistes n'aient pas été tués pendant l'occupation. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
On en a tué beaucoup, certes, mais il en reste encore et aujourd'hui ils vont se compter dans cette enceinte pour voter contre la validation de M. Frédéric-Dupont. (Applaudissements à l'extrême gauche.) (3)

(1) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, p. 198.(2) Ibid. pp. 197-198.
(3) Journal officiel du 5 juillet 1946 p. 2596.


Partie VI

Me Robert Fossin

La rencontre du 26 juin 1940 marque le début de la seconde négociation entre le PCF et les nazis.

Pour le représenter dans cette nouvelle négociation, le Parti a désigné Me Robert Foissin. En charge de la défense de ses camarades arrêtés par la police française les 20 et 21 juin, l'avocat communiste avait sollicité l'intervention d'Otto Abetz. Sa désignation a été la conséquence directe du succès de sa démarche. Fait significatif, Robert Foissin est le conseiller juridique de l'ambassade de l'URSS et de la représentation commerciale soviétique à Paris. Initiative personnelle, à la mi-juillet, il exposera au Chargé d'affaire russe le contenu de ses négociations avec les Allemands.

Le rapport de Jacques Duclos du 6 juillet 1940 adressé à l'IC prouve que le chef du Parti communiste clandestin avait approuvé non seulement les pourparlers avec Abetz mais aussi le choix de Foissin :
 
"Naturellement Grégoire [pseudonyme de Maurice Tréand] et Catelas ont depuis l'entrevue [rencontre du 26 juin 1940] dont il est question dans la première lettre [rapport du 30 juin 1940] cessé tout rapport avec les représentants des occupants chargés de la presse, c'est Foissin qui a reçu l'autorisation pour « Ce Soir » par l'intermédiaire d'un avocat français au service des allemands; il s'agit d'un nommé Picard qui travaille avec Abetz et Sieburg et fait le fameux journal « La France au travail » en compagnie de Van den Broeck."

(1) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993, p. 215.


Lettre d'Otto Abetz

Le 27 juin, Robert Foissin se rend à l'ambassade d'Allemagne pour remettre personnellement à Otto Abetz la lettre de ses camarades.

Pour établir ce fait on citera la lettre de Foissin du 4 juillet 1940 adressée à Picard :

"Conformément à la demande de l'ambassade, j'ai remis le 27 juin une lettre de deux membres du Comité central du Parti communiste français".

Le 28 juin, Otto Abetz transmet la demande de reparution de l'Humanité au Dr Harald Turner, Chef des Verwaltungsstabes beim Militärbefehlshaber Paris (Chef de l'Etat-Major administratif du Commandant militaire de Paris). Il y joint une lettre dans laquelle on peut notamment lire :

"Je vous envoie ci-joint la copie d'une lettre arrivée hier, dans laquelle trois représentants du Bureau central du parti communiste français exposent les motifs et le programme d'une reparution de l'Humanité et plaident pour la libération des communistes incarcérés par le gouvernement français ainsi que pour la réinstallation des fonctionnaires communistes déposés au début de la guerre. 
La lettre est de Maurice Tréand et Jean Catelas et a été apportée personnellement par Robert Foissin. [...]
Les trois personnes nommées ne m'ont pas donné l'impression que l'on pourrait les amener à s'écarter de leur doctrine.
Par contre elles paraissent susceptibles de nous rendre d'utiles services dans le cadre d'un accord clair pour remettre en marche l'économie française et rétablir une situation sociale plus saine. [...]
Foissin, Tréand et Catelas demandent une entrevue avec la personnalité compétente de l'Administration militaire." (1)

Dans ce texte, Abetz indique que la lettre transmise est une démarche communiste, qu'elle porte les signatures de trois représentants du PCF ("Maurice Tréand", "Jean Catelas" et "Robert Foissin") et qu'elle a été "apportée personnellement par Robert Foissin". Il décrit ces trois personnes comme étant membres du "Bureau central du Parti communiste français". Si Tréand et Catelas sont membres du Comité central du PCF, le premier comme titulaire, le second comme suppléant, Robert Foissin, avocat de profession, membre du Parti communiste, n'occupe aucune fonction de direction.
 
Dans la suite du texte, le diplomate allemand résume les revendications du Parti communiste : reparution de l'Humanité, libération des militants communistes et retour dans leurs municipalités des élus communistes ("fonctionnaires communistes") déchus de leur mandat. Il met aussi en évidence l'intérêt pour les autorités allemandes d'un accord avec les communistes : reprise de l'activité économique et garantie de la paix sociale
 
Enfin, il indique que les trois délégués du Parti communiste souhaitent rencontrer un responsable de l'administration militaire allemande afin de finaliser un accord.

(1) Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, pp. 287-288.


Impatience du PCF

Dès le 28 juin, Robert Foissin sollicite Otto Abetz pour connaître la réponse des autorités militaires. Ce dernier lui indique qu'aucune décision n'a encore été prise.

Dans son rapport rédigé le 30 juin, Jacques Duclos indique que la situation n'a pas évolué et rapporte un possible refus du Commandant militaire de Paris :

"Aujourd’hui 30 juin les choses continuent à traîner en longueur; il n’y a pas de réponse encore qu’on nous ait dit que le général commandant la Région militaire de Paris est opposé à la parution de notre journal". (1)

(1) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, p. 197.


La France au Travail

Le 30 juin 1940 parait le premier numéro d'un nouveau quotidien du matin : La France au Travail.

Lancé par les Allemands, ce journal dirigé par André Picard vise avec un contenu anti-capitaliste le même public que la presse communiste. Il se caractérise aussi par son discours antisémite.

Le titre de ce journal pro-nazi sera une source d'inspiration pour les communistes puisque l'Humanité n° 58 du 1er juillet 1940 publiera un texte intitulé "Pour remettre la France au travail", que l'organe central du PCF récidivera dans le n° 60 du 7 juillet 1940 avec l'article "La France au travail" et que l'Appel dit du 10 juillet 1940, tract pacifiste présenté par l'historiographie communiste comme un appel à la Résistance, sera composé d'un paragraphe titré "La France au travail".

En raison de la parution de La France au Travail les autorités allemandes ajoutent une seconde condition pour autoriser un quotidien communiste : une parution le soir. Rappelons la première : un changement de titre.


L'Humanité du soir

A la date du 2 juillet, la situation est toujours bloqué comme l'indique un post-scriptum ajouté au rapport du 30 juin précité :

"PS. Aujourd'hui, 2 juillet, aucune décision n'est encore prise par les autorités en ce qui concerne « l'Huma »". (1)

Le 3 juillet, dans une tentative de compromis, Robert Foissin informe André Picard que le Parti communiste accepte de faire paraître l'Humanité le soir sous le titre l'Humanité du soir.

Il lui confirme cette proposition dans une lettre datée du 4 juillet 1940 :

"J'ai mené de longues négociations avec mes camarades qui ont tout d'abord maintenu le titre l'Humanité et la la parution le matin, pour des raisons sérieuses qu'il est inutile de te rappeler. Puis prenant en considération l'aggravation rapide de la situation politique et économique du pays, la nécessité de pouvoir publiquement orienter les masses vers une œuvre immédiatement constructive, l'urgence de les détourner d'actions anarchiques et de provocations policières, trotskistes ou politiciennes, que la presse clandestine est toujours incapable de ruiner dans l’œuf, en les dénonçant au grand jour par la voie de presse, mes camarades ont accepté et de paraître le soir et de modifier le titre du journal ainsi : l'Humanité du soir. Je t'ai transmis ces décision dès hier matin. [...]
Tu m'as loyalement mis au courant des manœuvres qui cherchent à étouffer la voix du seul parti qui a su définitivement tuer la haine entre les masses françaises et le peuple allemand, qui est capable de faire accepter la paix sans idée de revanche chauvine. [...]
Conformément à la demande de l'ambassade, j'ai remis le 27 juin une lettre de deux membres du Comité central du Parti communiste français. Je te prie de bien vouloir insister pour qu'une réponse quelle qu'elle soit, y soit donnée. Nous restons, évidemment, mes camarades et moi, prêts à discuter mais la situation générale impose une réponse immédiate. (2)

Dans cette lettre, Robert Foissin souligne l'urgence de légaliser "l'Humanité du soir" afin de pouvoir "orienter les masses vers une œuvre immédiatement constructive" et "les détourner d'actions anarchiques et de provocations policières, trotskistes ou politiciennes". Autrement dit pour relancer l'activité économique et garantir l'ordre public de toute contestation sociale ou politique : les deux objectifs que les Allemands ont fixé aux communistes.

On notera que les communistes n'oublient pas leur rivalité avec les trotskistes puisqu'ils leurs attribuent des complot imaginaires pour s'attirer les bonnes grâces des Allemands au mieux, pour les désigner comme des coupables au pire.

Parfaite illustration de l'état d'esprit des communistes pour lesquels n'existent que la lutte des classes, la guerre impérialiste et le Pacte germano-soviétique, le passage de la lettre dans lequel le Parti communiste est célébré comme le "seul parti qui a su définitivement tuer la haine entre les masses françaises et le peuple allemand, qui est capable de faire accepter la paix sans idée de revanche chauvine."

(1) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, p. 201.
(2) Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, pp. 297-298.

 
Ce Soir
 
Le 4 juillet, Otto Abetz reçoit à l'ambassade d'Allemagne Robert Foissin pour lui renouveler le refus des autorités allemandes d'autoriser la parution de l'Humanité même dans une formule du soir.

L'avocat communiste lui répond que, dans ce cas, les dirigeants de son Parti acceptent de changer de titre et demandent l'autorisation de reprendre la publication de l'autre quotidien communiste : le journal Ce Soir.

Dans le but d'obtenir une tribune légale même limitée puisque soumise à la censure de l'occupant, le Parti communiste a donc accepté les deux conditions posées par les autorités allemandes : un changement de titre et une parution le soir.

Les négociations qui désormais porteront sur la reparution du journal Ce Soir se dérouleront jusqu'au 27 août 1940 avec notamment deux nouvelles rencontres entre des dirigeants communistes et des responsables allemands.


Approbation de l'IC

Dans son rapport du 30 juin 1940, Jacques Duclos rend compte dans le détail de son activité à la tête du Parti depuis son arrivée dans la capitale le 15 juin.

Il fait état notamment des négociations des 18, 19 et 20 juin, de l'arrestation de ses camarades, de leur libération par les Allemands et des pourparlers qui ont repris le 26 juin avec une rencontre à l'ambassade d'Allemagne entre Otto Abetz et une délégation communiste composée de Denise Ginollin, de Robert Foissin, avocat, et de deux membres du Comité central : Maurice Tréand et Jean Catelas.

Ce rapport sera suivi de ceux plus succincts des 3 et 6 juillet 1940.

Sur la base de ces documents, l'Internationale communiste adoptera une Directive le 19 juillet 1940 qui sera envoyée le lendemain dans un télégramme signé par Georges Dimitrov, secrétaire général de l'IC, et Maurice Thorez, secrétaire général du PCF.

Dans ce télégramme du 20 juillet 1940, l'IC adresse un satisfecit à la direction du Parti communiste :

"Reçu vos matériaux jusqu'au six juillet. Considérons juste ligne générale.
Indispensable redoubler vigilance contre manœuvres des occupants. Etait juste entreprendre démarches pour obtenir presse légale, mais entrevue avec Abetz faute, car danger compromettre parti et dirigeants." (1)

Dans ce texte, Dimitrov et Thorez approuvent sans aucune équivoque la démarche engagée par les communistes auprès des autorités allemandes pour obtenir la légalisation de l'Humanité : "Etait juste entreprendre démarches pour obtenir presse légale".

Sont donc validées par Moscou la première négociation entre Denise Ginollin et le lieutenant Weber ainsi que la seconde qui a débuté le 26 juin 1940. La seule critique ("faute") porte sur l'entrevue que Maurice Tréand et Jean Catelas ont eue avec Otto Abetz. Pour l'IC, les dirigeants communistes ne doivent pas participer à ces négociations. Leur présence est une compromission.

Autre élément d'intérêt, l'IC renouvelle la recommandation portant sur une activité légale communiste : "Juste utiliser toutes possibilités légales".

(1)  B.Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, p. 265.


Partie VII
"Vérités" communistes

Le 26 juin 1945, quelques semaines après la défaite de l'Allemagne nazie, s'ouvre à Paris le Xe Congrès du Parti communiste français. 

Premier orateur : Maurice Thorez. Le secrétaire général prononce un discours dans lequel il justifie sa désertion pendant la guerre de 1939-1940 et célèbre les communistes comme les premiers résistants à l'occupation allemande :

"Aujourd'hui le peuple de France, qui a fini par connaître la vérité et qui nous a vus à l’œuvre, rend un hommage unanime à notre Parti Communiste, à ses militants, à ses héros. Cependant, certains qui nous calomnièrent si affreusement, ne semblent guère disposés à nous rendre justice et à faire leur mea culpa. Ils persistent - sachant bien que c'est contraire à la vérité - à nous représenter comme un « parti nationaliste étranger » [Léon Blum, A l'échelle humaine, 1945]. Alors que nous pouvons nous honorer d'avoir pratiqué sans défaillance, et trop souvent seuls, une politique française, la seule politique rigoureusement conforme aux intérêts de la France.
Y compris, bien sûr, lorsqu'après l'interdiction de notre Parti, décrétée le 26 septembre 1939, la Direction prit la décision juste, appliquée le 4 octobre de me faire passer à l'activité clandestine en ma qualité de Secrétaire Général du Parti. (Les délégués se lèvent et acclament longuement Maurice Thorez) Au lendemain du 26 septembre, au lendemain de l'interdiction arbitraire de notre Parti. celui-ci avait le devoir de prendre toutes les mesures nécessaires pour essayer de faire échec au complot des hitlériens, visant à l'invasion et à l'anéantissement de la France. Le Parti Communiste Français, dans l'intérêt exclusif du peuple de France, avait le devoir de préserver des organisations qui ont joué un rôle de premier plan dans la lutte pour la libération nationale. Le Parti Communiste Français avait le devoir d'assurer la sécurité et la continuité de sa direction, et de veiller à l'existence même des ses dirigeants (Applaudissements prolongés.) [...]
Aussitôt après la capitulation, au début de juillet, alors que tous les autres Partis s'étaient effondrés, le Comité Central lance un appel au pays, sous les signatures de Jacques DUCLOS et de moi-même :
« La FRANCE, - disions-nous, - la FRANCE encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves. La. FRANCE ne deviendra pas une sorte de pays colonisé. La FRANCE au passé si glorieux ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à. toutes les besognes. Ce ne sont pas les généraux battus, ni les affairistes, ni les politiciens tarés qui peuvent relever la FRANCE. C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c'est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage, que peut se constituer le front de la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la FRANCE. » (Vifs applaudissements.)
A LONDRES, le général de GAULLE avait lancé son premier appel. Il entreprenait de rassembler les premiers détachements des Forces Françaises Libres et de maintenir dans la guerre contre l'ALLEMAGNE les territoires français d'outre-mer.
Sur le sol national, notre Parti Communiste se plaçait aux premiers rangs de la résistance, contre l'envahisseur et contre les traîtres de VICHY. Dès juillet 1940, l'ennemi, qui ne s'y trompait pas, arrêtait GRANDEL, POULMARCH, TIMBAUT, GRANET, PERROUAULT, fusillés à CHATEAUBRIANT, le 22 octobre 1941." (1)

 

Faits historiques
 
Deux remarques sur ces "vérités" communistes.
 
Tout d'abord, les motifs invoqués par les communistes pendant la guerre de 1939-1940 pour justifier la désertion de Maurice Thorez ou pour être poli son passage dans la clandestinité étaient radicalement différents de ceux exposés dans ce discours.

Exemple le plus significatif, l'interview... de Maurice Thorez publiée le 4 novembre 1939 en première page du Daily Worker, organe central du Parti communiste anglais, sous le titre "Outlawed French leader tells why he is hunted" et reprise dans le numéro spécial de l'Humanité de novembre 1939 intitulé "A bas la guerre impérialiste" :

"La réaction, les hommes du 6 février, leur homme de confiance ! Daladier et les chefs traitres du Parti socialiste SFIO sont furieux parce que nous dénonçons les buts impérialistes de la guerre qu'ils imposent au peuple français. [...]
C'est parce que nous dénonçons la politique de rapine et de duplicité des impérialistes que notre Parti Communiste est persécuté sur l'ordre des banquiers et des marchands de canons, mais, patience, nous avons raison et le peuple de France nous donnera raison demain. [...]
L'ennemi est chez nous, voilà ce que nous avons dit à la veille des élections de 1936 et nous avons conscience d'être restés fidèles au mandat que nous a été donné par le peuple de France, mandat qui se résume dans la défense du pain des travailleurs contre les deux cents familles, dans la défense de la liberté contre les hommes du 6 février et dans la défense de la paix contre les fauteurs de guerre. [...]
Le peuple de France commence à se rendre compte du rôle spécial joué par l'Angleterre impérialiste qui a pour défendre sa politique les valets de la IIe Internationale et qui si elle n'admet nullement l'égalité devant les sacrifices, sait s'assurer toujours la suprématie dans les profits.
Nous aimons le peuple anglais que nous ne confondons pas avec le gouvernement conservateur d'Angleterre, comme je le disais au banquet de la presse anglo-américaine en mai 1936. Nous aimons tous les peuples, nous ne confondons pas le peuple allemand avec ses maîtres du moment et nous agissons en défenseurs du peuple français en ne voulant pas que la jeunesse de notre pays soit jetée en holocauste aux capitalistes anglais en lutte d'intérêts avec les capitalistes allemands.
Nous souffrons de voir qu'un Daladier peut froidement sacrifier des vies françaises à des intérêts qui ne sont pas ceux du peuple de France; nous souffrons de voir qu'on peut à la faveur de la guerre faire de notre beau pays de France un pays de réaction et de régression sociale. C'est pourquoi nous avons conscience d'agir en vrai fils du peuple de France, en luttant contre la guerre impérialiste, en luttant contre le gouvernement de déshonneur, de misère  et de guerre qui est à la direction des affaires du pays. [...]
La presse vendue dit que je suis déserteur. J'aurais été un déserteur si je n'avais pas fait le nécessaire pour rester à mon poste dans la bataille de classe que le peuple de France doit livrer aux fauteurs de guerre, aux fascistes, aux exploiteurs capitalistes. [...]
Nous entendons, en un mot, continuer notre action pour la défense du pain, de la liberté et de la paix. [...]
Les communistes seront les meilleurs défenseurs du peuple de France, ils lutteront de toutes leurs forces contre la guerre impérialiste, pour la paix et contre le gouvernement Daladier dont il faut débarrasser notre pays.

Dans cette interview de 1939, ce qui justifie la désertion de Thorez n'est pas la lutte contre les comploteurs nazis comme indiqué dans son discours de 1945 mais la lutte contre ceux qui combattent les nazis à savoir les impérialistes anglais et français.

Ensuite, le texte célébré comme un Appel à la Résistance est en réalité un collage de phrases tirées du tract "Peuple de France" diffusé à la fin de juillet 1940.

Ce tract était un véritable plaidoyer pour la constitution... d'un Gouvernement de Paix communiste dans lequel le Parti communiste affirmait que seuls les communistes étaient en mesure de négocier avec Hitler une "Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France" ou encore "une paix véritable" car "seuls, les Communistes [avaient] lutté contre la guerre".

Autres caractéristiques marquantes du texte : la condamnation de "l'impérialisme britannique", la célébration du "Pacte germano-soviétique", l'éloge de la fraternité franco-allemande ("la fraternité des peuples que de toutes nos forces nous voulons") ou encore la revendication portant sur "la libération des défenseurs de la Paix".


Editorial du 28 juin 1945

Dans son éditorial du 28 juin 1945 intitulé "Un prémaquisard", Jean-Louis Vigier, directeur de L'Epoque et ancien de la France Libre, réagit avec ironie aux déclarations de Maurice Thorez de l'avant-veille célébrant les communistes comme les résistants de la première heure :

"M. MAURICE THOREZ, à la séance inaugural du congrès du Parti communiste, a tenu ce qu'il promettait.
Nous n'entrerons pas dans la discussion systématique de ses dires, car il ne faut jamais répondre lourdement aux plaisanteries : nous livrerons seulement à l'agrément du lecteur les plus facétieuses de ses paroles.
« Nous avons été les premiers résistants ».
A qui ? A quoi ?
A qui les communistes résistaient-ils lorsque certain délégué de l'Humanité, le 20 juin 1940, se rendait à la Propaganda Staffel pour demander l'autorisation de paraître ?
Ils résistaient sans doute à l'infâme gouvernement de Vichy, puisque l'autorisation accordée par les Allemands, leur fut refusée par la Préfecture de police française. Ils résistaient peut-être encore à cet infâme gouvernement Daladier dont le décret du 26 septembre 1939 permettait au préfet d'arrêter l'infortuné délégué, lequel ne fut libéré que sur l'ordre des autorités allemandes.
Il est vrai, dit M. Maurice Thorez, que « nous sommes entrés dans la clandestinité en octobre 1939 ».
Mais si la résistance se mesure à la clandestinité, comment son parti peut-il se croire le premier résistant de France, alors que depuis quelques années la Cagoule [groupuscule d'extrême droite] l'avait précédé dans cette voie ? Qu'attend-il pour rendre à son aînée en clandestinité l'hommage quelle mérite ?
« En juillet 1940, les militants communistes devenaient l'âme de la Résistance »"
M. Thorez parle-t-il de son âme pour n'avoir pas à parler de son corps ?
M. Thorez nous apprend que la résistance communiste aux Allemands n'a pas commencé en juin 1941 puisque, dit-on, on peut citer des actes de résistance d'Avril.
N'insistons pas sur cette date, car la plaisanterie serait d'une indécente facilité. Il est une autre parole de M. Thorez, sur laquelle toute plaisanterie serait encore plus indécente.
Après avoir exalté l'action des FTP (ce qui est bien son droit), il attaque haineusement l'armée secrète qui, dit-il, se réservait pour le jour J et l'heure H et « n'attendait le salut que de l'extérieur » (sic). Il ajoute enfin qu'elle ne recevait que peu d'armes « qui tombaient presque toujours entre les mains de l'ennemi ».
La salle a accueilli ces paroles avec un mouvement d'évidente satisfaction. Pour nous, nous n'irons pas dire à M. Thorez qu'on n'a pas le droit de salir ses camarades de combat. Les morts de l'armée secrète, comme tous ceux qui se sont battus pour la France, n'ont évidemment pas été les camarades de combat de M. Thorez.
M. Thorez ne rend hommage aux FFI que pour ajouter qu'elles étaient composées uniquement de gens du peuple, paysans et ouvriers.
M. Thorez a raison de le dire : on finira bien par le croire.
Ceux des bourgeois et des aristocrates qui se sont battus avec courage n'ont jamais prétendus qu'ils avaient été les seuls. De même, si les Forces Françaises Combattantes ont à leur tête de Gaulle, Leclerc de Hautecloque, de Monsabert et de Larminat, elles ne prétendent pas pour autant qu'elles sont un mouvement nobiliaire. Quant aux ouvriers et paysans, ils ne nieront pas qu'ils aient combattu dans cette grande fraternité, aux côtés de bourgeois et d'aristocrates.; M. Thorez se charge de la nier pour eux. Ne nous étonnons pas d'assister à l'éternelle division du travail : les uns se battent et les autres commentent la situation afin d'éclairer l'opinion de l'arrière.
Il nous est assez difficile de poursuivre : ce n'est pas, comme chez les grands orateurs, que « l'émotion nous étreigne la gorge », mais un autre sentiment nous soulève le cœur.
Ainsi achevons-nous la liste de ces « citations » de M. Thorez : chacun sait maintenant qu'elles ne sont pas à l'Ordre de l'Armée.

Dans ce texte sont évoquées pour la première fois - brièvement - les négociations de l'été 1940 entre le PCF et les Allemands.


Article du 19 octobre 1945

Le 19 octobre 1945, Jean-Louis Vigier signe dans L'Epoque un article dans lequel il accuse le Parti communiste d'avoir négocié avec les nazis dans les premiers semaines de l'occupation allemande pour obtenir l'autorisation de publier l'Humanité.

Un document à l'appui de cette accusation : la lettre du 26 juin 1940.

Publiées quelques jours les élections des députés devant siéger à l'Assemblée nationale constituante, ces révélations doivent éclairer les Français sur le Parti communiste français qui se présente aux suffrages des électeurs comme le Parti des premiers résistants.
 
Historique, le document cité prouve qu'en juin 1940, non seulement le PCF ne s'est pas précipité pour combattre les Allemands mais qu'en plus il s'est compromis en négociant avec eux.
  
L'article de Jean-Louis Vigier est titré : "Clandestin malgré lui... Dès le 20 juin 1940 les dirigeants communistes avec l'approbation de la Gestapo voulait faire reparaître « l'Humanité »".

Son sous-titre tout aussi significatif indique : « Le refus des autorités françaises d'abord et des autorités allemandes ensuite empêcha seul « l'Humanité » de prendre sa place dans la "presse pourrie" ».
 
Il décrit les négociations de juin 1940 entre le PCF et les nazis avec des imprécisions en raison du peu de documents disponibles à l'époque. Au vu des faits exposés, on peut supposer que les documents utilisés sont principalement les deux mémorandums rédigés par Me Robert Foisson dans le cadre de la procédure disciplinaire que le Conseil de l'Ordre avait engagé contre lui pour ses contacts avec les Allemands et qui avait abouti à sa radiation le 20 mars 1945.
 
Après l'éditorial précédemment cité, cette nouvelle réfutation des "vérités" communistes présente le contenu suivant :

"Parmi les éclaircissements nécessaires à nos lecteurs à la veille des élections figure sans aucun doute le récit des tractations entre les autorités allemandes et les dirigeants de « l'Humanité » désireux de ressusciter leur journal.
Dès le 20 juin 1940, M. Maurice Tréand, du Comité central du parti communiste, aidé par M. Abetz, obtenait de la Gestapo (le colonel Boemelburg et un certain Pfannstiel) et de la Propaganda Staffel l'autorisation de faire reparaître l'Humanité. Pour empêcher cette « reparution », la préfecture de police faisait arrêter dès le lendemain M. Maurice Tréand. Le 23 juin, le préfet de la police, pour un tout autre motif était relevé de ses fonctions et le surlendemain, M. Maurice Tréand était relâché sur l'ordre des Allemands.
Sans perdre de temps, M. Maurice Tréand, ainsi que deux autres membres du parti communiste, M. Jean Catelas, député déchu, membre du Comité central du parti (qui devait d'ailleurs être arrêté par la suite, guillotiné sur l'ordre des Allemands le 24 septembre 1941 et mourir héroïquement en chantant la « Marseillaise »), et Me Foissin, avocat à la Cour de Paris, revenaient à la charge et adressaient aux autorités allemandes, datée du 25 juin 1940 (sic), dont nous publions ci-dessous les principaux extraits :

Monsieur,
Comme suite à la conversation que nous avons eue ce matin, nous tenons à vous préciser les préoccupations qui sont nôtres dans les moments difficiles que traverse notre pays.
..................................................
... Nous avons été seuls à nous dresser contre la guerre, à demander la paix à une heure où il y avait quelque danger à le faire.
..................................................
Il y a un journal qui est capable d'inspirer confiance au peuple parce qu'il a été interdit par le Gouvernement de fauteurs de guerre. Ce journal c'est « l'Humanité », bien connu comme organe central du Parti communiste français.
..................................................
Nous demandons donc l'autorisation de publier « l'Humanité » sous la forme dans laquelle elle se présentait à ses lecteurs avant son interdiction par Daladier au lendemain de la signature du pacte germano-soviétique.
..................................................
« L'Humanité », publiée par nous, se fixerait pour tâche d'être au service du peuple et de dénoncer les responsables de la situation actuelle de la France.
« L'Humanité », publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre et d'appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance contre leurs oppresseurs impérialistes.
« L'Humanité », publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable.
..................................................
Veuillez agréer, nos salutations.
P.S. — Afin que « l'Humanité » puisse remplir sa tâche de défenseur et conseiller du peuple il faut : 1) Que soient libérés les militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration; 2) Que soient rétablis dans leurs fonctions et droits de représentants du peuple tous les élus arbitrairement déchus de leur mandat et qui ont, envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétique (sénateurs, députés, maires, conseillers généraux, conseillers d'arrondissement, conseillers municipaux).
TREAND MAURICE, du Comité central du parti communiste français.
CATELAS Jean, député, du Comité central du parti communiste français.
Signé : Robert FOISSIN.

Cette lettre fut transmise au conseiller Turner, qui était alors la plus haute autorité civile allemande en France.
« L'Humanité », on le sait, n'a jamais reparu que sous la forme de journal clandestin, la première fois à cause du refus des autorités françaises, la deuxième fois à cause du refus des autorités militaires allemandes, alors que la Gestapo et la Propaganda Staffel avaient été favorables à l'autorisation.
Précisons encore que par, arrêté du 20 mars 1945, Me Foissin, avocat à la Cour, membre du parti communiste, a été rayé du Barreau à cause des démarches que nous dénonçons plus haut.
Les communistes sont, nous le savons, atterrés par nos révélations. Ils insinuent que, pour être en possession de pareils documents, nous devions être en rapport avec la Gestapo!
Il est facile de répondre à ces résistants de juin 1941 qu'avant l'invasion de la Russie les résistants de juin 1940 s'occupaient déjà des agissements de tous les ennemis de la France en général et des agissements communistes en particulier."

Le quotidien reproduit une photo de la fin de la lettre (le post-scriptum et les signatures) qui permet de faire le constat que la seule mention manuscrite est celle indiquant  "Robert Foissin / avocat à la Cour de Paris" :

 
Signalons - hypothèse la plus probable - que le document reproduit est un exemplaire de la lettre qui a été conservé par Robert Foissin.

Pour connaître les résultats quasi-définitifs des élections législatives du 21 octobre 1945, on citera... l'Humanité du 23 octobre :
 
"Avec 5 millions / de voix recueillies dans le pays / LE PARTI COMMUNISTE EST EN TETE / il a 152 siège sur 545 / Au lieu de 72 sur 618 en 1936."
 
Rappelons que les élections législatives de 1936 avaient été remportées par le Front Populaire, alliance des socialistes SFIO (148), des radicaux-socialistes (109), des communistes (72) et des socialistes USR (29). (1)
 
Le lendemain le quotidien communiste déclarera en une : "Le Parti communiste / PREMIER PARTI DE FRANCE".
 
Avant d'ajouter : "Aux élections générale, le totale des voix obtenues par chaque groupement (Corse comprise) montre que le Parti Communiste Français, est de loin, le premier parti de France".

Et de donner les suffrages recueillis par chaque groupement :

PARTI COMMUNISTE FRANCAIS4.831.264 voix
MRP4.647.487 voix
Listes socialistes et socialistes-UDSR4.443.370 voix
UDSR  272.379 voix
Mouvement Unifié de la Renaissance  124.519 voix

Au vu de ces résultats, on peut faire le constat qu'à la Libération, après quatre années de dictature imposée par le Parti d'Hitler, le premier Parti de France est... le Parti de Staline.

Dernier élément, le 5 mai 1946, les Français rejetteront par référendum, le projet de constitution préparé par la Constituante. Conséquence : une nouvelle Assemblée nationale constituante devra être élue.

(1) Journal officiel du 9 juin 1936 (Listes électorales des membres des groupes parlementaires) et Journal officiel du 11 juin 1939 (Rectification de la liste radicale-socialiste).


Article du 1er juin 1946

Quelques jours avant les élections de la 2e Assemblée nationale constituante, Jean-Louis Vigier renouvelle ses révélations sur l'attitude du PCF dans les premières semaines de l'occupation allemande en publiant dans L'Epoque du 1er juin 1946 un article sous le titre :

"Le 20 juin 1940 (sic) l'Humanité écrivait aux Allemands « ...Notre journal (sic) se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme anglo-saxons (sic) qui veulent entraîner les Colonies françaises dans la guerre... » et DEMANDAIT A L'OCCUPANT l'AUTORISATION de PARAITRE au GRAND JOUR".

et présentant le contenu suivant :

"Les faits sont indéniables. Nous les avons déjà signalés à nos lecteurs. Il faut y revenir cependant avec énergie à l'heure où, pour les communistes, tout ce qui en France n'est pas communiste est qualifié de fasciste, d'hitlérien, de vichyssois, etc... Il faudrait s'entendre et ne pas se laisser donner de leçons de patriotisme par des gens que la collaboration avec l'ennemi n'effrayait pas à une époque où déjà des Français risquaient leur vie pour former en France et à l'Etranger les bataillons de la Libération Nationale.
L'affaire est claire et se décompose de la façon suivante :
1° Le 20 juin 40 (l'ennemi est à Paris depuis 7 jours (sic) [Les Allemands sont arrivés à Paris le 14 juin] et la guerre n'est pas terminée), un membre du Comité central du parti communiste, M. Maurice Tréand, aidé par Otto Abetz (expulsé de France comme espion et réinstallé à Paris par Hitler comme ambassadeur) et un nommé Pfannstiel (l'un et l'autre actuellement en prison à Paris) obtenant de la Gestapo l'autorisation de faire reparaître L'Humanité au même titre que toutes les feuilles de trahison de cette époque sinistre;
2° Le 21 juin la préfecture de police avertie fait arrêter M. Tréand;
3° Le 23 juin, le préfet de police [Langeron] (sous divers prétextes) est relevé de ses fonctions;
4° Le 24 juin, Tréand est libéré par ordre des Allemands;
5° Le 25 juin (jour de l'Armistice), Tréand revient à la charge et s'adresse aux Allemands par lettre. Il est aidé par deux communistes importants, Jean Catelas, député, et Foissin, avocat. Catelas, arrêté plus tard, fut condamné à mort et exécuté par les Allemands. Il mourut avec héroïsme le 24 septembre en chantant la « Marseillaise ». Quant à Foissin, un arrêté du 20 mars 45 le radiait du barreau précisément pour avoir signé la lettre demandant l'autorisation de faire paraître L'Humanité.
Voici maintenant le texte de la lettre à l'ennemi :

Comme suite à la conversation que nous avons eue ce matin, nous tenons à vous préciser les préoccupations qui sont nôtres dans les moments difficiles que traverse notre pays.
..................................................
... Nous avons été seuls à nous dresser contre la guerre, à demander la paix à une heure où il y avait quelque danger à le faire.
..................................................
Il y a un journal qui est capable d'inspirer confiance au peuple parce qu'il a été interdit par le Gouvernement de fauteurs de guerre. Ce journal c'est « L'Humanité », bien connu comme organe central du Parti communiste français.
..................................................
Nous demandons donc l'autorisation de publier « L'Humanité » sous la forme dans laquelle elle se présentait à ses lecteurs avant son interdiction par Daladier au lendemain de la signature du pacte germano-soviétique.
..................................................
« L'Humanité », publiée par nous, se fixerait pour tâche d'être au service du peuple et de dénoncer les responsables de la situation actuelle de la France.
« L'Humanité », publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre et d'appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance contre leurs oppresseurs impérialistes.
« L'Humanité », publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable.
..................................................
Veuillez agréer, nos salutations.
P.S. — Afin que « l'Humanité » puisse remplir sa tâche de défenseur et conseiller du peuple il faut : 1) Que soient libérés les militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration; 2) Que soient rétablis dans leurs fonctions et droits de représentants du peuple tous les élus arbitrairement déchus de leur mandat et qui ont, envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétique (sénateurs, députés, maires, conseillers généraux, conseillers d'arrondissement, conseillers municipaux).
TREAND MAURICE, du Comité central du parti communiste français.
CATELAS Jean, député, du Comité central du parti communiste français.
Signé : Robert FOISSIN.

Cette lettre, transmise au conseiller Turner, fut rejetée, cette fois, par les autorités militaires, contrairement à l'avis favorable et à l'autorisation accordée antérieurement par la Gestapo et la Propaganda Staffel.
Voici les faits. En juin 40, intelligences avec l'ennemi. On a cherché à faire croire aux Français qu'après l'armistice les Allemands n'étaient plus des ennemis. C'était une tromperie inadmissible. En tout cas le 20 juin 1940, avant l'armistice, pas de discussion, tout contact avec l'ennemi était criminel. Ni démenti, ni discussion. Voilà la vérité.
Les dirigeants du parti communiste se croient-ils au dessus des lois ? Le patriotisme a-t-il pour eux une acception particulière ? On ne triche pas avec cela et les Français ne marchent plus dans toutes cette histoire. Ils ont jugé. Verdict dimanche...
N.B. - La photographie de la lettre originale est parue dans L'Epoque du 19 octobre dernier.

Réaction dès le lendemain de l'Humanité qui dénoncera les calomnies de L'Epoque dans un article titré  "Depuis 8 jours les nazis occupaient Paris". On notera la référence ironique au texte de Vigier et à son erreur sur la date d'entrée des Allemands dans Paris fixée au 13 juin au lieu du 14 ["Le 20 juin 40, (l'ennemi est à Paris depuis 7 jours ...)"]. 

Cette réponse communiste se réduit à un extrait du Matin du 22 juin 1940 accompagné de la légende suivante :

"Le 22 juin 1940, en même temps qu'il publiait les conditions de la honteuse capitulation acceptée par les plénipotentiaires de Pétain, le Matin, du traître Bunau-Varilla, annonçait l'arrestation, à Paris, de nombreux militants communistes. Parmi ceux-ci, se trouvait Denise GINOLLIN, députée sortante et candidate dans le 3e secteur de Paris. Voici une fois de plus confondus l'Epoque... et les autres calomniateurs de notre Parti.

Illustration du devoir d'amnésie, le quotidien communiste ne fait aucune référence aux motifs de ces arrestations et à ceux qui ont libérés ces militants.


Partie VIII

"La demande de parution légale de « l'Humanité »
(17 juin 1940 - 27 août 1940)
"

Publié dans le Mouvement social n° 113 de octobre-décembre 1980, l'article de D. Peschanski intitulé "La demande de parution légale de « l'Humanité » (17 juin 1940 - 27 août 1940)" est considéré comme un texte de référence sur le sujet alors controversé des négociations que le Parti communiste a menées au cours de l'été 1940 avec les autorités allemandes en vue d'obtenir la reparution de l'Humanité.

Malgré ce statut, la lecture de ce texte rédigé par un historien... communiste suscite l'étonnement. Cette réaction est principalement motivée par le fait que le titre de l'article n'en reflète pas exactement l'objet, le choix de la date du 17 juin 1940 comme point de départ des négociations communo-nazies et enfin - le plus significatif - le traitement réservée à la première de ces négociations (18 juin - 20 juin 1940) ainsi qu'à la seconde (26 juin - 27 août 1940.

Au final, on pourra constater que la fidélité au Parti communiste n'est pas compatible avec le souci de la vérité historique.


Objet de l'article : 
Un memorandun de Foissin
 
Première surprise, le texte de Peschanski ne porte pas sur les négociations communo-nazies de l'été 1940 mais sur un memorandum de Robert Foissin du 8 novembre 1944 décrivant ces négociations et révélant notamment l'existence de la lettre du 26 juin 1940.
 
Dans son étude, l'historien se propose de déterminer si les faits exposés dans ce memorandum sont exacts ou erronés en s'appuyant sur des sources documentaires ou des témoignages de militants communistes.

Sa relation des négociations communo-nazies est donc bornée aux seuls faits mentionnés dans le texte de Foissin. Autre limite de l'article : les déclarations de Foissin sont systématiquement questionnées par l'auteur qui ne manifeste que bienveillance pour celles des militants communistes.


Début des négociations :
17 juin 1940 ou 18 juin 1940 ?

Les faits
 
Pour établir la date à laquelle ont commencé les négociations entre le PCF et les nazis, on rappellera les faits suivants :

14 juin 1940 : Entrée des troupes allemandes dans Paris.

15 juin 1940 : Jacques Duclos et Maurice Tréand arrivent à Paris. La veille, les deux dirigeants communistes ont quitté Bruxelles où ils étaient réfugiés depuis octobre 1939. A leur arrivée, ils prennent la direction du PCF clandestin. Sur les instructions d'Eugen Fried, représentant de l'IC installé dans la capitale belge, ils se fixent comme priorité d'obtenir des Allemands l'autorisation de publier l'Humanité.

17 juin 1940 : au Palais de justice, un avocat connu pour ses relations avec l'ambassade d'Allemagne, Me Picard, aborde un avocat communiste, Me Foissin pour lui demander "si le Parti communiste est décidé à faire reparaître l'Humanité" (1). Ce dernier rapportera à Maurice Tréand le contenu de cet échange surprenant.

18 juin 1940 : Maurice Tréand organise une réunion avec plusieurs de ses camarades dont Denise Ginollin pour leur annoncer que le Parti veut obtenir la légalisation de l'Humanité. Il avance deux motifs pour justifier la démarche : une instruction de l'Internationale communiste et l'exemple de la presse communiste qui est autorisée dans les pays occupés par l'armée allemande (Belgique, Norvège et Danemark). Après cette réunion, il confie à Denise Ginollin la mission d'obtenir cette autorisation. Cette dernière se rend le jour même à la Kommandantur.

C'est donc le 18 juin 1940 qu'a débuté les négociations communo-nazies.

Une alternative communiste

Des historiens fixent le point de départ des négociations entre les communistes et les Allemands au 17 juin 1940 et à la rencontre entre Foissin et Picard.

En retenant cette date et surtout ce fait, ils peuvent attribuer l'initiative des pourparlers... aux Allemands.

Comme l'indique le titre de son article "(17 juin 1940 - 27 août 1940)" Denis Peschanski défend cette position.

Signalons que certains auteurs vont même jusqu'à présenter les communistes comme... les victimes d'un piège allemand. Ecartant toute idée de compromission communiste, cette thèse supposerait de considérer que les communistes ne savaient pas que les nazis étaient... des nazis. Pensaient-ils que c'étaient des touristes ?

On pourra écarter la date du 17 juin 1940 en montrant que la rencontre Foissin-Picard n'a pas été à l'origine des pourparlers communo-nazis.

Rappelons tout d'abord que Foissin a fait état de cette rencontre dans un mémorandum rédigé le 7 novembre 1944 dans le cadre de la procédure d'exclusion engagée contre lui par le Conseil de l'Ordre des avocats pour ses contacts avec les Allemands à l'été 1940.

Dans ce texte qui développait le contenu d'un premier mémorandum rédigé le 26 septembre 1944, il justifiait ses relations avec des officiels allemands en les inscrivant dans le cadre de... la Résistance communiste.
 
A défaut de pouvoir confirmer ou infirmer avec d'autres sources la réalité et le contenu de sa rencontre avec Picard le 17 juin, on peut au moins faire le constat que dans sa note Foissin n'indique nullement que dans cet échange son confrère a prétendu exprimé une position allemande.

Plus probants, deux faits permettent d'établir que si des propos de Picard ont été rapportés aux communistes, ces derniers ont jugé qu'ils exprimaient une position personnelle.

Tout d'abord, les communistes ont soumis leur demande de reparution de l'Humanité au service de presse de la Kommandantur (autorités militaires) et non à l'ambassade d'Allemagne (Abetz).

Ensuite, au cours de cette démarche, ils n'ont, à aucun moment, pour obtenir une réponse positive des Allemands, mis en avant un quelconque contact avec Abetz comme l'attestent l'argumentaire préparé par Denise Ginollin et Maurice Tréand (document publié en 2003), leurs dépositions (1975) ou encore les rapports de Duclos et de Tréand à l'IC (1993).

Par son objet, sa date de rédaction, ses auteurs et son destinataire, l'argumentaire communiste était le document le plus approprié pour évoquer une initiative d'Abetz.

Dans ce document, les communistes justifiaient leur démarche en ces termes :
 
"1°) Vous avez laissé paraître journaux communistes dans autres pays Dan [Danemark], Norv [Norvège], Bel [Belgique]
Sommes venus normalement demander autorisation". (2)

A la lecture de ce texte qui a été préparé pour l'entretien Weber-Ginollin du 20 juin, on peut constater qu'il est indiqué que c'est l'exemple de la presse communiste autorisée dans les pays occupés par l'Allemagne qui a incité le PCF a engagé des pourparlers avec les Allemands.

Au final, ce document vient s'ajouter à tous ceux qui prouvent que les communistes sont à l'initiative de ces négociations.

(1) Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, p. 353
(2) Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, Juin 40, la négociation secrète, 2006 p. 10.


Première négociation
(18 juin - 20 juin 1940)

Le memorandum de Foisin ne disant quasiment rien de la première négociation entre le PCF et les nazis, l'article de Peschanski en fait autant...

Ainsi, l'historien ne fait aucune référence aux dépositions datées du 21 juin 1940 de M. Tréand, D Ginollin, V. Grunenberger, J. Schrodt, et M. Dangon qui permettent de reconstituer en grande partie le déroulé de cette première négociation.

Autre oubli, il ne mentionne pas l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 qui présente la particularité de reproduire un "Communiqué officiel allemand".

On pourra lire ces documents dans le Journal Secret de Raymond Tournoux publié en 1975.


Seconde négociation
(26 juin - 27 août 1940)

Le traitement réservé à la seconde négociation suscite lui aussi l'étonnement.

Sans être exhaustif on s'intéressera aux affirmations de D. Peschanski concernant la lettre du 26 juin 1940, l'objet des négociations et la supposée absence de toute référence aux Allemands dans les Humanités clandestines de l'été 1940.

Lettre du 26 juin 1940 (I)

Révélée dans le memorandum de Foissin, la lettre du 26 juin 1940 demandant aux Allemands de légaliser l'Humanité est une pièce centrale de la seconde négociation communo-nazie.

Pour l'historien, cette lettre ne constitue pas un acte de collaboration, pas même une compromission !!!
 
Rappelons que dans ce document le Parti communiste affirme qu'en matière de politique étrangère l'Humanité légale défendra la ligne suivante : condamnation de l'Angleterre, dénonciation du Général de Gaulle et Paix avec l'Allemagne nazie !!!

Lettre du 26 juin 1940 (II)

Autre surprise, l'auteur réussit l'exploit de mettre en évidence des différences entre la lettre du 26 juin 1940 et les Humanités clandestines de l'été 1940 avec l'objectif de montrer que les engagements pris dans cette lettre ne reflétaient pas la ligne du Parti et qu'ils n'étaient donc que de simples concessions proposées dans le cadre d'une négociation avec les Allemands et ce dans le but d'obtenir leur accord :

"si l'on compare les axes de politiques qui serait défendue par le journal et le contenu des Humanités clandestines de l'été, on retrouve des similitudes [...] mais aussi la même absence : les Allemands. La lettre du 26 juin ajoute la dénonciation unilatérale des impérialistes britannique et la participation « à la politique de pacification européenne »".

Tout d'abord, un commentaire sur l'affirmation que "les Allemands" sont absents et dans la lettre du 26 juin 1940 et dans les Humanités clandestines de l'été 1940.

Ce n'est pas l'Allemagne qui est absente dans ces textes mais la dénonciation de l'Allemagne. On peut en effet affirmer sans se tromper que le mot paix qui est mentionné 2 fois dans la lettre et constamment utilisé dans les Humanités clandestines de l'été 1940 signifie la paix avec l'Allemagne.

Ensuite, contrairement à ce que déclare l'auteur, "la dénonciation unilatérales des impérialistes britanniques" et  "la  participation « à la politique de  pacification  européenne »" ne sont absolument pas absentes des Humanités clandestines de l'été 40.

Un exemple de l'anglophobie du PCF, l'Humanité n° 58 du 1 juillet 1940 :

PAS POUR L'ANGLETERRE
Le Général de Gaulle et autres agents de la finance anglaise voudraient faire battre les Français pour la City et ils s'efforcent d'entraîner les peuples coloniaux dans la guerre.
Les Français répondent le mot de Cambronne à ces Messieurs; quant aux peuples coloniaux ils pourraient bien profiter des difficultés que connaissent leurs oppresseurs pour se libérer. VIVE L'INDEPENDANCE DES PEUPLES COLONIAUX.

Concernant la paix en Europe, on citera l'Humanité n° 59 du 4 juillet 1940)  :

LE PEUPLE DE FRANCE VEUT LA PAIX.
Il demande d'énergiques mesures contre tous ceux, qui par ordre de l'Angleterre impérialiste, voudraient entraîner à nouveau les français dans la guerre.
Il demande la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique et serait la garantie de la paix en Europe.
Il demande la conclusion d'un accord commercial avec l'URSS en vue d'aider notre pays à surmonter ses difficultés de ravitaillement.

Ces deux citations apportent la preuve formelle que la lettre du 26 juin 1940 reflétait parfaitement la ligne du PCF.

Objet des négociations

Dans son article, l'historien indique que les négociations entre les Allemands et le PCF étaient susceptibles d'aboutir à un "compromis potentiel" dont il fixe les termes comme suit :

- pour les Allemands : "engagement d'empêcher toute arrestation tant que les pourparlers continuent".
- pour le PCF : "une inflexion de sa propagande et de son action".

Si tel était l'enjeu de ces négociations, il n'était pas nécessaire de les entamer. Aux afirmations de l'historien, on opposera la lettre d'Otto Abetz qui résume parfaitement les objectifs des deux parties :

- pour les Allemands : "reprise de l'activité économique et garantie de la paix sociale".
- pour le PCF : "les trois représentants du Bureau central du parti communiste français exposent les motifs et le programme d'une reparution de l'Humanité et plaident pour la libération des communistes incarcérés par le gouvernement français ainsi que pour la réinstallation des fonctionnaires communistes déposés au début de la guerre." (1)

Absence des Allemands dans les Humanités de l'été 1940

Dernier élément, l'auteur affirme que " Les Allemands sont quasiment absents, quant à eux, des Humanités clandestines des mois de juillet et août 1940" tout en citant plusieurs numéros de l'Humanité qui appelait à l'été 40 à fraterniser avec les Allemands !!!

Ajoutons que lorsque l'Humanité plaidait pour la paix ou faisait l'apologie du pacte germano-soviétique, elle faisait une référence... à l'Allemagne.

Sur le point particulier des appels a fraterniser avec les soldats allemands, l'auteur évoque cet article de l'Humanité n° 65 du 27 juillet 1940 :

UNE CONVERSATION AVEC UN SOLDAT ALLEMAND
Nous avons eu l'occasion d'entendre une conversation entre un travailleur parisien et un soldat allemand. L'ouvrier parisien disait : "Nous sommes les ennemis des capitalistes français et les amis de tous les peuples, allemand, italien, anglais etc... ainsi que des peuples coloniaux. Quand les impérialistes français occupèrent la Rhur, les travailleurs français, derrière le Parti Communiste combattirent l'occupation, car nous savions qu'un peuple qui en opprime un autre ne peut être libre. Les impérialistes français ont voulu la guerre, mais des milliers d'ouvriers ont lutté pour la paix et sont emprisonnés.
Cà, c'est la vraie France, France de la liberté et de l'indépendance des peuples.

en ces termes : "le travailleur parisien, évoqué dans le n° 65 du 27 juillet, essaie de dire au soldat allemand qu'un peuple qui en opprime un autre n'est pas un peuple libre; allusion sans doute à l'impérialisme allemand même si dans ce passage c'est l'impérialisme français qui est visé. Ce sera la dernière fois en tout cas que le Parti appellera à cette fraternisation".

Un appel à fraterniser avec les soldats allemands devient une condamnation de l'impérialisme allemand !!!

Quant à l'affirmation qu'il s'agit du dernier texte appelant à fraterniser avec les soldats, on peut dire qu'elle ne correspond pas à la vérité.

On pourrait citer La Vie du Parti n° 2 du 1er trimestre 1941 :

"Si on ajoute à cela la fusillade d'étudiants parisiens le 11 novembre et l'exécution de Français coupables soi-disant de s'être livrés à des actes de violence contre les membres de l'armée allemande, sans qu'on sache si ces hommes avaient tout simplement riposté à une gifle par un coupe de poing, on comprend aisément la nature des sentiments qui animent les masses populaires de France, sentiments que les capitalistes partisans de l'Angleterre voudraient orientés dans le sens du chauvinisme et que nous devons orienter, nous communistes, dans le sens de la fraternité avec le peuple allemand que nous ne confondons pas avec les maîtres du moment."

Toutefois le texte le plus intéressant reste le programme de gouvernement publié par le Parti communiste en février 1941 sous le titre "Pour le salut du Peuple de France".

Dans le chapitre consacré à sa politique étrangère, le PCF s'engage à établir des "rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand" :

"Etablissement de rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand en rappelant l'action menée par les communistes et par le peuple français contre le traité de Versailles, contre l'occupation du bassin de la Rhur, contre l'oppression d'un peuple contre un autre peuple."

(1) Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, pp. 287-288.


Document 1 :

Demande de parution de l'Humanité 
sous censure allemande du 26 juin 1940


Paris, le 26 juin 1940

Monsieur,

Comme suite à la conversation que nous avons eue ce matin, nous tenons à vous préciser les préoccupations qui sont nôtres dans les moments difficiles que traverse notre pays.

Laissez-nous vous rappeler tout d'abord que nous, communistes, décidés à rester communistes devant la guillotine ou le poteau d'exécution nous avons été seuls à nous dresser contre la guerre, à demander la paix à une heure où il y avait quelque danger à le faire.

Si on nous avait écoutés dans les milieux dirigeants français notre pays ne connaîtrait pas les difficultés qu'il connaît aujourd'hui. La France n'aurait pas connu la guerre. Mais au lieu de nous écouter on a jeté nos militants en prison, on s'est livré contre nous aux pires persécutions.

Et aujourd'hui, les conséquences de cette politique sautent aux yeux; des milliers et des milliers d'évacués errent sur les routes de France, de nombreuses populations sont insuffisamment ravitaillé(e)s, la misère fait tâche d'huile et s'étend sur le territoire de la France.

Dans une situation aussi pénible le peuple de France en est à se demander quel malheur terrible s'est abattu sur sa tête. Il pense que désormais quelque chose doit changer et qu'il faut mettre un terme aux agissements criminels des fauteurs et profiteurs de guerre. Il attend des directives émanant d'hommes qui ne lui ont pas menti, d'hommes qui n'ont pas hésité à braver la prison et le poteau d'exécution pour lui clamer la vérité.

Ces hommes, chacun le sait, ce sont les communistes et quand, par exemple, des journaux comme le Matin  ou  Paris-soir qui se sont rendus célèbres par leurs mensonges, viennent maintenant parler au peuple, qui donc pourrait avoir confiance en eux. Il y a un journal qui est capable d'inspirer confiance au peuple parce qu'il a été interdit par le Gouvernement de fauteurs de guerre. Ce journal c'est  l'Humanité, bien connu comme organe central du Parti communiste français.

Daladier avait songé à utiliser le titre de ce journal pour essayer de tromper le peuple mais il s'est rendu compte que l'influence de ce journal tenait non pas seulement à son titre mais à sa qualité de journal communiste et aussi à la personnalité de ses rédacteurs.

C'est pourquoi nous pensons que dans les circonstances actuelles le journal l'Humanité peut rendre d'inestimables services au peuple à condition qu'on n'essaye pas de dissimuler son véritable caractère faute de quoi il apparaîtrait comme une contrefaçon sans aucune espèce d'intérêt.

Nous demandons donc l'autorisation de publier l'Humanité sous la forme dans laquelle elle se présentait à ses lecteurs avant son interdiction par Daladier au lendemain de la signature du pacte germano-soviétique.

L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de défendre le peuple en stimulant la constitution de comités populaires de défense et d'entraide pour secourir les victimes militaires et civiles de la guerre, pour organiser le rapatriement et le logement des évacués, pour déterminer d'un bout à l'autre du pays un vaste mouvement de solidarité en faveur des couches les plus éprouvées de la population.

L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche d'œuvrer au redressement économique du pays en exaltant la mission créatrice des travailleurs, en s'efforçant de développer l'effort de production dans tous les domaines, tant dans l'agriculture que dans l'industrie.

L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de stimuler l'œuvre indispensable de reconstruction du pays en préconisant des mesures à prendre contre les gros possédants, en combattant l'égoïsme capitaliste responsable de la catastrophe qui s'est abattue sur la France.

L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de défendre l'avenir de la France en poursuivant une politique de protection de la maternité et de l'enfance et en développant l'éducation physique.

L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche d'être au service du peuple et de dénoncer les responsables de la situation actuelle de la France.

L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner  les colonies françaises dans la guerre et d'appeler les peuples coloniaux à  lutter pour leur indépendance contre leurs oppresseurs impérialistes.

L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une  politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte  germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable.

Nous pensons que dans ces conditions l'Humanité pourrait paraître et  jouer dans le pays son rôle de rassembleur et de galvanisateur des masses  populaires, rôle que nul autre journal ne peut jouer et en restant nous-mêmes, c'est-à-dire les défenseurs du peuple, nous sommes prêts à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour servir la cause du peuple de France.

Veuillez agréer, nos salutations.

P.S. Afin que l'Humanité puisse remplir sa tâche de défenseur et conseiller du peuple il faut :
1) Que soient libérés les militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration.
2) Que soient rétablis dans leurs fonctions et droits de représentants du peuple tous les élus arbitrairement déchus de leur mandat et qui ont, envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétique (sénateurs, députés, maires, conseillers généraux, conseillers d'arrondissement, conseillers municipaux).


                  CATELAS Jean                                                         TREAND Maurice
                du Comité central                                                        du Comité central
        du Parti communiste français                                       du Parti communiste français