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Lettre de Vital Gayman du 6 octobre 1939 annonçant sa rupture avec le PCF

Mobilisé, Vital Gayman, conseiller communiste de Paris et du département de la Seine, rompt publiquement avec le Parti communiste dans une Déclaration (Doc. 2) jointe à une lettre (Doc. 1) du 6 octobre 1939 adressée au Président du Conseil général de la Seine, Robert Bos.


Document 1 :

Lettre de Vital Gayman du 6 octobre 1939
adressée à M. le Président du Conseil général de la Seine

Aux Armées, le 6 octobre 1939.

Je vous informe qu'à dater de ce jour, je désire ne plus être inscrit dans les groupes dits « communistes » des deux Conseils municipal de Paris et général de la Seine.
Je vous saurai gré de bien vouloir communiquer à la Presse la présente lettre ainsi que la déclaration jointe que je vous prie de bien vouloir insérer au Bulletin municipal officiel.
Veuillez agréer, M. le Président, l'assurance de ma considération distinguée.

Vital GAYMAN,
Conseiller municipal de Paris (11e, Sainte-Marguerite),
Conseiller général de la Seine,
actuellement Lieutenant aux Armées.

(Bulletin officiel de la ville de Paris du 8 octobre 1939)


Document 2 :

DÉCLARATION
jointe à la lettre du 6 octobre 1939

Ce n'est pas sans déchirement qu'après avoir consacré vingt années de vie militante au parti communiste, je me vois obligé par ma conscience même de militant de me désolidariser de la façon la plus absolue avec l'action d'un parti qui représentait jusqu'ici un idéal et une doctrine en qui j'avais placé tous mes espoirs de progrès social et d'émancipation humaine.
Dès la signature du pacte de non-agression germano-soviétique, j'ai considéré celui-ci comme une erreur effroyable. J'avais cependant gardé l'espoir que devant l'agression commise par le fascisme hitlérien contre la Pologne, l'U.R.S S. se dégagerait de cette erreur et rejoindrait à bref délai le « front de la paix et de la liberté » que ses dirigeants avaient eux-mêmes proposé et déclaré être le seul moyen d'empêcher les fauteurs de guerre nazis de jeter l'Europe dans l'horreur d'une nouvelle guerre.
L'entrée en Pologne de l'armée soviétique, plus encore les accords récents signés à Moscou par Staline, Molotov et le Ministre des Affaires étrangères d'Hitler, ont démontré que ces espérances étaient vaines.
J'ai différé, jusqu'à ce jour, le moment de prendre une position publique, parce que je voulais croire jusqu'au bout qu'une fraction importante de mes anciens camarades de parti et de lutte allaient avec moi se désolidariser d'une politique qui, non seulement, renforce dans le présent et l'immédiat avenir l'hitlérisme, mais encore compromet à coup sûr, pour des décades, la cause du peuple, la cause du prolétariat de tous les pays.
Quelle que soit la complexité des intérêts de classe ou nationaux en jeu dans la présente guerre, une chose est sûre : les intérêts du peuple ne peuvent être défendus ou représentés par le camp où se trouvent les bourreaux du peuple allemand, les assassins du peuple espagnol, les destructeurs des libertés du peuple autrichien, du peuple tchèque, les envahisseurs de la Pologne.
J'ai la conviction enfin que je trahirais la mémoire de mes camarades de combat, [tombés sur la terre d’Espagne dans la lutte contre le fascisme franquiste, mussolinien et hitlérien (1)], si je n’affirmais pas aujourd’hui de la façon la plus catégorique mon désaccord total avec une politique qui concourt à un but diamétralement opposé à celui pour lequel ils ont généreusement et héroïquement donné leur vie.

Le 6 octobre 1939.

Vital GAYMAM,
Conseiller municipal de Paris,
Conseiller général de la Seine,
Lieutenant aux Armées.

(Bulletin officiel de la ville de Paris du 8 octobre 1939)

(1) Cette référence à la guerre d'Espagne a été censurée dans le Bulletin du 8 octobre 1939.