Le Parti communiste condamne l'Appel du 18 juin 1940

Le 18 juin 1940 à Londres, opposé aux négociations d’armistice engagées la veille par le Gouvernement Pétain, le Général de Gaulle s'est exprimé sur les antennes de la BBC pour appeler les Français à poursuivre le combat contre l’envahisseur allemand.

Initiative d'un officier supérieur refusant la défaite quand tous l'acceptaient, coup d'éclat motivé par son patriotisme, message d'espérance dans une France en pleine débâcle, l'Appel du 18 juin 1940 a été l'acte fondateur de la Résistance française : Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".

Cet événement est aujourd’hui enseigné, commémoré, célébré avec toutefois une limite significative : il n'est jamais rappelé que cet appel a été fermement condamné par... le Parti Communiste Français.

Cet oubli délibéré et systématique est une illustration du devoir d'amnésie qui s'applique à l'action du PCF entre 1939 et 1941.
 
Un exemple de la condamnation communiste, un article publié dans l'Humanité n° 59 du 4 juillet 1940 sous le titre "Le peuple de France veut la paix" :

"Il [Le peuple de France] demande d'énergiques mesures contre tous ceux, qui par ordre de l'Angleterre impérialiste, voudraient entraîner à nouveau les Français dans la guerre.
Il demande la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique et serait la garantie de la paix en Europe."
 
Trois remarques sur le texte. Tout d'abord, il contient un appel à prendre "d'énergiques mesures" contre le Général de Gaulle et ses partisans. A qui s'adresse cet appel ? Aux Allemands, à Pétain ou aux deux ?
 
Ensuite, on peut constater que l'antigaullisme du PCF est motivé par son pacifisme qui est la conséquence du Pacte germano-soviétique.
 
Enfin, élément tout aussi révélateur, l'Humanité plaide pour "un pacte d'amitié franco-soviétique" en précisant : 1) qu'il serait un complément du "pacte germano-soviétique" et donc conforme aux intérêts de l'Allemagne nazie, 2) qu'il serait "la garantie de la paix en Europe" autrement dit qu'il assurerait le succès d'une négociation de Paix entre un Gouvernement communiste et Hitler, et inciterait en outre l'Angleterre à mettre fin au conflit anglo-allemand.
 
Par son contenu, l'Humanité du 4 juillet 1940 est une parfaite illustration de la ligne pacifiste, antigaulliste, anglophobe et germanophile du PCF.

Au vu de ces éléments, on posera la question suivante : doit-on considérer ce numéro comme un acte de Résistance ou un acte de Collaboration ?
 
Composé de quatre parties, le présent texte portera sur l'action du PCF entre juin 1940 et juin 1941.
 
Après avoir montré que le PCF a approuvé l'armistice franco-allemand du 22 juin 1940 (I), qu'il a condamné le Général de Gaulle et son appel à poursuivre le combat contre l'envahisseur allemand (II) et enfin qu'il s'est mobilisé entre juin 1940 (défaite de la France) et juin 1941 (invasion de l’URSS par les armées allemandes) sur une ligne pacifiste, antigaulliste, anglophobe, et germanophile (III), on reproduira pour chaque mois de cette période des extraits de textes illustrant cette ligne (IV).
 
Cette petite contribution à la lutte contre le devoir d'amnésie aura comme motivation le principe suivant : la vérité, vous pouvez la nier, la censurer ou la falsifier, jamais vous ne l'effacerez.


Partie I

Gouvernement Pétain

Le 16 juin 1940, réfugié dans la ville de Bordeaux depuis deux jours, le Gouvernement Reynaud démissionne à 22 heures au terme d'un Conseil des ministres au cours duquel se sont une nouvelle fois affrontés opposants et partisans de l'armistice.

A la tête de ceux qui veulent mettre fin au conflit avec l'Allemagne et qui défendent au sein du gouvernement la même position que le Commandant en chef des armées françaises, le Général Weygand : le Maréchal Pétain, vice-président du Conseil et ministre d'Etat. Ce dernier est aussitôt chargé par le Président de la République de former un nouveau gouvernement. Dans ce Gouvernement de Paix qui sera formé en moins d'une heure entreront deux représentants de l'Union Socialiste et Républicaine (USR), le parti de Marcel Déat, deux radicaux-socialistes (PRRRS), dont Camille Chautemps à la vice-présidence, et avec l'accord de Léon Blum deux socialistes (SFIO) qui étaient membres du cabinet démissionnaire : André Février et Albert Rivière. Unis avec le PCF dans une coalition appelée le Front Populaire, ces trois partis de gauche avaient remporté les élections législatives de 1936.

Parmi ceux qui veulent continuer de se battre contre les Allemands : le Général de Gaulle, sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale et à la Guerre attaché à la présidence du Conseil. Après s'être illustré dans les combats contre la Wehrmacht à la tête de la 4e Division Cuirassée, ce dernier a rejoint le gouvernement le 5 juin 1940. N'ayant pas une fonction ministérielle, il n'assiste jamais au Conseil des ministres. En mission en Angleterre, il apprendra la démission du gouvernement à son retour à Bordeaux dans la soirée. Après la constitution dans la nuit d'un cabinet marquant la victoire du clan des défaitistes, il décide le lendemain matin de repartir pour Londres. Il s'embarquera dans l'avion ramenant en Angleterre l'envoyé spécial de Churchill, le Général Spears. Les Anglais espéraient la venue d'un homme politique de premier plan comme Paul Reynaud ou Georges Mandel pour poursuivre la guerre au nom de la France. Les circonstances leur imposeront un colonel nommé au grade de général de brigade à titre temporaire (2 étoiles) en mai 1940, un éphémère sous-secrétaire d'Etat, un homme inconnu des Français...

 
Demande d'armistice

Le 17 juin, en début d'après-midi, le nouveau président du Conseil prononce à la radio une courte allocution dans laquelle il déclare qu'il faut mettre fin au conflit avec l'Allemagne ("il faut cesser le combat") avant d’annoncer qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

Illustration de l'alliance germano-soviétique, quelques heures après cette annonce, Viatcheslav Molotov, président du Conseil et commissaire du peuple aux Affaires étrangères, convoque l'ambassadeur allemand à Moscou, Friedrich Werner von der Schulenburg, pour lui exprimer "les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes". (Télégramme n° 1167 du 17 juin 1940)

Le lendemain, à Londres, le Général de Gaulle s'exprime à la BBC pour condamner la demande d'armistice et appeler les Français à poursuivre le combat contre l'envahisseur allemand. Initiative d'un officier supérieur refusant la défaite quand tous l'acceptent, coup d'éclat motivé par son patriotisme, message d'espérance dans une France en pleine débâcle, l'Appel du 18 juin 1940 est l'acte fondateur de la Résistance française : Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".

A l'inverse de la position gaullienne, le Parti communiste, qui s'est engagé pour la Paix avec les nazis dès septembre 1939 en arguant que la guerre contre l'Allemagne d'Hitler était une guerre impérialiste, approuve la démarche du Gouvernement Pétain dans l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 qui présente la particularité de reproduire un communiqué... de la Wehrmacht :

"Tous les hommes qui constituent le gouvernement portent, à des titres divers, la responsabilité de la politique qui a conduit la France à la guerre, à la catastrophe. Le maréchal Pétain a dit qu'il faut tenter de cesser le combat. Nous prenons acte, mais le peuple prendra acte aussi du fait que si, en septembre dernier les propositions des députés communistes avaient été retenues, nous n'en serions pas où nous en sommes.
Les députés communistes qui, en septembre proposaient une paix qui auraient laissé intactes la puissance et l'économie française, en même temps qu'elle aurait épargné bien des vies humaines et des destructions, furent jetés en prison et aujourd'hui ceux qui ont fait cette criminelle besogne sont acculés à la paix après la défaite."

Soumis aux autorités allemandes comme un numéro modèle de l'Humanité légale, ce numéro rappelle que les députés communistes ont été emprisonnés parce qu'ils avaient demandé l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens" dans une lettre remise au président de la Chambre quelques jours après la victoire des armées allemandes et soviétiques en Pologne.

 
Armistice franco-allemand

Demandé le 17 juin 1940 par le Gouvernement Pétain, l'armistice franco-allemand est signé le 22 juin.

Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix, cet armistice impose au pays vaincu l'occupation d'une zone couvrant les trois-cinquièmes de son territoire et comprenant sa capitale, le maintien en captivité de 1,5 million prisonniers de guerre, la démobilisation et le désarmement de ses forces armées, et enfin le paiement d'une indemnité journalière dont le montant sera fixé quelques semaines tard à 400 millions francs soit une somme absolument délirante relevant plus des réparations de guerre que de l'entretien d'une armée d'occupation.
 
Dans une allocution prononcée le lendemain à la radio de Londres, le Général de Gaulle déclare que cet armistice est une véritable "capitulation" et que de ce fait le Gouvernement Pétain a perdu toute légitimité :

"L'armistice accepté par le gouvernement de Bordeaux est une capitulation.
Cette capitulation a été signée avant que soient épuisés tous les moyens de résistance. Cette capitulation livre à l'ennemi qui les emploiera contre nos alliés nos armes, nos avions, nos navires, notre or. Cette capitulation asservit complètement la France et place le gouvernement de Bordeaux sous la dépendance immédiate et directe des Allemands et des Italiens.
Il n'existe donc plus sur le territoire de la France métropolitaine de gouvernement indépendant susceptible de soutenir au dehors les intérêts de la France et ceux des Français."

Pour connaître la réaction du PCF à la défaite de la France et à l'occupation allemande qui en est la conséquence, il suffit de lire l'Humanité du 24 juin 1940 et son article leader intitulé... "Construire la paix" :

"L'armistice est signé.
Ah, certes nous serrons les poings à la pensée qu'une autre paix eut pu être conclue en Septembre-Octobre dernier comme la proposaient les Communistes. Mais à cette époque Daladier jugeait que les ordres de la Cité de Londres devaient être obéis.
Construire la Paix ! Voilà donc la tâche urgente.
Nous savons bien, nous autres communistes, qu'il n'y aura de paix véritable que lorsque auront été extirpées les racines profondes de la guerre. LA PAIX C'EST LE SOCIALISME.
Lutter pour la paix, c'est coordonner l'action des prolétaires de tous les pays dans la lutte pour la victoire du socialisme, de ce socialisme dont l'URSS offre au monde le resplendissant exemple. Tel est notre but.
Préparer cette paix implique que la France est un gouvernement capable de comprendre et de traduire les aspirations populaires. La France de juin 1940 ne possède pas un [tel] gouvernement. [...]
Pour négocier la paix, il faut pouvoir parler au nom du peuple. On ne parle pas au nom du peuple quand on tient en prison et dans les camps des milliers de militants du peuple. Seul, sera digne de négocier une paix équitable, le gouvernement qui rendra au prolétariat ses droits et sa liberté. [...]
Que disparaissent les fauteurs de guerre, les responsables du désastre, les valets de la Cité de Londres : PLACE AU PEUPLE !".

Dans ce texte approuvant l'armistice franco-allemand, l'Humanité affirme que seul le Parti communiste est en mesure de négocier avec Hitler "une paix véritable" ou encore une "paix équitable" car il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre et à pouvoir en outre bénéficier du soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne.

Ajoutons quatre remarques supplémentaires.

Tout d'abord, l'Humanité rappelle l'initiative pacifiste des députés communistes à la fin de la Campagne de Pologne et en attribue l'échec à la soumission du gouvernement français aux "ordres de la Cité de Londres".

Ensuite, formulé dans le but de prouver que les communistes sont des pacifistes de la première heure, ce rappel est aussi une dénonciation implicite du Maréchal Pétain qui est accusé par la propagande communiste de n'être qu'un belliciste au service du capitalisme français et anglais dont l'engagement tardif en faveur de la Paix n'est qu'un opportunisme.

C'est d'ailleurs pour mettre en avant le bellicisme de ce dernier que le texte décrit le président du Conseil ainsi que les membres de son Gouvernement de Paix comme des "fauteurs de guerre" (impérialisme français) et des "valets de la Cité de Londres" (impérialisme anglais).

De plus, toujours dans le but de montrer que seul le projet pacifiste du Parti communiste est légitime, l'Humanité plaide pour une "paix équitable" ou encore une "paix véritable" par opposition à une paix inéquitable ou à une fausse paix négociée par le Maréchal Pétain.

Enfin, par son contenu, cet article est en totale conformité avec le projet défendu par les communistes depuis le début du conflit à savoir la Paix par la Révolution socialiste ("LA PAIX C'EST LE SOCIALISME").


Défaitisme révolutionnaire

Preuve que le pacifisme des communistes était en réalité synonyme de défaitisme révolutionnaire, les Instructions que le Parti communiste a envoyées à ses cadres en juillet 1940 pour guider leur action dans une France défaite et occupée par les nazis :

"L'impérialisme français vient de subir sa plus grande défaite de l'Histoire.
Résultat et suite logique de Munich : trahison et politique réactionnaire.

BILAN. - L'ennemi - qui est à l'intérieur dans toute guerre impérialiste - est par terre.

La classe ouvrière française et mondiale doit retenir cet événement comme une victoire et comprendre qu'il faut voir là un ennemi de moins. Il importe donc de mettre tout en œuvre pour que la chute de l'impérialisme français soit définitive. Il ressort, à la constatation de cet état de chose, que la lutte du peuple français a eu le même objectif que la lutte de l'impérialisme allemand contre l'impérialisme français. Il est exact qu'en ce sens ce fut un allié occasionnel. 
(Lénine nous a appris qu'il nous faut pas hésiter, lorsque la situation le commande et lorsqu'il y va de l'intérêt du peuple, de s'allier - occasionnellement - même eu diable.) Se souvenir de la lettre de Lénine aux ouvriers américains (1918) et disant que quiconque ne comprend pas cela n'est pas révolutionnaire."

Dans cet extrait, le Parti communiste se félicite de la défaite de la France : "l'impérialisme français vient de subir sa plus grande défaite de l'Histoire".

Sur ce constat enthousiaste, il rend hommage à son engagement contre la guerre en rappelant que son ennemi dans le conflit franco-allemand n'était pas Hitler mais le gouvernement français et tous ses soutiens : "L'ennemi - qui est à l'intérieur dans toute guerre impérialiste - est par terre".

Considérant que par sa mobilisation il a contribué à la défaite de la France, il affirme que "la classe ouvrière française et mondiale" doit célébrer cet événement comme "une victoire" et voir dans la chute de l'impérialisme français "un ennemi de moins".
 
Il va même jusqu'à reconnaître Hitler comme un "allié occasionnel" dans ce combat contre l'impérialisme français. A ceux qui pourraient être choqués par cette alliance, il répond que quiconque la désapprouve "n'est pas révolutionnaire".

Dernier élément, il indique qu'il importe de "mettre tout en œuvre pour que la chute de l'impérialisme français soit définitive". Autrement dit même après la signature de l'armistice franco-allemand, l'ennemi est toujours l'impérialisme français.
 
Autre document dans lequel le Parti communiste se félicite de la défaite de la France : la "Lettre aux militants communistes" de novembre 1940. Dans ce tract rédigé au mois d'octobre, on peut notamment lire : 

"Nous sommes au quatorzième mois de la deuxième guerre impérialiste en Europe et nous avons sous les yeux le bilan suivant : un puissant impérialisme a été abattu [La France]; ceux qui avaient l'habitude faire la guerre par procuration sont obligés de se battre directement [L'Angleterre]; ceux qui déclarèrent la guerre au dernier moment dans l'espoir qu'elle durerait quinze jours, sont obligés de continuer la lutte [L'Italie] et ceux qui comptaient sur de fulgurantes et décisives victoires doivent tout recommencer au moment où ils croyaient avoir tout fini [L'Allemagne]".


Partie II

Contre la Résistance

Preuve que l'appel du Général de Gaulle a été entendu en France, il est immédiatement condamné par deux partisans de la Paix avec Hitler : le Maréchal Pétain et le Parti Communiste Français.
 
Dans un communiqué de presse de son ministre de l'Intérieur en date du 19 juin 1940, le Gouvernement Pétain fait la déclaration suivante :

"Le général de Gaulle, qui a pris la parole à la radio de Londres, ne fait plus partie du gouvernement et n'a aucune qualité pour faire des communications au public. Il a été rappelé de Londres et a reçu l'ordre de rentrer en France et de se tenir aux ordres de ses chefs. Ses déclarations doivent être regardées comme non avenues".
 
Quant au Parti communiste, il s'attaque pour la première fois au Général de Gaulle dans un Appel au "Peuple de Paris" diffusé le 25 juin 1940 :

"L'armistice est signé. Nos soldats ne se battent plus et, tandis qu'a cessé le bruit du canon, nos pensées vont à tous ceux qui sont restés sur les champs de bataille, aux mères, aux veuves, aux orphelins, aux mutilés, à toutes les pitoyables victimes de la guerre.
C'est en vain que les agents de l'impérialisme britannique essayent maintenant de persuader le peuple de France qu'il doit poursuivre maintenant la guerre pour le compte des financiers de la Cité et, tandis que ces messieurs tentent d'étendre le feu de la guerre aux colonies, les communistes disent aux peuples coloniaux : "Mettez à profit les difficultés de vos oppresseurs pour briser vos chaînes, pour vous libérer, pour conquérir votre indépendance." [...]
Le gouvernement que le pays attend et que les événements imposent, c'est un gouvernement populaire démocratique, s'appuyant sur le peuple, lui inspirant la confiance, lui donnant des raisons de travailler et d'espérer, un gouvernement de lutte contre la ploutocratie, composé d'hommes courageux, honnêtes, ayant donné des preuves de leur dévouement à la cause du peuple, un gouvernement décidé à maintenir la paix, un gouvernement décidé à poursuivre avec l'URSS, pays du socialisme, une politique d'amitié qui compléterait heureusement le Pacte germano-soviétique et contribuerait à créer les conditions d'une paix juste et durable."
 
Les deux caractéristiques marquantes de ce texte sont la condamnation de la Résistance gaulliste et l'appel à former un gouvernement de Paix communiste. 

Deux remarques sur le premier point. Tout d'abord, pour dissuader les Français de s'engager dans la lutte contre les Allemands, le Parti communiste accuse le Général de Gaulle d'être un agent de "l'impérialisme anglais" et un défenseur des intérêts "des financiers de la Cité" autrement dit d'être un traître et un corrompu. En outre, pour empêcher l'implantation de la France Libre sur les territoires de l'Empire français, il appelle les peuples coloniaux à se battre pour leur indépendance.

Trois observations sur le second point. Tout d'abord, le Parti communiste affirme que la situation de la France exige le départ du Gouvernement Pétain, symbole du capitalisme et de la corruption, et son remplacement par un Gouvernement communiste : "Le gouvernement que le pays attend et que les événements imposent, c'est un gouvernement populaire démocratique, [...] un gouvernement de lutte contre la ploutocratie, composé d'hommes courageux, honnêtes, ayant donné des preuves de leur dévouement à la cause du peuple".

Ensuite, il indique clairement que ce gouvernement aura pour mission de conclure un traité de paix avec l'Allemagne d'Hitler : "un gouvernement décidé à maintenir la paix".

Enfin, il affirme que ces négociations seront un succès grâce au soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne : "un gouvernement décidé à poursuivre avec l'URSS, pays du socialisme, une politique d'amitié qui compléterait heureusement le Pacte germano-soviétique et contribuerait à créer les conditions d'une paix juste et durable."
 
On notera que le Parti communiste plaide avec enthousiasme pour une alliance Thorez-Hitler-Staline en appelant à la signature d'un Pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait "heureusement" le Pacte germano-soviétique.
 
Par son contenu, cet appel reflète la ligne pacifiste, antigaulliste, anglophobe et germanophile du PCF.
 
 
 L'Humanité Clandestine
 
La propagande antigaulliste du PCF sera constante, virulente et calomnieuse. Un exemple : l'Humanité clandestine.
 
L'organe central du PCF accusera le chef de la France Libre d'être un "agent de la finance anglaise" qui par vénalité veut "faire battre les Français pour la City" (l'Humanité du 1/07/40), d'être non seulement un belliciste qui veut "entraîner à nouveau les Français dans la guerre" mais aussi un traitre qui agit sur "ordre de l'Angleterre impérialiste" (l'Humanité du 4/07/40), d'être un "ennemi du peuple" et de "vouloir la victoire de l'impérialisme anglais parce que c'est son intérêt" (l'Humanité du 14/02/41), d'avoir pour projet non seulement de "détruire à jamais les libertés publiques" mais aussi de préserver "l'horrible régime du sabre et du coffre-fort" autrement dit le régime capitaliste (l'Humanité du 5/03/41), d'être à la tête d'un mouvement "foncièrement réactionnaire et antidémocratique" autrement dit fasciste et de vouloir en réalité "priver notre de pays de toute liberté au cas d'une victoire anglaise." (l'Humanité n° spécial du 18/03/41), d'être un "assassin de la liberté" (l'Humanité n° spécial du 1/05/41), de faire couler "le sang français" (l'Humanité du 13/06/41) et enfin d'être comparable au Maréchal Pétain qui "fait tuer des enfants de France pour l'Allemagne" en faisant "tuer d'autres Français pour l'Angleterre" (l'Humanité du 20/06/41).

 
Invasion de l'URSS
 
Le 22 juin 1941, l'Allemagne est en mesure d'envahir l'Union soviétique en raison de leur frontière commune issue de leur partage de la Pologne en septembre 1939. Cette attaque marque la fin de l'alliance germano-soviétique dont le fondement politique était le Pacte de non-agression du 23 août 1939 et le Traité de frontières et d'amitié du 28 septembre 1939.

Un commentaire : les communistes peuvent remercier Hitler car sans cette attaque ils seraient encore les alliés des nazis aujourd'hui.

Pour sa défense l'URSS peut compter sur le soutien de l'Internationale communiste qui mobilise immédiatement ses membres.

La Section Française de l'Internationale Communiste (SFIC) autrement dit le Parti Communiste Français (PCF) reçoit ses Instructions dans un télégramme du 25 juin 1941 co-signé par son secrétaire général, Maurice Thorez, qui s'est réfugié en Russie après sa désertion en octobre 1939 :

"Le moment est venu rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste, dont partisans comprennent que lutte héroïque peuple soviétique contre agression hitlérienne répond intérêts peuple français et que libération France est liée à victoire Union soviétique. Collaboration doit s'établir sur la base suivante. Lutte commune pour libération nationale. Efforts communs contre ennemi commun, le fascisme allemand".

Dans ce télégramme, Moscou recommande aux communistes français de "rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste" pour combattre ensemble un "ennemi commun : le fascisme allemand".
 
 
Résistance communiste

C'est sur la base des Instructions du 25 juin 1941 que le Parti communiste s'engagera dans la lutte contre l'occupant allemand.
 
Point important, les communistes se battront pour libérer... l'Union soviétique, leur véritable patrie.

Preuve que cet objectif sera bien celui des staliniens français, l'IC précise dans son télégramme que "libération France est liée à victoire Union soviétique" autrement dit la libération de la France sera la conséquence de celle de l'Union soviétique. La première sera donc subordonnée à la seconde.
 
L'entrée du PCF dans la Résistance changera radicalement le contenu de sa ligne politique. On pourra illustrer ce fait en mettant en avant les éléments suivants :

Tout d'abord, preuve de la souplesse de l'idéologie marxiste, la guerre contre l'Allemagne nazie ne sera plus analysée par les communistes comme une guerre impérialiste, elle sera désormais décrite comme une guerre de libération nationale. Ensuite, conséquence logique de sa nouvelle ligne politique, le Parti communiste abandonnera son programme de gouvernement de février 1941 dans lequel il plaidait pour la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste. Autre élément, au mois de juillet, pour la première fois depuis le début du conflit, il s'attaquera à Hitler dans un tract intitulé "Qui est Hitler ?". Au vu des circonstances, on pourrait interpréter ce titre comme un lapsus et l'aveu qu'après 22 mois de silence sur l'allié de Staline les communistes ont vraiment oublié qui était Hitler. Enfin, les staliniens français n'accuseront plus les gaullistes d'être des traîtres au service de l'impérialisme anglais mais les célébreront comme des frères d'armes dans la lutte contre les nazis.
 
Illustration du changement de la propagande communiste concernant le Général de Gaulle et preuve aussi de la volonté du PCF de prendre seule la direction de la Résistance : l'Humanité n° 122 du 29 juillet 1941.
 
Dans un texte intitulé "La Bataille des V" (référence au V des Résistants, symbole du mot victoire depuis le début de 1941, que les Allemands on tenté de combattre en lançant pour leurs troupes un V (victoria) symbolisant leurs succès militaires), l'organe central du PCF propose l'ajout de la faucille et du marteau au V pour marquer l'union des communistes et des gaullistes, et de fait l'abandon du V avec la croix de Lorraine :
 
"Les allemands volent tout; ils ont même voulu voler le V. mais si notre V signifie VICTOIRE, le leur signifie VERBRECHER (criminel) qualificatif qui s'applique bien à Hitler. Afin de différencier nos V des leurs, dessinons-les ainsi :

ainsi s'affirme l'union des gaullistes, des communistes et de tous les patriotes dans le Front National de l'Indépendance de la France."
 
 
 
Résistance française
 
Tous les faits précédemment exposés imposent de faire une claire distinction entre Résistance française et Résistance communiste. 
 
La première fondée par le Général de Gaulle en juin 1940 avait pour objectif la libération de la France.  La seconde initiée par le PCF en juin 1941 était un soutien à l'effort de guerre soviétique.

La création par le Parti communiste de structures non partisanes ayant pour objectif la libération du territoire national n'a été qu'une tactique visant à recruter des Français pour combattre les Allemands. L'objectif stratégique a toujours été le même. 
 
 
Partie III

Ligne du PCF
entre juin 1940 et juin 1941
 
Entre juin 1940 (défaite de la France) et juin 1941 (invasion de l'URSS par les armées allemandes), dans une France occupée par les nazis, en totale conformité avec les Instructions de Moscou, le PCF s'est mobilisé sur une ligne pacifiste, antigaulliste, anglophobe, et germanophile.

Si l'on suit une période saisonnale, on peut dire que l'été 1940 a été marqué non seulement par les négociations que le Parti communiste a menées avec les autorités allemandes pour obtenir la légalisation de ses activités mais aussi par la diffusion d'un Appel au "Peuple de France" dans lequel il plaidait pour la constitution d'un Gouvernement de Paix dirigé par Maurice Thorez.

Tract le plus important de l'automne 1940, la "Lettre aux militants communistes" se félicitait de la défaite de la France ("un puissant impérialisme a été abattu") et illustrait un nouveau thème dans la propagande communiste : la dénonciation commune des agents de l'impérialisme anglais (De Gaulle) et des serviteurs de l'impérialisme allemand (Doriot à Paris et Pétain à Vichy) qui étaient tous accusés de vouloir engager une nouvelle fois la France dans une guerre impérialiste.

A l'hiver 1940-1941, le Parti communiste a publié sous le titre "Pour le salut du Peuple de France" un programme de gouvernement dans lequel il s'engageait à établir des relations pacifiques entre la France et l'Allemagne d'Hitler et à instaurer des rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand.

Enfin, le tract le plus important du printemps 1941 a été un appel intitulé "Pour la formation d'un Front national de lutte pour l'indépendance de la France" dans lequel il appelait les Français à se mobiliser pour maintenir la France hors du conflit anglo-allemand.
 
 
Partie IV
 
Pour étayer toutes les affirmations précédentes et prouver dans le même temps le mensonge des historiens qui affirment soit que le Parti communiste s'est engagé dans la Résistance dès juin 1940 soit qu'il a eu une attitude attentiste jusqu'en juin 1941, on reproduira ci-après des textes diffusés par le PCF entre juin 1940 et juin 1941 en faisant la distinction suivante :

          
Textes de la direction centrale du PCF (tracts, brochures, l'Humanité (éditions zone occupée [zone Nord], zone non occupée [zone Sud] et locales), lettre du 26 juin 1940 demandant aux autorités allemandes l'autorisation de publier l'Humanité et enfin un appel et une brochure diffusés à l'été 1940 dans la région bordelaise par Charles Tillon, responsable inter-régional dans le sud-ouest).

          
Textes des Regions du PCF (une Région couvre un ou plusieurs départements) :
- zone occupée : Nord et Pas-de-Calais (Martha Desrumeaux), Bretagne (Robert Ballanger), Normandie (André Pican), Picardie, Somme, Gironde et les 5 Régions composant la région parisienne : Paris-Ville, Paris-Est, Paris-Ouest, Paris-Sud, Paris-Nord.
- zone libre : Puy-du-Dôme, Corrèze, Charente, Cher, Bouches-du-Rhône.

          
Communications entre le PCF et l'Internationale communiste, entre le PCF et l'antenne de l'IC installée à Bruxelles sous la direction d'Eugen Fried, et enfin entre le PCF et ses Régions.

          
Textes de la Fédération des Jeunesses communistes (tracts, brochures, l'Avant-garde).

          
Textes du PCF et des JC célébrant le Programme de gouvernement de février 1941 intitulé "Pour le salut du peuple de France".

          
Textes du PCF et des JC évoquant la collaboration communiste et ses différences avec la collaboration pétainiste.

          
Texte du PCF publié après le 22 juin 1941.

La période comprend pour l'année 1940 les mois de Juin, Juillet, Août, Septembre, Octobre, Novembre et Décembre et pour l'année 1941 les mois de Janvier, Février, Mars, Avril, Mai et Juin



Juin 1940


Trois directions communistes

En juin 1940, la direction du PCF présente la particularité d'être éclatée en trois lieux distincts.

Tout d'abord, Moscou où Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, s'est réfugié en novembre 1939 après sa désertion et un court séjour en Belgique.

Ensuite, Paris où Jacques Duclos, secrétaire du PCF, et Maurice Tréand, son adjoint, prennent la direction du Parti communiste clandestin à leur arrivée dans la capitale le 15 juin. La veille, ils ont quitté Bruxelles où ils avaient établi une direction communiste en octobre 1939. Dans la capitale belge, ils avaient bénéficié du soutien du Parti communiste belge et de la présence d'une antenne de l'IC dirigée par Eugen Fried.

Enfin, la zone non occupée où se trouve Benoit Frachon, secrétaire de la CGT et ancien membre du Bureau politique du PCF. Responsable du Parti communiste clandestin depuis octobre 1939, ce dernier a quitté Paris avec ses camarades avant l'arrivée des Allemands. Conformément à la décision prise au moment de ce départ, seuls deux dirigeants sont restés dans la capitale : Jean Catelas et Gabriel Péri. Benoît Frachon sera de retour à Paris à la mi-août.


IL Y A DES COMPTES A REGLER

Tandis que nos soldats trahis sont écrasés par l'énorme matériel des troupes allemandes,
Tandis que de longues colonnes de réfugiés errent sur les routes, comme aux plus sombres périodes de l'Histoire de l'Humanité, [...]
Le peuple de France, ouvrant désormais les yeux et conscients d'avoir été trompé par une bande de malfaiteurs publics, pense qu'il y a des comptes à régler. [...]
Oui, IL Y A DES COMPTES A REGLER avec tous les politiciens qui ont jeté les députés communistes en prison et les ont déchus de leur mandat parce que, dès le début de la guerre, ils avaient eu le courage de réclamer la paix. [...]
Oui, IL Y A DES COMPTES A REGLER avec les ploutocrates des 200 familles qui ont livré la France aux banquiers anglais. [...]
 
PEUPLE DE PARIS

Unis-toi avec le calme tranquille de ceux qui savent que l'avenir leur appartient, n'oublie pas qu'il y a un pays où les capitalistes ont rendu gorge; ce pays, c'est la grande Union Soviétique, pays du socialisme et de la paix.
Unis-toi derrière ceux qui se sont battus pour la paix, derrière les communistes qui, hier, t'ont montré au risque de leur liberté et de leur vie, le chemin de la paix et qui, aujourd'hui, te montrent le chemin de la restauration de notre malheureux pays, à savoir :
CHATIER ET FAIRE PAYER LES RESPONSABLES DES DESASTRES DE LA FRANCE.

VIVE L'UNION DU PEUPLE DE NOTRE GRAND ET IMMORTEL PARIS !

La Région Paris-Ville du Parti Communiste Français

(Tract "Il y a des comptes à régler" du 18 juin 1940)
Le 18 juin 1940, quatre jours après l'entrée des armées hitlériennes dans Paris, le Parti communiste diffuse un tract intitulé "Il y a des comptes à régler" dans lequel il appelle le Peuple de Paris à se mobiliser pour.... "châtier et faire payer les responsables des désastres de la France".

Ces responsables sont "tous les politiciens qui ont jeté les députés communistes en prison et les ont déchus de leur mandat parce que, dès le début de la guerre, ils avaient eu le courage de réclamer la paix" ainsi que "les ploutocrates des 200 familles qui ont livré la France aux banquiers anglais".

Condamnation des impérialismes français et anglais, ce tract est aussi une célébration du pacifisme des communistes : "Unis-toi derrière ceux qui se sont battus pour la paix, derrière les communistes qui, hier, t'ont montré au risque de leur liberté et de leur vie, le chemin de la paix". 

Ne contenant aucune attaque contre les Allemands, il sera même soumis à la censure de la Propaganda Staffel le 20 juin 1940 dans le but d'être publié dans le premier numéro de l'Humanité légale.

Tiré à 7 000 exemplaires, le tract "Il y a des comptes à régler" a été rédigé par Jacques Duclos, chef du Parti communiste clandestin.
 
S'adressant au Peuple de Paris, ce dernier a apposé la signature de "La Région Paris-Ville du Parti Communiste Français" sur le texte.


IL FAUT LIBÉRER LES 
DÉFENSEURS DE LA PAIX

Depuis des mois, des hommes et des femmes sont emprisonnés pour avoir défendu la paix; des députés communistes illégalement déchus de leur mandat sont en prison pour avoir "prôné la paix" comme l'indiquait l'acte d'accusation et, pendant ce temps, les Daladier, les Reynaud et les Mandel sont en liberté, eux qui devraient être sous les verrous parce qu'ils ont conduit la France à l'abîme.
Nous demandons la libération des défenseurs de la paix et ennemis du capitalisme que les fauteurs de guerre ont emprisonnés.
Liberté, LIBERTE pour les hommes de la paix.

Le 17 juin 1940, à Bordeaux, le Maréchal Pétain annonce à la radio qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

Le lendemain, à Paris où les armées hitlériennes sont présentes depuis quatre jours, suivant des instructions de Moscou, le Parti communiste engage - lui aussi - une démarche auprès des Allemands et ce pour obtenir la légalisation de l'Humanité dont la publication a été suspendue en août 1939 en raison de son soutien... au Pacte germano-soviétique.

Invités à revenir le lendemain pour exposer à nouveau leur demande, les communistes décident de préparer un numéro modèle de l'Humanité légale : l'Humanité du mercredi 19 juin 1940.

Composé d'un "communiqué officiel allemand" et de six articles ("Vive Paris", "Il faut libérer les défenseurs de la paix", "Le nouveau gouvernement", "Négociations de paix", "Vive l'URSS", "Dans les communes de banlieue"), ce numéro zéro approuve la démarche du Maréchal Pétain de négocier un armistice avec Hitler ("Nous prenons acte"), dénonce les "banquiers de la Cité de Londres" dont la tutelle sur les dirigeants français explique l'entrée en guerre de la France, demande la libération des "défenseurs de la Paix et ennemis du capitalisme" autrement dit des communistes, célèbre l'URSS comme "le pays du socialisme et de la paix" et enfin définit clairement le projet du PCF : "Paix" avec l'Allemagne nazie (libération nationale), "fraternité des peuples" (fraternité franco-allemande) et "lutte contre le capitalisme" (libération sociale).
 
En totale conformité avec la ligne défendue par le PCF depuis le début du conflit, l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 plaide pour la paix avec Hitler, fait l'éloge de la fraternité franco-allemande et condamne l'Angleterre : autant d'engagements politiques qui ne devraient pas heurter la censure allemande.

Autre élément devant permettre aux communistes d'obtenir une réponse positive des Allemands : la publication dans ce numéro d'un communiqué de la Wehrmacht.

Cette publication doit prouver leur bonne foi en montrant qu'ils acceptent non seulement de se soumettre aux règles fixées par les Allemands en matière de presse mais aussi de faire de l'Humanité légale un relais de la propagande allemande.

Engagée avant même la signature de l'armistice et donc l'arrêt des combats, cette première négociation entre les communistes et les nazis prendra fin le 20 juin avec l'arrestation par la police française de quatre militants communistes liés à ces pourparlers dont Maurice Tréand, n° 2 du Parti communiste clandestin.

Ces militants seront libérés le 25 juin à la suite d'une intervention d'Otto Abetz qui aura été sollicitée par l'avocat communiste de Maurice Tréand, Robert Foissin. En contrepartie de cette intervention, le représentant d'Hitler en France manifestera son désir de rencontrer le dirigeant communiste pour discuter de la question de l'Humanité avec l'ambition d'engager de plus larges négociations. C'est dans ce contexte favorable à une reprise des pourparlers que le Parti communiste décide de diffuser clandestinement l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 non sans susciter des critiques de certains militants.

Conservée dans le dossier d'instruction des militants communistes arrêtés les 20 et 21 juin 1940, pièce centrale de la première négociation entre le Parti communiste et les autorités allemandes, preuve de la compromission des communistes et de leur soumission aux exigences allemandes, l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 a été portée à la connaissance du public dans un livre publié en 1975 par Raymond Tournoux sous le titre Journal secret.

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Dans l'extrait cité, l'Humanité appelle les autorités allemandes à libérer "les défenseurs de la Paix" autrement dit les élus et militants communistes qui été ont condamnés par les tribunaux de la République entre septembre 1939 et juin 1940 pour leur engagement en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie, ainsi que ceux qui pour le même motif ont été internés administrativement sur la base du décret-loi du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à l'égard des individus dangereux pour la défense nationale.

Le texte fait d'ailleurs référence aux 44 députés communistes condamnés en avril 1940 à des peines de prison "pour avoir prôné la paix" dans une lettre remise au président de la Chambre le 2 octobre 1939.

A l'inverse, l'Humanité estime que "les fauteurs de guerre" qui soutenaient l'intervention contre l'Allemagne nazie doivent être incarcérés. Le journal communiste cite nommément Edouard Daladier, président du Conseil d'avril 1938 à mars 1940, Paul Reynaud, qui lui a succédé avant d'être remplacé par le Maréchal Pétain en juin 1940 et enfin Georges Mandel, ministre des colonies d'avril 1938 à mai 1940 puis de l'Intérieur jusqu'au 16 juin 1940 et la démission du Gouvernement Reynaud.



Prolétaires de tous les pays unissez-vous !

Proletarier aller Länder, vereinigt euch !

(L'Humanité n° 56 du 19 juin 1940 - Organe central du PCF)
Distincte de l'Humanité du mercredi 19 juin 1940, l'Humanité n° 56 du 19 juin 1940 fait partie de la série régulière des Humanités clandestines.

La manchette de ce numéro, comme celle de l'Humanité n° 55 du 17 juin 1940, appelle en français et en allemand à l'union des prolétaires : "Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! Proletarier aller Länder, vereinigt euch !".

Cet appel internationaliste s'adresse à la fois aux travailleurs français et... aux soldats allemands.

Pour le Parti communiste les nazis qui occupent Paris ne sont pas des envahisseurs mais des prolétaires avec lequel il faut s'unir contre l'ennemi commun : le capitalisme.

Composée de trois textes signés "Le Parti communiste français (SFIC)" et titrés "Les communistes accusent...", l'Humanité n° 56 du 19 juin 1940 constitue un véritable réquisitoire contre... les  dirigeants politiques et les chefs militaires français qui sont accusés d'être les responsables de la guerre et de la défaite.

Dans la première déclaration, le Parti communiste fait une comparaison entre les généraux français dont l'incompétence est la cause de la défaite de la France et le commandement de l'Armée rouge dont l'excellence a permis les succès militaires de l'URSS en Finlande.

On notera le cynisme du PCF qui prétend désigné les responsables de la défaite alors qu'il s'est mobilisé dès septembre 1939 pour la Paix avec l'Allemagne d'Hitler. Quant  au conflit russo-finlandais, on rappellera que l'URSS a envahi la Finlande le 30 novembre 1939 avec l'accord tacite de l'Allemagne puisque ce pays appartenait aux termes du Pacte germano-soviétique et de son protocole secret à sa zone d'influence. Ce conflit a pris fin le 12 mars 1940 avec la signature du Traité de Moscou qui a permis au pouvoir soviétique de présenter l'annexion d'une partie du territoire finlandais comme un succès alors que l'objectif premier était la soviétisation de la Finlande.
 
Les deux autres déclarations montrent que le déclenchement de la guerre a été la conséquence directe de deux échecs diplomatiques de la France.

La première - "En laissant égorger la République espagnole, BLUM-DALADIER-BONNET ont préparé l'invasion et la défaite de la France" - fait référence à la politique de non-intervention de Léon Blum pendant la guerre d'Espagne.

La seconde - "Les traitres de Munich ont ouvert la France à l'invasion" - renvoie à la signature des Accords de Munich en septembre 1938.

La virulence de ces deux textes est à la mesure de leur contenu mensonger. Ils illustrent la thèse communiste selon laquelle la guerre n'a pas été déclenché par la signature du Pacte germano-soviétique qui garantissait à l'Allemagne de ne faire la guerre que sur un seul front dans l'hypothèse d'un conflit avec la France et l'Angleterre. Pour les communistes cet accord était une contribution à la paix.

Dernier élément, l'Humanité n° 56 du 19 juin 1940 sera soumise à la censure allemande le 20 juin dans le but d'être publié dans l'Humanité légale.


[Instructions de l'IC]

"Nécessaire réaliser ralliement force du peuple sous forme différents comités assistance, ravitaillement aide pratique aux masses, chômeur réfugiés, blessés, démobilisés.
Déjouant les provocations et actions prématurées néanmoins indispensable soutenir et organiser résistance masses contre mesures violence, spoliations, arbitraire envers peuple de la part envahisseurs. Soulevez haine des masses contre Chiappe et tous les autres agents des envahisseurs.
Indispensable organiser travail correspondant parmi armée occupation et utilisation tout contact population civile avec soldats allemands pour les inciter à renoncer commettre actes de violence et leur faire comprendre que assujettissement peuple français est contraire véritables intérêts peuple allemand.
Indispensable reconstituer immédiatement syndicats introduisant dans directions maximum nos camarades. Obtenir avec concours masses libérations militants communistes et syndicaux emprisonnés et réintégration conseillers et maires communistes à leurs postes. 
[...] Utilisez moindre possibilité favorable pour faire sortir journaux syndicaux, locaux, éventuellement l'Humanité en veillant que ces journaux restent sur ligne défense intérêts sociaux et nationaux peuple et ne donnent aucune impression solidarité avec envahisseur ou leur approbation. [...]
Au cas où membres du Parti, conseillers municipaux, responsables syndicaux ou responsables comité d'aide, travailleraient légalement ou semi-légalement, éviter tout ce qui pourrait donner impression solidarité avec envahisseurs."

(Télégramme du 22 juin 1940 signé par Georges Dimitrov et Maurice Thorez (Moscou)) (1)
Le 22 juin 1940, à Moscou, l'Internationale communiste adopte une Directive en relation avec sa section française autrement dit le Parti communiste français.
 
Cette Directive est envoyée le jour même à Eugen Fried dans un télégramme signé par Georges Dimitrov, secrétaire général de l'IC, et Maurice Thorez, secrétaire général du PCF.

Signalons que le texte du télégramme présente quelques différences de rédaction avec le texte de la Directive.
 
Représentant de l'IC auprès du PCF, Eugen Fried s'est installé à Bruxelles au mois de septembre 1939. Sa mission : organiser une antenne de l'IC dans la capitale belge en vue d'assurer le contrôle des tous les partis communistes d'Europe occidentale. Il transmettra les Instuctions de Moscou à Jacques Duclos, secrétaire du PCF, qui assume à Paris la direction du Parti communiste clandestin.

Texte fondamental, la Directive du 22 juin 1940 définit l'action du Parti communiste dans une France défaite et occupée par les armées du IIIe Reich.

Cet Directive politique n'appelle pas le Parti communiste à combattre l'occupant allemand mais au contraire à tirer profit de sa présence pour reprendre une activité légale.

En effet, l'IC autorise explicitement le Parti communiste à négocier avec les Allemands sur les points suivants : reparution de sa presse et notamment de l'Humanité, libération de ses militants, reconnaissance de ses syndicats ainsi que de ses comités d'aide à la population et enfin rétablissement des municipalités communistes.

Elle vient ainsi confirmer les consignes orales qu'Eugen Fried a donné à Jacques Duclos le 15 juin 1940 concernant la légalisation de l'Humanité.

Elle fixe une seule limite : ne pas "donner impression solidarité avec envahisseurs".

La pertinence de cette limite suppose de considérer qu'en elle-même une activité autorisée par les Allemands n'est pas un soutien aux envahisseurs.

Cette critique est d'autant plus légitime que La Pensée Libre de février 1941 posait le principe suivant : "Aujourd'hui, en France, littérature légale veut dire : littérature de trahison".

Peut-on déduire de cette règle édictée par les intellectuels communistes que toute activité légale est une activité de trahison ?

La Directive du 22 juin 1940 recommande aussi aux militants communistes de fraterniser avec les soldats allemands afin de leur expliquer que tout acte de violence serait "contraire [aux] véritables intérêts [du] peuple allemand".

Jacques Duclos approuvera le contenu des instructions de l'IC dans son rapport du 3 juillet 1940 : "Nous venons de recevoir vos indications avec lesquelles nous sommes entièrement d'accord". (2)

Au vu de ces éléments, on peut affirmer qu'il existe un accord clair entre Jacques Duclos (direction parisienne du PCF), Maurice Thorez (direction moscovite du PCF) et Georges Dimitrov (secrétaire générale de l'IC) pour que le PCF engage des négociations avec les autorités allemandes.

Signalons que dans le but de tempérer et de minimiser la compromission du Parti communiste de l'été 1940, l'historiographie officielle affirme, d'une part, que la direction parisienne du Parti communiste était isolée autrement dit qu'elle n'avait pas de liaison avec l'IC et, d'autre part, que Moscou était opposé à toute négociation avec les Allemands autrement dit le secrétaire général du PCF ne porte aucune responsabilité dans cet épisode.



CONSTRUIRE LA PAIX

[...]
L'armistice est signé.
Ah, certes nous serrons les poings à la pensée qu'une autre paix eut pu être conclue en Septembre-Octobre dernier comme la proposaient les Communistes. Mais à cette époque Daladier jugeait que les ordres de la Cité de Londres devaient être obéis.
Construire la Paix ! Voilà donc la tâche urgente.
Nous savons bien, nous autres communistes, qu'il n'y aura de paix véritable que lorsque auront été extirpées les racines profondes de la guerre.
LA PAIX C'EST LE SOCIALISME.
Lutter pour la paix, c'est coordonner l'action des prolétaires de tous les pays dans la lutte pour la victoire du socialisme, de ce socialisme dont l'URSS offre au monde le resplendissant exemple. Tel est notre but.
Préparer cette paix implique que la France ait un gouvernement capable de comprendre et de traduire les aspirations populaires. La France de Juin 1940 ne possède pas un gouvernement. La réunion de quelques généraux battus, d'un Président de la Cour de Cassation, d'un Croix de Feu, d'un administrateur de la Banque d'Indochine, d'un obligé des rhumeries de la Martinique et d'un marchand de cycles n'exprime à aucun degré la volonté du peuple de France.
Les hommes de ce gouvernement n'ont remporté de victoire que sur le front de la répression policière. Ils représentent tout ce qui a causé la défaite du pays, tout ce avec quoi il faut rompre.
Pour négocier la paix, il faut pouvoir parler au nom du peuple. On ne parle pas au nom du peuple quand on tient en prison et dans les camps des milliers de militants du peuple. Seul, sera digne de négocier une paix équitable, le gouvernement qui rendra au prolétariat ses droits et sa liberté.
Assez de représailles anti-ouvrières. Liberté pour le monde du travail.
Assez d'anti-soviétisme imbécile, collaboration active avec le Pays des Soviets
Que disparaissent les fauteurs de guerre, les responsables du désastre, les valets de la Cité de Londres :
PLACE AU PEUPLE !

(l'Humanité n° 57 du 24 juin 1940 - Organe central du PCF)
Signé le 22 juin 1940, l'armistice franco-allemand marque la défaite de la France. Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix, cet armistice impose au pays vaincu l'occupation de la moitié de son territoire, le maintien en captivité de 1,5 million prisonniers de guerre, la démobilisation et le désarmement de ses forces armées, et enfin le paiement d'une indemnité journalière dont le montant sera fixé à 400 millions de francs.

L'Humanité clandestine du 24 juin 1940 donne la position du Parti communiste sur cet événement majeur dans un article intitulé... "Construire la paix"
 
Dans ce texte approuvant l'armistice franco-allemand, l'Humanité affirme que seul le Parti communiste est en mesure de négocier avec Hitler "une paix véritable" ou encore une "paix équitable" car il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre et à pouvoir en outre bénéficier du soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne.

Ajoutons quatre remarques supplémentaires.

Tout d'abord, l'Humanité rappelle que les députés communistes ont été emprisonnés parce qu'ils avaient demandé l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens" dans une lettre remise au président de la Chambre quelques jours après la victoire des armées allemandes et soviétiques en Pologne.

Elle attribue l'échec de cette initiative pacifiste à la soumission du gouvernement français aux "ordres de la Cité de Londres".

Ensuite, formulé dans le but de prouver que les communistes sont des pacifistes de la première heure, ce rappel est aussi une dénonciation implicite du Maréchal Pétain qui est accusé par la propagande communiste de n'être qu'un belliciste dont l'engagement tardif en faveur de la Paix n'est qu'un opportunisme.

C'est d'ailleurs pour mettre en avant le bellicisme de ce dernier que le texte décrit le président du Conseil ainsi que les membres de son Gouvernement de Paix comme des "fauteurs de guerre" (impérialisme français) et des "valets de la Cité de Londres" (impérialisme anglais).

De plus, toujours dans le but de montrer que seul le projet pacifiste du Parti communiste est légitime, l'Humanité plaide pour une "paix équitable" ou encore une "paix véritable" par opposition à une paix inéquitable ou à une fausse paix négociée par le Maréchal Pétain.

Enfin, par son contenu, cet article est en totale conformité avec le projet défendu par les communistes depuis le début du conflit à savoir la Paix par la Révolution socialiste ("LA PAIX C'EST LE SOCIALISME").


 PEUPLE DE PARIS !

L'armistice est signé. Nos soldats ne se battent plus et, tandis qu'a cessé le bruit du canon, nos pensées vont à tous ceux qui sont restés sur les champs de bataille, aux mères, aux veuves, aux orphelins, aux mutilés, à toutes les pitoyables victimes de la guerre.

C'est en vain que les agents de l'impérialisme britannique essayent maintenant de persuader le Peuple de France qu'il doit poursuivre la guerre pour le compte des financiers de la Cité et, tandis que ces messieurs tentent d'étendre le feu de la guerre aux colonies, les communistes disent aux peuples coloniaux : "Mettez à profit les difficultés de vos oppresseurs pour briser vos chaînes, pour vous libérer, pour conquérir votre indépendance". [...]

Le peuple de France aspirait à la paix, et c'est pourquoi, malgré la répression de Daladier-Reynaud-Mandel, les mots d'ordre communistes de lutte pour la paix ont eu une si profonde résonance dans l'âme populaire. [...]

Le gouvernement que le pays attend et que les événements imposent, c'est un gouvernement populaire, démocratique, s'appuyant sur le peuple, lui inspirant la confiance, lui donnant des raisons de travailler et d'espérer, un gouvernement de lutte contre la ploutocratie, composé d'hommes courageux, honnêtes, ayant donné des preuves de leur dévouement à la cause du peuple, un gouvernement décidé à maintenir la paix, un gouvernement décidé à poursuivre avec l'URSS, pays du socialisme, une politique d'amitié qui compléterait heureusement le pacte germano-soviétique et contribuerait à créer les conditions d'une paix juste et durable.  [...]

 La Région Paris-Ville du Parti communiste français.

(Appel au "Peuple de Paris !" du 25 juin 1940)
Le 25 juin 1940, le jour de l'entrée en vigueur de l'armistice franco-allemand, le Parti communiste lance un Appel au "Peuple de Paris !".

Dans ce tract, il condamne le Général de Gaulle et son Appel à poursuivre le combat contre les envahisseurs allemands, célèbre l'action pacifiste des communistes pendant la guerre de 1939-1940 et enfin plaide pour la constitution d'un gouvernement communiste "décidé à maintenir la paix" avec l'Allemagne nazie.

Ce tract est le premier texte du Parti communiste faisant référence au Général de Gaulle et ce... pour le condamner.


[Demande de parution de l'Humanité]
[soumise aux autorités allemandes]

"Laissez-nous vous rappeler tout d'abord que nous, communistes, décidés à rester communistes devant la guillotine ou le poteau d'exécution nous avons été seuls à nous dresser contre la guerre, à demander la paix à une heure où il y avait quelque danger à le faire. [...]
Nous demandons donc l'autorisation de publier l'Humanité sous la forme dans laquelle elle se présentait à ses lecteurs avant son interdiction par Daladier au lendemain de la signature du pacte germano-soviétique. [...]
L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre, et d'appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance contre les oppresseurs impérialistes. [...]
L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable. [...]
P.S. Afin que l'Humanité puisse remplir sa tâche de défenseur et conseiller du peuple il faut :
1) Que soient libérés les militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration.
2) Que soient rétablis dans leurs fonctions et droits de représentants du peuple tous les élus arbitrairement déchus de leur mandat et qui ont, envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétique (sénateurs, députés, maires, conseillers généraux, conseillers d'arrondissement, conseillers municipaux)."

(Lettre du 26 juin 1940 signée par M. Tréand et J. Catelas)
Le 27 juin 1940, soit cinq jours après la signature de l'armistice franco-allemand, le Parti communiste remet aux autorités allemandes une lettre dans laquelle il demande "l'autorisation de publier l'Humanité", la libération des "militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration" pour avoir défendu la Paix et enfin le retour dans leurs fonctions électives des élus communistes déchus de leur mandat pour avoir, "envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétique".

Ayant pour objet principal la demande de reparution de l'Humanité, cette lettre datée du 26 juin 1940 porte les signatures de deux membres du Comité central du Parti communiste français : Maurice Tréand et Jean Catelas.

Elle a été rédigée dans l'après-midi du 26 à la suite d'une réunion qui s'est tenue dans la matinée à l'ambassade d'Allemagne et au cours de laquelle les deux dirigeants communistes ont rencontré Otto Abetz, le représentant d'Hitler en France.

Cette rencontre surprenante a été la contrepartie communiste à l'intervention d'Otto Abetz en faveur de la libération de Maurice Tréand et de trois de ses camarades qui avaient été arrêtés par la police française pour leur implication dans les négociations des 18, 19 et 20 juin entre une militante communiste, Denise Ginollin, et un officier de la Propaganda Staffel Frankreich, le lieutenant Weber.

Elle a marqué le début de la deuxième négociation entre le Parti communiste et les nazis. Encore une preuve de... la Résistance communiste.

Le représentant du Parti communiste dans ces nouveaux pourparlers sera Robert Foissin, avocat de profession. En charge de la défense de ses camarades arrêtés par la police française les 20 et 21 juin, il avait sollicité l'intervention d'Otto Abetz. Ce fut un succès.

La lettre d'Otto Abetz du 28 juin 1940 adressée à l'Etat-major allemand rend compte de la démarche communiste et décrit avec justesse les objectifs des deux parties :

"Je vous envoie ci-joint la copie d'une lettre arrivée hier, dans laquelle trois représentants du Bureau central du parti communiste français exposent les motifs et le programme d'une reparution de l'Humanité et plaident pour la libération des communistes incarcérés par le gouvernement français ainsi que pour la réinstallation des fonctionnaires communistes déposés au début de la guerre. 
La lettre est de Maurice Tréand et Jean Catelas et a été apportée personnellement par Robert Foissin. [...]
Les trois personnes nommées ne m'ont pas donné l'impression que l'on pourrait les amener à s'écarter de leur doctrine.
Par contre elles paraissent susceptibles de nous rendre d'utiles services dans le cadre d'un accord clair pour remettre en marche l'économie française et rétablir une situation sociale plus saine. [...]
Foissin, Tréand et Catelas demandent une entrevue avec la personnalité compétente de l'Administration militaire." (1)

Dans sa demande de reparution de l'Humanité, le Parti communiste indique qu'en matière de politique étrangère la ligne éditoriale de l'Humanité sous censure allemande sera la suivante :
 
"L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre.
L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable".

Au vu de ce texte, l'Humanité légale combattra le Général de Gaulle, dénoncera l'impérialisme britannique, défendra la Paix avec l'Allemagne et enfin plaidera pour un magnifique symbole de collaboration entre la France de Thorez, l'Allemagne d'Hitler et la Russie de Staline : un pacte d'amité franco-soviétique qui sera le parfait complément du pacte germano-soviétique pour garantir la Paix sur le continent européen !!!

Identiques à ceux défendus dans l'Humanité clandestine, ces engagements politiques ne devraient pas heurter la censure allemande.

Sur le point particulier de l'Humanité, cette deuxième négociation prendra fin le 4 juillet sur un échec comme la première mais pour des motifs différents.

Dans le cas présent, les Allemands expliqueront aux communistes que pour des raisons politiques ils ne peuvent laisser paraître l'Humanité et qu'un journal communiste ne sera autorisé que si deux conditions sont remplies : une parution le soir et un changement de titre.

Déterminé à obtenir la légalisation de son organe central, le Parti communiste proposera de faire paraître l'Humanité le soir sous le titre l'Humanité du soir. Nouveau refus.

Au final, il cédera aussi à la seconde exigence allemande et demandera l'autorisation de reprendre la publication de Ce Soir, le second quotidien communiste.

(1) Francis Crémieux, Jacques Estager, Sur le Parti 1939-1940, 1983, pp. 287-288.


[Rapport adressé à l'IC]

"En bref, la population parisienne n'aime pas les occupants, elles se sent profondément humiliée, mais cependant, et c'est très heureux, on voit se généraliser des attroupements d'ouvriers conversant avec des soldats allemands et les amenant "au bistrot du coin" pour parler plus à l'aise devant une tournée; les conversations de cet ordre roulent toujours sur le capitalisme, sur le socialisme, sur l'URSS pays du socialisme, sur les communistes et d'une manière générale les ouvriers parisiens ne sont pas à court d'arguments dans les discussions avec les soldats allemands. [...]

En tout cas la rupture entre le gouvernement Pétain et l’Angleterre s'élargit, un des pro-anglais de l’équipe ministérielle Paul Baudoin représentant du capital colonial a été obligé de parler publiquement contre l’Angleterre et le général de Gaulle au service des britanniques qui croyait pouvoir compter sur des gouverneurs de colonies, sur le général Mittelhauser de l'armée du Levant, voit ses efforts énergiquement contrecarrés par le gouvernement Pétain. [...]

Pour ce qui est de notre programme revendicatif voici où nous en sommes.

Politique intérieure
Libération de tous les défenseurs de la paix, communistes et autres, jetés en prison ou internés dans les camps de concentration pour avoir combattu la guerre. [...]

Politique extérieure 
Maintien de l'armistice et répression énergique de toute action tendant à entraîner à nouveau le peuple français dans la guerre.
Soutien des peuples coloniaux dans la lutte pour leurs revendications et leur indépendance
Conclusion d'un pacte d'amitié avec l'URSS qui compléterait le pacte germano-soviétique et constituerait un important facteur de pacification européenne".

En raison de l'invasion du territoire belge par les armées allemandes le 10 mai 1940, l'IC demande à Jacques Duclos et à Maurice Tréand, dans un télégramme du 15 mai 1940, de quitter la Belgique où ils étaient réfugiés depuis octobre 1939 et de rejoindre Paris :  "Considérons opportun installation Jacques [Jacques Duclos] et Legros [surnom de Maurice Tréand] en Suisse. En cas impossibilité ils doivent tenter s'établir en France même" (2).

Pour des questions de sécurité, les deux dirigeants communistes ne sont en mesure de quitter Bruxelles que le 14 juin 1940. Il arrivent le lendemain à Paris qui est occupée depuis la veille par les armées allemandes.

Ils ont effectué ce trajet en compagnie d'Eugen Fried qui repart le lendemain pour Bruxelles où il dirige l'antenne de l'IC qui est chargée de contrôler les Partis communistes d'Europe occidentale.

Secrétaire du PCF, Jacques Duclos assure désormais la direction du Parti communiste clandestin puisque Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, s'est réfugié à Moscou après sa désertion en octobre 1939 et un court séjour en Belgique et que Benoît Frachon qui assumait provisoirement cette responsabilité a quitté la capitale le 12 juin 1940 pour s'installer temporairement en zone non occupée.

Le 30 juin 1940, Jacques Duclos rédige à l'attention de l'Internationale communiste un long et détaillé rapport, co-signé par Maurice Tréand, sur la situation de Paris ainsi que les activités légales et illégales du Parti communiste depuis sa prise de fonction le 15 juin 1940.



APPEL
AU PEUPLE DE FRANCE

Ils ont livré à HITLER et à MUSSOLINI : l’ESPAGNE, l'AUTRICHE, l’ALBANIE et la TCHECOSLOVAQUIE. [...]

ET MAINTENANT, ils LIVRENT LA FRANCE. [...]

Pour un gouvernement populaire s'appuyant sur les masses, libérant les travailleurs, rétablissant la légalité du PARTI COMMUNISTE, luttant contre le fascisme hitlérien et les 200 familles, s'entendant avec l'URSS pour une paix équitable, luttant pour l'indépendance nationale et prenant des mesures contre les organisations fascistes. [...]


 LE PARTI COMMUNISTE FRANCAIS (1)

(Tract "Appel au Peuple de France"  de juin 1940 [Bordeaux])
A la fin de juin 1940 ou début du mois suivant, sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais ont diffusé un "Appel au Peuple de France".

Réaction à l'armistice franco-allemand signé le 22 juin, cet appel, comme les trois tracts précédemment diffusés au cours de ce même mois, plaidait pour la constitution... d'un Gouvernement de Paix communiste.

A la lecture de l'extrait cité, on peut se poser la question suivante : y a-t-il une contradiction entre l'engagement de négocier avec Hitler "une paix équitable" dans le cadre du Pacte germano-soviétique et celui de lutter contre le "fascisme hitlérien" ? La réponse est non. En effet, le "fascisme hitlérien" désigne... le Gouvernement Pétain et non l'envahisseur allemand. Une preuve pour les sceptiques : la brochure "Union du peuple pour libérer la France" d'août 1940. Dans cette publication, Charles Tillon décrit le Gouvernement Pétain en ces termes : "l'Ordre nouveau du gouvernement de la 5e colonne, c'est le fascisme hitlérien !" (2).

L'appel des communistes bordelais était en totale conformité avec la ligne fixée par la direction centrale du PCF.
 
Après la Libération le tract ronéoté "Appel au Peuple de France" a été falsifié pour tenter d'en faire un Appel à la Résistance sous le titre "Appel de Charles Tillon". L'exemplaire unique de ce faux tract imprimé a ensuite été versé aux archives du Centre Jean Moulin de Bordeaux sans aucun contrôle quant à son authenticité.

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 41.
(2) R. Bourderon, opus cit. p. 48.



Juillet 1940



LES REVENDICATIONS DU PEUPLE DE FRANCE

Le Peuple de France soucieux d'assurer le redressement économique et moral du pays demande :
1°) La libération de tous les défenseurs de la Paix et le rétablissement dans leurs fonctions des élus du peuple déchus pour avoir défendu la Paix. [...]
7°) Le maintien de la Paix et la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique et qui permettrait la conclusion d'un accord commercial avec l'Union soviétique pour éviter la famine.

(L'Humanité n° 58 du 1 juillet 1940 - Organe central du PCF)
Sous le titre "LES REVENDICATIONS DU PEUPLE DE FRANCE" l'Humanité détaille les mesures qui forment le projet du Parti communiste.

En matière de politique extérieure, l'Humanité demande "le maintien de la Paix" et la conclusion d'un "pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique".

L'organe centrale du Parti communiste français défend une ligne clairement pro-allemande.

Sur le plan intérieur, l'Humanité demande la libération "de tous les défenseurs de la Paix" autrement dit des militants et élus communistes qui ont été condamnés ou internée pour défaitisme. Elle plaide ainsi pour le rétablissement dans leurs fonctions des élus communistes déchus de leurs mandats "pour avoir défendu la Paix" autrement dit l'abrogation de la loi du 20 janvier 1940.


PAS POUR L'ANGLETERRE

Le Général de Gaulle et autres agents de la finance anglaise voudraient faire battre les Français pour la City et ils s'efforcent d'entraîner les peuples coloniaux dans la guerre.
Les Français répondent le mot de Cambronne à ces Messieurs; quant aux peuples coloniaux ils pourraient bien profiter des difficultés que connaissent leurs oppresseurs pour se libérer. VIVE L'INDEPENDANCE DES PEUPLES COLONIAUX.

(L'Humanité n° 58 du 1er juillet 1940 - Organe central du PCF)
Dans son numéro du 1er juillet 1940, l'Humanité mentionne pour la première fois le Général de Gaulle.

Pour l'organe central du Parti communiste français, le chef de la France Libre n'est pas un patriote qui a créé en Angleterre une organisation ayant pour objectif de libérer la France par les armes mais un vulgaire "agent de la finance anglaise" qui par vénalité veut "faire battre les Français pour la City".

Cet argument justifiant la condamnation du mouvement gaulliste est résumé dans le titre du texte : "Pas pour l'Angleterre".

Quant aux Appels du Général de Gaulle, l'Humanité répond clairement et avec vulgarité par la négative en invoquant le "mot de Cambronne".

Dernier élément, le journal communiste plaide en faveur de "l'indépendance des peuples coloniaux" pour empêcher d'une part l'implantation de la France Libre dans les territoires de l'Empire français et d'autre part leur engagement dans la guerre contre l'Allemagne nazie

Acte de naissance de l'antigaullisme du Parti communiste français, l'Humanité n° 58 du 1er juillet 1940 sera suivi d'autres numéros dans lesquels le Général de Gaulle et la Résistance seront insultés et calomniés.


LA BANDE A DORIOIT

Rien n'est plus répugnant que la lâcheté, mais si on veut avoir une idée de ce qu'est la lâcheté, si on veut saisir sur le vif des âmes de lécheurs de bottes, si on veut mettre des noms sur des faces de pleutres il faut regarder la bande à Doriot dans ses contorsions et exhibitions. [...]

Ainsi cette bande s'est enlisé jusqu'au cou dans la politique de guerre des Daladier et des Reynaud et voici que maintenant, elle essaie de la voix en changeant de disque. [...]

Dans l'avilissement des consciences et l'étalage de la méprisable lâcheté, un Parti s'est dressé seul dans la tempête, c'est le Parti Communiste; les hommes ont tout bravé, la prison, la mort, pour dire la vérité, dénoncer les fauteurs de guerre capitalistes, défendre le pacte germano-soviétique et demander la Paix; ces hommes ce sont les communistes avec à leur tête Thorez, Dusclos, Marty Frachon, Bonte, etc...

C'est vers ces hommes qui n'ont pas courbé la tête, que monte la confiance du peuple de notre pays qui veut en finir avec le capitalisme pour se sauver, qui sait qu'un pacte d'amitié franco-soviétique, complétant le pacte germano-soviétique ouvrirait une ère de Paix, et qui sait aussi que si on a conduit la France à la catastrophe sous le de l'anti-soviétisme on ne pourra la relever que sous le signe de la fraternité des peuples et de l'amitié de l'URSS. [...] 

(Tract "La bande à Doriot" de juillet 1940)
Diffusé à la même période que l'Humanité n° 58 du 1er juillet 1940, le tract "La bande à Doriot" est une réaction à la publication le 29 juin 1940 du premier numéro de La Vie Nationale, hebdomadaire fondé par des partisans de Jacques Doriot.

Indigné que les doriotistes puissent s'exprimer dans un journal autorisé par les Allemands, ce tract dénonce avec virulence leur chef - Jacques Doriot - en rappelant qu'il a été un fervent belliciste pendant la guerre de 1939-1940.

Il affirme en outre que seuls les communistes devraient bénéficier d'une tribune légale en raison de leur attitude pendant le conflit franco-allemand qui s'est caractérisée par la dénonciation des "fauteurs de guerre capitalistes" autrement dit des impérialistes franco-anglais, le soutien au "pacte germano-soviétique" et enfin la défense de "la Paix".

Dernier intérêt de ce tract, il définit clairement le projet du PCF : la Révolution socialiste (libération sociale) et la Paix avec l'Allemagne nazie (libération nationale).

Pour convaincre les Français d'adhérer à son projet pacifiste, il affirme "qu'un pacte d'amitié franco-soviétique, complétant le pacte germano-soviétique ouvrirait une ère de Paix".

Le pacte d'amitié signé entre la France et l'URSS serait donc non seulement conforme aux intérêts de l'Allemagne mais en plus inciterait l'Angleterre à faire la Paix.

Au vu de sa signification, cette revendication, présente dans plusieurs textes de juin et juillet 1940, sera amendée par l'IC dans sa Directive du 19 juillet 1940 : "Juste proposer entente avec URSS mais sans la présenter comme un complément pacte germano- soviétique et sans parler de pacification Europe." (2)

Pour terminer on indiquera que la diffusion du tract "La bande à Doriot" est attestée par plusieurs rapports de Jacques Duclos. On citera celui du 2 juillet 1940 adressé à Eugen Fried :

"En tout cas nous continuons à éditer notre Huma ronéotypée à grand tirage et nous avons fait deux tracts un contre les bourreurs de crane (le Matin et Paris-Soir) et un contre la bande à Doriot qui vient de sortir une feuille hebdomadaire « La Vie nationale »." (3)

(1) Texte conservé dans les archives de l'IC / Tract conservé dans les archives de l'IC.
(2) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993, p. 231.
(3) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993, p. 205.


[Rapport adressé à Eugen Fried]
 
"Tout le monde est content que la guerre soit finie, les appels du Général de Gaulle restent sans échos, mais il n'empêche que les conditions de l'armistice sont jugées dures".

(Lettre de Jacques Duclos du 2 juillet 1940) (1)
Responsable de l'antenne de l'IC à Bruxelles, Eugen Fried est chargé de contrôler les Partis communistes d'Europe occidentale et notamment le plus important d'entre eux : le Parti communiste français. 

C'est pour cette raison que Jacques Duclos lui adresse un rapport sur la situation parisienne et les activités du Parti communiste dans une lettre du 2 juillet 1940. Dans l'extrait tiré de ce rapport, le responsable du Parti communiste clandestin fait état des appels du Général de Gaulle, souligne qu'ils "restent sans échos" et donne l'explication de l'échec de l'initiative gaulliste : "tout le monde est content que la guerre soit finie".

Le constat que la population parisienne n'est pas sensible aux appels à la Résistance du Général de Gaulle explique le silence de la propagande communiste concernant le Chef de la France libre de juillet 1940 à la fin de septembre 1940 et les événements de Dakar.

(1) Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes Le PCF et l'Internationale n° 52-53, 2e et 3e trimestre 1993, p. 205 (Lettre intégrale).


[Instructions envoyées à Martha Desrumeaux]
 
"De plus il faut recommander aux travailleurs le contact avec les soldats occupants de façon à établir des liens fraternels étant bien entendu que rien de ce qui opprime le peuple français ne sert le peuple allemand."

(Lettre de Jacques Duclos du 3 juillet 1940) (1)
Le 10 mai 1940, les armées allemandes envahissent la Belgique.

Suivant des Instructions de l'IC et de son représentant, Eugen Fried, les communistes français présents à Bruxelles vont progressivement quitter le territoire belge.

Membres de la direction communiste installée en Belgique depuis octobre 1939, Jacques Duclos et son adjoint Maurice Tréand partiront pour Paris le 14 juin.

Autre cas : Martha Desrumeaux, secrétaire de l'UD-CGT du Nord (1937-1939). Pour exercer ce mandat syndical elle avait dû abandonné ses fonctions au sein du secrétariat de la fédération du Nord (direction régionale) et du Comité central (direction nationale). L'une de ses missions pendant la guerre de 1939-1940 : assurer le passage de la frontière franco-belge aux hommes et au matériel de propagande et garantir ainsi une liaison entre les directions parisiennne et bruxelloise du PCF.

A la fin de mai 1940, Jacques Duclos lui confie la mission d'organiser l'action du PCF dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais avec deux tâches principales : recenser les militants disponibles et reprendre la publication de L'Enchaîné, l'organe régional.

Le 1er juin, les Allemands entrent dans Lille. C'est le lendemain ou le surlendemain que Martha Desrumaux arrive dans la capitale du Nord.

Le 6 ou le 7 juin, elle reçoit la visite de Maurice Tréand qui lui rappelle l'importance de faire paraître légalement L'Enchaîné et donc de solliciter les autorités allemandes... Ces négociations n'aboutiront pas.

Dans la première quizaine de juin, paraît clandestinement un premier numéro de L'Enchaîné avec la mention "Organe du Parti Communiste Français, Région du Nord". Dans ce numéro on peut notamment lire :

"Reynaud-Daladier, les laquais à la solde des Capitalistes de Londres crient "La patrie est en danger" donnez votre sang pour la sauver, mais les gros industriels sont partis, eux, en emportant leurs capitaux et vos dernières journées de travail restent impayées. Les Chefs socialistes et réformistes font aussi appel aux armes, ils s'adressent aux sentiments et à la bonne volonté des travailleurs pour les mener à se battre. A toutes leurs raisons ils osent mêler le socialisme qu'ils ont trahi et renié.
Nous connaissons le véritable caractère de cette guerre, son origine, ses buts. Nous ne nous sommes jamais trompé à ce sujet; c'est bien la ploutocratie (puissance de l'or composé des gros industriels banquiers...) qui porte la responsabilité de la guerre.
Seuls les Communistes ont eu raison en se dressant contre cette guerre.
Les travailleurs de France ont rien à gagner dans une telle guerre.
Le peuple de France n'a aucun intérêt à verser son sang pour remplir les coffres-forts des capitalistes.
LE PEUPLE DE FRANCE VEUT LA PAIX et la VIE MATERIELLE ASSURÉE
Le gouvernement des riches travaille pour les riches.
Un GOUVERNEMENT DU PEUPLE TRAVAILLANT POUR LE PEUPLE. Il serait un gouvernement de Paix. Il donnerait la sécurité aux masses laborieuses. Plus de deuil, ni de foyers détruits, plus de séparations cruelles, plus de Famine!
TRAVAILLEURS DE FRANCE EXIGEZ UN GOUVERNEMENT POPULAIRE.

A leur arrivée à Paris le 15 juin, Jacques Duclos et son ajoint Maurice Tréand prennent la direction du Parti communiste clandestin.

La Région Nord-Pas-de-Calais sera la première Région avec laquelle ils établiront une liaison.

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Dans une lettre du 3 juillet 1940, Jacques Duclos adresse à Martha Desrumeaux des Instructions inspirées en grande partie de la Directive de l'IC du du 22 juin 1940. ll lui prescrit notamment la tâche suivante : encourager les contacts entre les travailleurs français et les soldats allemands ("établir des liens fraternels").

Rappelons le contenu de la Directive de l'IC :

"Indispensable organiser travail correspondant parmi armée occupation et utilisation tout contact population civile avec soldats allemands pour les inciter à renoncer commettre actes de violence et leur faire comprendre que assujettissement peuple français est contraire véritables intérêts peuple allemand."

Au vu de ces éléments, on peut constater que la fraternisation avec les soldats allemands est évoquée à tous les échelons du mouvement communiste : IC, direction centrale du PCF, direction régionale du PCF.

(1) Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes Le PCF et l'Internationale n° 52-53, 2e et 3e trimestre 1993, p. 208 (Lettre intégrale).


LE PEUPLE DE FRANCE VEUT LA PAIX.

Il demande d'énergiques mesures contre tous ceux, qui par ordre de l'Angleterre impérialiste, voudraient entraîner à nouveau les Français dans la guerre.
Il demande la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique et serait la garantie de la paix en Europe.
Il demande la conclusion d'un accord commercial avec l'URSS en vue d'aider notre pays à surmonter ses difficultés de ravitaillement.

(L'Humanité n° 59 du 4 juillet 1940 - Organe central du PCF)
Dans son numéro du 4 juillet 1940, l'Humanité affirme que "le peuple de France veut la paix" avec l'Allemagne nazie et qu'en conséquence il exige "d'énergiques mesures" contre le Général de Gaulle qui est non seulement un belliciste puisqu'il veut "entraîner à nouveau les Français dans la guerre" mais en plus un traître puisqu'il agit sur "ordre de l'Angleterre impérialiste".

En d'autres termes, l'organe central du PCF encourage les autorités allemandes et le Gouvernement Pétain à réprimer le mouvement gaulliste qui constitue en juillet 1940 l'embryon de la Résistance !!!

Outre la condamnation de la Résistance ce journal pro-allemand plaide pour la signature "d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique et serait la garantie de la paix en Europe".

En clair, la signature d'un Pacte d'amitié entre la France et l'URSS serait non seulement conforme aux intérêts de l'Allemagne mais en plus inciterait l'Angleterre à faire la Paix.

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On rappellera les "énergiques mesures" prises par le Gouvernement Pétain puis le Régime de Vichy contre le Général de Gaulle en raison de son engagement à poursuivre le combat contre l'Allemagne nazie :



TRAVAILLEURS FRANCAIS ET SOLDATS ALLEMANDS.

Il est particulièrement réconfortant, en ces temps de malheurs, de voir de nombreux travailleurs parisiens s'entretenir amicalement avec des soldats allemands, soit sur la rue, soit au bistrot du coin.
Bravo, camarade, continuez, même si cela ne plait pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants.
La fraternité des peuples ne sera pas toujours une espérance, elle deviendra une réalité vivante.

(L'Humanité n° 59 du 4 juillet 1940 - Organe central du PCF)
Outre un plaidoyer en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie ("Le peuple de France veut la paix") l'Humanité du 4 juillet 1940 publie aussi un texte célébrant les contacts entre la population parisienne et la Wehrmacht sous le titre "Les travailleurs français et les soldats allemands".

Dans ce texte l'Humanité fait le constat que dans les rues ou dans les bistrots de Paris les travailleurs français s'entretiennent "amicalement avec les soldats allemands".

Elle résume d'un mot le sentiment que ces scènes de fraternisation entre l'occupant et l'occupé suscite au Parti communiste : "réconfortant".

Pour ce dernier les soldats allemands ne sont pas des envahisseurs mais des prolétaires avec lesquels il faut s'unir pour combattre l'ennemi commun : le capitalisme.

Illustration de cette lutte des classes, l'Humanité souligne que seuls "certains bourgeois aussi stupides que malfaisants" condamnent cet accueil chaleureux que le prolétariat parisien a réservé aux conquérants nazis.

Pour toutes ces raisons, l'Humanité non seulement félicite "les camarades" qui sympathisent avec les Allemands mais en plus les encourage à amplifier le mouvement pour réaliser cette espérance communiste : "la fraternité des peuples".

Le thème de la fraternité des peuples, qui signifie avant tout la fraternité franco-allemande, sera une constante de la propagande communiste jusqu'au... 22 juin 1941 et l'invasion de l'URSS par les armées allemandes. Pour comparaison, on citera la Une de l'Humanité du 24 août 1944 : "Pour en finir avec l'envahisseur exécré : A chaque Parisien son Boche !"


 PEUPLE DE FRANCE !

Un mauvais coup se prépare contre notre pays.
Les ploutocrates après avoir conduit la France à la guerre et à la défaite se préparent à la réduire en esclavage.
Laval et Pétain vont faire adopter à Vichy par des parlementaires domestiqués une Constitution qui étranglera toutes nos libertés déjà suspendues pendant la guerre et ménagera des jours heureux aux ploutocrates, aux profiteurs.
Ces Messieurs veulent faire un seul Parti, mais depuis Septembre dernier, avec Daladier, Blum; Reynaud, Mandel, etc.. ils constituaient tous le Parti de la guerre, couvert de crimes, face au Parti de la Paix : le Parti communiste.  [...]
A l'heure où n'hésitant pas à violer la légalité, des Ministres indignes veulent faire de Vichy le cimetière de nos droits et de libertés : FRANCAIS : UNISSEZ-VOUS, (mot illisible) LE FRONT DE LA LIBERTE, DU TRAVAIL ET DE L'INDEPENDANCE DE LA FRANCE.  [...]
A BAS LE GOUVERNEMENT DES PLOUTOCRATES
VIVE LE GOUVERNEMENT DU PEUPLE, AU SERVICE DU PEUPLE

Au nom du Comité Central 
du Parti Communiste Français

Maurice THOREZ                                                            Jacques DUCLOS
            Secrétaire général                                                                 Secrétaire

(L'Humanité n° 60 du 7 juillet 1940 - Organe central du PCF)
L'Humanité du 7 juillet 1940 publie un Appel au "Peuple de France !" signé par Maurice Thorez et Jacques Duclos. Ce texte porte la signature de Maurice Thorez bien qu'il ne soit pas présent sur le territoire français. En effet, après sa désertion en octobre 1939, le secrétaire général du Parti communiste s'est installé en Belgique avant de rejoindre... Moscou en novembre 1939. L'ajout de cette signature vise à convaincre les militants communistes que c'est Maurice Thorez qui dans la clandestinité dirige le Parti.

Dans cet Appel au "Peuple de France !", le Parti communiste condamne le projet de modification constitutionnelle qui doit attribuer les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain en avançant deux arguments : 1) ce projet est soutenu par ceux, qui avant la signature de l'armistice franco-allemand, constituaient le "Parti de la guerre", 2) cette modification constitutionnelle ne profitera qu'aux "ploutocrates, aux profiteurs" autrement dit aux capitalistes.  Il appelle ensuite le peuple de France à se rassembler dans un "FRONT DE LA LIBERTE, DU TRAVAIL ET DE L'INDEPENDANCE DE LA FRANCE" qui aura pour mission de soutenir la constitution d'un "GOUVERNEMENT DU PEUPLE" dirigé exclusivement par le Parti communiste, le "Parti de la Paix".

C'est donc au nom de la Paix que le Parti communiste s'oppose à l'attribution des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.


ECOUTONS LES REVENDICATIONS DE LA JEUNESSE DE FRANCE

Voici neuf mois que l'horrible cauchemar de la guerre a été déclenché. [...]
L'armistice maintenant est signé. Les canons se sont tus sur les champs de bataille. [...]
Les jeunes reviennent, encore imprégnés des horreurs de l'exode qu'ils viennent de vivre. Ils connaissent la misère.
Au moment où l'on parle du redressement économique de la France, ils veulent que leur voix soit entendue et qu'on la considère à juste valeur comme la voix de l'avenir.
Ils demandent : [...]
7° - L'institution d'une paix durable. [...]
8° - Au redressement de la France, oui la jeunesse veut bien y participer. Elle le réclame même. Le Maréchal PETAIN déclare avoir toute la jeunesse avec lui pour réaliser son programme. Non la jeunesse de France ne croit pas que le gouvernement PETAIN réponde à ses inspirations. Elle réclame la création d'un gouvernement populaire à l'image du peuple de France, débarrassé de toute racine avec les 200 familles, ayant lutté contre la guerre et pour le bien-être du peuple.
Ainsi la jeunesse pourra avec courage voir en l'avenir.
Pour le socialisme nous conquerrons le Travail, la Paix, la Liberté.
Jeunes pour nos revendications, en avant.
Vive la Fédération des Jeunesses Communistes de France.

(L'Avant-Garde n° 15 de juillet 1940 - Organe central des Jeunesses communistes)
Premier numéro de l'organe central des Jeunesses communistes publié après la défaite de la France, L'Avant-Garde n° 15 de juillet 1940 approuve l'armistice franco-allemand et plaide pour la constitution d'un gouvernement communiste qui garantira "l'institution d'une paix durable".

A l'opposé des Appels du Général de Gaulle exhortant les Français à s'engager dans la Résistance, les Jeunesses communistes appellent la Jeunesse de France à se mobiliser pour la Paix avec l'Allemagne nazie.

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Après deux mois d'inactivité due aux effets cumulés de la mobilisation, des arrestations et de l'offensive allemande de mai 1940, les Jeunesses communistes reprennent leur action clandestine en juillet 1940 à la demande du Parti communiste.

Cette action clandestine se manifeste avec la diffusion entre le 6 et le 20 juillet de deux numéros de leur organe central (L'Avant-Garde n° 15 de juillet 1940 et L'Avant-Garde n° 16 de juillet 1940) et la publication à la fin du mois d'un Appel à la "Jeunesse de France".

La résurgence de l'activité des Jeunesses communistes est décrite dans les rapports des 6, 18 et 20 juillet 1940 envoyés à l'Internationale communiste par la direction centrale du Parti communiste.

Dans le rapport du 6 juillet 1940, Jacques Duclos mentionne la reprise imminente de la publication de L'Avant Garde et évoque le projet d'un manifeste de la Jeunesse communiste (JC) devant montrer à la Jeunesse de France "le chemin du salut"

"Nous avons demandé aux jeunesses de faire paraître l'AG [L'Avant-Garde] ce qui va être fait mais de plus au moment où on fait approuver par le maréchal Pétain de fantomatiques groupements de la jeunesse il va falloir que la JC parle et dise à la jeunesse de France quel est le chemin du salut; nous allons prendre des mesures pour que cela soit fait le plus rapidement possible" (1).

Dans celui du 18 juillet 1940, le responsable du Parti communiste clandestin indique que les manifestes du Parti communiste ("Peuple de France!") et des Jeunesses communistes ("Jeunesse de France !") ont été imprimés :

"Nous avons édité le manifeste dont nous vous parlions dans notre précédente lettre et nous avons édité aussi un manifeste de la Jeunesse dont nous avons réorganisé la direction et que nous aidons de notre mieux." (2)

Enfin, dans le rapport du 20 juillet 1940, Maurice Tréand, alors n° 2 du Parti communiste clandestin, mentionne la diffusion de deux numéros de L'Avant-Garde et la publication d'un Appel à la Jeunesse de France ("manifeste") :

"Pour les Jeunesses nous avons mis Madeleine Georet que Jeannette connais bien, nous avons une direction mais avec bien plus de jeunes filles : 2 A.G. [L'Avant-Garde] sont sortis. Nous leur avons fait un manifeste, mais il ni [sic] y avait pas assez de revendications. Alors, ils l'ont tous ajouté [sic]". (3)

(1) Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes, Le PCF et l'Internationale de la guerre à l'effondrement de la France, n° 52-53, 1993, p. 216.
(2) Ibid. p. 224.
(3) Ibid. p. 227.


"L'OUVRIER ALLEMAND SOUS L'UNIFORME N'EST PAS VOTRE ENNEMI, CAUSEZ AVEC LUI."

(L'Avant-Garde n° 16 de juillet 1940 - Organe central des Jeunesses communistes)
Suivant l'exemple de l'Humanité, L'Avant-Garde n° 16 de juillet 1940 encourage les jeunes français à sympathiser avec les Allemands en avançant l'argument qu'un soldat de la Wehrmacht est avant tout un "ouvrier allemand".

Pour les communistes l'ennemi n'est pas le nazisme mais le capitalisme.

Pour diffuser cet appel à fraterniser avec l'ennemi les Jeunesses communistes peuvent compter sur leurs militants et notamment Guy Môquet.

On rappellera que les n° 15 et 16 de L'Avant-Garde ont été publiés entre les 6 et 20 juillet 1940.


[Instructions du PCF]

PREMIÈRE PARTIE 

LA SITUATION

Le peuple de français se trouve devant une situation nouvelle :
A situation nouvelle, position nouvelle et formes nouvelles d'action et d'organisation.

L'impérialisme français vient de subir sa plus grande défaite de l'Histoire.
Résultat et suite logique de Munich : trahison et politique réactionnaire.

BILAN. - L'ennemi - qui est à l'intérieur dans toute guerre impérialiste - est par terre.

La classe ouvrière française et mondiale doit retenir cet événement comme une victoire et comprendre qu'il faut voir là un ennemi de moins. Il importe donc de mettre tout en œuvre pour que la chute de l'impérialisme français soit définitive. Il ressort, à la constatation de cet état de chose, que la lutte du peuple français a eu le même objectif que la lutte de l'impérialisme allemand contre l'impérialisme français. Il est exact qu'en ce sens ce fut un allié occasionnel. 
(Lénine nous a appris qu'il nous faut pas hésiter, lorsque la situation le commande et lorsqu'il y va de l'intérêt du peuple, de s'allier - occasionnellement - même eu diable.) Se souvenir de la lettre de Lénine aux ouvriers américains (1918) et disant que quiconque ne comprend pas cela n'est pas révolutionnaire[...]

CE QUI EN RESULTE . — Le P.C. n'est plus tout à fait illégal. Il est semi-illégal.

Exemple : Des distributeurs de tracts, arrêtés par la police française, sont relâchés le lendemain après intervention de la Kommandantur. Les prisonniers politiques, dans les régions occupées, sauf toutefois tous les députés, sont libérés par les troupes allemandes en même temps que les membres de la cinquième colonne emprisonnés.

En Belgique, Hollande, Danemark et Norvège, le P. C. est légal. La voix du Peuple, organe belge du P.C. paraît. Les communistes se sont emparés de la direction de la ville de Liège et du bassin minier de Charleroi. D'autres communes sont sous la direction des communistes.

En France, nous devons déplorer des fautes politiques. La radio soviétique — le Komintern — avait donné aux militants parisiens le mot d'ordre suivant : Ne pas quitter Paris quoi qu'il arrive.

L'Humanité devait paraître, légalement, aussitôt l'entrée des troupes allemandes, qui se seraient trouvées devant le fait accompli. La copie était prête, mais le personnel faisait défaut.
Le Parti a, ensuite, eu des contacts avec la Kommandantur pour la parution de l'Humanité; la copie était approuvée — les journaux devant subir le visa des autorités d'occupation — mais on invita nos camarades à changer le titre du journal et à abandonner : organe central du P. C., ainsi que la faucille et le marteau, ce que nos camarades refusèrent en considérant comme impossible le fait de changer le titre, l'Humanité étant tout un programme. Les autorités allemandes répliquèrent qu'il leur était difficile d'autoriser l'Humanité sous sa forme légale, parce que Mussolini et Franco — qui ont du lutter contre le communisme — verraient cela d'un mauvais œil.
Alors se posa la question d'un organe du soir, qui fut parait-il accordé, et Ce soir doit paraître incessamment. Sa parution déjà annoncée doit rencontrer des difficultés de tous ordres.

EN RÉSUMÉ, l'objectif immédiat est la lutte pour la légalité, et cela ne sera que dans la mesure où nous serons l'imposer, par une liaison étroite avec la masse; dans la mesure où nous saurons nous organiser et organiser le peuple d'une façon pratique dans des formes appropriées à la situation.
C'est une lutte de vitesse et de finesse.

(Instructions du PCF diffusées dans la deuxième ou troisième semaine de juillet 1940)
Le 18 juin 1940, soit quatre jours après l'entrée des armées hitlériennes dans Paris, sur des instructions de l'Internationale communiste, le Parti communiste s'engage dans des négociations avec les autorités allemandes pour obtenir la légalisation de ses activités qui étaient interdites depuis septembre 1939.

Expression d'une volonté manifeste de collaborer avec l'envahisseur nazi, ces négociations débutent avant même la signature de l'armistice franco-allemand et donc l'arrêt des combats. 
 
Elle prennent fin le 27 août 1940 avec la décision des communistes de ne pas les poursuivre. Deux raisons expliquent cette décision. Tout d'abord, l'absence de résultat, à l'exception de la libération des militants communistes détenus dans la zone occupée. Ensuite une virulente critique de l'IC motivée par le comportement des communistes français qui étaient totalement sortis du cadre fixé en acceptant de discuter avec Abetz d'un gouvernement révolutionnaire à Paris.

Malgré cet échec le Parti communiste continuera de se mobiliser pour sa légalisation en appelant les masses à multiplier les démarches auprès de la puissance occupante pour qu'elle autorise ses activités.

De nombreux documents permettent de prouver la réalité de cette ligne légaliste reconnaissant les autorités allemandes comme des autorités légitimes : Instructions de l'IC, rapports de Jacques Duclos, l'Humanité du mercredi 19 juin 1940, demande de parution de l'Humanité sous censure allemande du 26 juin 1940, Ce Soir n° 1 du 8 juillet 1940, brochure Nous accusons de janvier 1941...).
 
On citera un autre document tout aussi révélateur : les Instructions du PCF de juillet 1940.
 
Texte de la direction centrale envoyée dans la deuxième ou troisième semaine de juillet aux responsables du parti avec lesquel une liaison avait pu être établi dans la region parisienne et les départements limitrophes, ces Instructions se composent de deux parties.
 
Dans la première titrée "La Situation", le Parti communiste célèbre la défaite de la France comme une "victoire" pour "la classe ouvrière française et mondiale", reconnait que dans son combat contre "l'impérialisme français" Hitler a été un "allié occasionnel", fait état de la libération de militants communistes par les autorités allemandes, rend compte de ses négociations avec la puissance occupante et enfin définit sa ligne politique à court terme : "l'objectif immédiat est la lutte pour la légalité".
 
La seconde partie détaille un ensemble de "Directives répondant à la nouvelle situation" tant en matière d'organisation que d'actions.   


FRATERNITE FRANCO-ALLEMANDE

Les conversations amicales entre travailleurs parisiens et soldats allemands se multiplient.
Nous en sommes heureux. Apprenons à nous connaître, et quand on dit aux soldats allemands que les Députés communistes ont été jetés en prison pour avoir défendu la Paix, quand on leur dit qu'en 1923, les Communistes se dressèrent contre l'occupation de la Rhur, on travaille pour la fraternité franco-allemande.

(L'Humanité n° 61 du 13 juillet 1940 - Organe central du PCF)
Dans une France occupée par les armées du IIIe Reich, l'Humanité du 13 juillet 1940 célèbre "la fraternité franco-allemande".

En effet, le constat que "les conversations amicales entre travailleurs parisiens et soldats allemands se multiplient" est agrémenté de ce commentaire enthousiaste et approbateur du journal communiste : "Nous en sommes heureux".

On rappellera que dans son rapport à l'IC du 30 juin 1940, Jacques Duclos a fait le même constat et le même commentaire :

"En bref, la population parisienne n'aime pas les occupants, elles se sent profondément humiliée, mais cependant, et c'est très heureux, on voit se généraliser des attroupements d'ouvriers conversant avec des soldats allemands et les amenant "au bistrot du coin" pour parler plus à l'aise devant une tournée; les conversations de cet ordre roulent toujours sur le capitalisme, sur le socialisme, sur l'URSS pays du socialisme, sur les communistes et d'une manière générale les ouvriers parisiens ne sont pas à court d'arguments dans les discussions avec les soldats allemands".

Pour que ces conversations amicales soient le fondement de la fraternité franco-allemande, l'Humanité lance ce mot-d'ordre : "Apprenons à nous connaître".

Ainsi, pour susciter la sympathie des conquérants nazis, les prolétaires français devront simplement leur rappeler que "les Députés communistes ont été jetés en prison pour avoir défendu la Paix" et "qu'en 1923, les Communistes se dressèrent contre l'occupation de la Rhur".

Cette célébration des engagements pro-allemands du Parti communiste porte sur deux événements particuliers.

Le premier fait référence à la lettre des députés communistes du 1er octobre 1939 dans laquelle ils demandaient au président de la Chambre l'organisation d'une délibération du Parlement sur la Paix et pour laquelle ils furent condamnés en avril 1940 à des peines de prison.

Le second évoque la mobilisation des communistes contre l'occupation de Rhur par les armées françaises en 1923 consécutive au refus du gouvernement allemand de payer les indemnités de réparations fixées par le Traité de Versailles.

Dénoncer l'occupation de la Rhur par les armée françaises en 1923 alors que la France est occupée par les armées allemandes sera une constante de la propagande communiste jusqu'en juin 1941 et l'entrée des communistes dans la Résistance à la suite de l'invasion de leur patrie - l'URSS - par son ancien allié : l'Allemagne nazie.

Ainsi, le programme de gouvernement du Parti communiste de février 1941 intitulé "Pour le salut du peuple de France" proposera la mesure suivante :

"Etablissement de rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand en rappelant l'action menée par les communistes et par le peuple français contre le traité de Versailles, contre l'occupation du bassin de la Rhur, contre l'oppression d'un peuple contre un autre peuple".

Dans ses précédents appels à fraterniser, l'Humanité mettaient en évidence que les soldats allemands étaient avant tout des prolétaires avec lesquels il fallait s'unir contre l'ennemi commun : le capitalisme autrement dit les bourgeoisies française et allemande.

Dans ce texte, l'Humanité appelle toujours à l'union avec les ouvriers sous uniforme allemand. Toutefois, l'ennemi désigné dans le cas présent n'est le capitalisme mais l'impérialisme français responsable de la guerre de la guerre de 1939-1940 et de l'occupation de la Rhur en 1923.

En d'autres termes, les soldats allemands qui patrouillent dans la zone occupée ne sont pas des agents de la barbarie nazie mais des victimes de l'impérialisme français !!!


[Rapport adressé à l'IC]

"De plus ce qui révolte la population c'est de voir des prisonniers (il y a plusieurs camps autour de Paris) gardés et parfois brutalisés par des gardes-mobiles. [...]
Pour ce qui est des soldats allemands qui gardent les prisonniers ils sont « chics » et se conduisent humainement. Ces soldats s'efforcent de faciliter aux femmes qui vont voir soit un fils soit le mari soit un frère l'approche du camp et permettent de passer lettres et paquets « à la sauvette ». [...]
Naturellement les prisonniers ont une opinion différente des formations du « Service Social » purs nazis dont il faut se méfier. [...]
Nous allons entreprendre une campagne pour l'amélioration du sort des prisonniers et rechercher nos amis dans les divers camps afin d'y faire fonctionner nos organisations et développer systématiquement la fraternisation avec les soldats allemands."

(Lettre de Jacques Duclos du 18 juillet 1940) (1)
Dans son rapport à l'IC du 18 juillet 1940, Jacques Duclos décrit les rapports des prisonniers de guerre avec les garde-mobiles français ("révolte"), les soldats allemands ("chics") et les nazis ("se méfier") avant de fixer l'objectif des organisations communistes dans ces camps de prisonniers : "développer systématiquement la fraternisation avec les soldats allemands".

(1) Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes Le PCF et l'Internationale n° 52-53, 2e et 3e trimestre 1993, pp. 221-222.


[Instructions de l'IC]

"Reçu vos matériaux jusqu'au six juillet. Considérons juste ligne générale.
Indispensable redoubler vigilance contre manœuvres des occupants. Etait juste entreprendre démarches pour obtenir presse légale, mais entrevue avec Abetz faute, car danger compromettre parti et dirigeants. [...] Organisation conversations amicales population civile, particulièrement femmes bien préparées, avec soldats occupation représente tâche capitale. Nécessaire corriger formule sur maintien armistice qui peut laisser croire que vous en approuvez les conditions. Préférable garder silence sur Degaule et de pas mettre l'accent contre Angleterre afin de ne pas faciliter politique Petain et ses protecteurs. Juste proposer entente avec URSS mais sans la présenter comme un complément pacte germano- soviétique et sans parler de pacification Europe. [....]
Juste utiliser toutes possibilités légales, mais en renforçant organisations illégales."

(Télégramme du 20 juillet 1940 signé par Georges Dimitrov et Maurice Thorez (Moscou)) (1)
Le 19 juillet 1940, l'IC adopte une Directive sur le Parti communiste en s'appuyant notamment sur les rapports de Jacques Duclos des 30 juin, 3 juillet et 6 juillet 1940.

Cette directive est envoyée le lendemain à Paris dans un télégramme signé par Georges Dimitrov, secrétaire général de l'IC, et Maurice Thorez, secrétaire général du PCF.

On retiendra de ce télégramme du 20 juillet 1940 les points suivants :

1) négociation avec les Allemands.

Tout d'abord, l'IC adresse un satisfecit à Duclos pour les négociations avec les autorités allemandes (la première avec Weber et la seconde qui est toujours en cours). La seule critique ("faute") porte sur l'entrevue entre les dirigeants communistes et Abetz.

Illustration que la rencontre du 26 juin était pour l'IC une faute, le commentaire qu'a noté Maurice Thorez dans son carnet à la date du 12 juillet quand il a pris connaissance de l'événement : "Tentative collaborer avec le Parti. Le compromettre parce qu'il reste la seule force". (2)

On peut constater - comme pour le télégramme du 22 juin 1940 -  qu'il y a un accord clair entre Jacques Duclos, Maurice Thorez et Georges Dimitrov pour que les communistes négocient avec les Allemands à la condition que le Parti ne soit pas directement engagé.

D'ailleurs l'IC réaffirme son soutien à cette ligne légaliste à la fin de son télégramme : "Juste utiliser toutes possibilités légales".

2) Fraternisation franco-allemande.

L'IC prescrit au Parti communiste d'encourager les Français et surtout les Françaises à fraterniser avec les soldats allemands : "Organisation conversations amicales population civile, particulièrement femmes bien préparées, avec soldats occupation représente tâche capitale."

3) Programme de politique extérieure du PCF.

L'IC corrige le programme de politique étrangère que Jacques Duclos a défini dans son rapport du 30 juin :

Politique Extérieure

Maintien de l'armistice et répression énergique de toute action tendant à entraîner à nouveau le peuple français dans la guerre.
Soutien des peuples coloniaux dans la lutte pour leurs revendications et leur indépendance.
Conclusion d'un pacte d'amitié avec l'URSS qui compléterait le pacte germano-soviétique et constituerait un important facteur de pacification européenne".

L'IC écarte la formule "maintien de l'armistice" qui laisse supposer que la Paix communiste serait identique à la Paix pétainiste.

Elle invite à garder le silence sur le Général de Gaulle et l'Angleterre pour que l'anglophobie et l'antigaullisme du Parti communiste ne servent ni les Allemands ni le Gouvernement Pétain qui a rompu le 4 juillet 1940 ses relations diplomatiques avec Londres à la suite de l'attaque d'une escadre anglaise contre la flotte française qui stationnait à Mers-el-Kébir, près d'Oran

C'est la première mention du Général de Gaulle dans un télégramme de l'IC

Enfin - point important - Moscou rejette toute référence au pacte germano-soviétique et à la pacification de l'Europe dans la revendication d'un pacte d'amitié franco-soviétique.

Dans sa forme initiale cette revendication signifiait que la signature d'un pacte d'amitié entre la France et l'URSS serait non seulement conforme aux intérêts de l'Allemagne ;mais en plus inciterait l'Angleterre à faire la Paix.



UNE CONVERSATION AVEC UN SOLDAT ALLEMAND

Nous avons eu l'occasion d'entendre une conversation entre un travailleur parisien et un soldat allemand. L'ouvrier parisien disait : "Nous sommes les ennemis des capitalistes français et les amis de tous les peuples, allemand, italien, anglais etc... ainsi que des peuples coloniaux. Quand les impérialistes français occupèrent la Rhur, les travailleurs français, derrière le Parti Communiste combattirent l'occupation, car nous savions qu'un peuple qui en opprime un autre ne peut être libre. Les impérialistes français ont voulu la guerre, mais des milliers d'ouvriers ont lutté pour la paix et sont emprisonnés.
Cà, c'est la vraie France, France de la liberté et de l'indépendance des peuples.

(L'Humanité n° 65 du 27 juillet 1940 - Organe central du PCF)
L'Humanité du 27 juillet 1940 met en scène une conversation entre "un travailleur parisien et un soldat allemand" pour illustrer les thèmes suivants :

1) la fraternité des peuples et notamment la fraternité franco-allemande : les communistes sont "les amis de tous les peuples, allemand, italien, anglais etc... ainsi que des peuples coloniaux".
2) la condamnation du capitalisme français : les communistes sont "les ennemis des capitalistes français". Les capitalistes allemands ne sont pas nommés. Un oubli sûrement....
3) la condamnation de l'impérialisme français :
- "Quand les impérialistes français occupèrent la Rhur, les travailleurs français, derrière le Parti Communiste combattirent l'occupation". Par contre, le Parti communiste ne combat pas les impérialistes allemands quand ils occupent la France.
-  "Les impérialistes français ont voulu la guerre" autrement dit ils portent la responsabilité du conflit franco-allemand de 1939-1940.
4) la Paix avec l'Allemagne : "des milliers d'ouvriers ont lutté pour la paix et sont emprisonnés". Rappel que depuis septembre 1939 les militant communistes défendent la Paix avec l'Allemagne et que nombre d'entre eux ont été condamnés par les tribunaux de la République pour cet engagement. Ce rappel vise aussi à mettre en évidence l'opportunisme des pétainistes dont le pacifisme date de juin 1940.
5) le Parti communiste est le seul parti français : "Cà, c'est la vraie France". La vraie France du Parti communiste, autrement dit la France qui fraternise avec les allemands, s'oppose à celle du Maréchal Pétain et à celle du Général de Gaulle. La France du Maréchal Pétain est dénoncée par les communistes parce qu'elle est capitaliste. Quant à la France du Général de Gaulle elle est condamnée par les communistes parce qu'elle incarne le refus de l'armistice franco-allemand.


Nous continuons la lutte

[...]
Travailleurs, 
Groupez-vous tous autour des communistes  :
1°) Pour exiger la libération des emprisonnés.
2°) Pour le rétablissement dans leurs droits de représentants du peuple des élus communistes déchus pour avoir défendu la PAIX. [...]
7°) Pour le maintien de la Paix et pour la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique, qui permettra la conclusion d'un accord commercial avec l'Union soviétique et nous évitera la famine. [...]
9°) Pour l'installation d'un gouvernement populaire, composé d'hommes honnêtes ayant lutté contre la guerre, n'ayant pas d'attache avec les capitalistes et ayant donné des preuves de leur attachement à la cause du peuple. [...]

LA REGION

(L'Enchainé n° 11 de juillet 1940 - Organe de la Région Nord-Pas-de-Calais du PCF)
Dans l'Enchaîné n° 11 de juillet 1940, preuve de son adhésion à la ligne  fixée par la direction centrale, la Région Nord-Pas-de-Calais du PCF publie un manifeste intitulé "Nous continuons la lutte" (pour la Paix avec l'Allemagne nazie) dans lequel elle reprend les revendications formulées dans l'Humanité n° 58 du 1er juillet 1940 :
 
- "maintien de la Paix".
- libération des élus et militants communistes condamnés pour défaitisme.
- rétablissement dans leur fonctions des élus communistes déchus de leurs mandats "pour avoir défendu la PAIX."
- signature d'un pacte d'amitié franco-soviétique.
- constitution d'un gouvernement dirigé par le PCF.

Rappelons que la Région Nord-Pas-de-Calais dirigée par Martha Desrumeaux est la première Région avec laquelle la direction centrale a pu reconstituer une liaison. Cette dernière a pu ainsi lui adresser des instructions (lettre du 3 juillet 1940) et du matériel de propagande qui se compose de l'Humanité et des tracts les plus importants (un extrait de l'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940 sera publié dans  l'Enchaîné n° 13 de septembre 1940).


PEUPLE DE FRANCE !

Notre Pays connait maintenant les terribles conséquences de la politique criminelle suivie par des gouvernements indignes, responsables de la GUERRE, de la DÉFAITE, de L’OCCUPATION. [...]

Seuls, les communistes ont lutté contre la guerre !
Seul, debout dans la tempête, fidèle à sa politique de paix, notre Grand Parti Communiste s’est dressé contre la guerre, comme il s’était dressé seul contre l’occupation de la Ruhr par Poincaré, parce qu’il a toujours été CONTRE L’OPPRESSION D’UN PEUPLE PAR UN AUTRE PEUPLE.
Nous, Communistes, nous avons défendu le Pacte germano-soviétique parce qu’il était un facteur de paix, et dès le premier mois de la guerre, alors que la répression s’était abattue sur nous, face à tous les profiteurs, affairistes et politiciens pour qui la guerre était une fructueuse entreprise NOUS AVONS RÉCLAMÉ LA PAIX par l’envoi d’une lettre des Députés Communistes au Président de la Chambre.
C’est pour cela que ces députés ont été emprisonnés et condamnés, c’est pour cela que des milliers de communistes ont été jetés dans les cachots et les camps de concentration cependant que, sous la menace de la prison et du peloton d’exécution, nos militants ont continué vaillamment la lutte pour la Paix. [...]

 La France veut vivre libre et indépendante [...]
Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves et si, malgré la terreur ce peuple a su, sous les formes les plus diverses, montrer sa réprobation de voir la France enchaînée au char de l’impérialisme britannique, il saura signifier aussi à la bande actuellement au pouvoir, SA VOLONTÉ D’ÊTRE LIBRE.

Les droits du Peuple [...]
Le Peuple a le droit d’exiger la libération des défenseurs de la Paix et le rétablissement dans leurs droits et fonctions des élus qui ont combattu la guerre.

Une Paix véritable
Le Peuple français qui paie si cher les crimes des fauteurs de guerre, veut de toutes ses forces la Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France. Il n’y a de Paix véritable que dans l’indépendance des peuples et les Communistes qui revendiquent pour la France le droit à son indépendance, proclament aussi le droit à l’indépendance des peuples coloniaux asservis par les impérialistes. [...]
En défendant le pacte germano-soviétique, en Août 1939, nous avons opposé à la politique des fauteurs de guerre, la politique stalinienne de paix et aujourd’hui, nous avons conscience de servir la cause de la paix et de l’indépendance de notre pays, en demandant la conclusion d’un pacte d’amitié franco-soviétique.

Un Gouvernement du Peuple
Pour relever la France, pour remettre la France au travail, pour assurer son indépendance dans la Paix, pour assurer la sauvegarde des droits du Peuple, pour libérer notre Pays des chaînes de l’exploitation capitaliste et de l’oppression il faut chasser le Gouvernement de traîtres et de valets dont le chef Pétain a dit cyniquement aux blessés, aux réfugiés, à ceux qui ont tout perdu :  « l’Etat ne pourra rien pour vous ». [...]
C’est un tout autre gouvernement qu’il faut à la France.
Un gouvernement que l’unité de la Nation rendra possible demain; un gouvernement qui sera le Gouvernement de la renaissance nationale composé d’hommes honnêtes et courageux, de travailleurs manuels et intellectuels n’ayant trempé en rien dans les crimes et combinaisons malpropres de la guerre; un gouvernement du Peuple, tirant sa force du Peuple, du Peuple seul et agissant  exclusivement dans l’intérêt du Peuple. [...]
Sous le signe de la lutte contre le régime capitaliste générateur de misère et de guerre, d’exploitation et de corruption, qui a déjà disparu sur un sixième du Globe en URSS, sous le signe de l’unité et de l’indépendance de la Nation; sous le signe de la fraternité des Peuples, nous serons les artisans de la renaissance de la France.

Au nom du Comité Central 
du Parti Communiste Français :

MAURICE THOREZ                                            JACQUES DUCLOS
                Secrétaire Général                                                      Secrétaire

A la fin de juillet 1940, soit un mois après la signature de l'armistice franco-allemand, le Parti communiste lance un Appel au "Peuple de France".

Signé "Au nom du Comité Central du Parti Communiste Français" par Maurice Thorez et Jacques Duclos, secrétaire général et secrétaire du PCF, cet appel est un véritable plaidoyer pour la constitution... d'un Gouvernement de Paix communiste.

Pour justifier cette revendication et en même temps marquer la différence entre son projet pacifiste et celui du Maréchal Pétain, le Parti communiste affirme que seuls les communistes sont en mesure de négocier avec Hitler une "Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France" ou encore "une paix véritable" car "seuls, les Communistes ont lutté contre la guerre".

Autres caractérisques marquantes du texte : la condamnation de "l'impérialisme britannique", la célébration du "Pacte germano-soviétique", l'éloge de la fraternité franco-allemande ("la fraternité des peuples que de toutes nos forces nous voulons") ou encore la revendication portant sur "la libération des défenseurs de la Paix".
 
Par son contenu, ce tract prouve que la défaite de la France en juin 1940 et l'occupation allemande qui en a été la conséquence n'ont provoqué aucun changement dans la ligne pacifiste, anglophobe et germanophile défendue par le PCF depuis le début du conflit européen.
 
Sur ce constat, on posera la question suivante : doit-on considérer l'appel du PCF de juillet 1940 comme un acte de Résistance ou un acte de Collaboration ?


JEUNESSE DE FRANCE !

Au milieu des désastres qui se sont abattus sur notre pays, au milieu des ruines et des deuils, la jeunesse de France se demande de quoi demain sera fait, elle se demande quelle est la voie à suivre pour sortir du chaos, du désordre, de la misère dont le monde capitaliste donne le répugnant spectacle. [...]

JEUNES GENS ET JEUNES FILLES peuvent voir que la guerre a été faite pour le profit de quelques parasites capitalistes dont Daladier (1), Reynaud (2), Mandel (3) et Cie ont été les fondés de pouvoir. [...]

JEUNES GENS ET JEUNES FILLES ne peuvent ignorer que seuls les communistes ont eu le courage de réclamer la paix.

JEUNES GENS ET JEUNES FILLES ne peuvent ignorer que pour avoir défendu la paix les communistes ont été emprisonnés par milliers, qu'ils ont été odieusement persécutés, et que le ministre Sérol porte devant l'Histoire la terrible responsabilité d'avoir pris contre les communistes le décret de la peine de mort (4). [...]

Assez de tous les vieux boniments ! Assez de tous ceux qui aujourd'hui rangés derrière PÉTAIN et son LAVAL, étaient hier derrière DALADIER. Silence aux lâches et aux chiens couchants. Seuls ont le droit de parler ceux qui, en pleine guerre, ont eut le courage de lever le drapeau de la paix. [...]

JEUNES GENS DE FRANCE UNISSEZ-VOUS POUR EXIGER :

LA LIBÉRATION DE TOUS CEUX QUI ONT ÉTÉ EMPRISONNÉS POUR AVOIR DÉFENDU LA PAIX.

LE CHÂTIMENT DES RESPONSABLES DE LA GUERRE ET DE LA DÉFAITE.
[...]

JEUNES DE FRANCE UNISSEZ-VOUS POUR EXIGER :

LA CONCLUSION D'UN PACTE D’AMITIÉ ENTRE LA FRANCE ET L'UNION SOVIÉTIQUE.

LA CONSTITUTION D'UN GOUVERNEMENT DU PEUPLE AU SERVICE DU PEUPLE SEUL CAPABLE DE RELEVER LA FRANCE, ET D'ASSURER LA PAIX DANS LA LIBERTÉ ET L’INDÉPENDANCE DE NOTRE PAYS.
[...]

JEUNES DE FRANCE ENROLEZ-VOUS sous les plis du drapeau de notre grand Staline, le drapeau du COMMUNISME. Répondez à l'Appel de la JEUNESSE COMMUNISTE et de son président Raymond GUYOT; Marchez avec Confiance derrière le PARTI COMMUNISTE qui avec ses chefs THOREZ, DUCLOS, MARTY, FRACHON, BONTE, FAJON, donne l'exemple de la fidélité à la cause du Peuple et montre le chemin de l'avenir. [...]

VIVE L'UNION DE LA JEUNESSE DE FRANCE


LA FÉDÉRATION DES JEUNESSES COMMUNISTES DE FRANCE

(Appel à la "Jeunesse de France" de juillet 1940)
A la fin de juillet 1940, soit un mois après la signature de l'armistice franco-allemand, les Jeunesses communistes lancent un Appel à la "Jeunesse de France !".

Dans ce tract, suivant la ligne du Parti communiste, elles appellent "les jeunes de France" à s'unir pour exiger notamment  :
 
"LA LIBÉRATION DE TOUS CEUX QUI ONT ÉTÉ EMPRISONNÉS POUR AVOIR DÉFENDU LA PAIX." et

"LA CONSTITUTION D'UN GOUVERNEMENT DU PEUPLE AU SERVICE DU PEUPLE, SEUL CAPABLE DE RELEVER LA FRANCE ET D'ASSURER LA PAIX DANS LA LIBERTÉ ET L’INDÉPENDANCE DE NOTRE PAYS."
 
Dans une France occupée par les nazis, les jeunes français sont aussi invités à se battre pour... "L'OUVERTURE DES STADES ET PISCINES POUR UN SPORT SAIN ET POPULAIRE."
 
La diffusion à l'été 1940 d'un texte appelant à la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste et à... l'ouverture des piscines constitue la preuve éclatante de la Résistance des militants des Jeunesses communistes à commencer par celle d'un dénommé... Guy Môquet.



Août 1940



[Journal]

A LA PORTE LES TRAITRES AU PAYS

Depuis des dizaines et des dizaines d'années, le capitalisme a pu tromper, spolier, le peuple français. En de nombreuses guerres, et tout récemment encore, il a pour la défense de ses intérêts, immolé sur les champs de bataille, les meilleurs fils de notre pays.
Tout particulièrement dans cette dernière décade, grâce à la force agissante de notre Parti Communiste, les classes dirigeantes n’auraient point réussi à duper plus longtemps les masses laborieuses si leurs vils larbins dirigeants du parti socialiste S.F.I.O. ne leur avaient point apporté l'aide et le soutien. Combien juste apparait maintenant la déclaration de Georges Dimitrov : « Nous n’en finirons avec le capitalisme, qu’après en avoir fini avec la social-démocratie ».
Tous les Blum les Paul Faure avec Daladier et Reynaud ont trempé dans le même bain d'infamie. Tous méritent le châtiment réservé aux menteurs, aux voleurs, aux assassins.
Et l’équipe gouvernementale qui rôde autour de la « Grande Grille » à Vichy, qui va de Pierre Laval au « socialiste » René Belin, aussi coupable que l’autre et dont les responsabilités ne sont pas moindres, qui étale aujourd'hui son faux patriotisme et a la prétention ridicule de vouloir faire une « France Nouvelle », ne doit pas non plus échapper au châtiment.
Ces gens déclarent, sans rire, parler au nom du pays. Ils savent bien que le peuple français ne les croit pas, qu'on tourne le bouton de la radio dès qu’on entend leur voix exécrée, que le lecteur ne lit pas leur presse servile. Mais attention quand même, un Laval, un Belin, avec leurs Déat, Doriot et Cie, sont maîtres dans l’art de tromper le peuple. Ces malfaiteurs publics connaissent leur métier de fabricants d’opinions.
C'est pourquoi le peuple français ne permettra pas au « Grand » maréchal Pétain et à son Pierre Laval de poursuivre leur noir dessein de destruction nationale, de destruction des nobles traditions révolutionnaires de notre beau pays.
Une France nouvelle? Mais ils nous prennent pour des aveugles. Ce sont toujours les mêmes féroces exploiteurs qui dirigent nos mines, nos usines, ce sont toujours les mêmes incapables, sans scrupules, qui, dans les communes, les villes, les départements gèrent les affaires publiques. Ce sont toujours les mêmes spéculateurs qui obligent le petit boutiquier à nous vendre l'huile 22 fr. le litre, le café 55 frs. le kilo, le beurre à 16 fr. la livre. C'est toujours la même presse qui ment, empoisonne et tue. Le « Réveil du Nord » le « Grand Echo » continuent leur infâme besogne auprès de nos populations.
Pendant ce temps notre courageux organe « L'Enchaîné » ne peut toujours pas reparaître légalement, et nos élus, et nos meilleurs et vaillants militants sont toujours en prison.
Avec une rare adresse la nouvelle clique gouvernementale essaye de noyer le poisson. « Il y a des responsables », dit Adrien Marquet, et il annonce à grand coup de trompette qu’on va poursuivre une bonne dizaine de parlementaires et d’anciens ministres.
Mais non. mais non, c'est la Chambre toute entière qu’il faudra traduire devant la Justice du peuple, car n’est-ce pas elle qui par sa lâcheté, son ignominie, Herriot en tête, a mené notre pays à la mort et à la ruine, en faisant confiance unanimement aux Daladier et Reynaud, et en faisant jeter en prison les députés communistes qui eux avaient compris et avaient eu le courage de s’opposer à la meute criminelle...
Ces gens là sont déjà jugés; ils sont capitalistes avant d’être français, et continuent, pour sauver les intérêts particuliers des 200 familles, à perdre le pays.
Nous, communistes, avec le peuple de notre pays, nous sauverons la France, nous lutterons jusqu'au bout pour en finir avec le régime capitaliste fauteur de guerre et de misère; nous lutterons pour donner le vigoureux coup de balai dont la France a besoin; nous lutterons pour la constitution d'un gouvernement populaire entièrement au service du peuple; nous suivrons le glorieux exemple des travailleurs de l’Union Soviétique.

(L'Enchaîné n° 12 de août 1940 - Organe de la Région Nord-Pas-de-Calais du PCF)
Dans L'Enchaîné n° 12 d'août 1940, en totale conformité avec la ligne fixée par la direction centrale, les communistes de la Région Nord-Pas-de-Calais appellent les Français à se mobiliser pour un Gouvernment de Paix communiste.


[Journal]

A BAS LES TRAITRES !

Nous apprenons que le traître Doriot édite un hebdomadaire et se prépare à publier un quotidien. Mais notre Humanité et notre Enchaîné interdit par Daladier sont toujours interdits, et nos élus et courageux militants sont toujours en prison.

Exigez la parution de l’Humanité et de l'Enchaîné!

Exigez la libération immédiate de nos camarades et l’arrestation de tous les traîtres coupables de la mort de centaines de milliers de nos enfants, de la ruine de notre pays et de la famine qui nous menace!

(L'Enchaîné n° 12 d'août 1940 - Organe de la Région Nord-Pas-de-calais du PCF)
Dans L'Enchaîné n° 12 d'août 1940, suivant la ligne légaliste fixée par la direction centrale, les communistes de la Région Nord-Pas de Calais appellent les autorités allemandes à légaliser la presse communiste et à libérer les élus communiste emprisonnés pour avoir défendu la Paix.


[Brochure]

Extrait n° 1 :

"L'ARMISTICE DÉBUT D'UNE AUTRE GUERRE... [...]
Pas plus que le Munich de 1938, l'armistice de capitulation des munichois de Bordeaux n'est la paix.
L'armistice demandé par les 200 familles, s'il a mis fin aux hostilités entre la France et l'Allemagne, ne signifie pas la fin de la guerre impérialiste, mais la mise à la disposition d'Hitler du potentiel économique et militaire de la France, de ses possessions, afin que les 200 familles puissent encore agir, même en favorisant la guerre contre l'Angleterre, en vue de l'agression dont ils rêvent contre l'URSS, et de bénéficier d'un nouveau partage du monde, en échange de l'exploitation sanglante du pays." (1)

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Extrait n° 2 :

"La classe ouvrière n'oubliera pas qu'une autre issue aurait pu être trouvée pour la France, si tous les partis n'avaient pas, ensemble, réprimé l'appel du Parti communiste qui demandait notamment en mai 1940 (par l'Humanité illégale et ses publications éditées au prix de tant d'abnégation) le rétablissement des libertés démocratiques, des mesures brisant la 5e colonne, un gouvernement sans traîtres, et capable de faire appel à l'Union Soviétique pour pratiquer une politique d'amitié confiante, permettant sa collaboration en faveur du rétablissement de la paix véritable dans le monde." (2)

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Extrait n° 3 :

"La vérité tragique est maintenant perceptible à tous les français honnêtes : les communistes accusés de trahison parce qu'ils s'opposaient aux plans criminels des 200 familles, condamnés à des siècles de prison pour avoir réclamé la paix quand elle était possible sans désastre, et pour s'être opposés à la transformation de la France en Dominion de l'Angleterre, les communistes étaient et demeurent les véritables patriotes dont l'amour véritable de la Patrie exige que celle-ci soit libérée de ses exploiteurs et de ses traîtres." (3)

Brochure "Union du peuple pour libérer la France" d'août 1940 (Manifeste de Bordeaux)
En septembre 1940, le Parti communiste a diffusé dans la région de Bordeaux une brochure d'une vingtaine de pages intitulée "Union du peuple pour libérer la France".

Tirée à 300 exemplaires, cette brochure datée d'août 1940 a été rédigée par Charles Tillon. Membre du Comité central, ce dernier dirigeait l'action du Parti communiste dans tout le Sud-Ouest.

Sa diffusion visait deux objectifs : 1) faire connaître aux cadres locaux la position du Parti dans une France défaite et occupée par les armées allemandes, 2) leur permettre de diffuser sous forme de tract les textes composant cette publication.

En totale conformité avec la ligne fixée par la direction centrale, la brochure "Union du peuple pour libérer la France" accusait les gouvernements français des années 1930 d'avoir mené une politique étrangère prohitlérienne et antisoviétique, condamnait la guerre impérialiste de 1939-1940, célébrait l'action pacifiste des communistes pendant ce conflit, dénonçait le général de Gaulle et l'impérialisme anglais, plaidait pour un Gouvernement communiste qui négocierait la Paix avec l'Allemagne (libération nationale) et instaurerait un régime socialiste (libération sociale), et enfin témoignait de la fidélité des communistes français à l'IC et à l'URSS.

Autre thème significatif : la condamnation du Maréchal Pétain et de son régime. Un exemple, la brochure avait pour sous-titre "L'ordre nouveau c'est le fascisme".

On peut retenir des trois extraits cités les points suivants :

- Dénonciation du caractère impérialiste de la guerre contre l'Allemagne nazie. (extrait n° 1)
- Condamnation de l'armistice pétainiste au motif qu'il ne mettra pas fin à la guerre impérialiste (extrait n° 1). Autrement dit seul un Gouvernement communiste est légitime pour signer un armistice ou un traité de paix avec l'Allemagne.
- Paix avec l'Allemagne nazie (libération nationale) (extraits n° 2 et 3).
- Révolutions socialiste (libération sociale) (extrait n° 3).
- Anglophobie (extrait n° 3).

Dans ses livres publiés livres publiés en 1977 (On chantait rouge) et 1991 (Les FTP, soldats sans uniforme), Charles Tillon a mis en avant cette brochure, rebaptisée "le manifeste de Bordeaux", comme l'une des preuves de... la Résistance communiste.

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, pp. 55-56.
(2) Ibid. p. 57.
(3) Ibid. p. 56.


[Rapport adressé à l'IC]

"Des renseignements que nous avons concernant les milieux estudiantins il résulte qu'il y a parmi les étudiants un courant anti-allemand généralement anti-nazi, une hostilité plus ou moins grande à l'égard du gouvernement Vichy avec une sympathie assez marquée pour l'Angleterre et pour de Gaulle (dans notre propagande nous ne disons rien de l'Angleterre ni de ce général depuis des semaines). Ces mêmes étudiants sont dans l'expectative en ce qui concerne l'URSS, mais on peut les rassembler et les faire évoluer sous le drapeau de la lutte pour l'indépendance de la France."
Dans son rapport à l'IC du 5 août 1940, Jacques Duclos consacre un passage aux étudiants parisiens centré sur leurs sentiments et les conditions de leur recrutement.

Sur le premier point, il décrit les sentiment des étudiants parisiens à l'égard de l'occupant ("anti-allemand"), de Vichy ("hostilité"), de l'Angleterre et du Général de Gaulle ("sympathie"), et enfin de l'URSS ("expectative").

Quant au second, il indique que le recrutement de militants parmi ces étudiants ne sera un succès qu'à la condition de leur montrer que le projet pacifiste du Parti communiste garantira "l'indépendance de la France" : ce sera la finalité de l'Appel aux "Etudiants !" de décembre 1940.

Ce passage permet aussi à Jacques Duclos de répondre favorablement au télégramme de l'IC du 20 juillet 1940 recommandant de "garder silence sur de Gaulle" en affirmant que la propagande communiste ne fait plus référence ni à "l'Angleterre", ni "à ce général" depuis des semaines. Effectivement, la dernière mention du Général de Gaulle dans l'Humanité date du 4 juillet 1940. La lettre de Jacques Duclos à Eugen Fried du 3 juillet 1940 nous donne la raison qui expliquera ce silence : "les appels du Général de Gaulle restent sans échos". Cette consigne sera respectée par la propagande communiste jusqu'à la fin de septembre 1940 et la bataille de Dakar.

(1) Cahiers d'histoire de l'institut de recherches marxistes 1940 n° 42 3e trimestre 1990, p. 95 (Lettre intégrale).



Septembre 1940



A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE !

La guerre impérialiste qui continue met en lumière l'acharnement mis des deux côtés pour s'emparer des colonies comme si les peuples étaient un vulgaire bétail.
En Indo-Chine et en Extrême-Orient s'opposent les intérêts du Japon, de l'Angleterre et des Etats-Unis, alors qu'en A.O.F, à Dakar, ce sont les intérêts des deux groupes belligérants qui se heurtent ouvertement.
Le capitalisme avant de s'effondrer dans la boue et dans le sang veut embraser l'univers. Les traitres de Vichy, commanditaires de Doriot et de Gitton qui déclarent vouloir mobiliser les français pour remettre ça, sont prêts à faire tuer marins, soldats et aviateurs français pour des intérêts qui ne sont pas les leurs
Pas un homme, pas un sou.
Nous communistes, nous qui avons lutté contre la guerre impérialiste depuis septembre 1939, nous disons à tous les va-t-en guerre avec la peau des autres "PAS UN HOMME, PAS UN SOUS". Nous voulons que la France reste en dehors du conflit en même temps que nous demandons pour tous les peuples coloniaux le droit à disposer d'eux-mêmes contre ceux qui voudraient faire couler encore du sang français pour le plus grand profit des capitalistes : le peuple français doit se dresser avec le mot d'ordre "A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE".

(L'Humanité n° 79 du 26 septembre 1940 - Organe central du PCF)
Publié dans l'Humanité du 26 septembre 1940, l'article "A bas la guerre impérialiste !", est une condamnation de toute participation de la France à la guerre impérialiste qui oppose désormais l'Angleterre à l'Allemagne. Le retour de ce thème dans l'organe central du Parti communiste fait suite à la bataille qui s'est déroulée au large de Dakar du 23 au 25 septembre 1940 entre des navires de la flotte anglaise et de la France Libre et des bâtiments de la marine de Vichy. La tentative du Général de Gaulle de rallier Dakar et l'Afrique Occidentale Française (AOF) à la France Libre est un échec. Pour les communistes cette bataille illustre l'engagement de Français au profit des deux belligérants.



[Télégramme envoyé à l'IC]

"On assiste renforcement trouble grand courant contre les M. [les forces allemandes d'occupation] et en faveur Anglais. Dans cette situation, mettons accent sur propagande pro-soviétique."

(Télégramme du 27 septembre 1940 signé par Jacques Duclos, Benoît Frachon et Maurice Tréand)  (1)
Dans un télégramme du 27 septembre 1940 adressé à l'IC, la direction du Parti communiste décrit notamment l'état de l'opinion publique. Elle fait état du mécontentement grandissant suscité par la présence allemande et du développement d'un courant d'opinion favorable aux "Anglais". Précisons que les Allemands sont parfois désignés dans les textes communistes comme... "les Messieurs" ou simplement "les M".

L'opposition à l'occupation allemande et le soutien à l'Angleterre sont des facteurs qui favorisent le recrutement de nouveaux combattants pour la France Libre du Général de Gaulle. C'est pour cette raison que le Parti communiste indique dans son télégramme qu'il va accentuer sa propagande en faveur de l'URSS dont les relations pacifiques avec l'Allemagne doivent servir de modèle aux relations franco-allemandes.

L'essor d'un courant favorable à l'Angleterre sera aussi mentionné dans le télégramme du 15 octobre 1940 avec cette fois plus d'inquiétude.

(1) B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, p. 323.


"Ni dominion britannique, ni colonie de l'axe, la France aux Français par un gouvernement du Peuple au service du Peuple, la fraternité des peuples et l'indépendance des peuples débarrassés de l'esclavage capitaliste : voilà ce que les communistes veulent"
L'Humanité édition marseillaise du 27 septembre 1940 montre par son contenu que la ligne fixée par le centre parisien est fidèlement suivie par les communistes en zone non occupée. Ainsi, l'extrait cité résume parfaitement le projet du Parti communiste :



Octobre 1940



"Les jusqu'au-boutistes de la guerre impérialiste réfugiés à Londres n'apportent aucune solution.
La jeunesse française refuse de s'inscrire dans un l'un ou l'autre des camps impérialistes. Elle n'acceptera de verser son sang ni pour la clique de Londres avec ses de Gaulle, ni celle de Vichy avec ses Laval."

(Notre jeunesse de septembre-octobre 1940 - Revue des Jeunesses communistes)


JOURNAL COMMUNISTE INTERDIT EN ANGLETERRE

"Radio-Paris" a annoncé que le gouvernement anglais vient d'interdire le "Daily Worker", organe du Parti communiste anglais. Churchill et le Chef travailliste Attlee montre ainsi une fois de plus leur vrai visage de réactionnaire et d'ennemis du peuple.
Mais ces messieurs ne sont pas seuls, et pour être vrai jusqu'au bout, "Radio-Paris" aurait pu annoncer aussi que "l'HUMANITE" interdite par Daladier, est toujours interdite.

(L'Humanité n° 82 du 7 octobre 1940 - Organe central du PCF)
S'appuyant sur une information erronée de Radio-Paris - l'interdiction par le gouvernement anglais du Daily Worker, organe central du Parti communiste de Grande-Bretagne qui s'est mobilisé contre la guerre impérialiste dès septembre 1939 - l'Humanité du 7 octobre 1940 dénonce avec virulence les deux principaux dirigeants de l'Angleterre - le conservateur Winston Churchill et le travailliste Clement Attlee  - en les qualifiant de "réactionnaire(s) et d'ennemis du peuple".

Le sort du Daily Worker permet en outre à l'Humanité de rappeler qu'elle a été interdite en août 1939 pour son soutien au Pacte germano-soviétique et que cette interdiction n'a toujours pas été levée par les autorités allemandes.

Pour terminer on mentionnera que le Daily Worker ainsi que The Week, bulletin d'information du journaliste communiste Claud Cockburn, ont été interdits par le gouvernement anglais le 21 janvier 1941 en raison de leur opposition à la guerre contre l'Allemagne nazie.

Cette décision a été condamnée par les communistes. Un exemple, le texte "L'impérialisme américain et la guerre mondiale" publié dans La Politique communiste n° 3 de mars 1941 :

"Au surplus, certaines coïncidences récentes sont dignes de retenir l'attention. C'est au moment où la presse et la radio de Londres célèbrent les décisions du Président Roosevelt que le cabinet Churchill interdit le quotidien communiste Daily Worker et l'hebdomadaire [The] Week, coupables aux yeux des Ministres de Sa Majesté de réclamer pour l'Angleterre un gouvernement populaire capable d'énoncer les buts d'une paix démocratique, équitable, exclusive de toute hégémonie et impliquant la libération de ces 300 millions d'Hindous en révolte ouverte contre la Métropole et dont le Pandit Nehru vient d'exprimer devant le Tribunal de Bombay les légitimes aspirations."

La Politique communiste explique que le gouvernement Churchill a interdit la presse communiste au motif que celle-ci défendait la constitution d'un "gouvernement populaire", autrement dit un gouvernement dirigé par le Parti communiste de Grande-Bretagne, qui établirait avec l'Allemagne nazie "une paix démocratique, équitable, exclusive de toute hégémonie" et qui en outre libérerait les peuples coloniaux de la tutelle anglaise.

L'interdiction de la presse communiste outre-Manche est donc une illustration du bellicisme de l'impérialisme anglais qui a d'ailleurs été renforcé, souligne la brochure communiste, par l'adoption récente par le Congrès américain de la Loi du Prêt-Bail qui permet aux Etats-Unis de fournir une aide massive à l'Angleterre.


Extrait n° 1 : 

"Et maintenant les Doriot, les Gitton et les De Gaulle voudraient nous faire recommencer la guerre au profit d'une des nations belligérantes.
Comme le disait Vaillant-Couturier Jeunesse de France, UNISSONS-NOUS POUR L'INDEPENDANCE DE LA FRANCE ET POUR LA PAIX." 

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Extrait n ° 2 : 

"Le Gouvernement de Vichy vient de prendre un décret maintenant la classe 1938 sous les drapeaux.
Cette mesure fait partie du plan des Pétain, Laval, Doriot, Gitton, Déat, qui veulent nous faire recommencer la guerre pour une autre puissance.
La Jeunesse de France ne veut faire la guerre ni pour De Gaulle, ni pour les maîtres de Doriot, elle veut la Paix dans l'indépendance."

(L'Avant-Garde n° 20 du 13 octobre 1940 - Organe central des Jeunesses communistes)
L'Avant-Garde du 13 octobre 1940 appelle la "Jeunesse de France" à se mobiliser pour... "LA PAIX" avec l'Allemagne nazie.

C'est donc au nom de "la Paix dans l'indépendance" que l'organe central des Jeunesses communiste condamne et le Maréchal Pétain et le Général de Gaulle. 

Le premier est accusé de vouloir entraîner de nouveau la France dans la guerre au profit cette fois de l'impérialisme allemand. Quant au second il est condamné pour son projet visant à libérer la France non seulement par les armes mais en comptant en plus sur le soutien de l'Angleterre impérialiste.

Pour les communistes, l'indépendance de la France ne sera préservée qu'à la condition de ne soutenir aucun des belligérants dans la guerre qui oppose les impérialismes anglais et allemand. Cette conception de l'indépendance sera caduque après le 22 juin 1941 et l'entrée des troupes allemandes... sur le terrtoire soviétique.

Pour terminer on mentionnera que ce numéro de l'Avant-Garde est daté du 13 octobre 1940, jour de l'arrestation de Guy Môquet par la police française pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 qui proscrit toute activité communiste.


[Télégramme envoyé à l'IC]

"Le courant en faveur des Anglais est en voie de prévaloir ce qu'exige de notre part un développement de la propagande en faveur de l'URSS".

(Télégramme 15 octobre 1940 signé par Jacques Duclos, Benoît Frachon et Maurice Tréand (Paris) (1)
Dans un télégramme du 15 octobre 1940 adressé à l'IC, la direction du Parti communiste indique que le courant d'opinion favorable à l'Angleterre, dont elle a signalé le développement dans son télégramme du 27 septembre 1940, s'impose dans la population.

Comme dans son précédent message, elle indique que sa réaction à cette situation favorable à l'Angleterre et au Général de Gaulle sera d'accentuer sa propagande en faveur de l'URSS dont les relations pacifiques avec l'Allemagne doivent servir de modèle aux relations franco-allemandes.

Dans les faits, la propagande communiste célèbrera le modèle soviétique mais surtout reprendra ses attaques contre l'Angleterre et le Général de Gaulle présenté comme un agent de l'impérialisme britannique.

(1) B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, p. 333.


"Ne serait-il pas juste, alors que tant de gens souffrent, d'exproprier les grands capitalistes aryens et juifs pour donner du pain et du travail à tous ?
Le peuple pense que ce serait juste, et il sait que les communistes le feraient s'ils étaient au pouvoir."

(L'Humanité n° 85 du 25 octobre 1940 - Organe central du PCF)



A BAS LA DIPLOMATIE SECRETE

Deux jours après l'annonce de l'annexion de l'Alsace par l'Allemagne, sans la moindre consultation populaire, le maréchal Pétain a rencontré le Chancelier Hitler. [...]
Le principe d'une collaboration entre la France et l'Allemagne a été acceptée par Pétain et les détails de cette collaboration seront fixés par la suite.

Le peuple n'est tenu au courant de rien
Derrière le vieux maréchal qui, hier complotait avec les cagoulards et qui, aujourd'hui, est un des principaux profiteurs de la défaite, le sinistre Laval mène le jeu de la diplomatie secrète. Il négocie au nom de la France et le peuple n'est tenu au courant de rien. [...]
De même que des criminels entraînèrent la France dans la guerre en cachant la vérité au peuple, de même des gouvernants non moins criminels veulent entraîner la France dans de redoutables aventures en lui cachant la vérité.

Pas de "sac au dos"
Depuis un certain temps, déjà, les hommes de Pétain-Laval, les Doriot, Gitton, Déat et autres traîtres mènent campagne pour l'entrée en guerre de la France aux côtés de l'Allemagne et cette propagande, inspirée, prend tout son sens avec l'annonce de la collaboration franco-allemande. [...]
Dans de telles conditions, la "collaboration" franco-allemande est grosse de dangers de guerre pour notre pays qui ne veut pas remettre "sac à dos".

Où veut-on en venir ?
Veut-on créer une situation qui aboutirait à entraîner dans la guerre les marins et les aviateurs français d'abord, et peut-être aussi les soldats par la suite ? Veut-on que la population française qui souffre déjà du fait que la France est utilisée comme base d'opérations militaires ait encore à souffrir davantage ?
Tels sont les problèmes posés et à cela, le Parti Communiste répond très nettement. De même que notre Parti s'est dressé contre la guerre impérialiste faite pour le compte de la finance anglaise, de même il se dresse contre l'entrée en guerre de la France pour le triomphe d'un soit-disant "nouvel ordre européen" qui serait la consécration de la vassalisation de la France.
Nous ne voulons pas que des soldats français se fassent tuer, ni pour de Gaulle, ni pour Doriot et Déat, car ce n'est pas en associant son destin à un des groupes impérialistes en guerre que la France pourra se sauver; elle ne se sauvera qu'en se débarrassant de l'odieux régime capitaliste.

Leur "nouvel ordre"
Les hommes de Vichy poussent la France à l'aventure et le peuple bâillonné est privé de toute liberté. Dans les deux zones, les prisons et les camps de concentration regorgent.
C'est un odieux régime intérieur pire que celui de Daladier et Mandel, pourtant bien abject, qui est imposé à notre pays sous prétexte de "nouvel ordre". C'est pour que les ploutocrates aient tous les droits et que les travailleurs soient traités en esclaves que le tandem Pétain-Laval voudrait lancer la France dans la guerre, mais le peuple ne veut pas remettre "sac au dos". Les Français savent qu'ils ont été roulés en tant que "soldats de la liberté" pour l'Angleterre; ils n'ont nulle envie d'être les "soldats du nouvel ordre européen" pour l'Allemagne.
Ce que la France espère et veut, ce n'est ni un gouvernement Pétain-Laval, ni un "conseil" de de Gaulle, mais un gouvernement du peuple seul capable d'être un gouvernement français parce que soustrait à toutes les influences capitalistes et impérialistes.
A bas la diplomatie secrète
A bas la guerre impérialiste
Vive la France libre et indépendante."

(L'Humanité n° 86 du 31 octobre 1940 - Organe central du PCF)
A la suite de sa rencontre avec le Chancelier Hitler, le 24 octobre 1940, dans la ville de Montoire-sur-le-Loir, le Maréchal Pétain annonce dans un discours radiodiffusé le 30 octobre 1940 qu'il entre "dans la voie de la collaboration" sans en préciser le contenu et notamment le volet militaire.

L'Humanité du lendemain accuse le gouvernement Pétain-Laval dans un article intitulé "A bas la diplomatie secrète" de négocier secrètement avec l'Allemagne les conditions de la participation de la France à sa guerre contre l'Angleterre.

Fondé sur le pacifisme du PCF, la dénonciation de ce projet gouvernemental permet à l'Humanité de rappeler d'une part l'opposition des communistes à la guerre franco-allemande de 39-40 et d'autre leur refus de tout soutien à l'Angleterre.



Novembre 1940



LETTRE
aux Militants communistes

Chers camarades,

Depuis plus d'une année, privée de tous moyens légaux d'expression, insulté, calomnié, persécuté, notre Parti Communiste a résisté à tous les coups des ennemis du peuple. Rien n'a pu arrêter sa lutte courageuse contre la guerre impérialiste, et rien n'a pu abattre la confiance de ses membres dans la victoire finale du prolétariat, dans le triomphe final de la cause du communisme.

En nous dressant contre la guerre impérialiste, dans laquelle la France avait été jeté par un gouvernement indigne soutenu par le Parlement unanime, à l'exception des communistes, nous avons rempli notre devoir de prolétaires révolutionnaires ne perdant pas de vue que, selon la belle formule de Karl Liebknecht, « L'ENNEMI EST CHEZ NOUS ». [...]

ILS VOUDRAIENT FAIRE DES FRANCAIS
LES SOLDATS DE L’ÉTRANGER

La guerre pour la domination du monde capitaliste continue et sa fin n'apparaît pas prochaine. L'Allemagne et l'Italie d'une part et d'autre part l'Angleterre aidée par les Etats-Unis continuent à ce battre et la conflagration actuelle risque fort de s'étendre dans les mois à venir. C'est pourquoi on tentera peut-être d'entraîner à nouveau notre malheureux pays dans la guerre impérialiste, les traîtres Doriot et Gitton voulant que les français mettent « SAC AU DOS » pour faire la guerre à l'Angleterre afin d'aider l'Allemagne, les agents de de Gaulle voulant faire tuer des Français pour aider l'Angleterre dans sa lutte contre les allemands.

De même qu'il a combattu hier la guerre impérialiste, le Parti Communiste combattra toute tentative, quelle qu'elle soit, de jeter à nouveau la France dans la guerre impérialiste. [...]

Notre parti est opposé à toute guerre de conquête, à toute guerre d'oppression, et de même que nous avons lutté contre les impérialistes français, contre le Traité de Versailles et contre l'occupation de la Rhur, de même que nous avons avec le camarade Thaelmann et le Parti Communiste Allemand défendu le peuple allemand contre l'oppression des Alliés, de même nous nous élevons contre un traité de Versailles à Rebours qui ruinerait la France pour le plus grand profit de quelques ploutocrates, tout comme l'Allemagne fut ruinée après la première guerre impérialiste pour le profit de quelques parasites capitalistes. 

UN PEUPLE QUI OPPRIME D'AUTRES PEUPLE NE PEUT PAS ETRE LIBRES, disaient Marx et Engels; c'est ce principe qui nous a guidés dans la lutte contre le Traité de Versailles  et ce principe guidera aussi dans leurs luttes nos frères, les ouvriers des autres pays.

Nous communiste, nous voulons la liberté et l'indépendance de la France et nous sommes le seul Parti exprimant ainsi les sentiments profonds de notre peuple tout entier qui comprend qu'une victoire impérialiste se traduirait par la vassalisation de la France.

Ni dominion britannique, ni protectorat allemand, la France aux Français, telle est la pensée profonde des millions de Français que nous devons organiser, rassembler et guider dans la lutte.

CONTRADICTIONS IMPERIALISTES
ET PUISSANCE SOVIETIQUE

Nous sommes au quatorzième mois de la deuxième guerre impérialiste en Europe et nous avons sous les yeux le bilan suivant : un puissant impérialisme a été abattu [La France]; ceux qui avaient l'habitude faire la guerre par procuration sont obligés de se battre directement [L'Angleterre]; ceux qui déclarèrent la guerre au dernier moment dans l'espoir qu'elle durerait quinze jours, sont obligés de continuer la lutte [L'Italie] et ceux qui comptaient sur de fulgurantes et décisives victoires doivent tout recommencer au moment où ils croyaient avoir tout fini [L'Allemagne][...]

NOUS LIER AUX MASSES

De grandes tâches s'offrent à nous, chers camarades, des tâches que vous saurez remplir avec l'intelligence et dévouement. Mieux encore que pendant la participation de la France à la guerre impérialiste notre politique est comprise par le peuple. Nous sommes le seul Parti qui n'ait pas fait faillite, le seul Parti qui soit resté debout au milieu des événements, le seul Parti qui ait donné des preuves de clairvoyance et de courage. C'est là la raison pour laquelle monte  vers nous un grand courant de confiance populaire.

Mais il ne suffit pas d'avoir eu raison dans la lutte contre la guerre impérialiste pour mériter et garder la confiance du peuple; on ne fait confiance qu'à ceux qui agissent sans trêve ni défaillance, et c'est pourquoi notre devoir est d'agir, de nous lier, de nous mêler à la masse des travailleurs. [...]

 Gardez-vous, camarades, de rester isolés dans une sorte de tour d'ivoire en vous contentant d'affirmer que le Parti a eu raison, sans vous mêler à la masse, sans faire écho à ses plaintes et sans participer à ses luttes. La place de tout communiste est dans le mouvement de masse; c'est dans le contact permanent avec les masses populaires que notre Parti puise sa force et son influence politique.

NOUS SOMMES
 LE SEUL PARTI FRANCAIS

On persécute le Parti communiste parce qu'il est le seul Parti Français, parce qu'il est le Parti de l'amitié avec l'URSS, parce qu'il est le Parti du relèvement de la France. On nous persécute parce que nous sommes le Parti de l'avenir, parce que nous sommes le Parti qui veut faire payer les riches et confisquer les bénéficies de guerre, parce que nous sommes le Parti qui veut nationaliser sans indemnité les Banques, Compagnies d'Assurances, Mines, Chemins de Fer et autres entreprises capitalistes pour donner du travail et du pain au Peuple de France; on nous persécute parce que nous sommes le Parti de la lutte sans merci contre le capitalisme, parce que nous sommes le Parti qui donnera à la France le gouvernement du peuple auquel elle aspire, le gouvernement de la libération sociale et de l'indépendance nationale. [...]

Notre presse est interdite, mais grâce à vous, grâce à vos initiatives, grâce à vos efforts elle est, et continuera à être, quand même, largement diffusée.

Merci à vous tous camarades, qui tournez nos tracts et nos journaux; merci à vous qui en assurez la diffusion en faisant preuve de tant d'ingéniosité et de courage; merci à vous tous, qui par tant de moyens divers, faites connaître les mots d'ordre de notre Parti; continuez votre magnifique action de propagande révolutionnaire, faites en sorte que notre Humanité, que nos journaux aillent partout expliquer la politique communiste, et montrer au peuple le chemin de la libération, le chemin du salut. [...]

L'AVENIR NOUS APPARTIENT

[...]
A l'exemple du grand Parti de LENINE et STALINE qui a fait de la veille Russie tzariste épuisée et misérable le puissant et magnifique pays des Soviets, nous ferons de la France, aujourd'hui vassalisée et humiliée, que personnifient Pétain et Laval, une France rénovée, libre et indépendante dans une Europe débarrassée de la domination capitaliste. [...]


Au nom du Comité Central
du Parti Communiste Français (SFIC) :

MAURICE THOREZ                                                             JACQUES DUCLOS
         secrétaire général.                                                                       secrétaire.

(Lettre aux militants communistes de novembre 1940)
En novembre 1940, soit quatre mois après le début de l'occupation allemande, le Parti communiste s'adresse à ses membres dans une "Lettre aux militants communistes".

Rédigée au mois d'octobre ("Nous sommes au quatorzième mois de la deuxième guerre impérialiste"), cette lettre porte les signatures de Maurice Thorez et de Jacques Duclos, secrétaire général et secrétaire du PCF.

La signature de Maurice Thorez doit convaincre les militants que ce dernier est présent sur le territoire français et que c'est lui qui dirige le Parti dans la clandestinité. En réalité le secrétaire général du PCF s'est réfugié en Russie après sa désertion en octobre 1939 et un court séjour en Belgique.

Tirée à 200 000 (1) exemplaires, la "Lettre aux militants communistes" est le tract le plus important diffusé par les communistes à l'automne 1940. C'est pour cette raison qu'elle sera reproduite en mars 1941 dans les 20 000 (2) exemplaires des Cahiers du Bolchévisme du 1er trimestre 1941.

Tract pacifiste, antigaulliste et anglophobe, cette lettre vise trois objectifs : rappeler aux militants communistes la ligne du Parti, célébrer leur engagement et enfin définir leurs tâches.

De ce texte, on retiendra deux points particuliers : la condamnation de la guerre impérialiste et les motifs de la persécution des communistes.

Sur le premier point, le tract se félicite de la défaite de la France ("un puissant impérialisme a été abattu") et illustre un nouveau thème dans la propagande communiste : la dénonciation commune des agents de l'impérialisme anglais (De Gaulle) et ceux de l'impérialisme allemand (Doriot à Paris et Pétain à Vichy) qui veulent engager une nouvelle fois la France dans une guerre impérialiste.

Sur le second, il indique que les communistes sont pourchassés par ce que le Parti communiste est le "le seul Parti français", qu'il défend "l'amitié avec l'URSS" et enfin qu'il est "le Parti de la lutte sans merci contre le capitalisme". Aucune référence à la lutte contre les Allemands !!!



(Papillon du Parti communiste de novembre 1940)                                                       
Format réduit permettant de grand tirage, le papillon est un support privilégié de la propagande communiste.

Signé "Le Parti Communiste Français", ce papillon de novembre 1940 plaide pour la constitution d"un Gouvernement de Paix communiste ("THOREZ au pouvoir !") en dénonçant l'illégitimité et du Maréchal du Pétain et du Général de Gaulle pour diriger la France ("La France aux Français").

1) "THOREZ au pouvoir !"

En septembre 1939 les communistes se sont engagés en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie en expliquant que la guerre était impérialiste et que sa cause n'était pas le nazisme mais le capitalisme.

Ils ont manifesté leur pacifisme en plaidant dans un premier temps pour "la Paix immédiate" avant de revendiquer par la suite la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste.

Cette revendication a été formulée pour la première fois dans un article de Maurice Thorez publié dans l'Humanité n° 40 du 25 avril 1940 sous le titre "Les "Pitt et Cobourg" de 1940" :

"Le gouvernement que veut le pays n'est pas celui des "Pitt et Cobourg". C'est un gouvernement de paix, s'appuyant sur les masses populaires, donnant des garanties contre la réaction, assurant la collaboration avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la paix générale.
Seulement un tel gouvernement assurera l'indépendance de notre pays en le libérant de la tutelle des agents du capital français et anglais."

Après la défaite de juin 1940, le Parti communiste a maintenu sa revendication d'un Gouvernement de Paix avec des mots d'ordre comme "Thorez au pouvoir", "Vive le Gouvernement du Peuple" ou encore "Vive la République française des Soviets".

2) "La France aux Français"

Le mot d'ordre "La France aux Français" a été lancé par les communistes à l'automne 1940 avec un objectif précis : dénoncer le Maréchal Pétain et le Général de Gaulle comme des agents de l'étranger.

On rappellera que le Parti communiste qui prétend défendre les intérêts de la France est soumis à l'Internationale communiste laquelle est totalement contrôlée par l'URSS et Staline.

Ce papillon de novembre 1940 reprend ce mot d'ordre en le justifiant. En effet, le Général de Gaulle et le Maréchal Pétain sont accusés de servir respectivement "Londres" et "Berlin" et plus précisément "les Capitalistes fauteurs de guerre" anglais et allemands.

Ces accusations permettent de faire plusieurs remarques. Tout d'abord, la guerre entre l'Angleterre démocratique et l'Allemagne nazie est analysée comme l'affrontement de deux impérialismes.

Ensuite, la condamnation des capitalistes fauteurs de guerre définit implicitement le projet du Parti communiste : la Paix par la Révolution socialiste.

Enfin, le Maréchal Pétain n'est pas condamné parce qu'il défend la Paix avec l'Allemagne nazie mais parce qu'il incarne un régime capitaliste qui entraînera de nouveau la France dans la guerre au profit cette fois de l'impérialisme allemand.


"Les jeunes français et françaises n'attendent rien du Général de Gaulle passé au service de l'impérialisme anglais."

(L'Avant-Garde n° 22 de novembre 1940 - Organe central des Jeunesses communistes)


"Ni Londres avec ses De Gaulle, ni Vichy avec ses Laval ! La France aux français par un gouvernement du peuple."

(L'Humanité édition Marseillaise du 2 novembre 1940)


"Guerre dans les colonies où les de gaullistes et les vichyssois se disputent la domination sur des peuples traités en esclaves."

(L'Humanité n° 90 du 21 novembre 1940 - Organe central du PCF)


"La position des communistes français est claire : ils sont contre de Gaulle, agent de l'impérialisme Anglais, jusqu'au-boutiste avec la peau des autres. Ils sont contre le Gouvernement Pétain-Laval, valet de Hitler et qui veut entraîner à nouveau la France dans la guerre Impérialiste. Ils luttent pour une France socialiste, libre et indépendante, pour la libération Nationale et Sociale de leur Pays."

(La Voix du peuple n° 1 du 25 novembre 1940 - Organe de la Région Puy-de-Dôme du PCF)


Ni soldats de l'Angleterre
               avec DE GAULLE ! 
Ni soldats de l'Allemagne
               avec PETAIN !


Vive l'Union
de la Nation Française


NI DOMINION BRITANNIQUE ! 
NI PROTECTORAT ALLEMAND !

Vive la FRANCE

 LIBRE,  INDEPENDANTE ET HEUREUSE 

QUE VEULENT 

ET QUE FERONT LES COMMUNISTES !




Décembre 1940



La politique de Montoire-sur-Loir

[...]
Voilà pourquoi nous répudions par avance les engagements souscrits à Montoire par le Maréchal et son ministre.
Les communistes sont les champions de l'Entente Internationale des peuples. Ils sont les champions de la Paix. Ils ne repoussent pas les négociations avec aucun gouvernement. [...]
La collaboration que conçoivent les communistes est fondée sur l'égalité des droits et le respect de l'indépendance nationale. Nous luttons pour la Révolution Socialiste [...].
Respect de l'indépendance de la France, indépendance des peuples opprimés des colonies, alliance avec le premier état socialiste, entente internationale des peuples, voilà les éléments inséparables de la seule politique capable de faire régner la paix dans le monde et de combler le fossé entre les belligérants d'hier. C'est la politique des communistes, c'est la politique de la collaboration vraie.[...]

(La politique communiste n° 1 de décembre 1940)
En décembre 1940, le Parti communiste publie clandestinement le premier numéro de la brochure La Politique communiste. Ce numéro, consacré aux relations entre la France et l'Allemagne, est composé d'un seul texte intitulé "La politique de Montoire-sur-(le-)Loir". Ce titre fait référence à l'engagement pris par le Maréchal Pétain d'entrer dans la voie de la collaboration après à sa rencontre avec le Chancelier Hitler le 24 octobre 1940 dans la ville de Montoire-sur-le-Loir.

Dans la première partie du texte, le Parti communiste affirme que "la politique de Montoire" n'apportera pas "la Paix" mais la guerre au motif que cette politique n'est pas fondée sur "la collaboration" avec l'Allemagne mais sur la soumission à l'impérialisme allemand. C'est donc la collaboration pétainiste qui est condamnée et non le principe de la collaboration. D'ailleurs, la politique du Maréchal Pétain est dénoncée en ces termes : "c'est une tromperie que de représenter ce système comme une victoire de l'esprit de collaboration". Quant au mot collaboration, le texte précise que c'est un "mot séduisant" qui renvoie à l'idée de relations franco-allemandes équilibrées et que c'est pour ce motif qu'il ne peut être utilisé pour qualifier la politique du Maréchal Pétain.

La seconde partie du texte présente une alternative à la politique du Maréchal Pétain : "la politique communiste". En matière de politique extérieure, le PCF expose avec clarté son projet pour la France : "Les communistes sont les champions de l'Entente Internationale des peuples. Ils sont les champions de la Paix". Il ajoute que le succès de cette politique pacifiste sera garantie par une collaboration communiste qui sera fondamentalement distincte de celle proposée par le Maréchal Pétain : "La collaboration que conçoivent les communistes est fondée sur l'égalité des droits et le respect de l'indépendance nationale". D'ailleurs, pour bien souligner cette distinction entre collaboration communiste et collaboration pétainiste, le PCF défend sa politique pacifiste en ces termes : "C'est la politique des communistes, c'est la politique de la collaboration vraie".


ETUDIANTS !

Le 11 novembre, vous avez, malgré l'interdiction de l'occupant, célébré le souvenir de vos pères et de vos frères aînés tués dans l'autre guerre.

VOUS AVEZ EU RAISON ! [...]

JEUNES AMIS,[...]

Assurer l'indépendance de la France, c'est permettre à ce pays d'être libéré de la sujétion de l'impérialisme britannique.

Dans une France meurtrie par la défaite où l'ont entraînée des politiciens tarés et des généraux traîtres ou incapables, l'indépendance de la France doit être recouvrée dans la paix. Soucieux, comme vous, de rendre à la France son indépendance et de la soustraire au vasselage et à la colonisation que lui préparent les hommes de Vichy et leurs maîtres de Paris, les Communistes vous disent :

Ce n'est pas par la guerre que la France vaincue redeviendra libre et indépendante.

C'EST PAR LA REVOLUTION SOCIALISTE  [...]

Maître du pouvoir en France, les communistes, observant les mêmes principes, feraient de la France un pays libre, digne et respecté.

Ils défendraient la vraie collaboration internationale fondée sur l'égalité des droits entre les peuples telle que l'a proclamée la Constitution de l'URSS. [...]

Les Régions Parisiennes du Parti Communiste Français (SFIC)
Les Régions Parisiennes de la Jeunesse Communiste de France

(Appel aux "Etudiants !" de décembre 1940)
En décembre 1940, le Parti communiste et les Jeunesses communistes signent un Appel aux "Etudiants" dans lequel ils s'adressent directement aux étudiants qui ont participé à la manifestation du 11 novembre 1940 pour les convaincre de soutenir leur projet de libération qui prévoit sur le plan intérieur la Révolution socialiste (libération sociale) et sur le plan extérieur la Paix avec l'Allemagne nazie (libération nationale).


"Face aux réactionnaires et aux traitres de Vichy le peuple de France doit s'unir autour du Parti Communiste qui veut la liberté et l'indépendance de la France et qui ne veut pas qu'on fasse tuer les français ni pour l'Angleterre ni pour l'Allemagne."

(L'Humanité n° 91 du 3 décembre 1940 - Organe central du PCF)


"Pour sauvegarder les privilèges capitalistes, des gouvernements accrochés successivement à LONDRES ou à BERLIN ont transformé la France en une sorte de protectorat. Et ce n'est ni la croix [de] Lorraine de de GAULLE, ni la croix gammée du nazisme qui peuvent rénover notre pays. L'espoir de libération réside dans le peuple, dans la classe ouvrière et son Parti Communiste qui lutte, à l'exemple de l'URSS, pour une FRANCE SOCIALISTE, vraiment indépendante, débarrassée du capital et du joug étranger."

(L'Humanité édition zone Sud n° 85 du 5 décembre 1940.)


"Mais le peuple français ne reconnaît pas les actes de Pétain-Laval, pas plus d'ailleurs que ceux du général félon de Gaulle qui veut faire de la France un dominion anglais. Ni pour l'Angleterre, ni pour l'axe, mais pour la France, voilà ce que pense le peuple et la jeunesse de notre pays."

(L'Avant-garde édition zone Sud n° 25 du 16 décembre 1940)


- A bas la "révolution des trusts" -
VIVE LA VERITABLE REVOLUTION DU PEUPLE

[...]
Par contre, cette "révolution nationale" est pour une poignée de capitalistes, la possibilité d'exploiter, de gruger honteusement tous les travailleurs, d'échapper à [la] confiscation des scandaleux bénéfices de guerre, de réaliser de hideux et sanglants profits sur la misère du peuple; c'est pour une foule de mercantis, la possibilité d'accaparer les marchandises indispensables à l'alimentation et de les revendre impunément à des prix exorbitants.
D'autres également, de Gaulle et sa clique vendue aux banquiers de la City, ceux-là parlent aussi de la révolution nationale alors [que] ceux qui les payent exploitent à outrance les travailleurs anglais, oppriment toutes leurs libertés avec l'assentiment servile des chefs du "Labour Party".
Une seule révolution fera le salut du Pays; ce n'est pas celle des agents de l'étranger qui siègent à Vichy ou à Londres aux ordres les uns et les autres de deux groupes capitalistes ennemis, c'est celle que feront eux-mêmes les travailleurs de France, guidés par le parti communiste et qui, en supprimant l'exploitation de l'homme par l'homme, en expropriant les voleurs des moyens de production, instituera dans notre pays un véritable régime de liberté, d'indépendance, de bonheur et de paix.

(L'Enchaîné n° 20 du 31 décembre 1940 - Organe de la Région Nord du PCF)



Janvier 1941



[L'Humanité]

L'équipe de Vichy nous conduit à la guerre.

Depuis le 14 décembre, Laval a été chassé du gouvernement de Vichy par Pétain.
Laval avait accepté la cession de la marine de guerre et des ports de la Méditerrannée aux occupants, afin de faciliter leurs opérations anti-britanniques dans le bassin méditerrannéen.
Les occupants n'ont pas accepté la mesure prise par Pétain qui pendant tout le mois de décembre et début janvier a subi une double pression : la pression des Allemands qui veulent que Laval redeviennent ministre et la pression anglo-américaine encourageant à la résistance aux exigences allemandes.
Ces pressions témoignent de la volonté des impérialistes allemands et des impérialistes anglo-américains d'entrainer la France à nouveau dans la guerre.
Les premiers veulents se servir de l'Afrique du Nord comme base d'opérations contre l'Angleterre et les seconds veulent se servir de cette même Afrique du Nord pour pousser leurs avantages contre l'Italie et partant contre le bloc des puissances de l'axe.
De toutes façons les deux solutions que les impérialistes offrent à la France, c'est la guerre, la guerre sous le signe de la collaboration ou la guerre sous le signe d'une prétendue résistance à l'oppression.
Nous nous élevons contre de telles éventualités, décidés que nous sommes à lutter de toutes nos forces contre la guerre impérialiste.
Ni la guerre avec l'impérialisme allemand, ni la guerre avec l'impérialisme anglo-saxon. Ce que veut le peuple de France, c'est la Paix en même temps que la liberté et l'indépendance de notre pays.
La preuve est faite que les traîtres de Vichy ne peuvent être que les agents d'un impérialiste étranger, et le seul gouvernement capable de sauver la France, capable de poursuivre une politique de paix, c'est le gouvernement  du peuple, expression de la volonté du peuple décidé à poursuivre une politique d'amitié avec l'URSS en même temps qu'une politique de bons rapports avec tous les peuples sous le signe de la liberté et d l'indépendance de la France.
A bas les traîtres de Vichy !
Vive le gouvernement du peuple

Dans un numéro spécial de l'Humanité diffusé en janvier 1941, le Parti communiste expose avec clarté sa ligne politique :

"Ni la guerre avec l'impérialisme allemand, ni la guerre avec l'impérialisme anglo-saxon. Ce que veut le peuple de France, c'est la Paix en même temps que la liberté et l'indépendance de notre pays."

Après avoir manifesté son pacifisme et son opposition au Gouvernement de Vichy qu'il accuse d'être un gouvernement belliciste au service de l'impérialisme allemand, le Parti communiste affirme que seul un Gouvernement communiste pourra faire la Paix avec Hitler et compter pour cela sur le soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne :

"le seul gouvernement capable de sauver la France, capable de poursuivre une politique de paix, c'est le gouvernement du peuple, expression de la volonté du peuple décidé à poursuivre une politique d'amitié avec l'URSS en même temps qu'une politique de bons rapports avec tous les peuples sous le signe de la liberté et d l'indépendance de la France".


[Brochure]

"Et surtout, n'oubliez pas ceci qui est l'essentiel :
Les communistes en prison, c'est la France enchaînée ! [...]
Méditez, hommes et femmes de France, sur le drame du mois de juin dernier. Le régime odieux qui avait entraîné la France dans la guerre et dans la défaite aurait dû, en bonne justice, être balayé. Par qui a-t-il été momentané sauvé ? Par l'armée d'occupation. L'occupant a été la planche de salut pour le système d'exploitation capitaliste. Entre ce naufragé rescapé et son sauveur, un contrat de gangsters est intervenu. Et ce contrat joue contre nous, contre le Peuple de France.
Hommes et femmes de France, vous payez tous les jours le tribut de ce contrat qui vous coûte 400 millions quotidiennement pour les frais de l'armée occupante; vous payer ce tribut lorsqu'on vous impose d'insupportables restrictions parce que l'occupant rafle une partie des produits de votre alimentation; vous payer ce tribut lorsque l'occupant et ses domestiques de Vichy organisent la désindustrialisation de la France et condamnent à l'inaction des millions de travailleurs; vous risquez de payer ce tribut plus chèrement encore demain, au prix de votre sang, si l'occupant fait de vous ou de vos fils des soldats de sa guerre contre l'Angleterre.
Or, les communistes vous montrent au milieu de tant d'angoisses et de malheur la voie du salut : la voie du Salut, disent-ils, ce n'est point celle que vous indiquent les amis du général de Gaulle qui voudraient lier la France à la fortune chancelante du l'impérialisme britannique sur le déclin; la voie du salut ce n'est point non plus celle qui aboutirait à l'esclavage de ce pays condamné à travailler pour le profit de colonisateurs féroces.
Le salut est dans l'entente internationale des peuples, fondée sur leur libre collaboration. Il n'y a pas plus juste modèle de ce que doivent être les Etats-Unis d'Europe que celui que nous offre la communauté fédérative des peuples libres de l'Union Soviétique.
Le salut, c'est le renversement de l'ordre ancien, c'est l'expropriation des capitalistes; le salut c'est la Révolution ! le salut c'est le Socialisme. [...]
Hommes et femmes de France, vous êtes à la croisée des chemins. Le salut ne viendra ni de Londres, ni de Washington ni de Berlin. Il ne vous sera pas apporté par un miracle. Il est en vous. Il faut choisir, l'esclavage ou la Révolution socialiste et se souvenir qu'il n'y a qu'une manière d'être révolutionnaire, la manière communiste. Et il n'y a qu'un socialisme, celui dont les communistes sont les champions, celui qui a triomphé sur un sixième du globe, en URSS, dans le grand pays des Soviets de Lénine et Staline.
Hommes et femmes de France, ne laissez pas plus longtemps les meilleurs fils du peuple servir d'otages à ceux qui vous rançonnent, ne vous résignez pas ! Les temps sont durs certes, ne vous laissez pas abattre cependant par le découragement. Ne dites pas : « Il n'y a rien à faire ». Il y a tout à faire, au contraire.
Et, pour commencer, il faut forcer les portes des prisons et les barbelés des camps.
Il faut s'unir pour délivrer les communistes, c'est-à-dire commencer à conquérir la Paix, dans la Libération sociale, dans l'indépendance nationale, par la Révolution socialiste. A l'exemple de la Révolution d'octobre 1917 qui assura la victoire triomphante du socialisme sur un sixième du globe."

En janvier 1941, le Parti communiste diffuse à 20 000 exemplaires une brochure de 48 pages intitulée "Nous accusons".

Rédigé en grande partie en octobre 1940, ce texte est un véritable réquisitoire contre... le gouvernement français et son bellicisme pendant la guerre de 1939-1940. Il est aussi - à l'inverse - une célébration du Parti communiste et de son combat pour la Paix.

Les 9 dernières pages de cette publication sont consacrées à l'occupation allemande : "Occupation - La répression contre les communistes champions de l'indépendance française".

On fera remarquer que ces pages font de nombreuses références à "l'occupant" sans jamais mentionner ni sa nationalité, ni son idéologie, ni le nom de son chef. Des oublis sûrement...

Evoquant les premières semaines de l'occupation, la brochure célèbre dans un long développement l'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940 et son contenu pacifiste :

"Il [Le Parti communiste] déclare que la Paix doit être fondée sur la collaboration internationale, dans l'égalité des droits et non sur l'oppression, car un peuple qui en opprime un autre n'est pas un peuple libre".

Condamnation implicite de la Paix pétainiste qui est dénoncée par les communistes comme un acte de soumission à l'impérialisme allemand, le texte indique que la Paix communiste est fondée sur "l'égalité des droits" et "la collaboration internationale" :

1) "l'égalité de droit". Les communistes s'engagent à négocier avec Hitler sur un pied d'égalité afin de conclure un traité de Paix qui soit conforme aux intérêts du peuple français et du peuple allemand.
2) "la collaboration internationale". Ce terme décrit la nature des relations qu’entretiendront à l'avenir la France communiste et l'Allemagne nazie. Le traité de Paix franco-allemand étant la première manifestation de ces nouvelles relations entre les deux pays.

La brochure "Nous accusons" présente la particularité d'être l'une des rares publications communistes dans laquelle il est fait référence aux négociations de l'été 1940 entre le PCF et les autorités allemandes.

Dans ce texte publié en janvier 1941, le Parti communiste regrette l'échec de ces négociations qui est attribué au refus des Allemands de satisfaire ses revendications :

"Et ce langage des communistes était le seul digne, et du peuple français, et du peuple allemand. 
Il n'a pas été entendu des Autorités occupantes."

Enfin, revenant sur les événements de l'automne, cette brochure dénonce avec virulence les arrestations massives de militants et d'élus communistes au début d'octobre 1940.

Cette dénonciation se termine sur un Appel - extrait cité - dans lequel elle incite les Français à se mobiliser pour obtenir la libération de tous les militants et élus communistes détenus dans les prisons et dans les camps.

Elle précise que la libération de ces détenus sera la première étape dans la mise en œuvre du projet du Parti communiste qui est ainsi défini : "la Paix [....] par la Révolution socialiste" autrement dit la constitution d'un Gouvernement communiste qui renversera le régime capitaliste et négociera la Paix avec Hitler.

Ce projet constitue "la voie du Salut" contrairement à celui défendu par "les amis du général de Gaulle qui voudraient lier la France à la fortune chancelante de l'impérialisme britannique sur le déclin".

Sa réalisation permettra d'inaugurer une nouvelle ère dans les relations franco-allemandes en posant les bases d'une "entente internationale des peuples, fondée sur leur libre collaboration"


[Brochure]

"Jeune homme de vingt ans, les communistes ne veulent pas te farder la vérité. C'est leur héroïque destin d'aller souvent contre le courant. Nous proclamons dès lors sans réticence que si nous avions dirigé les destinées de la France en juin 1940, comme les bolchéviks dirigeaient les destinées de la Russie en 1918, nous aurions mis fin à la guerre, nous aurions signé la paix comme les bolchéviks l'ont signée en en 1918.
La paix que signèrent les bolchéviks en 1918 était très dure. Mais elle était signée par un gouvernement du peuple qui s'attachait à la réorganisation socialiste du pays, qui expropriait les capitalistes et les propriétaires fonciers. Cette paix qui, pour un autre gouvernement, eût été un suicide, a été pour les Soviets le premier pas dans la voie de la reconstruction de la Russie.
L'armistice de Laval et de Pétain est un contrat de servitude et de peur. Il enchaîne la France au vainqueur. D'un jour à l'autre, il risque de faire, des Français, les soldats de l'Allemagne. La paix qu'eût signée un gouvernement français populaire, ami et allié de l'Union soviétique, eût été le signal du relèvement du pays dans l'indépendance. Elle eût été conforme à l'intérêt du peuple français, conforme à l'intérêt du peuple allemand, car un peuple qui en opprime un autre n'est pas un peuple libre. Elle eût ouvert la voie à l'entente internationale exclusive de toute hégémonie, respectueuse de l'indépendance des Nations.
Cette paix - la vraie - alors que l'armistice Pétain n'est qu'un accord d'esclavage - nous eût permis de panser nos blessures."

En janvier 1941, la Fédération des Jeunesses Communistes de France diffusent à 20 000 exemplaires une brochure intitulée "Jeunesse de France".

Rédigée en octobre 1940 par Gabriel Péri, cette brochure d'une cinquantaine de pages montre que les Jeunesses communistes sont restés fidèles à leur histoire en s'engageant pour la Paix au cours du conflit franco-allemand de 1939-1940.

Brochure d'éducation, cette publication doit convaincre les jeunes Français d'adhérer aux Jeunesses communistes pour défendre le projet du Parti communiste : la Paix par la Révolution socialiste.

Dans l'extrait cité, s'adressant à leur lecteur ("Jeune homme de vingt ans") avec gravité ("les communistes ne veulent pas te farder la vérité"), les Jeunesses Communistes affirment que si le Parti communiste avait pris le pouvoir en juin 1940 après la démission du Gouvernement Reynaud auquel a succédé le Gouvernement Pétain, il aurait mené sur le plan extérieur et intérieur une politique identique à celle des bolchéviks en 1918 : Paix avec l'Allemagne et Révolution socialiste.

Le jeune de vingt ans quelque peu étonné par cette vérité énoncée en pleine occupation allemande a surement dû être rassuré par ces deux précisions :
1) Le traité de Paix que le Parti communiste aurait négocié avec Hitler aurait été "conforme à l'intérêt du peuple français, conforme à l'intérêt du peuple allemand",
2) Cette Paix aurait permis d'inaugurer une nouvelle ère dans les relations franco-allemandes en posant les bases d'une "entente internationale" entre la France communiste et l'Allemagne nazie.

Dernier élément, l'hypothèse relative à la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste en juin 1940 est aussi évoquée dans la brochure "Le Parti communiste a vingt ans" de février 1941.


[Journal]

Extrait n ° 1 :

UNE BONNE NOUVELLE

Le Travailleur reparait. C'est notre cadeau de l'année nouvelle aux travailleurs de la Corrèze. Notre vaillant journal, interdit par Daladier-Reynaud puis par l'équipe Laval-Pétain va recommencer sa lutte. [...]
Nos correspondants seront tous les opprimés, tous ceux qui, comme nous et avec nous, veulent œuvrer à la construction d'un avenir plus lumineux, plus juste, pour une France délivrée du capitalisme, une France indépendante et libre. [...]
Vive le courageux et invincible Parti Communiste.

Extrait n° 2 :

"Ni Flandin Pétain, ni De Gaulle.
Gouvernement du Peuple."

Extrait n° 3 :

"NI DOMINIONS BRITANNIQUES.
NI PROTECTORAT ALLEMAND."

(Le Travailleur de la Corrèze de janvier 1941 - Organe de la Région Corrèze du PCF)


[Journal]

Extrait n ° 1 :

VOTRE JOURNAL

Notre vaillant journal interdit par Daladier, Reynaud puis par l'équipe Laval-Pétain reparait.
C'est notre cadeau de l'année nouvelle aux travailleurs de la Dordogne.  [...]
Nous correspondants seront tous les opprimés, tous les exploités, tous ceux qui, comme nous, veulent œuvrer à la constitution d'un avenir plus lumineux et plus juste, pour une France délivrée du capitalisme indépendante et libre; [...].
Vive le courageux et invincible Parti Communiste qui instaurera dans notre pays le régime ouvrier et paysan.
Le régime où chacun a droit au travail et au pain.

Extrait n° 2 :

"Ni Laval, Flandin, Pétain, ni De Gaule (sic)
Gouvernement du Peuple."

(Le Travailleur de la Dordogne de janvier 1941 - Organe de la Région Dordogne du PCF)




(Papillons de la Région Paris-Nord du PCF de janvier 1941 ) (1)
Signés "La Région Paris-Nord du Parti communiste", ces trois papillons de janvier 1941 reprennent le mot d'ordre "THOREZ AU POUVOIR !" qui traduit le projet du Parti communiste de former un Gouvernement de Paix dirigé par son secrétaire général : Maurice Thorez.

Précisons que ce dernier n'est pas présent sur le territoire français ce que les militants d'ailleurs ignorent. En effet, après sa désertion en octobre 1939 il s'est installé provisoirement en Belgique avant de se réfugier à Moscou.

Cette revendication s'accompagne de la condamnation et du Maréchal Pétain et du Général de Gaulle : "Ni Pétain, ni de Gaulle".

Le premier parce que son régime représente les oligarchies capitalistes. Le second parce qu'il veut libérer la France par les armes.

On notera que dans le dernier papillon le Chef de la France Libre est asssimilé au "choléra".

(1) A. Rossi, La guerre des papillons, 1954, p. 357.


"De graves dissensions motivées par les oppositions d'intérêts entre capitalistes agitent la clique de Vichy dont le pouvoir branlant ne repose que sur l'appui conditionné de l'occupant . [...]
Les défaites italiennes et l'entrée en scène de l'Amérique ont pour conséquences une pression de plus en plus grande sur la France pour obtenir, dans un clan ou dans l'autre, sa participation au grand massacre impérialiste qui se poursuit. On cherche visiblement à jeter notre pays dans la guerre pour le compte des puissances de l'axe ou du bloc anglo-américain qui leur est opposé.
La politique de "collaboration" définie à MONTOIRE nous mène au sacrifice de soldats et marins français au profit de l'Allemagne tandis qu'on propose d'autre part la solution aussi néfaste de faire battre les jeunes Français pour les ploutocrates anglo-saxons. Le choix que nous soumettent les politiciens rivaux se résument ainsi : à quelle sauce voulons nous-être mangés ?
La réponse des français est claire : nous ne verserons notre sang ni pour LONDRES, ni pour BERLIN. Nous voulons la paix et la libération du territoire."

(L'Humanité - édition zone Sud - n° 90 du 9 janvier 1941)


"Les deuils et la misère ne vous suffisent pas MM. les bourreaux de la jeunesse : vous caressez de nouveaux projets guerriers ! Mais, encore fois la jeunesse ne marche pas, ni pour Pétain, ni pour Hitler, ni pour de Gaulle et les mots d'ordres (sic) : A bas la guerre impérialiste !, réalise l'unanimité des jeunes encasernés avec Vive la classe !"

(L'Avant-garde n° 31 du 12 janvier 1941 - Organe central des Jeunesses communistes)


"Le peuple français ne marche pas pour une politique de collaboration qui signifie la domestication de la France. Il n'envisage qu'une collaboration celle qui l'unira au peuple allemand, aux soldats allemands, qui ont comme nous à conquérir le droit à une vie nouvelle en abattant à jamais le régime capitaliste."

(L'Humanité n° 97 du 13 janvier 1941 - Organe central du PCF)
Dans son numéro du 13 janvier 1941, l'Humanité montre clairement la différence entre la collaboration pétainiste "qui signifie la domestication de la France" et la collaboration communiste qui "unira [le peuple français] au peuple allemand".

Distincte de la collaboration pétainiste, la collaboration communiste a été définie dans un texte publié en décembre 1940 sous le titre "La politique de Montoire-sur-(le-)Loir".


"critiquant [critiquer] ligne antidémocratique mouvement de Gaulle".

(Télégramme du 27 janvier 1941 de l'Internationale communiste - signé Maurice Thorez, secrétaire général du PCF et André Marty, secrétaire de l'IC, (Moscou) - envoyé à Jacques Duclos, secrétaire du PCF (Paris)) (1)



Février 1941



Pour le salut du Peuple de France

"Le Gouvernement du Peuple, expression de la volonté nationale et non d'une conjuration de profiteurs comme l'est la clique de Vichy, prendrait immédiatement les décisions de politique extérieure et intérieure indispensables au salut du Pays. Ces mesures seraient dans leurs grandes lignes :

I. POLITIQUE EXTERIEURE

1° Libération du territoire national et des prisonniers de guerre. Pour mener cette tâche à bien, le Gouvernement du Peuple mettrait tout en œuvre pour établir des relations PACIFIQUES avec tous les peuples; il s'appuierait sur la puissance que lui conféreraient LA CONFIANCE DU PEUPLE FRANCAIS, LA SYMPATHIE DES AUTRES PEUPLES ET L'AMITIE DE L'UNION SOVIETIQUE.
2° Etablissement de rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand en rappelant l'action menée par les communistes et par le peuple français contre le traité de Versailles, contre l'occupation du bassin de la Rhur, contre l'oppression d'un peuple contre un autre peuple.
3° Conclusion d'un pacte d'amitié et d'un traité commercial avec l'URSS et poursuite résolue d'une politique de paix destinée à tenir la France en dehors du conflit impérialiste.
4° Proclamation du droit pour les minorités nationales et pour les peuples des colonies, des territoires sous mandat et des protectorats à l'indépendance et à la libre disposition d'eux-mêmes. [...]

II. POLITIQUE INTERIEURE

POUR METTRE LES OLIGARCHIES CAPITALISTE HORS D'ETAT DE NUIRE [...]
POUR DONNER AUX TRAVAILLEURS LA PLACE
QUI LEUR REVIENT DANS LA NATION[...]
POUR LES PAYSANS DE FRANCE [...]
POUR LA DEFENSE DES COMMERÇANTS DETAILLANTS VICTIMES DES TRUSTS [...]
POUR LA SANTE DU PEUPLE [...]
POUR LA JEUNESSE [...]
POUR LE JUGEMENT DES RESPONSABLES DE LA GUERRE [...]
POUR LES SINSTRES DE LA GUERRE [...]
POUR LES VICTIMES DE LA GUERRE [...]
POUR LA DEFENSE DE L'INTELLIGENCE FRANÇAISE [...]
POUR LE RETABLISSEMENT DES LIBERTES POPULAIRES [...]

FRANÇAIS, FRANÇAISES,
Tel est le programme de salut que le Parti communiste propose au peuple de France.
Voilà le programme qui seul, peut aboutir au relèvement du pays, parce que :
Il supprimera le profit et l'exploitation capitalistes. [...]
Il fondera la politique extérieure de la France sur l'amitié avec l'URSS le grand pays du Socialisme, sur la fraternité des peuples dans l'égalité des droits, et sur le droit pour tous les peuples y compris les peuples coloniaux à disposer librement d'eux-même.
Hors de ce programme de salut national, il ne peut y avoir que misère et servitude pour notre pays.
FRANÇAIS, FRANÇAISES, OUVRIERS, PAYSANS, INTELLECTUELS, PETITES GENS, RASSEMBLEZ-VOUS DERRIERE LE PARTI COMMUNISTE FRANCAIS.
Partout, faites connaître le programme de salut du peuple français, le seul programme qui puisse assurer la liberté et l'indépendance de la France, le seul programme qui balayant les décombres du régime capitaliste pourri ouvrira devant notre peuple, toutes larges les voies de l'avenir. "

(Manifeste-programme "Pour le salut du peuple de France" de février 1941
En février 1941, dans une France occupée par les nazis sur les trois-cinquièmes de son territoire depuis près de huit mois, se posant comme la seule véritable alternative au Maréchal Pétain et à sa politique de collaboration, le Parti communiste clandestin publie un programme de gouvernement dans un manifeste intitulé en toute modestie "Pour le salut du Peuple de France". 

Signé par le "Comité Central du Parti Communiste Français (SFIC)", ce programme de "libération sociale et nationale" détaille les mesures de "politique intérieure et extérieure indispensables au salut du pays" que prendrait un "Gouvernement du Peuple".

En politique extérieure, pour mettre fin à l'occupation allemande, le Parti communiste propose non seulement d'établir des "relations PACIFIQUES" entre la France et l'Allemagne nazie mais aussi d'instaurer des "rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand" !!!

On notera d'une part que le PCF associe la libération nationale à la signature d'un traité de Paix avec Hitler et d'autre part qu'il partage en matière de politique étrangère le même objectif que le régime de Vichy.

Sur le plan intérieur, les communistes plaident pour l'instauration d'un régime socialiste avec comme modèle l'Union soviétique de Staline !!!

Pour atteindre cet objectif ils présentent un ensemble de mesures modifiant radicalement l'organisation économique et politique du pays. Un exemple saisissant à la fois par son contenu, le vocabulaire utilisé et les personnes visées :

"Nationalisation sans indemnité des banques, compagnies d'assurances, mines, chemins de fer et de l'ensemble des sociétés capitalistes aryennes et juives (électricité, produits chimiques, textiles, métallurgie, gaz, etc...). [...]
Recensement des fortunes et biens des gros capitalistes (aryens et juifs) en vue de prélèvement ou confiscation pour subvenir aux besoins immédiats des masses laborieuses."

Ils appellent aussi à la création d'une juridiction d'exception visant à l'élimination des principaux dirigeants de la IIIe République accusés d'être... les responsables de la guerre franco-allemande de 1939-1940.

Au vu de ces éléments, on peut constater que le PCF associe la libération sociale à l'abrogation du régime républicain synonyme de régime capitaliste au profit d'un régime de type soviétique.

Diffusé à 100 000 exemplaires, le programme du Parti communiste bénéficiera d'un second tirage identique le mois suivant. Document central de l'action politique du PCF, il sera reproduit en mars 1941 dans les 20 000 exemplaires des Cahiers du Bolchévisme du 1er trimestre 1941.

La propagande communiste se mobilisera pour le faire connaître à l'ensemble de la population française. Un exemple, le numéro spécial de l'Humanité du 1er mai 1941 - tiré à 1 000 000 d'exemplaires - publiera un article intitulé "Pour le Salut du Peuple de France" dans lequel on pourra notamment lire :

"C'est sous ce titre que le Parti communiste a publié son programme de libération sociale et nationale de la France qu'il faut faire connaître à la masse des Français pour leur montrer le chemin de la délivrance."

Le 22 juin 1941, Hitler met fin à son alliance avec Staline en attaquant l'URSS. A la suite de cette attaque le PCF abandonnera son projet de former un Gouvernement de paix pour s'engager dans la lutte contre l'occupant allemand avec l'objectif de libérer sa patrie : l'Union soviétique.

Expression d'une alternative communiste à la politique de collaboration du Maréchal Pétain, le programme "Pour le salut du Peuple de France" n'est pas dans les livres d'histoire. A sa lecture, on comprend pourquoi on a préféré le devoir d'amnésie au devoir de mémoire.

Au final, s'il ne fallait retenir qu'un seul texte pour illustrer la ligne pacifiste, germanophile, anglophobe et antipatriotique qui a guidé l'action du PCF entre septembre 1939 et juin 1941, le choix se porterait sans aucune hésitation sur son programme de gouvernement de février 1941.


[Brochure]

"On sait aujourd'hui, parce que les hommes de Vichy l'ont avoué et que la presse allemande l'a claironné, que la décision d'armistice et l'expulsion du Cabinet Reynaud ont été imposées dans la journée du 13 juin au Président de la République par un groupe de députés conduits par Pierre Laval; on sait que ces parlementaires et leur sinistre leader ont menacé le Président de la République d'un coup d'Etat s'il n'obtempérait pas à leurs ordres. Laval, en accomplissant sa démarche, était le mandataire direct de l'armée d'invasion. Le gouvernement qui s'installait au levier de commande dans la nuit du 13 au 14 juin était le gouvernement voulu et imposé par l’envahisseur [le Maréchal Pétain a formé son gouvernement dans la nuit du 16 au 17 juin 1940].

Mais, encore une fois, à quels mobiles profonds obéissaient ceux qui le composaient ? Leur préoccupation exclusive était de sauver le régime odieux qui avait conduit le pays à la catastrophe. Ils savaient que si le gouvernement français avait abandonné le territoire, le peuple de France se serait donné un gouvernement à lui. Ce gouvernement eût mis fin à la guerre injuste et criminelle. Il eût signé la paix. Mais, fort de l'adhésion des masses populaires, fort de l'alliance qu'il aurait contracté avec le premier Etat socialiste, il eût fait de la paix non seulement un acte de réconciliation entre le peuple français et le peuple allemand, mais le première étape du relèvement du pays, de la renaissance française. Et comme elles l’ont toujours fait au cours de leur histoire, les classes dirigeantes ont placé leurs intérêts de caste au-dessus de l’intérêt du pays. Elles ont dit plutôt la capitulation, le déshonneur de la France livrée et trahie, mais nos privilèges sauvegardés, qu’une paix honorable et digne, conclue par un peuple qui aurait secoué la dictature capitaliste. La paix conclue par un gouvernement populaire eût servi les intérêts de tous les peuples et notamment les intérêts des peuples français et allemand. L'armistice Pétain a assujetti le peuple français, il a servi les intérêts d'un clan d'impérialistes forcenés qui ne conçoit la paix que dans l'asservissement de l'univers."

(Brochure "Le Parti communiste a vingt ans" de février 1941 pp. 51-52)
(Article Blogger)
En février 1941, pour célébrer son vingtième anniversaire (décembre 1920 - décembre 1940), le Parti communiste diffuse à 20 000 exemplaires une brochure intitulée "Le Parti communiste a vingt ans".

Rédigée en janvier 1941 par Gabriel Péri, cette brochure de 63 pages célèbre le Parti communiste et son combat... pour la Paix au cours des vingt dernières années en revenant sur tous les événements marquant de son histoire : "Congrès de Tour", "La bataille contre la Rhur", "Le Parti communiste lutte contre les aventures coloniales", "La croisade pour l'Unité", "Le Front populaire", "L'avant-guerre et la guerre", "Pour l'indépendance du pays".

Dans l'extrait cité, le Parti communiste affirme que si le gouvernement de Paul Reynaud s'était installé en juin 1940 en Afrique du Nord pour poursuivre la guerre, il aurait formé sur le territoire métropolitain un nouveau gouvernement.

Quelle eût été l'action de ce premier gouvernement communiste de l'histoire de France ? En politique extérieure, "il eût signé la paix" avec Hitler. Cette "paix honorable et digne" entre la France communiste et l'Allemagne nazie aurait été non seulement "un acte de réconciliation entre le peuple français et le peuple allemand" mais aussi conforme aux "intérêts des peuples français et allemand". En politique intérieure, il aurait renversé "la dictature capitaliste".

Ce projet - la Paix par la Révolution socialiste - n'a pu être réalisé à cause des oligarchies capitalistes dont la sauvegarde des intérêts ne commandait pas le départ du Gouvernement de Paul Reynaud - condition préalable à la formation d'un Gouvernement de Paix communiste - mais son remplacement par un partisan de l'armistice : le Maréchal Pétain.

C'est d'ailleurs ce point - la préservation des intérêts de la bourgeoisie - qui distingue l'armistice signé par le Maréchal Pétain de celui qui aurait été négocié par le Parti communiste : "l’armistice Pétain a assujetti le peuple français, il a servi les intérêts d’un clan d’impérialistes forcenés qui ne conçoit la paix que dans l’asservissement de l’univers."

Dernier élément, l'hypothèse relative à la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste en juin 1940 est aussi évoquée dans la brochure "Jeunesse de France" de janvier 1941.


[Il y a 18 ans]
[les Communistes Français luttaient contre]
[l'occupation de la Rhur]

"Lorsque Poincaré entreprenait l'occupation de la Rhur, que faisaient ceux qui, aujourd'hui, se prosternent devant l'occupant allemand et, sous couvert de "collaboration", prônent aux français la servitude ? Que disaient, que faisaient les Weygand et les Flandin, les Laval et les Pétain ? Ils applaudissaient Poincaré ! Ils approuvaient la déchéance de Cachin ! Ils souhaitaient l'humiliation et l'extermination du peuple allemand. Les communistes, eux, ont levé le drapeau de la fraternisation avec le peuple allemand, le drapeau de la Paix contre les marchands d'acier. Et c'est parce qu'ils ont à leur actif ce passé de clairvoyante inscrit dans l'histoire, inscrit aux greffes des prisons civiles et militaires, qu'ils sont aujourd'hui les seuls capables de pratiquer avec le peuple allemand et avec tous les peuples, la vraie collaboration, dans l'entente internationale, dans la liberté et l'indépendance des peuples."

Publiée en février 1941, La Politique communiste n° 2 est composé d'un seul texte intitulé "Il y a 18 ans les Communistes Français luttaient contre l'occupation de la Rhur".

Dans cette brochure de 10 pages, le Parti communiste célèbre son combat contre l'occupation de... la Rhur par les armées françaises en 1923.

L'évocation de ces événements visent deux objectifs. Tout d'abord susciter la sympathie des Allemands en leur rappelant qu'ils ont été les victimes de l'impérialisme français contre lequel seuls les communistes ont lutté.

Ensuite, permettre aux communistes d'affirmer qu'ils sont les seuls légitimes pour faire la paix avec les nazis car ils sont les seuls à s'être mobilisés contre l'oppression du peuple allemand en 1923.

Ce point est un élément essentiel de la propagande communiste qui conteste au Maréchal Pétain toute légitimité pour faire la Paix avec l'Allemagne en expliquant notamment que seuls les communistes ont combattu la guerre de 1939-1940 et que de ce fait ils sont les seuls à pouvoir légitimement négocier la Paix avec Hitler.

Dernier élément, ce texte de février 1941 précise qu'un gouvernement de Paix communiste mettrait en œuvre une "vraie collaboration" entre la France et l'Allemagne nazie dans le cadre d'une "Entente internationale" des peuples français et allemand.

Se distinguant de la collaboration pétainiste qui est fondée sur la soumission à l'impérialisme allemand, la collaboration communiste - "la vraie collaboration" - illustrerait des relations franco-allemandes basées sur l'égalité des droits et des engagements.


"Quand, par exemple, le gouvernement de l'Angleterre « démocratique » persécute, lui aussi, ceux qui démontrent que la guerre actuelle a un caractère impérialiste du côté de tous les belligérants et qu'elle se poursuit, en dernière analyse, pour le profit capitaliste, des deux côtés; il y a là un acte de persécution à l'égard de ceux, qui pour éclairer les masses populaires, opposent au mensonge de la propagande de guerre la vérité scientifique. Car l'affirmation selon laquelle l'enjeu de cette guerre, ce sont les colonies, l'hégémonie en Europe et dans le monde, et que les principaux responsables ce sont les trusts de tous les pays, n'est pas une thèse politique ordinaire; c'est la seule thèse politique conforme à la vérité scientifique, c'est-à-dire aux faits et à leurs rapports effectifs. Mais aucun des impérialismes belligérants ne peut supporter cette vérité objective, et c'est pourquoi ils font tous de l'obscurantisme."

(La Pensée libre n° 1 de février 1941)
En février 1941, trois intellectuels communistes, Jacques Decour, professeur d'allemand, Jacques Solomon, physicien, et Georges Politzer, philosophe, lancent une revue clandestine sous le titre La Pensée Libre.

Dans ce numéro d'une centaine de pages, il est précisé que cette publication sera mensuelle : "La Pensée Libre paraitra tous les mois". Dans les faits le numéro de février sera le seul de l'année 1941.

Sur le fond, La Pensée Libre reprend la thèse du Parti communiste selon laquelle la guerre est impérialiste.

Illustration de ce fait, dans son éditorial intitulé "Notre Combat", la revue communiste justifie son titre en expliquant que la pensée de ses contributeurs est "libre" car ils n'ont aucun lien - "matériel" ou "idéologique" - avec les impérialismes français, anglais ou allemand qui sont tous responsables de la guerre :

"Cette revue s'appelle la PENSEE LIBRE par ce qu'elle est rédigée par des savants, des écrivains, des penseurs et des artistes libres de tout lien matériel et idéologique avec les impérialismes qui ont jeté les peuples, pour la seconde fois au XXe siècle, dans une guerre pour le partage du monde."

En d'autres termes, la pensée n'est libre qu'à la condition d'être soumise à l'URSS et à Staline !!!

Autre exemple, la condamnation de l'Angleterre impérialiste dans l'extrait cité qui est tiré du texte "L'avenir de la science".

Dans ce texte anglophobe, La Pensée Libre élève au rang de "vérité scientifique" la thèse du Parti communiste selon laquelle la guerre qui oppose l'Angleterre démocratique à l'Allemagne nazie est impérialiste. En outre, elle condamne "l'obscurantisme" de l'Angleterre soi-disant démocratique ("l'Angleterre « démocratique »") qui se manifeste à la fois dans ses "mensonges" visant à justifier sa guerre contre les nazis et dans sa répression des communistes qui par pour leur action s'attachent à "éclairer les masses populaires" sur la nature impérialiste de cette guerre.

La "vérité scientifique" selon laquelle "la guerre actuelle a un caractère impérialiste du côté de tous les belligérants" s'effondrera le 22 juin 1941 avec l'invasion de l'URSS par les armées allemandes.

Preuve supplémentaire que la "Pensée Libre" - malgré son titre et sa diffusion clandestine - n'est pas une publication de la Résistance, la revue communiste défend dans son éditorial "Notre Combat" le projet du Parti communiste à savoir la Paix avec l'Allemagne (libération nationale) et la Révolution socialiste (libération sociale) : 

"Unis avec le peuple de notre pays, unis avec tous ceux qui, dans l'Europe opprimée et dans le monde entier, luttent contre les forces de régression sociale et d'oppression nationale, nous entendons travailler pour un avenir de liberté et pour cette paix qu'un nouveau Versailles, quels que puissent être ses bénéficiaires, serait à nouveau incapable d'assurer."


Ce qu'est la Collaboration

Le mot "collaboration" est aussi impropre aujourd'hui que celui de "non-intervention" employé par Léon Blum lors de la guerre d'Espagne. La "non-intervention", selon Blum, n'était pas autre chose que la tolérance et le soutien de l'intervention italo-allemande en Espagne, cependant que la "collaboration" définie à Montoire n'est pas autre chose que la soumission de la France à toutes les volontés des maîtres de l'Allemagne.
Le Peuple de France peut déjà jugés sur pièces. Contrairement aux clauses du Traité d'Armistice, l'Alsace-Lorraine a été annexée par le Reich au mépris absolu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes; des Alsaciens et des Lorrains ont été chassés de chez eux contraints de tout abandonner, n'ayant le droit d'emporter que 30 kilos de bagages et 2 000 francs.
Au surplus, dans certains villages de la France occupée, les officiers se conduisent à la manière de Gessler, obligeant les habitants à les saluer et multipliant les brimades. Certains officiers ont même la gifle facile et les travailleurs français n'aiment pas de telles mœurs de caractère féodal.
Les masses laborieuses de France ont conscience aussi que si le ravitaillement est scandaleusement désorganisé et si le "marché noir" est si important, c'est peut-être parce que les spéculateurs français trouvent des complaisances, pour ne pas dire des complicités dans certains milieux occupants.
Si on ajoute à cela la fusillade d'étudiants parisiens le 11 novembre et l'exécution de Français coupables soi-disant de s'être livrés à des actes de violence contre les membres de l'armée allemande, sans qu'on sache si ces hommes avaient tout simplement riposté à une gifle par un coup de poing, on comprend aisément la nature des sentiments qui animent les masses populaires de France, sentiments que les capitalistes partisans de l'Angleterre voudraient orientés dans le sens du chauvinisme et que nous devons orienter, nous communistes, dans le sens de la fraternité avec le peuple allemand que nous ne confondons pas avec les maîtres du moment. [...]

(La Vie du Parti n° 2 du 1er trimestre 1941)
En février 1941, le Parti communiste diffuse à 10 000 exemplaires (1) La Vie du Parti n° 2 du 1er trimestre 1941.

Dans un paragraphe titré "Ce qu'est la Collaboration", ce bulletin d'information destiné aux cadres et militants communistes analyse la politique de collaboration mis en œuvre par le Maréchal Pétain après sa rencontre avec le Chancelier Hitler le 24 octobre 1940 dans la ville de Montoire-sur-le-Loir

Tout d'abord, La Vie du Parti affirme que le mot "collaboration" est un terme "impropre" pour qualifier la politique du Maréchal Pétain au motif qu'elle se caractérise en réalité par "la soumission" de la France à l'impérialisme allemand. Pour appuyer cette analyse sémantique, elle rappelle l'exemple de la politique de "non-intervention" de Léon Blum pendant la guerre d'Espagne en expliquant que celle-ci signifiait en réalité "la tolérance et le soutien de l'intervention italo-allemande en Espagne".

La revue communiste recense ensuite les preuves de cette soumission : l'annexion de l'Alsace-Lorraine, le comportement féodal des officiers allemands, les difficultés du ravitaillement et enfin la répression de la manifestation étudiante du 11 novembre 1940 ainsi que l'exécution de Français comme celle de Jacques Bonsergent le 23 décembre 1940.

Face à tous ces faits qui pourraient inciter les français à rejoindre la Résistance, La Vie du Parti souligne que la tâche principale des militants communistes consistent à orienter les sentiments des masses populaires dans "le sens de la fraternité avec le peuple allemand".

Cette ligne politique pro-allemande est définie en ces termes dans le texte "la politique de Montoire-sur-(le-)Loir" de décembre 1940 : "c'est la politique des communistes, c'est la politique de la collaboration vraie".

(1) B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, p. 409.


"RADIO - LONDRES - DE GAULLE est au service des capitalistes anglo-français.
RADIO - PARIS - VICHY est au service des capitalistes franco-allemands.
ECOUTEZ RADIO - MOSCOU au service de l'édification socialiste. Chacune de ses émissions vous apporte des documents précieux, sachez les écoutez, sachez comprendre l'exemple de l'URSS, sachez négliger les "informations" tendancieuses des autres postes, sachez faire aimer le Pays des Soviets, le seul Etat du monde débarrassé du capitalisme."

(L'Humanité édition Bordelaise n° 64 du 10 février 1941)
L'Humanité - édition bordelaise - encourage ses lecteurs à écouter Radio-Moscou et à se méfier des "« informations » tendancieuses" diffusées par Radio-Londres qui est accusée de servir les intérêts "des capitalistes anglo-français".

Comme les communistes, le Régime de Vichy s'est attaqué à Radio-Londres en interdisant par la loi du 28 octobre 1940 la réception de ses émissions sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public. Toute infraction était punie d'une amende de 16 à 100 francs et d'un emprisonnement de 6 jours à 10 mois. 


"Ainsi les tenants de l'impérialisme anglo-américain et ceux de l'impérialisme allemand montrent leur vrai visage d'ennemi du peuple. Les travailleurs n'ont pas à choisir entre eux; ils n'ont pas à choisir entre Laval qui veut la victoire de l'impérialisme allemand parce que c'est son intérêt, et DE GAULLE qui veut la victoire de l'impérialisme anglais parce que c'est son intérêt".
(L'Humanité n° 100 du 14 février 1941 - Organe central du PCF)
Dans son numéro du 14 février 1941, l'Humanité accuse le Général de Gaulle d'être un "ennemi du peuple" et de vouloir "la victoire de l'impérialisme anglais parce que c'est son intérêt".

On rappellera que le conservateur Churchill et le travailliste Atllee, les deux dirigeants de l'Angleterre en guerre contre l'Allemagne, ont aussi été dénoncés comme des "ennemis du peuple" dans l'Humanité n° 82 du 7 octobre 1940.


"C'est sous le titre Pour le salut du peuple de France qu'est publié le programme du Parti Communiste Français (SFIC). Militants ! Faites en sorte que chaque français, que chaque française puisse le lire."

(L'Humanité n° 101 du 22 février 1941- Organe central du PCF)
Dans son numéro du 22 février 1941, l'Humanité mentionne pour la première fois le programme de gouvernement publié par le Parti communiste sous le titre "Pour le salut du peuple de France".


[Journal]

Extrait n° 1 :

A BAS LES COMBINARDS ET LES TRAITRES
EN AVANT, POUR
LA VERITABLE VICTOIRE DU PEUPLE
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Les politiciens à la Laval, De Brinon et autres; les journalistes a gages comme les Déat, Luchaire; les canailles comme Doriot et Gitton dont les journaux sont subventionnés par les Officines de Goebbels, préconisent la collaboration avec l'Allemagne d'Hitler.
D'un autre côté, les De Gaullistes, représentants des Banquiers de la City; épousent la cause de l'impérialisme anglais
Le peuple de France n'a pas à prendre la défense de tel ou tel clan impérialiste. [...]
Une seule voie s'offre au peuple de France comme à celui de tous les pays capitalistes : c'est la voie suivie par les peuples de l'Union Soviétique à la fin de la guerre 1914/1918, qui ont sapé l'odieux régime tzariste et qui se sont affranchis a jamais du joug du capital.
De plus en plus, le peuple de France se rend compte de cette réalité et, avec le Parti Communiste, il luttera pour la chute du régime des impérialismes fauteurs de guerre, pour l'avènement rapide d'un véritable gouvernement populaire, pour un Etat où les travailleurs vivront dans la paix, la joie, la liberté.

La Région PARIS-NORD
du Parti Communiste Français (S.F.I.C)

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Extrait n° 2 :

"Demandez, lisez, faites circulez les journaux et tracts du Parti.
Lisez, étudiez et faites connaître le programme du Parti publié sous le titre :
              "POUR LE SALUT DU PEUPLE DE FRANCE"
le programme de la libération sociale et nationale du pays."

(En Avant n° 1 de févier-mars 1941 - Organe de la Région Paris-Nord du PCF)
Dans l'organisation communiste la région parisienne - formée par les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise - est divisée en cinq "Régions communistes" : Paris-Ville, Paris-Ouest, Paris-Est, Paris-Sud, Paris-Nord.

C'est à la fin de février 1941 que paraît clandestinement le premier numéro du journal En Avant qui est l'organe de la Région Paris-Nord du Parti communiste.

Expression de la position des communistes de la banlieue nord de Paris, ce numéro est en totale conformité avec la ligne pacifiste, anglophobe et antigaulliste définie par la direction centrale du Parti communiste.

On peut étayer cette affimation avec les deux extraits tirés de ce numéro.

Le premier est une Déclaration de la Région Paris-Nord du Parti communiste dans laquelle on retiendra deux points. Tout d'abord la condamnation des militants gaullistes accusés d'être les "représentants des Banquiers de la City". Ensuite l'affirmation selon laquelle la formation d'un Gouvernement de Paix communiste constituera "la véritable victoire du peuple" .

Le second est un Appel dans lequel les militants communistes sont encouragés à étudier et à diffuser le programme de gouvernement publié par le Parti sous le titre "Pour le salut du peuple de France".



Mars 1941



Au seuil de 1941

"Est-ce à dire qu'une politique d'indépendance nationale est impossible ? Non point ! C'est même celle que veut la majorité des Français. UNE POLITIQUE D'INDEPENDANCE NATIONALE, UNE POLITIQUE FRANCAISE MEME APRES LA DEFAITE ET SANS RECOURS AUX ARMES EST A LA FOIS POSSIBLE ET SOUHAITABLE. Mais elle ne peut être pratiquée par les hommes de Vichy. Elle suppose un gouvernement capable de rallier l'adhésion des masses populaires françaises, de susciter la sympathie de tous les peuples, de se concilier l'amitié et l'appui de l'URSS et de sa puissante économie socialiste. AUTREMENT DIT, IL N' Y A QU'UN GOUVERNEMENT QUI DE PAR SON ORIGINE, SA COMPOSITION, SON PROGRAMME PUISSE PRATIQUER CETTE POLITIQUE, C'EST UN GOUVERNEMENT DU PEUPLE."

Diffusés en mars 1941 à 20 000 exemplaires, les Cahiers du Bolchévisme du 1er trimestre 1941 publient un article de Gabriel Péri intitulé "Au seuil de 1941".

Dans ce texte rédigé en janvier 1941, le dirigeant communiste analyse l'évolution de la situation internationale depuis la défaite de France en juin 1940.

Il s'attache tout d'abord à montrer que la guerre sera longue car ni l'impérialisme anglais ni l'impérialisme allemand ne sont en mesure de remporter la victoire à court terme. L'Angleterre impérialiste en raison de l'effondrement de sa puissance, l'Allemagne impérialiste du fait des difficultés auxquelles elle est confrontée. Il précise, ensuite, la nature de ces difficultés : défaites militaires de son allié italien; échec partiel de sa diplomatie dans l'Europe balkanique et danubienne avec toutefois la réserve suivante : l'activité de l'Allemagne dans cette partie de l'Europe ne remet pas en cause la solidité des relations germano-soviétiques; et enfin hostilité des pays vaincus avec un long développement consacré à la France. Pour terminer, il envisage une entrée en guerre de l'Amérique impérialiste ("la dictature des soixante familles") ainsi qu'une extension du conflit en extrême-orient.

Abordant la question française Gabriel Péri conteste toute légitimité à la lutte armée et donc à la Résistance en affirmant qu'une "POLITIQUE D'INDEPENDANCE NATIONALE", "SANS RECOURS AUX ARMES", "EST A LA FOIS POSSIBLE ET SOUHAITABLE".

C'est d'ailleurs pour réaliser ce projet que le dirigeant communiste plaide pour la constitution d'un "GOUVERNEMENT DU PEUPLE" autrement dit un gouvernement de Paix communiste


Le sort et l'avenir de la jeunesse française

[...]

LE ROLE DE LA JEUNESSE COMMUNISTE

Les jeunes communistes doivent être à la tête de la jeunesse dans la lutte :
[...]
Contre la guerre impérialiste, contre ceux, partisans d'Hitler ou partisans de Londres, qui voudraient rejeter notre pays dans le conflit qui s'étend au profit de l'un ou de l'autre des deux clans impérialistes qui se disputent l'hégémonie dans le monde. [...]
Les organisations du Parti doivent aider les Jeunesses Communistes, les conseiller, les guider, les aider dans le travail de propagande et d'organisation, les aider aussi dans la lutte contre la provocation, apporter à leur vingt ans audacieux le complément d'une expérience mûrie dans la travail illégal.
Notre Parti est fier de la Jeunesse Communiste qui à ses côtés a traversé les épreuves de l'illégalité et de la guerre impérialiste, courageusement fidèle à son passé, digne de l'Internationale communiste de Jeunes, digne de la grande Internationale Communiste de Dimitrov, digne de la grande et invincible cause de Marx-Engels-Lénine-Staline, la cause du Communisme.

(Cahiers du Bolchévisme du 1e trimestre 1941)
Publié en mars 1941 dans les Cahiers du Bolchévisme du 1er trimestre 1941, l'article "Le sort et l'avenir de la jeunesse française" rappelle clairement le rôle des Jeunesses Communistes : organiser la lutte de la jeunesse française "contre la guerre impérialiste" autrement dit défendre la Paix avec l'Allemagne nazie.


SOUS LE DRAPEAU DU COMMUNISME
Ouvriers et Paysans de la Somme, Unissez-vous

Les documents distribués à profusion dans le Département ont ouvert les yeux des plus crédules et montré combien le Parti Communiste Français avait eu raison de lutter avec courage contre la guerre impérialiste. [...]
La population picarde a souffert plus que partout ailleurs de cette guerre criminelle déclenchée par les bandits au pouvoir et leurs valets socialistes et réformistes. [...]
Mais la malédiction de tout un peuple trahi monte, vengeresse, vers ces hommes qui ont voulu la guerre et préparé la défaite.
Comme l'indique le Programme du Parti Communiste Français : "Oui, de toutes ses forces le Peuple veut que l'on fixe toutes les responsabilités et que l'on châtie tous les coupables [...]".
Guerre capitaliste - défaite capitaliste ! Asservissement et menaces nouvelles de guerres capitalistes !
"Oui, le peuple de France veut la Paix", dit le PROGRAMME :
"Non, le peuple de France ne veut pas prendre part, à nouveau, à la guerre impérialiste. Il veut créer des relations pacifiques avec tous les pays, avec tous les peuples. [...]"
TRAVAILLEURS de la terre et des usines; Intellectuels, Rassemblez vous sous le drapeau du Parti Communiste.
Socialistes, Syndicalistes, Républicains, dont les chefs ont trahi le peuple et les intérêts de la France, faites vôtre notre Programme.
Pour que vive la France; pour le bonheur de son peuple, TRAVAILLEURS PICARD UNISSEZ-VOUS

CATELAS Jean
Député d'Amiens, membre du Comité Central

(Le Travailleur Picard n° 5 de mars 1941 - Organe de la Région Somme du PCF)
Organe des communistes de la Somme, le Travailleur Picard publie dans son n° 5 de mars 1941 un article signé par Jean Catelas dans lequel le député d'Amiens qui est aussi un membre du Comité central appelle tous les Français à soutenir le programme pacifiste du Parti communiste intitulé "Pour le salut du peuple de France" : "Socialistes, Syndicalistes, Républicains, dont les chefs ont trahi le peuple et les intérêts de la France, faites vôtre notre Programme."

Rappelons qu'en sa qualité de membre du Comité central du Parti communiste français, Jean Catelas a signé avec Maurice Tréand la Demande de parution de l'Humanité sous censure allemande du 26 juin 1940.


[Journal]

Extrait n° 1 :

"LE PARTI COMMUNISTE TRAVAILLE AU SALUT DU PEUPLE DE FRANCE.
TRAVAILLEURS DEMANDEZ LE PROGRAMME DU SALUT DE NOTRE PEUPLE A NOS DIFFUSEURS, ETUDIEZ-LE, DIFFUSEZ-LE, AGISSEZ SELON SES DIRECTIVES POUR UNE FRANCE LIBRE, FORTE ET HEUREUSE."

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Extrait n° 2 :

"Mais, conscient de sa force, de ses responsabilités, de la confiance de tout un peuple qui souffre, notre Parti communiste indomptable agit. Son programme "pour le salut du Peuple de France" vient de paraître en tract. 
Pas un mot de démagogie dans ce programme; rien qui soit étranger aux besoins immédiats de nos ouvriers, de nos paysans, des commerçants, des jeunes, des femmes, des mères, des prisonniers, des intellectuels. Un souci permanent d'agir pour le peuple et par lui, sous son contrôle constant, avec sa participation active réalisée par la démocratie la plus large dans un renouveau de libertés non plus formelles mais garanties."

(L'Humanité édition Normande n° 30 publiée en mars 1941)
Par son contenu, l'Humanité - édition normande - n° 30 peut être datée de mars 1941 : discours de Pétain à St-Etienne, adhésion de la Bulgarie au Pacte tripartite, mention que "depuis 8 mois ce gouvernement de gangsters..." et enfin référence au programme communiste qui "vient de paraître en tract".

En approuvant dans ces deux extraits le programme de gouvernement intitulé "Pour le salut du peuple de France", les communistes normands soutiennent sans aucune équivoque la ligne pacifiste définie par la direction centrale du Parti communiste. 


"Sans doute les clans germanophiles et anglophiles qui existent dans les milieux capitalistes français se combattent sournoisement, mais Laval, Deloncle et Jean Goy sont rejoints dans leurs plans de destruction des libertés populaires par de GAULLE et LARMINAT. Les serviteurs de l'Allemagne et de l'Angleterre veulent, aussi bien les uns que les autres, détruire à jamais les libertés publiques et nous imposer l'horrible régime du sabre et du coffre-fort."

(L'Humanité n° 102 du 5 mars 1941 - Organe central du PCF)
Dans son numéro du 5 mars 1941 l'Humanité s'attaque encore une fois au Général de Gaulle et à son projet de libérer la France par les armes.

Pour dissuader les Français de s'engager dans la Résistance, l'organe central du Parti communiste dénonce le Chef Libre comme l'un des "serviteurs" de l'Angleterre impérialiste et soutient qu'il a pour projet non seulement de "détruire à jamais les libertés publiques" mais aussi de préserver "l'horrible régime du sabre et du coffre-fort" autrement dit le régime capitaliste.

En d'autres termes le Général de Gaulle serait le défenseur d'un régime fasciste.


"DEMANDEZ, LISEZ, FAITES CONNAITRE le programme du Parti Communiste publié clandestinement sous le titre "POUR LE SALUT DU PEUPLE DE FRANCE". Le programme de la libération sociale et nationale de notre pays"

(L'Humanité n° 102 du 5 mars 1941 - Organe central du PCF)
L'Humanité encourage les militants communistes a faire connaître aux Français le programme du Parti intitulé "Pour le salut du peuple de France".

Ce programme qui prévoit en politique intérieure la Révolution socialiste et en politique extérieure la Paix avec l'Allemagne est présenté comme "le programme de la libération sociale et nationale" de la France".


" « Nationalisation, sans indemnité, des banques, compagnies d'assurances, mines, chemins de fer et de l'ensemble des Sociétés capitalistes aryennes ou juives (électricité, produits chimiques, textile, métallurgie, gaz, etc.) ». C'est simple, net et conforme à l'intérêt de la Jeunesse Française. C'est le premier article de politique intérieure du GOUVERNEMENT DU PEUPLE pour lequel lutte le Grand Parti Communiste de Maurice THOREZ et Jacques DUCLOS." 

(L'Avant-garde n° 38 du 7 mars 1941 - Organe central des Jeunesses communistes)
Dans ce plaidoyer pour un "Gouvernement du Peuple" autrement dit un Gouvernement de Paix communiste, L'Avant-garde cite la première mesure du chapitre "POUR METTRE LES OLIGARCHIES CAPITALISTE HORS D'ETAT DE NUIRE" du programme pacifiste "Pour le salut du peuple de France".


Pour le salut du Peuple de France
tel est le titre du programme du [Parti] Communiste Français, Diffusez-le.

(L'Humanité - édition Bordelaise - n° 67 du 11 mars 1941)
Dans ce numéro de l'Humanité, les communistes de la région bordelaise approuvent la ligne fixée par la direction centrale du Parti en appelant à la diffusion du programme pacifiste "Pour le salut du peuple de France".


"Le gouvernement de Vichy, c'est le gouvernement des Trusts
Le rassemblement de Paris, c'est le rassemblement des Trusts
La radio et la guerre de Londres, c'est la guerre et la radio des Trusts
L'URSS seule donne l'exemple de la prospérité et du bonheur d'un pays sans capitalistes.
Vive la France libre et heureuse, indépendante et prospère que veulent et que feront les communistes avec l'appui du peuple tout entier."

(La Voix de la Charente n° 17 de mars 1941 - Organe de la Région Charente du PCF)


DE 1871 A 1941

Les capitalistes d'aujourd'hui sont
les dignes héritiers des Versaillais

par Maurice THOREZ et Jacques DUCLOS

[...]

Le vieux maréchal embastille les communistes parce que, dès septembre 1939, ils se dressèrent contre la guerre impérialiste et cet homme qui au soir de sa vie a accédé au pouvoir en passant par les couloirs de la défaite, fut hier le soutien des responsables de la guerre qu'il ne se hâte pas de faire juger de crainte de voir son attitude approbative d'hier évoqueé par les accusés eux-mêmes devant la Cour de Riom.

Si l'occupation de la France par l'Allemagne suffit à fournir la preuve que le « nouvel ordre européen » de M. Hitler signifierait pour la France un scandaleux asservissement, il n'est pas moins certain que le mouvement des de Gaulle et de Larminat, foncièrement réactionnaire et antidémocratique, ne vise à rien d'autre, lui aussi, qu'à priver notre de pays de toute liberté au cas d'une victoire anglaise. [...]

Comme le recommande le programme du Parti que les communistes ont le devoir de faire connaître par la masse des Français, il est indispensable qu'ouvriers, paysans, petites gens, ménagères, mères de famille luttent pied à pied pour défendre leur pain et celui de leurs enfants; il est indispensable aussi que les travailleurs qui suivaient hier les chefs du Parti radical et du Parti socialiste s'unissent à leurs communistes pour former un véritable Front populaire de lutte qui demain fera flotter à nouveau sur note pays, et cette fois pour toujours, le grand drapeau du pain, de la liberté et de la paix, le drapeau de la France libre et indépendante.
Numéro spécial commémorant la Commune de Paris, l'Humanité du 18 mars 1941 publie un texte de Maurice Thorez et Jacques Duclos intitulé "De 1871 à 1941 / Les capitalistes d'aujourd'hui sont les dignes héritiers des Versaillais".

De ce texte signé par les secrétaire et secrétaire général du PCF, on retiendra les idées suivantes :

1) Maurice Thorez et Jacques Duclos affirment que le régime de Vichy réprime les communistes pour leur engagement "contre la guerre impérialiste" autrement dit pour leur pacifisme. Aucune mention d'une lutte armée contre l'occupant allemand.

2) Maurice Thorez et Jacques Duclos soutiennent que le Maréchal Pétain, qui "fut hier le soutien des responsables de la guerre" autrement dit un belliciste, refuse de les faire juger pour ne pas être mis en cause par les accusés. Aucune condamnation du pacifisme du Maréchal Pétain.

3) Maurice Thorez et Jacques Duclos accusent le Général de Gaulle d'être à la tête d'un mouvement "foncièrement réactionnaire et antidémocratique" autrement dit fasciste et de vouloir en réalité "priver notre de pays de toute liberté au cas d'une victoire anglaise". Aucune célébration de la Résistance ou de l'Angleterre.

4) Maurice Thorez et Jacques Duclos appellent les militants communistes à faire leur "devoir" en diffusant le programme pacicifiste du PCF intitulé "Pour le salut du peuple de France". Aucun Appel à la Résistance.


La "collaboration"
politique du
"SERREZ LA CEINTURE"

[...]
Enfin, il arrive parfois que des représentants du pouvoir nazi, s'adressant à des Français, leur tiennent un langage dépouillé d'artifice et qui s’accommode bien peu avec les descriptions bucoliques de la collaboration dont se régale les lecteurs de Marcel Déat et les auditeurs de Coco Fontenoy et du cagoulard Deloncle.
Nous n'en voulons pour preuve que le discours prononcé ces jours-ci par le secrétaire Waldman, représentant l'administration allemande. Comme tout ne tourne pas rond en territoire occupé, M. Waldman avait réuni les Préfets à St-Germain et il leur a parlé comme un Führer parle à des Gauleiter.

C'est la Gestapo qui commande [...]
Aidez à la guerre allemande [...]
La déportation pour les chômeurs [...]
« Mangez-moins ! » [...]

Face à cette politique d'oppression capitaliste, il n'y a qu'un socialisme, c'est celui qui supprime l'exploitation de l'homme par l'homme, celui dont les communistes portent le drapeau. Il n'y a qu'une politique de paix et d'Entente internationale c'est celle qui rassemblera les peuples délivrés de l'oppression impérialiste et de la sujétion sociale.
La vraie révolution, le vrai socialisme, la vraie paix, c'est pour cela que luttent les communistes qui, à la place d'un gouvernement de marionnettes, veulent donner à la France un Gouvernement du Peuple."

Publié dans l'Humanité numéro spécial du 18 mars 1941, l'article « La collaboration / politique du "Serrez vous la ceinture" » présente la particularité d'être un plaidoyer pour la Paix avec l'Allemagne nazie qui s'appuie sur une virulente dénonciation de... l'occupation allemande.

En effet le texte dénonce le règne de la Gestapo dans la zone occupée, une économie française soumise aux exigences de la guerre allemande, le sort des chômeurs qui seront contraints d'aller travailler en Allemagne soit pour fuir la misère, soit parce qu'ils auront été déportés; et enfin le rationnement qui est imposé uniquement aux pauvres.

Pour l'Humanité tous ces maux n'ont qu'une seule cause : "l'oppression capitaliste" imposée par le Régime de Vichy. L'ennemi des communistes n'est donc pas le nazisme mais le capitalisme.

Pour un mettre un terme à cette situation, l'Humanité plaide pour un "Gouvernement du Peuple" qui renversera le régime capitaliste (libération sociale) et négociera un traité de Paix avec Hitler (libération nationale).

La France communiste et l'Allemagne nazie pourront même s'appuyer sur cette paix pour construire une nouvelle relation franco-allemande avec comme principe "l'Entente internationale" des peuples.
 
Dernier élément, l'Humanité affirme que les communistes défendent la "vraie" révolution, le "vrai" socialisme, la "vraie" paix pour se démarquer du Rassemblement National Populaire - parti collaborationniste majoritairement de gauche fondée en février 1941 par Marcel Déat - qui définit son projet pacifiste comme révolutionnaire et socialiste.


"Le programme du Parti communiste édité clandestinement sous le titre « Pour le salut du peuple de France » associe les revendications des masses ouvrières et des masses paysannes".

(L'Humanité numéro spécial du 18 mars 1941 - Organe central du PCF)


[Journal]

Extrait n° 1 :

"Notre Parti n'a jamais été aussi fort, débarrassé des lâches et des traîtres, c'est avec confiance et fierté que nous accomplissons notre tâche.
Nous luttons "Pour le salut du Peuple de France".
Le Peuple de France veut la Paix, il veut que soient libérés le sol national et ses fils prisonniers de guerre.
Le Peuple de France considère qu'il est d'un intérêt vital pour lui d'établir de solides liens d'amitié avec le grand Pays des Soviets.
La France veut un Gouvernement qui soit l'émanation du peuple, un gouvernement qui, en s'appuyant sur le peuple, serait capable de réaliser à l’œuvre indispensable de salut national !
Le gouvernement du Peuple, expression de la volonté nationale et non d'une conjuration de profiteurs comme l'est la clique de Vichy prendrait immédiatement les décisions de politique extérieure et intérieure indispensables au salut du pays.
"Peuple de France, c'est entre tes mains qu'est l'arme de ta délivrance; c'est par l'union et par la lutte que tu sauras et que tu feras de notre pays, dans une Europe libérée de la domination capitaliste, une France libre, forte et heureuse."
Cette union nécessaire se réalise autour du Parti Communiste Français sous le glorieux drapeau de Marx-Engels-Lénine-Staline, lutte pour la libération sociale et nationale de la France."

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Extrait n° 2 :

"Lisez, diffusez le programme du Parti Communiste Français "POUR LE SALUT DU PEUPLE DE FRANCE"."

(Lutter et vaincre numéro spécial de mars-juin 1941 - Organe de la Région Paris-Sud du PCF)



Avril 1941



[Journal]

Extrait n° 1 :

"Les travailleurs de Bretagne seront heureux de constater que leur journal (« La Bretagne » ouvrière, paysanne et maritime), que nous n'avions pu éditer, jusqu'à présent, que ronéotypé, grandit et pourra, dans l'avenir, leur apporter davantage. Certes, nous n'avons pas pu, à l'instar de « L'Heure Bretonne », faire appel aux capitaux bourgeois de toute nationalité, pour une rotative, mais le dévouement des Communistes y a suppléé et maintenant nous avons, comme « L'Humanité », notre imprimerie « quelque part en France ».
Notre Parti a été bassement injurié, calomnié par tout un tas de traîtres et de lâches, mais la vérité se fait jour sur l'action courageuse menée par les Communistes contre la guerre impérialiste dans laquelle des gouvernements indignes précipitèrent la France avec l'assentiment d'un Parlement unanime, à l'exception des Communistes."

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Extrait n° 2 :

LA VOIE DU SALUT DANS LA VICTOIRE

Faire croire au Français que le salut de la France vaincue réside dans la victoire de l'un des deux groupes impérialistes en lutte est un mensonge criminel. Dans une Europe « réorganisée » par l'impérialisme vainqueur, quel qu'il soit, une France capitaliste ne serait qu'un pays vassal, condamné à la régression économique, sociale et politique, réduit à la misère par la double exploitation du capital français et étranger. Or c'est une à une telle « réorganisation » impérialiste qu'aboutirait la victoire de l'Allemagne comme celle de l'Angleterre. La voie du salut, pour la France, c'est celle que montre le Parti Communiste Français, c'est la voie suivie par l'UNION SOVIETIQUE : le renversement du Capitalisme et la construction du Socialisme.

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Extrait n° 3 :

Être Degaulliste...

C'est avoir les pieds bien au chaud, le ventre plein et planter des petits drapeaux marquant les points de débarquement des Anglais en France.
C'est aussi pousser de jeunes gars à embarquer sur de mauvaises barques, les faire s'engager dans les rangs anglais pour se faire tuer.
C'est encore pousser de pauvres folles à déchirer les affiches allemandes, de non moins pauvre gars à couper un câble électrique pour se faire fusiller après par les Allemands. 
C'est surtout vouloir que les peuples s'entretuent pour le plus grand plaisir des Anglais et revenir au beau temps de MM. Daladier-Reynaud.

(La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime n° 1 (avril 1941) - Organe des Régions Bretonnes du PCF)
Organe des Régions Bretonnes du Parti communiste, La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime publie en avril 1941 son premier numéro imprimé qui présente la particularité d'être d'un format supérieur aux précédents numéros qui étaient ronotypés.

Comprenant cinq départements ou "régions communistes" (Finistère, Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine, Morbihan et Loire-Inférieure), l'inter-région de Bretagne est alors dirigée par Robert Ballanger qui a succédé à Auguste Havez en décembre 1940.

Expression de la position des communistes bretons, ce premier numéro de La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime - comme les suivants - est en totale conformité avec la ligne pacifiste, anglophobe et antigaulliste définie par la direction centrale du Parti communiste.

Portant sur la guerre franco-allemande de 1939-1940, la guerre anglo-allemande qui se poursuit et enfin la Résistance française, les trois extraits cités illustrent la thèse de la guerre impérialiste défendue par les communistes depuis septembre 1939.

1) Guerre franco-allemande.

Dans le premier extrait, revenant sur la guerre franco-allemande de 1939-1940, La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime rappelle que cette guerre était "impérialiste" et que c'est pour cette raison que le Parti communiste s'est courageusement mobilisé pour la Paix dès septembre 1939.

Pacifistes, les communistes sont mêmes les pacifistes de la première heure puisque La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime affirment que seuls les parlementaires communistes ont voté contre la guerre. Cette revendication vise à dénoncer tous les autres pacifistes et notamment le Maréchal Pétain comme des opportunistes. Elle repose sur un mensonge puisque le 2 septembre 1939 les parlementaires communistes ont approuvé à la Chambre et au Sénat l'augmentation des crédits militaires demandée par le Gouvernement Daladier.

2) Guerre anglo-allemande.

Dans le deuxième extrait La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime dénonce la guerre qui se poursuit entre l'Angleterre démocratique et l'Allemagne nazie comme l'affrontement de "deux groupes impérialistes" en soulignant que la victoire de l'un ou de l'autre belligérant aurait les mêmes conséquences pour la France : la soumission à un impérialisme étranger (oppression nationale) et le maintien d'un régime capitaliste (oppression sociale).

Une victoire anglaise serait donc pour la France tout aussi catastrophique qu'une victoire allemande.

Pour La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime, la France ne connaîtra "le salut" qu'à la condition que le Parti communiste prenne le pouvoir en se fixant les mêmes objectifs que les bolcheviks en 1917 dans la Russie tsariste : renversement du régime capitaliste et signature d'un traité de Paix avec l'Allemagne.

Cette solution non-impérialiste - ni Angleterre ni Allemagne - peut se résumer ainsi : La Paix par la Révolution socialiste.

3) Résistance française.

Dans le troisième extrait, La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime condamne avec virulence le Général de Gaulle et son projet de libérer la France par les armes. Pour justifier cette condamnation elle accuse le Chef de la France Libre de "vouloir que les peuples s'entretuent pour le plus grand plaisir des Anglais" autrement dit de n'être qu'un agent de l'impérialisme britannique.


Après la guerre, l'historiographie officielle défendra la thèse que le Parti communiste s'est engagé dans la Résistance dès juin 1940 et non après le 22 juin 1940 et l'invasion de l'URSS par les armées allemandes. Cette thèse connaîtra deux versions en fonction du rôle accordée à la direction centrale du Parti communiste. Dans la première la Résistance communiste aura pour fondement l'Appel du 10 juillet 1940 signé par Jacques Duclos et Maurice Thorez. Dans la seconde la Résistance communiste correspondra à la somme des initiatives locales prises en dehors du cadre fixée par la direction centrale dont la ligne attentiste était déterminée par le Pacte germano-soviétique.

Dans les deux cas la Bretagne sera mise en avant comme l'une des régions où s'est manifestée cette Résistance communiste. Pour justifier cette affirmation l'historiographie officielle préférera s'appuyer sur des témoignages postérieurs à la guerre plutôt que sur des textes communistes diffusés à l'époque.

Un exemple : l'interview de Robert Ballanger publié dans le n° 5 de juillet-août 1980 de la Bretagne Nouvelle, hebdomadaire des fédérations du PCF de Bretagne, et repris dans les Cahiers d'histoire de l'IRM du 3e trim 1985 :

"Bretagne Nouvelle : Le Parti t"avais donc chargé de venir en Bretagne pour organiser la Résistance ?
Rober Ballanger : Oui à cette époque, revenant de Dunkerque en passant par l'Angleterre, je gagnais Nantes ma ville nataleLe Parti m’avait donné la mission de réorganiser le PC, d’abord en Loire-Atlantique [anciennement Loire-Inférieure], mon département de résidence, et puis ensuite et jusqu’en mai 1942 dans tout l’ensemble de la Bretagne, dans les conditions nouvelles d’un pays occupé par une armée étrangère fasciste dont les baïonnettes appuyaient un gouvernement fasciste lui aussi naturellement, celui du maréchal Pétain. [...]

Bretagne Nouvelle : Quels furent, dans ces conditions difficiles, les premier contacts et les premières actions de Résistance ?
Rober Ballanger : Fin 1940, quand le Parti me confia la mission de réorganiser le PC dans toute la Bretagne, je succédai à Auguste Havez, et avec l’aide de Venise Gosnat. C’est alors que je pris contact avec les camarades qui tenaient en mains les responsabilités des organisations clandestines du PC dans nos départements et nos villes. [...]
Grâce à eux la Résistance s’organisa, non seulement dans les ports du littoral, de guerre ou de pêche, mais aussi dans le centre de la Bretagne. Ainsi, je puis dire qu’à la fin de 1940, le Parti dans son ensemble était réorganisé dans les cinq départements bretons. [...]
En mars 1941 nous décidons la reparution clandestine de la Bretagne Ouvrière, Paysanne et Maritime, hebdomadaire du Parti avant la clandestinité pour le Finistère et le Morbihan. En dépit de la répression féroce ce journal paraîtra tout au long de 1941. Son numéro de mai 1941 appelle tous les Bretons et Bretonnes à s'unir dans le Front National pour le salut et l'indépendance de la France dont le Parti communiste français vient de prendre l'initiative."

Dans ce témoignage Robert Ballanger soutient qu'il s'est engagé dans la lutte contre l'occupant allemand dès l'été 1940 et que cet engagement répondait aux instructions de la direction centrale du Parti communiste.

Au nombre des actes témoignant de la Résistance bretonne, la reparution à partir de mars 1941 de La Bretagne Ouvrière, Paysanne et Maritime !!!

Signalons qu'il mentionne aussi la collecte d'armes à l'été 1940 comme preuve de la mobilisation des communistes contre l'occupant allemand. En réalité ces armes abandonnées par les soldats français et récupérées par les communistes était stockées. Elles pouvaient par exemple être utilisées pour assurer la protection des militants qui étaient chargés de distribuer les tracts... pacifistes du Parti communiste.


[Journal]

Extrait n° 1 :

Pour une France libre !

[...]
Que les Français qui ont cru un moment que leur intérêt était de suivre l'Angleterre reviennent à la réalité des choses.
Le peuple Français ne peut se sauver ni en se soumettant à l'Ordre Nouveau Hitlérien, ni à la City de Londres et à son mercenaire de Gaule (sic).
Son salut est dans l'indépendance de la France.
"Producteurs" sauvez-nous, nous-mêmes !
Le Parti Communiste Français vous montre la voie à suivre pour la Libération et le Redressement de notre beau pays de France.
Adhérez au Parti Communiste Français !

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Extrait n° 2 :

Pour le Salut du Peuple de France

Travailleurs Berrichons, [avez] vous lu le programme du Gouvernement du Peuple
Demandez- le à nos Amis !
Lisez-le, faites-le circuler !

(L'Emancipateur d'avril 1941 - Organe de la Région Cher du PCF)


PAS DE NOUVEAU "SAC AU DOS"
POUR LES BRIGANDS IMPERIALISTES.

Les groupes impérialistes rivaux poursuivent la plus féroce et la plus atroce des guerres. Les uns et les autres n'osent avouer les véritables mobiles qui les animent.
Churchill, aidé par Roosevelt, tue au nom de liberté et de la démocratie, mais les colonies anglaises sont sous le joug, le parti communiste anglais est frappé, sa presse interdite, cependant que les milliers de grévistes américains sont aux prises avec une police de gangsters au service des multimilliardaires marchands de canons.
Hitler mène "la guerre du sang contre l'or", "du travail contre la ploutocratie" mais les communistes et pacifistes allemands sont torturés, mais les communistes français, leur presse, leurs militants sont traqués.
La vérité est plus matérielle, plus cynique aussi. Il s'agit du deuxième partage du monde, de ses sources de matières premières, de ses marchés, que de se disputent les rivaux.
La France vaincue reste un enjeu important des deux clans qui agissent pour le plus grand mal de notre peuple, sans se soucier un instant de nos intérêts nationaux. Toutes les armes sont employées pour nous faire remettre "sac au dos". Le chantage à la famine des maîtres de De Gaulle n'a d'égal que la menace de la force des maîtres de Laval, Déat, Doriot. Les provocations se multiplient pour nous entraîner dans la mêlée, tel l'incident de Nemours.
Dans ces conditions, ne nous lassons jamais de répéter que les Français aiment leur pays; qu'ils le veulent libre, indépendant; qu'ils ont en horreur la guerre impérialiste. Ils ne se battront ni pour l'Allemagne, ni pour l'Angleterre, mais pour un gouvernement du Peuple qui libérera le territoire et les prisonniers de guerre, qui établira des relations pacifiques et fraternelles avec tous les autres peuples, qui se liera d'amitié avec le champion de la Paix qu'est l'URSS, qui fera la seule et vraie politique française, celle que veulent et que feront les communistes.

(L'Avenir normand n° 1 d'avril 1941 - Organe de la Région Normandie du PCF)
En avril 1941 paraît clandestinement le premier numéro de l'Avenir normand, organe de la Région Normandie du Parti communiste. Le rédacteur de ce numéro imprimé est le dirigeant régional André Pican.

L'article "Pas de nouveau "sac au dos" pour les brigands impérialistes" reflète parfaitement la position définie par la direction centrale du Parti communiste :

1) dénonciation du caractère impérialiste de la guerre qui oppose l'Angleterre démocratique à l'Allemagne nazie.

2) condamnation du Général de Gaulle accusé de servir l'impérialisme anglais.

3) appel à former un Gouvernement du Peuple "qui établira des relations pacifiques et fraternelles avec tous les autres peuples" et notamment... le peuple allemand.

Les revendications associées au Gouvernement du Peuple sont tirées du chapitre Politique extérieure du programme "Pour le salut du peuple de France".


"Les Normands ont du bons sens et savent que le capitalisme, voilà l'ennemi ! Ils prennent la voie juste, comme en témoigne l'accueil qu'ils réservent au Programme de notre Parti : "Pour le Salut du peuple de France".

(L'Avenir normand n° 1 d'avril 1941 - Organe de la Région Normandie du PCF)
L'Avenir normand mentionne le programme pacifiste Pour le salut du Peuple de France en rappelant qui est le véritable ennemi : "le capitalisme, voilà l'ennemi !".


"Ni soldats de l'Angleterre avec DE GAULLE ! Ni soldats de l'Allemagne avec PETAIN !
VIVE LA FRANCE LIBRE, INDEPENDANTE ET HEUREUSE QUE VEULENT ET QUE FERONT LES COMMUNISTE AVEC THOREZ AU POUVOIR."

(L'Humanité - édition zone non occupée - n° 101 du 4 avril 1941)


"La solution pour tous les maux dont nous souffrons se trouve dans le tract rédigé par le comité central du parti communiste, et intitulé "POUR LE SALUT DU PEUPLE DE FRANCE"
PAYSANS... lisez ce programme et faites-le circulez."

(L'Enchaîné, Edition Paysane, n° 24 du 6 avril 1941 - Organe de la Région Pas-de-Calais du PCF)


"La jeunesse ne veut pas devenir une génération rachitique et tuberculeuse ! Elle en a assez du blocus imposé à notre population par l'impérialisme anglais et ses valets de GAULLE et LARMINAT."

(L'Avant-Garde n° 43 du 9 avril 1941 - Organe central des Jeunesses communistes)


LE PROGRAMME [DU GOUVERNEME]NT DU PEUPLE

"Pour le Salut du peuple de France" c'est le programme du [gouverne]ment du Peuple, édité clandestinement par le Parti Communiste, où les droits de la Jeunesse ont une place de premier plan : Droit à l'instruction, droit au repos, droit à la joie, droit [au foyer] et avant tout :
DROIT AU TRAVAIL :
- Création d'un vaste réseau d'Ecoles d'apprentissage correspondant aux diverses branches de la production pour les jeunes gens et les jeunes filles.
- Droit à un métier pour chaque citoyen et chaque citoyenne.
- Droit pour le Jeune ouvrier doué, d'accéder à des Ecoles techniques supérieures pour devenir Ingénieur, en continuant à percevoir son salaire.
- Obligation pour la société de donner du travail à tous, ce qui est seulement possible avec la disparition du régime capitaliste.
JEUNES, à l'appel de la Jeunesse Communiste, luttez derrière le Parti Communiste, Parti de la libération sociale et nationale de notre pays, POUR LE GOUVERNEMENT DU PEUPLE !

(L'Avant-garde n° 44 du 16 avril 1941 - Organe central des Jeunesses communistes)


"A nous, communistes, de montrer à notre peuple que ce n'est ni dans la "collaboration-soumission" à l'impérialisme allemand, ni dans l'attente d'une soi-disant délivrance gaulliste que ses espérances doivent être placées."

(L'Humanité n° 110 du 20 avril 1941 - Organe central du PCF)
Dans son numéro du 20 avril 1941, l'Humanité condamne le Maréchal Pétain et le Général de Gaulle en soulignant implicitement les différences qui oppose leur projet respectif à celui du Parti communiste.

Les communistes combattent la politique du Maréchal Pétain parce qu'elle est soumise à l'impérialisme allemand et que de ce fait elle n'apportera pas la Paix mais conduira la France à s'engager de nouveau dans la guerre au profit cette fois de l'Allemagne.

A cette "collaboration-soumission", les communistes opposent "la collaboration vraie". Cette collaboration communiste qui garantira la Paix avec l'Allemagne a été définie dans un texte publié en décembre 1940 sous le titre "La politique de Montoire-sur-(le-)Loir". 

Le Général de Gaulle est combattu par les communistes parce que le succès de son projet signifierait la victoire de l'impérialisme anglais et le maintien en France d'un régime capitaliste.

A la "délivrance gaulliste", les communistes opposent la Révolution socialiste qui permettra de mettre un terme définitif à la guerre impérialiste en détruisant sa cause : le régime capitaliste.


[Instructions de l'IC]

"Partant de ce point de vue, il [le parti] ne prend pas position hostile envers partisans du mouvement de Gaulle tout en critiquant avec mesure ses positions réactionnaires et colonialistes."

(Télégramme du 26 avril 1941 signé par Georges Dimitrov, Maurice Thorez et André Marty, (Moscou) (1).
Dans un télégramme daté du 26 avril 1941 qui sera transmis à Jacques Duclos par l'intermédiaire d'Eugène Fried, l'Internationale communiste recommande au Parti communiste de créer un "front national de lutte pour l'indépendance" dont l'objectif sera de "ne pas permettre que le peuple, le territoire et les ressources de la France soient utilisées dans la guerre entre l'Allemagne et l'Angleterre".

En d'autres termes les communistes devront se mobiliser pour maintenir la France à l'écart du conflit anglo-allemand et préserver ainsi son "indépendance".

L'IC précise que ce front exclu "les capitulards et traîtres" c'est-à-dire les pétainistes qui servent l'impérialisme allemand.

Quand aux gaullistes qui servent l'impérialisme anglais, l'IC fait une distinction entre les "partisans" du Général de Gaulle et le "mouvement de Gaulle" lui-même
- pas d'hostilité envers ces partisans, ils peuvent donc intégrer le front national de lutte pour l'indépendance de la France à la condition d'adhérer au projet pacifiste du Parti communiste,
- par contre, la propagande communiste devra dénoncer la France Libre du Général de Gaulle comme un mouvement qui défend des "positions réactionnaires et colonialistes" autrement dit fascistes !!!

Suivant les instructions de l'IC, le Parti communiste lancera en mai 1941 un Appel "Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France".

(1) B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, p. 403.


UNE GRAVE ERREUR

C'est de croire que le De Gaullisme libèrera notre pays.
De Gaulle, c'est l'homme des financiers de la Cité.
De Gaulle était au Gouvernement quand, déjà, on jetait par milliers nos camarades en prison et dans les camps de concentration.
De Gaulle, c'est l'homme qui ferait, le cas échéant, de la Bretagne une nouvelle Vendée.
Ni De Gaulle, ni Vichy, ni Paris.
Ni tutelle allemande, ni tutelle anglaise.
Une France libre et indépendante, voilà ce que veulent et que feront les communistes.

(La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime n° 2 (avril 1941) - Organe des Régions Bretonnes du PCF)
A la fin d'avril 1941 paraît le deuxième numéro imprimé de La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime dans lequel les communistes bretons renouvellent leur condamnation du Général de Gaulle.

Dans ce numéro, le chef de la France Libre est accusé d'être non seulement un traître ("l'homme des financiers de la Cité") qui sert les intérêts de l'impérialisme britannique mais aussi d'être un futur dictateur sanguinaire qui - dans l'hypothèse où il succéderait au Maréchal Pétain à la suite d'une victoire de l'Angleterre sur l'Allemagne - organiserait en Bretagne des massacres de masse identiques à ceux commis en Vendée pendant la Révolution française !!!

Tous ces éléments doivent convaincre les Bretons que leur engagement dans la Résistance serait en définitive "une grave erreur".

Membre du gouvernement de Paul Reynaud du 5 au 16 juin 1940, le Général de Gaulle est aussi dénoncé pour sa participation à un gouvernement qui réprimait les militants communistes. 

On rappellera que les militants communistes ont été condamnés par les tribunaux de la République entre septembre 1939 et juin 1940 en raison de leur engagement en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie.



Mai 1941



"Les peuples ne veulent plus de la guerre impérialiste, pas plus qu'ils ne veulent d'une paix impérialiste qui ferait d'eux des véritables esclaves; ce qu'ils veulent c'est une paix populaire qui n'assujettirait aucun peuple, qui assurerait à chaque pays sa liberté et son indépendance nationales et qui créerait les conditions d'une collaboration fraternelle entre les peuples"



"Ni Hitler, ni de Gaulle, la France libre, indépendante"; "Ni Londres, ni Berlin, la France indépendante", "Le Socialisme c'est la paix, le bien être, la liberté".

Premier numéro d'une nouvelle série, Notre propagande n° 1 de mai 1941 met à la disposition des militants communistes des textes à diffuser sous forme de tract, papillon ou affichette.

Ce numéro contient aussi "quelques mots d'ordre et inscriptions murales à tracer au goudron, minium, peinture ou à la craie sur les murs, les portails d'usine, les trottoirs, l'asphalte etc..."

Au nombre de 28, ces mots d'ordre et inscriptions murales reflètent parfaitement la ligne pacifiste du Parti communiste puisque aucun d'entre eux n'appelle à la lutte armée ou à la défaite d'Hitler.


Les assassins de la liberté

En France, les autorités d'occupation protègent le gouvernement Pétain-Darlan-Belin qui interdit l'augmentation des salaires. Les mitrailleuses allemandes sont prêtes à taper dans le tas pour défendre les coffres-forts. Aux Etats-Unis, les ploutocrates menacent de la chaise électrique les ouvriers luttant pour leurs revendications et, en Angleterre, la presse communiste est interdite comme elle l'est par Pétain et Abetz dans notre pays.
Les impérialistes rivaux sont animés du même souci d'assassiner la liberté et quand les propagandistes anglais présentent le mouvement gaulliste comme un mouvement démocratique, ils mentent effrontément. Ce général à particule veut non pas la liberté de notre pays, il veut le triomphe des intérêts impérialistes auxquels il a lié son sort.
Ouvriers, paysans, ce n'est pas vers les de Gaulle, de Larminat et autres réactionnaires de même accabit qu'il faut tourner vos regards, et ce n'est pas des V qu'il faut écrire sur les murs, mais c'est l'emblème de la faucille et du marteau qu'il faut dessiner partout.


(L'Humanité numéro spécial du 1er mai 1941 - Organe central du PCF)
Dans son numéro spécial imprimé du 1er mai 1941 - tiré à 1 000 000 d'exemplaires (1) - l'Humanité accuse le Général de Gaulle d'être un "assassin de la liberté" !!!! 

(1) Chiffre donnée par la direction du PCF dans un télégramme du 6 mai 1941 envoyé à l'IC.


Pour le Salut du Peuple de France 

C'est sous ce titre que le Parti communiste a publié son programme de libération sociale et nationale de la France qu'il faut faire connaître à la masse des Français pour leur montrer le chemin de la délivrance.
Vive le Parti communiste (S.F.I.C) qui lutte sous la direction de son Comité central et de ses chefs aimés Thorez, Duclos, Marty, Cachin, Frachon, Ramette, Monmousseau, etc...
Vive la Jeunesse communiste qui, dirigée par Raymond Guyot, travaille à rassembler la jeunesse de France sous le drapeau du communisme.


Radio-Paris MENT, Radio-Vichy MENT et Radio-Londres également.
Ecoutez Radio-MOSCOU sur 25, 31, 32 et 49 mètres.

(La Voix du Quartier latin du 1er mai 1941 - Organe de la Section communiste des 5° et 6° arrondissements de Paris)


[Journal]

Extrait n° 1 :

"Si l'occupation de la France par l'Allemagne suffit à fournir la preuve que le « nouvel ordre européen » de M. Hitler signifierait pour la France un scandaleux asservissement, il n'est pas moins certain que le mouvement des DE GAULLE et DE LARMINAT, foncièrement réactionnaire et antidémocatique, ne vise à rien d'autre, lui aussi, qu'à priver notre de pays de toute liberté au cas d'une victoire anglaise."

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Extrait n° 2 :

"Nous disons, Non ! aux misérables de Brinon, Pétain, Darlan, Déat et consort, qui, sous prétexte de « collaboration », veulent faire de nous les soldats, les marins d'Hitler.
Nous disons, Non ! au misérable de Gaulle et ses amis qui veulent faire massacrer les Français pour le compte de la bourgeoisie anglaise.
Nous ne voulons plus servir de champ clos aux querelles sanglantes (pour les peuples) des capitalistes.
Nos villes de Brest, Lorient, St-Nazaire, sont bombardées plusieurs fois la semaine par le R.A.F et, à chaque fois, c'est par dizaines que se comptent les malheureuses et innocentes victimes des banquiers de la cité et des ploutocrates de Berlin.
Oui ! Assez  ! La France aux Français ! A bas la guerre impérialiste !
Sachez que seul un Gouvernement du Peuple, s'appuyant sur l'Union Soviétique, peut mettre fin à cette guerre dans notre pays."

(La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime n° 3 (mai 1941) - Organe des Régions Bretonnes du PCF)
Dans son troisième numéro publié en mai 1941, La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime dénonce encore une fois le Général de Gaulle et son projet de libérer la France par les armes.

L'organe des Régions bretonnes du Parti communiste reproduit en première page l'article de Maurice Thorez et de Jacques Duclos publié dans le numéro spécial de l'Humanité du 18 mars 1841 sous le titre "De 1871 à 1941 - Les capitalistes d'aujourd'hui sont les dignes héritiers des Versaillais". Dans ce texte, les deux dirigeants communistes condamne le mouvement gaulliste en l'accusant d'être "foncièrement réactionnaire et antidémocratique" et de vouloir "priver notre de pays de toute liberté au cas d'une victoire anglaise".

En outre, dans un texte dénonçant en page 2 les crimes de la RAF sous le titre "Les bombardement de Brest, Lorient, St-Nazaire", les communistes bretons condamne le "misérable de Gaulle" en expliquant qu'il veut "faire massacrer les Français pour le compte de la bourgeoisie anglaise."


[Journal]

Extrait n° 1 :

1ER MAI 1941

Tandis que sa Nullité Pétain 1er bafouillait en chevrotant quelques lieux communs sur la "collaboration des masses" à la radio, les ouvriers ont fêté la Journée Internationale du Travail.
Malgré l'interdiction des manifestations et des cortèges, ils ont fait connaître leurs revendications. Leurs inscriptions sur les murs du Havre : "A BAS PETAIN", "VIVE LE 1er MAI ROUGE", "THOREZ AU POUVOIR", "VIVE L'URSS" ont donné bien du mal à la police. En ce jour de solidarité internationale du prolétariat, leurs inscriptions "ROT FRONT" s'adressaient aux ouvriers allemands en uniforme vert-gris.
Leurs affiches faisaient connaître leurs revendications : L'augmentation des salaires etc...
VIVE LE 1er MAI

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Extrait n° 2 :

PRECISIONS ...

La Radio de Vichy affirme que les "communistes gorgés d'or anglais font de la propagande gaulliste".
Tout le monde sait que les communistes qui veulent la liberté et l'indépendance de la France sont les ennemis du général à particule, agent de l'impérialisme britannique, comme ils sont les ennemis des traitres de Vichy, qui sous le nom de "collaboration" voudraient faire de la France une colonie allemande. 
Ni Dominion britannique, Ni Colonie Allemande, LA FRANCE AUX FRANCAIS.
Ni De Gaulle, Ni Pétain, UN GOUVERNEMENT DU PEUPLE.

(L'Humanité édition Havraise du 10 mai 1941)


Pour la formation d'un Front National
de lutte pour l'Indépendance de la France

"Les traîtres à la solde de l'envahisseur parlent de paix, mais leur « PAIX » ne signifie rien d'autre qu'une tentative criminelle de lancer à nouveau notre pays dans la guerre en le maintenant sous la domination des impérialistes allemands.

C'est pourquoi la lutte pour la paix ne peut se séparer de la lutte contre l'oppression nationale, pour l'indépendance de notre pays. Le peuple de France ne veut pas la paix du cimetière et de la prison, la paix de la servitude et de l'oppression, il veut la paix dans la liberté et l'indépendance du pays et le premier objectif que nous devons, nous Français, nous assigner dans cette lutte pour la paix est le suivant :

IL NE FAUT PAS PERMETTRE QUE LE PEUPLE DE FRANCE, LES RESSOURCES DE NOTRE PAYS ET NOTRE TERRITOIRE SOIENT UTILISES DANS LA GUERRE ENTRE L'ALLEMAGNE ET L'ANGLETERRE. [...]

Voilà ce que pensent, ce que désirent des millions de Français, mais ils se demandent si cela peut sortir du domaine des aspirations pour entrer dans celui des réalités.
Oui, cela se peut, mais à deux conditions :

1° IL FAUT L'UNITE DE LA NATION A L'EXCEPTION DES TRAITRES ET DES CAPITULARDS FAISANT LA BESOGNE OU LE JEU DE L'ENVAHISSEUR; IL FAUT CONSTITUER UN LARGE FRONT NATIONAL DE LUTTE POUR L'INDEPENDANCE DE LA FRANCE;

2° CE FRONT NATIONAL DE L'INDEPENDANCE, POUR POUVOIR REMPLIR SA MISSION LIBERATRICE, DOIT ETRE CONSTITUE AVEC, COMME FORCE FONDAMENTALE, LA CLASSE OUVRIERE DE FRANCE, AVEC LE PARTI COMMUNISTE A LA TETE" [...]

Certains Français et certaines Françaises qui souffrent de voir notre pays opprimé par l'envahisseur placent à tort leurs espérances dans le mouvement de Gaulle. A ces compatriotes, nous disons que ce n'est pas derrière un tel mouvement d'inspiration REACTIONNAIRE ET COLONIALISTE, à l'image de l'impérialisme britannique, que peut se réaliser l'unité de la Nation française pour la libération nationale. "

Le 15 mai 1941, dans un pays occupé par les armées hitlériennes depuis près de 11 mois, le Parti communiste publie un tract intitulé "Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France"  dans lequel il appelle les Français à se mobiliser pour maintenir la France hors du conflit qui oppose l'Angleterre démocratique à l'Allemagne nazie :

"IL NE FAUT PAS PERMETTRE QUE LE PEUPLE DE FRANCE, LES RESSOURCES DE NOTRE PAYS ET NOTRE TERRITOIRE SOIENT UTILISES DANS LA GUERRE ENTRE L'ALLEMAGNE ET L'ANGLETERRE".

Cette initiative pacifiste répond à une Directive de l'Internationale communiste du 26 avril 1941.

Pour convaincre les Français d'adhérer au Front National de lutte pour l'indépendance de la Francele Parti communiste affirme que "l'indépendance de la France", c'est-à-dire le maintien du pays "en dehors de la guerre de rapine que se livrent les impérialistes de l'axe et leurs rivaux anglo-saxons", est la condition préalable à la "libération nationale" autrement dit à la fin de l'occupation allemande qui sera la conséquence d'un traité de Paix négocié avec succès par un Gouvernement communiste en raison de la neutralité de la France.

Le Front National de lutte pour l'indépendance de la France changera radicalement de nature après le 22 juin 1941 et l'invasion de l'URSS par les armées allemandes pour devenir un mouvement de Résistance ayant pour objectif la défaite de Hitler.

Dès lors, le Front National de lutte pour l'Indépendance de la France sera présenté par le Parti communiste puis l"historiographie comme un mouvement de Résistance créé le 15 mai 1941 sur la base de citations tronquées du texte original dans lesquelles on n'aura supprimé toute référence à la Paix avec l'Allemagne, à l'impérialisme britannique et à la condamnation du Général de Gaulle.


Que dans tous les foyers Picards, le programme du PARTI COMMUNISTE FRANCAIS pénètre.
Aidez les vaillants diffuseurs de la littérature du Parti communiste.
Lisez et popularisez, le programme du PARTI COMMUNISTE FRANCAIS.
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La Région Picarde du Parti Communiste Français

(Le Travailleur Picard n° 18 publié en juin 1941 - Organe de la Région Picardie du PCF)



Juin 1941



"La France doit rester en dehors de la guerre impérialiste ! Et cela est possible en instaurant un GOUVERNEMENT DU PEUPLE. Un tel Gouvernement fort parce qu'issue du peuple pourrait maintenir la Paix parce qu'il s'appuierait sur la sympathie de tous les peuples et parce qu'il jouirait de l'amitié de la grande Union Soviétique."

(L'Avant-garde n° 50 du 1er juin 1941 - Organe central des Jeunesses communistes)


"Depuis le 8 juin dernier, date de l'entrée des troupes anglaises et des soldats de de Gaulle en Syrie et au Liban, le sang français coule."

(L'Humanité n° 117 du 13 juin 1941 - Organe central du PCF)


"Quel hommage nous rend ainsi le vieux Maréchal traître et profiteur de la défaite, mais ce vieux criminel aux mains rouges de sang n'a pas dit un mot de la Syrie, de cette guerre dans laquelle il fait tuer des enfants de France pour l'Allemagne, de même que de Gaulle et Catroux font tuer d'autres français pour l'Angleterre".

(L'Humanité n° 118 du 20 juin 1941 - Organe central du PCF)
Le 8 juin 1941, l'Angleterre et la France Libre lancent une offensive en Syrie et au Liban qui sont des territoires contrôlés par Vichy.

Dans son numéro du 20 juin 1941, l'Humanité dénonce en manchette la guerre de Syrie en condamnant à la fois le Général de Gaulle et le Maréchal Pétain qui sont accusés de servir respectivement l'impérialisme anglais et l'impérialisme allemand :

"Les traitres de Vichy font tuer des français en Syrie pour l'Allemagne, tandis que de GAULLE et CATROUX en font tuer d'autres pour l'Angleterre !"

Tiré de l'article "Le Parti communiste vit, il lutte, il vaincra", l'extrait cité reprend cette condamnation.

L'Humanité du 20 juin 1941 atteste que le Général de Gaulle est toujours considéré par le Parti communiste comme un ennemi. Le 25 juin 1941, soit 5 jours après la parution de ce numéro, les communistes recevront de Moscou l'ordre de s'allier avec le mouvement gaulliste. Entre ces deux dates : l'invasion de l'URSS par les armées allemandes.


22 juin 1941 : Invasion de l'URSS


[Instructions de l'IC]

"Le moment est venu rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste, dont partisans comprennent que lutte héroïque peuple soviétique contre agression hitlérienne répond intérêts peuple français et que libération France est liée à victoire Union soviétique. Collaboration doit s'établir sur la base suivante. Lutte commune pour libération nationale. Efforts communs contre ennemi commun, le fascisme allemand". (1)

(Télégramme du 25 juin 1941 signé par Maurice Thorez et André Marty (Moscou) (1).
Le 22 juin 1941, l'Allemagne est en mesure d'envahir l'Union soviétique en raison de leur frontière commune issue de leur partage de la Pologne en septembre 1939. Cette attaque marque la fin de l'alliance germano-soviétique dont le fondement était le Pacte de non-agression du 23 août 1939 et le Traité de frontières et d'amitié du 28 septembre 1939.

On fera remarquer que sans cette initiative d'Hitler les communistes auraient été les alliés des nazis jusqu'en 1954 aux termes de l'article 6 du Pacte germano-soviétique :

"Le présent traité est conclu pour une durée de dix ans avec cette stipulation que, si l'un des deux contractants ne le dénonce pas une année avant l'expiration de ce délai, la durée de la validité de ce traité sera considérée comme prolongée automatiquement pour une période de cinq ans."

Pour sa défense l'URSS peut compter sur le soutien de l'Internationale communiste qui mobilise immédiatement ses membres.

La Section Française de l'Internationale Communiste (SFIC) autrement dit le Parti Communiste Français (PCF) reçoit ses Instructions dans un télégramme du 25 juin 1941 co-signé par Maurice Thorez. 

Dans ce télégramme, Moscou recommande aux communistes français de "rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste" pour combattre ensemble un "ennemi commun : le fascisme allemand".

Appelé à lutter contre l'occupant allemand, le Parti communiste ne qualifiera plus la guerre contre l'Allemagne nazie d'impérialiste. Elle sera désormais analysée comme une guerre anti-fasciste. Il abandonnera son projet de former un Gouvernement de Paix. Son programme pacifiste intitulé "Pour le salut du Peuple de France" sera donc caduc et ce grâce à l'action... de Hitler. Enfin,  il ne dénoncera plus les gaullistes comme des traîtres au service de l'impérialisme anglais mais les célébrera comme des frères d'armes dans la lutte contre les nazis.

Le Parti communiste s'engage dans la lutte contre l'occupant allemand dans le but de libérer sa patrie : l'Union soviétique.

Preuve que cet objectif est bien celui des communistes, l'IC précise que "libération France est liée à victoire Union soviétique" autrement dit la libération de la France sera la conséquence de celle de l'Union soviétique. La première est donc subordonnée à la seconde.

Tous ces éléments imposent de faire une claire distinction entre Résistance française et Résistance communiste. La première fondée par le Général de Gaulle en juin 1940 avait pour objectif de libérer le territoire national. La seconde initiée par le PCF en juin 1941 était un soutien à l'effort de guerre soviétique.

La création par le Parti communiste de structures non partisanes ayant pour objectif la libération de la France ne sera qu'une tactique visant à recruter des Français pour combattre les Allemands. L'objectif stratégique sera toujours le même.

Enfin, l'entrée du Parti communiste dans la Résistance marque la fin de sa période pacifiste. Cette période (septembre 1939 - juin 1941) permet d'illustrer sa totale servitude à l'IC et donc aux intérêts de l'URSS.

En effet, il a approuvé le Pacte germano-soviétique à la suite des Instructions de l'IC du 22 août 1939. Il a dénoncé la guerre impérialiste menée contre l'Allemagne nazie après avoir reçues celles du 9 septembre 1939. Enfin, c''est sur les ordres de Moscou du 25 juin 1941 qu'il s'engage dans la lutte contre l'occupant allemand.

(1) B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, pp. 441-442.



LA BATAILLE DES V. 
Les allemands volent tout; ils ont même voulu voler le V. mais si notre V signifie VICTOIRE, le leur signifie VERBRECHER (criminel) qualificatif qui s'applique bien à Hitler. Afin de différencier nos V des leurs, dessinons-les ainsi :
 
ainsi s'affirme l'union des gaullistes, des communistes et de tous les patriotes dans le Front National de l'Indépendance de la France.

(L'Humanité n° 122 du 29 juillet 1941 - Organe central du PCF)
Pacifistes, les communistes se sont appropriés le principe pétainiste de la collaboration en plaidant pour la "collaboration vraie". Résistants, ils s'approprient le V gaulliste - signe de la Victoire - en y associant la faucille et le marteau.

Pacifistes, les communistes ont lancé un Appel pour la Formation d'un Front National de lutte pour l'indépendance de la France dans lequel la France Libre du Général de Gaulle était dénoncée comme un mouvement "REACTIONNAIRE ET COLONIALISTE". Résistants, ils célèbrent le Front National de l'indépendance de la France comme le symbole de "l'union des gaullistes, des communistes et de tous les patriotes".

Pacifistes, les communistes ont qualifié de Gaulle, Churchill et Attlee "d'ennemis du peuple". Résistants, ils qualifient Hitler de... "criminel".

2 commentaires:

  1. Les communistes furent les premiers à prendre les armes et c’est le Colonel Fabien qui tira sur l’officier allemand le 21 août 1941 et qui donna le signal de la lutte armée générale. Mais l’objet de cet article concerne la période qui se déroula de l’été 1940 à l’été 1941.
    https://progreshumain.wordpress.com/2013/06/22/la-resistance-communiste-avant-juin-1941/

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