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Appel "Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France" du 15 mai 1941

Le 15 mai 1941, dans une France occupée par les armées allemandes depuis près de 11 mois, "Le Parti Communiste Français s'adresse à tous ceux qui pensent français et veulent agir en Français" dans un appel intitulé "Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France" (Doc 1).

Dans ce tract, s'opposant aux pétainistes et aux gaullistes qui menacent l'indépendance de la France en servant l'impérialisme allemand pour les premiers et l'impérialisme anglais pour les seconds, le Parti communiste appelle les Français à se mobiliser pour maintenir la France hors du conflit qui oppose l'Angleterre à l'Allemagne nazie :

"IL NE FAUT PAS PERMETTRE QUE LE PEUPLE DE FRANCE, LES RESSOURCES DE NOTRE PAYS ET NOTRE TERRITOIRE SOIENT UTILISES DANS LA GUERRE ENTRE L'ALLEMAGNE ET L'ANGLETERRE. [...]
IL FAUT CONSTITUER UN LARGE FRONT NATIONAL DE LUTTE POUR L'INDEPENDANCE DE LA FRANCE. "

Initiative pacifiste, l'appel du 15 mai 1941 répond à des Instructions de l'IC contenues dans un télégramme du 26 avril 1941 portant les signatures de Georges Dimitrov, secrétaire général de l'IC, Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, et André Marty, membre du Bureau politique du PCF et secrétaire de l'IC. (Partie I, II et III)

Dans son appel, pour convaincre les Français d'adhérer au Front National de lutte pour l'indépendance de la France le Parti communiste affirme que "l'indépendance de la France", c'est-à-dire le maintien du pays "en dehors de la guerre de rapine que se livrent les impérialistes de l'axe et leurs rivaux anglo-saxons", est la condition préalable à la "libération nationale" autrement dit à la fin de l'occupation allemande qui sera la conséquence d'un traité de Paix négocié avec succès par un Gouvernement communiste en raison de la neutralité de la France. (Partie IV et V)

Le Front National de lutte pour l'indépendance de la France changera radicalement de nature après le 22 juin 1941 et l'invasion de l'URSS par les armées allemandes pour devenir un mouvement de Résistance ayant pour objectif la défaite de Hitler. (Partie VI, VII et VIII)

Dès lors, il sera présenté par le Parti communiste puis l'historiographie officielle comme un mouvement de Résistance créé le 15 mai 1941 sur la base de citations tronquées du texte original dans lesquelles on n'aura supprimé toute référence à la Paix avec l'Allemagne, à l'impérialisme britannique et à la condamnation du Général de Gaulle. (Partie IX)


Internationale Communiste (Partie I)

Pendant la Seconde guerre mondiale, le Parti Communiste Français a connu deux changements majeurs dans sa ligne politique du fait de sa totale fidélité (ou soumission) à l'Internationale Communiste laquelle était un instrument de la politique étrangère de l'URSS.

Le premier changement a été consécutif aux Instructions de l'IC du 9 septembre 1939 demandant au PCF de renoncer à sa ligne favorable à la défense nationale pour s'engager dans la lutte contre la guerre impérialiste et sa cause le capitalisme.

Cette ligne pacifiste n'a pas survécu à l'invasion de l'URSS par les armées allemandes le 22 juin 1941 et à la Directive de l'IC du 25 juin 1941 appelant les communistes français à combattre les Allemands.

Centré sur la création d'un "front national de lutte pour l'indépendance" de la France, la Directive de l'IC du 26 avril 1941 appartient à la deuxième de ces trois périodes.

C'est la période au cours de laquelle les communistes français se définissaient avec fierté comme... des "défenseurs de la Paix".


Directive de l'IC du 26 avril 1941 (Partie II)

Le 26 avril 1941, l'Internationale communiste transmet des instructions à Jacques Duclos, secrétaire du PCF qui assume la direction du Parti communiste clandestin, par l'intermédiaire de son antenne installée à Bruxelles qui est dirigée par Eugen Fried et dont la mission est de contrôler les partis communistes d'Europe occidentale.

Ces instructions sont contenues dans un télégramme signé par Georges Dimitrov, secrétaire général de l'IC, Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, et André Marty, membre du Bureau politique du PCF et secrétaire de l'IC. La signature commune de ces trois dirigeants communistes souligne l'importance de ce télégramme.

Une précision : André Marty a rejoint Moscou en août 1939 avant le début du conflit. Quant à Maurice Thorez, il s'est réfugié dans la capitale russe après sa désertion en octobre 1939 et un séjour de quelques semaines en Belgique.

Le télégramme du 26 avril 1941 prescrit au Parti communiste de créer un "front national de lutte pour l'indépendance" de la France.

Pour justifier cette recommandation, l'IC affirme que l'indépendance de la France autrement dit sa neutralité dans le conflit anglo-allemand est la condition préalable à la Paix avec l'Allemagne :

"La tâche essentielle actuelle est la lutte pour la libération nationale. La lutte pour la paix est subordonnée à la lutte pour l'indépendance nationale. Une paix sans libération nationale signifie l'asservissement du peuple de France. Au moment actuel cette lutte doit viser surtout ne pas permettre que le peuple, le territoire et les ressources de la France soient utilisées dans la guerre entre l'Allemagne et l'Angleterre". (1)

Dans ce texte, l'IC rappelle aux communistes français que leur principal objectif est "la libération nationale" autrement dit la fin de l'occupation allemande. Autre rappel : cet objectif ne sera pas atteint par la lutte armée mais par "la lutte pour la paix" autrement dit la signature d'un traité de Paix négocié par un Gouvernement communiste.

Ces premiers éléments permettent déjà de prouver que le télégramme du 26 avril 1941 ne marque aucune rupture avec la ligne pacifiste fixée par l'IC dans son télégramme du 9 septembre 1939. Ce télégramme est donc un parfait démenti aux historiens qui date du printemps 1941 (ou d'une date antérieure) l'entrée du PCF dans la Résistance.

La Paix étant aussi un objectif de Vichy, l'IC souligne la différence entre le projet pacifiste des communistes et celui du Maréchal Pétain en indiquant que la paix pétainiste ne mettra fin ni à la domination allemande ni à la présence des Allemands et qu'elle n'est donc qu'un acte de soumission à l'impérialisme allemand : "Une paix sans libération nationale signifie l'asservissement du peuple de France".

Point central de cette Directive du 26 avril 1941, le Komintern affirme que "la lutte pour la paix est subordonnée à la lutte pour l'indépendance nationale" autrement dit un Gouvernement communiste ne pourra engager des négociations de Paix qu'à la condition que la France ne soit pas partie prenante dans le conflit anglo-allemand.

A court terme, l'objectif fixé par Moscou est donc la lutte pour l'indépendance nationale qui est définie en ces termes : "ne pas permettre que le peuple, le territoire et les ressources de la France soient utilisées dans la guerre entre l'Allemagne et l'Angleterre".

Dans la suite du télégramme, il est affirmé que cet objectif sera atteint "en créant un front national de lutte pour l'indépendance". (2)

L'IC précise la composition de ce rassemblement en indiquant que "la force fondamentale de ce front national doit être classe ouvrière avec parti communiste à la tête." (3)

Elle ajoute que ce rassemblement doit incarner "l'unité nationale" à l'exclusion de "tous traîtres et capitulards" c'est-à-dire les pétainistes qui servent l'impérialisme allemand. (4)

Quant aux gaullistes qui servent l'impérialisme anglais, l'IC indique que le parti "ne prend pas position hostile envers partisans du mouvement de Gaulle tout en critiquant avec mesure ses positions réactionnaires et colonialistes." (5)

Il y a donc une distinction entre les "partisans" du Général de Gaulle et le "mouvement de Gaulle" lui-même :
- pas d'hostilité envers ces partisans qui pourront intégrer le Front national de lutte pour l'indépendance de la France à la condition toutefois d'adhérer au projet pacifiste des communistes,
- par contre, la propagande communiste devra dénoncer la France Libre du Général de Gaulle comme un mouvement qui défend des "positions réactionnaires et colonialistes" !!!

Le Front National de lutte pour l'indépendance n'est conçu que dans la perspective d'un Gouvernement de Paix communiste : le succès du premier permettant la réussite du second.

C'est pour cette raison que l'IC associe à la création du Front national la constitution d'un Gouvernement du Peuple :

"En même temps expliquer continuellement aux masse que succès lutte pour libération nationale exige [de] former [un] gouvernement populaire qui, avec main de fer et s'appuyant sur le peuple, épure la France de tous les éléments capitulards et crée conditions nécessaires pour ce succès. Réduire revendications immédiates de la plate-forme aux points principaux suivants :
pain (toutes les ressources au service du peuple, ravitaillement contrôlé par comités populaires, logement des sans-abris, etc.); travail (revendications ouvrières et paysannes); suppression ligne démarcation; retour des prisonniers; suppression indemnité de guerre; les frais de la guerre sur le dos des riches et des profiteurs; libertés démocratiques (municipalités, syndicats, etc.)". (6)

Les revendications mentionnées dans ce texte s'inspirent du programme de gouvernement que le PCF a publié en février 1941 sous le titre "Pour le salut du peuple de France" et dans lequel il plaidait en politique étrangère pour la Paix avec l'Allemagne nazie (libération nationale) et en politique intérieure pour la Révolution socialiste (libération sociale).

En effet, la "suppression ligne démarcation", le "retour des prisonniers" et la "suppression indemnité de guerre" entrent dans le cadre du traité de Paix qu'un Gouvernement communiste négociera avec Hitler. Les autres mesures renvoient à l'organisation socialiste de la France communiste.

Dernier élément, les historiens communistes soutiennent que le télégramme de l'IC du 26 avril 1941 appelait les communistes à combattre les Allemands avec comme preuves la phrase suivante : "La tâche essentielle actuelle est la lutte pour la libération nationale" et l'affirmation que la libération nationale était synonyme de lutte armée.

(1) - (6) B. Baleiner, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, pp. 402-404.


Moscou, Paris, Berlin,
télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941 (Partie III)

Publié en 2003 par B. Bayerlein, M. Narinski, B. Studer et S. Wolikow sous la direction de D. Peschanski, le livre Moscou, Paris, Berlin, télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941 suit l'action de l'Internationale communiste au travers des télégrammes échangés au cours de cette période avec les Partis communistes d'Europe occidentale.

La quatrième de couverture apporte les éléments suivants sur les auteurs :

"BERNHARD BAYERLEIN est docteur en histoire, chargé de cours à l'université de Mannheim (Allemagne); MIKHAIL NARINSKI, professeur d'histoire contemporaine à l'institut politique des relations internationales de Moscou; BRIGITTE STUDER, professeur d'histoire à l'université de Berne (Suisse); SERGE WOLIKOW, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Bourgogne. Tous figurent parmi les meilleurs spécialistes de l'Internationale communiste."

Reproduit aux pages 402, 403 et 404, le télégramme de l'IC du 26 avril 1941 adressé à Fried sous les signatures de Dimitrov, Thorez et Marty est précédé d'un court texte de présentation dans lequel on peut notamment lire :

"La signature commune de Dimitrov, Thorez et Marty souligne l'importance de ce télégramme pour qui veut suivre les méandres de la stratégie du Komintern. Les trois leaders en appellent en effet à un « front national de lutte pour la libération nationale ». La sentence est sans ambiguïté : « La tâche essentielle est la lutte pour la libération nationale ». En outre, non seulement le temps n'est plus à la critique de de Gaulle, mais, pour la première fois, on en appelle à l'union non plus seulement entre militants, mais aussi entre organisations. Duclos mettra rapidement en œuvre la nouvelle ligne : le 27 mai 1941, le PCF appellera à la création d'un Front national de l'indépendance de la France."

Suivant ce texte, dans son télégramme du 26 avril 1941, l'IC initie une nouvelle ligne en appelant les communistes français non seulement à combattre les Allemands mais aussi à s'allier à la Résistance gaulliste !!!

Sur le premier point, on fera remarquer que le texte invente un "front national de lutte pour la libération nationale" et associe la libération nationale à la lutte armée. Rappelons que le télégramme porte sur la création d'un "front national de lutte pour l'indépendance" et que la libération nationale renvoie à la signature d'un traité de paix négocié par un Gouvernement communiste ("la lutte pour la paix").

Sur le second point, la pensée magique atteint des sommets. En effet le texte parle d'union avec le Général de Gaulle alors que le télégramme condamne le mouvement gaulliste en l'accusant de défendre des "positions réactionnaires et colonialistes".

Au vu de ces éléments on jugera de la qualité de cet ouvrage... de référence.


Appel du 15 mai 1941 (Partie IV)

En mai 1941, onzième mois de l'occupation de la France par les armées hitlériennes, le Parti communiste lance un appel "Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France".

Placé sous ce surtitre, le titre principal du texte indique : "Le Parti Communiste Français s'adresse à tous ceux qui pensent français et veulent agir en Français".

Les traîtres qui ne pensent pas français et ne veulent pas agir en Français sont les partisans du Maréchal Pétain et ceux du Général de Gaulle. Les premiers sont accusés de servir l'impérialisme allemand. Quant aux gaullistes ils sont dénoncés comme des agents de l'impérialisme anglais. Rappelons que le Parti communiste qui se présente comme "le seul Parti français" est structurellement soumis à l'Internationale communiste laquelle est totalement contrôlée par l'URSS et Staline.

Tract le plus important diffusé au printemps 1941, cet appel sera intégralement publié dans les Cahiers du bolchévisme des 2e et 3e trimestres 1941 avec une différence notoire : l'ajout d'une date, le "15 mai 1941", à la fin du texte.

On pourra illustrer l'importance de ce texte en citant les manchettes de l'Humanité clandestine de mai et juin 1941 :
 
- l'Humanité n° spécial du 25 mai 1941 : "A bas la Guerre impérialiste ! Vive le front national de lutte pour l'indépendance de la France !".
- l'Humanité n° 114 du 26 mai 1941 : "Le Parti Communiste appelle tous les français, en dehors des capitulards et des traîtres, à s'unir en un front national de lutte pour l'indépendance de la France".
- l'Humanité n° 115 du 30 mai 1941 : "Contre l'oppression nationale pesant sur notre pays, les Français doivent former le front national de lutte pour l'indépendance du pays". 
- l'Humanité n° 116 du 9 juin 1941 : "Formons le front national du pays !". 
- l'Humanité n° 117 du 13 juin 1941 : "Vive le front national de l'indépendance du pays !". 

Dans ce dernier numéro, on peut aussi lire la recommandation suivante :

« Travailleurs, travailleuses, qui lisez notre Humanité clandestine, diffusez le tract : 
"POUR LA FORMATION D'UN FRONT NATIONAL DE L'INDEPENDANCE DE LA FRANCE. LE PARTI COMMUNISTE S'ADRESSE A TOUS CEUX QUI PENSENT FRANCAIS ET VEULENT AGIR EN FRANCAIS" 
Faites circuler ce document capital et vous aiderez dans sa lutte libératrice le Parti de THOREZ, de DUCLOS, de MARTY, de CACHIN, de FRACHON, le parti de la lutte contre l'oppression nationale. »

L'appel du 15 mai 1941 est une initiative du PCF qui fait suite aux Instructions de l'IC du 26 avril 1941 auxquelles Jacques Duclos a d'ailleurs répondu dans un message adressé à Eugen Fried qui l'a ensuite transmis à Moscou dans un télégramme du 14 mai 1941 :

"Voici message Yves [Jacques Duclos] : Reçue (sic) communication concernant front national de lutte pour libération nationale. Etudierons action concrète à développer pour créer condition de ce rassemblement." (1)

Cet appel reprend l'ensemble des éléments mentionnés dans le télégramme du 26 avril 1941. A ces éléments vient s'ajouter une longue introduction dénonçant la rencontre du 11 mai 1941 entre le Chancelier Hitler et l'amiral Darlan au cours de laquelle a été évoquée la collaboration militaire de Vichy et ses contreparties. Jacques Duclos justifie ce choix dans son message transmis à l'IC par Eugen Fried :

"Préparons déclaration publique Parti sur questions indiquées et possible que puissions prendre comme point de départ jours prochains nouvelles concessions faites par Vichy contre prétendus avantages accordés par envahisseur". (2)

(1) B. Baleiner, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, p. 411 (Télégramme du 14 mai 1941).
(2) Ibid. p. 412 (Télégramme du 14 mai 1941).


Plaidoyer pour la neutralité de la France
et la paix avec l'Allemagne (Partie V)

Tract le plus important diffusé au printemps 1941, l'appel "Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France" expose les motifs justifiant la création de ce Front National, défend la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste et enfin condamne le Général de Gaulle ainsi que l'Angleterre.

Par son contenu, cet appel est une parfaite illustration de la ligne pacifiste, anglophobe et antigaulliste du Parti communiste,

1) Création du Front national de lutte pour l'indépendance de la France.

On citera un extrait de l'appel du 15 mai 1941 dans lequel le Parti communiste justifie la création du Front national de lutte pour l'indépendance de la France :

"Depuis un an notre pays est occupé, humilié, pillé soumis à une dictature et LA POPULATION FRANCAISE QUI ETOUFFE SOUS LE POIDS DE L'OPPRESSION NATIONALE ASPIRE A SA LIBERATION. [...]

Victime, aujourd'hui, d'une odieuse oppression nationale, le peuple de France ne prononcera pas des paroles de haine à l'égard de la Nation allemande qu'il ne confond pas avec ses maîtres du moment. [...]

Mais l'envahisseur ne se contente pas de tout cela. Il veut entraîner la France dans sa guerre; il veut se servir de la marine de guerre française, des ports français, des colonies françaises ce qui attirerait sur nos cités la rage des bombardements anglais, qui déjà, ravagent les côtes de l'Atlantique et de la Manche parce qu'elles sont utilisées pour la guerre.
Les traîtres à la solde de l'envahisseur parlent de paix, mais leur « PAIX » ne signifie rien d'autre qu'une tentative criminelle de lancer à nouveau notre pays dans la guerre en le maintenant sous la domination des impérialistes allemands.
C'est pourquoi la lutte pour la paix ne peut se séparer de la lutte contre l'oppression nationale, pour l'indépendance de notre pays. Le peuple de France ne veut pas la paix du cimetière et de la prison, la paix de la servitude et de l'oppression, il veut la paix dans la liberté et l'indépendance du pays et le premier objectif que nous devons, nous Français, nous assigner dans cette lutte pour la Paix est le suivant :
IL NE FAUT PAS PERMETTRE QUE LE PEUPLE DE FRANCE, LES RESSOURCES DE NOTRE PAYS ET NOTRE TERRITOIRE SOIENT UTILISES DANS LA GUERRE ENTRE L'ALLEMAGNE ET L'ANGLETERRE.
Non, il ne faut pas que nos ouvriers et nos usines soient utilisées pour la guerre, alors que nos populations manquent de tout.
Non, il ne faut pas que nos matières premières, nos ressources alimentaires et autres soient utilisées pour la guerre, par nos oppresseurs impérialistes. 
Non, il ne faut pas que notre territoire serve de champ de bataille aux impérialistes dont la cause et les intérêts ne sont pas et ne peuvent être ceux du peuple français.
Voilà ce que pensent, ce que désirent des millions de Français, mais ils se demandent si cela peut sortir du domaine des aspirations pour entrer dans celui des réalités.
Oui, cela se peut, mais à deux conditions :
1° IL FAUT L'UNITE DE LA NATION A L'EXCEPTION DES TRAITRES ET DES CAPITULARDS FAISANT LA BESOGNE OU LE JEU DE L'ENVAHISSEUR; IL FAUT CONSTITUER UN LARGE FRONT NATIONAL DE LUTTE POUR L'INDEPENDANCE DE LA FRANCE;
2° CE FRONT NATIONAL DE L'INDEPENDANCE, POUR POUVOIR REMPLIR SA MISSION LIBERATRICE, DOIT ETRE CONSTITUE AVEC, COMME FORCE FONDAMENTALE, LA CLASSE OUVRIERE DE FRANCE, AVEC LE PARTI COMMUNISTE A LA TETE. [...]

L'INDEPENDANCE ET LA PAIX, voilà ce que voulait hier et ce que veut aujourd'hui, POUR LA FRANCE, le Parti Communiste Français. Et maintenant que notre pays se trouve placé devant le double danger DE DEVENIR UNE SORTE DE COLONIE NAZIE ET D’ÊTRE ENTRAINE A NOUVEAU  DANS LA GUERRE IMPÉRIALISTE, les communistes, les plus courageux et les meilleurs fils de France, qui, par dizaines de milliers, ont payé de leur liberté leur défense des intérêts supérieurs de ma Nation, APPELLENT TOUS LES FRANCAIS DE BONNE VOLONTE A L'UNION, A LA LUTTE COMMUNE.  [...]

C'est dans la masses du peuple que réside les forces de libération nationale du pays et plus le FRONT NATIONAL DE LUTTE POUR L'INDEPENDANCE DE LA FRANCE sera vaste, puissant, plus il soulèvera de sympathies agissantes parmi les peuples de tous les pays, Y COMPRIS DANS LES RANGS DU PEUPLE ALLEMAND."

Dans ce texte, le Parti communiste dénonce avec virulence l'occupation allemande ainsi que le risque d'un engagement militaire de la France au profit de l'Allemagne.

Face à ce "double danger DE DEVENIR UNE SORTE DE COLONIE NAZIE ET D’ÊTRE ENTRAINE A NOUVEAU DANS LA GUERRE IMPÉRIALISTE", la "lutte pour la paix", explique-t-il, doit se placer sur deux plans distincts. Tout d'abord il faut engager une lutte "pour l'indépendance nationale" autrement dit pour le maintien de la France "en dehors de la guerre de rapine que se livrent les impérialistes de l'axe et leurs rivaux anglo-saxons". La neutralité de la France dans le conflit anglo-allemand permettra ensuite d'engager une lutte "contre l'oppression nationale" autrement dit de mettre fin à l'occupation allemande en soutenant la constitution d'un Gouvernement communiste qui négociera avec succès un traité de Paix avec l'Allemagne.

Le Parti communiste définit donc clairement ses deux objectifs - "L'INDEPENDANCE ET LA PAIX" - en soulignant que l'indépendance nationale est la condition préalable à la libération nationale.

C'est pour cette raison qu'il considère comme une priorité de créer un Front national de lutte pour l'indépendance de la France auquel il attribue un objectif précis et conforme à ses analyses :

"IL NE FAUT PAS PERMETTRE QUE LE PEUPLE DE FRANCE, LES RESSOURCES DE NOTRE PAYS ET NOTRE TERRITOIRE SOIENT UTILISES DANS LA GUERRE ENTRE L'ALLEMAGNE ET L'ANGLETERRE".

Ce rassemblement présente deux caractéristiques majeures : 1) il est ouvert à tous les Français à l'exception des pétainistes qui servent l'impérialisme allemand, 2) il est placé sous le contrôle du Parti communiste.

Autre élément intéressant de ce texte, le Parti communiste souligne la différence entre son projet pacifiste ("la paix dans la liberté et l'indépendance du pays") et celui du Maréchal Pétain ("la paix de la servitude et de l'oppression").

Marqué par la soumission à l'impérialisme allemand, le projet pétainiste signifie le retour de la France dans la guerre ("servitude") et la pérennité de l'occupation allemande ("oppression"). A l'inverse le projet communiste permettra non seulement de maintenir la France à l'écart du conflit anglo-allemand ("indépendance") mais aussi de mettre fin à l'occupation allemande ("liberté").

Enfin, dans la perspective de négociations de Paix, le Parti communiste affirme que la mobilisation des Français dans le Front national de lutte pour l'indépendance de la France soulèvera des "sympathies agissantes" dans le peuple allemand. En d'autres termes la volonté de Paix des Allemands sera déterminée par celle des Français.

Pour les mêmes raisons, il déclare aussi qu'il ne "ne prononcera pas des paroles de haine à l'égard de la Nation allemande".

Ces affirmations illustrent un des éléments fondamentaux du projet communiste : la fraternité franco-allemande.

Pour montrer la réalité de ce thème, son importance et sa récurrence dans la propagande communiste; on rappellera trois faits antérieurs au mois de mai 1941.

1) A l'été 1940, plusieurs numéros de l'Humanité ont appelé les Français à fraterniser avec les soldats allemands en expliquant que ces derniers n'étaient pas des envahisseurs mais des prolétaires avec lesquels il fallait s'unir pour combattre l'ennemi commun : le capitalisme. Autre argument délirant pour justifier ces appels à la fraternisation : les Allemands étaient comme les communistes des victimes de l'impérialisme français (Traité de Versailles, occupation de la Rhur).

Un exemple, un article titré "Travailleurs français et soldat allemands" publié dans l'Humanité n° 59 du 4 juillet 1940 :

"Il est particulièrement réconfortant, en ces temps de malheurs, de voir de nombreux travailleurs parisiens s'entretenir amicalement avec des soldats allemands, soit sur la rue, soit au bistrot du coin.
Bravo, camarade, continuez, même si cela ne plait pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants.
La fraternité des peuples ne sera pas toujours une espérance, elle deviendra une réalité vivante."

2) En février 1941, le Parti communiste a publié un programme de gouvernement dans lequel il plaidait en faveur de la fraternité franco-allemande pour garantir la pérennité de la Paix entre la France et l'Allemagne :

"Etablissement de rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand en rappelant l'action menée par les communistes et par le peuple français contre le traité de Versailles, contre l'occupation du bassin de la Rhur, contre l'oppression d'un peuple contre un autre peuple."

3) Bulletin de la direction centrale destiné à tous les membres du Parti, La Vie du Parti n° 2 du 1er trimestre 1941 diffusé au mois de mars soutenait que les soldats allemands seraient solidaires des communistes parce que ces derniers avaient combattu l'impérialisme français :

"A l'appel du Parti Communiste Français, les soldats français fraternisèrent dans la Rhur avec les travailleurs allemands. C'est avec fierté que nous pouvons, nous communistes, évoquer ces pages glorieuses de notre lutte contre l'impérialisme. Nombreux sont les soldats allemands qui n'ont pas oublié cette belle attitude des communistes français, pas plus qu'il n'ont oublié la politique haineuse des Laval, des Flandin, des Pétain, des Weygand qui tous, avec Poincaré, voulaient asservir le peuple allemand."

La célébration de la fraternité franco-allemande prendra fin... le 22 juin 1941 avec l'invasion de l'URSS par les armées allemandes. Un exemple du nouveau sentiment des communistes, l'Humanité du 24 août 1944 : "Pour en finir avec l'envahisseur exécré : A chaque Parisien son Boche !"

2) Gouvernement de Paix communiste.

Pour mettre fin à l'occupation allemande - le second volet de la lutte pour la paix - le Parti communiste plaide pour la constitution d'un Gouvernement du Peuple qui négociera un traité de Paix avec l'Allemagne :

"Indiscutablement, la lutte pour la libération nationale de la France exige afin d'être menée à bien, la formation d'un GOUVERNEMENT DU PEUPLE qui, avec une main de fer et s'appuyant sur les masses populaires serait capable d'épurer la France de tous les éléments traîtres et capitulards en même temps qu'il serait capable de créer les conditions indispensables au relèvement de la France dans la liberté et l'indépendance.
L'intérêt supérieur de la France exige la formation d'un tel GOUVERNEMENT POPULAIRE qui serait vraiment l'expression de la Nation unie dans une même volonté de libération contre l'envahisseur et contre les traîtres qui sont à son service. [...]

Dans son programme qu'il a publié clandestinement sous le titre « POUR LE SALUT DU PEUPLE DE FRANCE », le Parti Communiste en préconisant la formation d'un « GOUVERNEMENT DU PEUPLE EXPRESSION DE LA VOLONTE NATIONALE » indique parmi les buts de la politique extérieure à atteindre : « LA LIBERATION DU TERRITOIRE NATIONAL ET DES PRISONNIERS DE GUERRE. » « LA CONCLUSION D'UN PACTE D'AMITIE ET D'UN TRAITE COMMERCIAL AVEC L'URSS. » « LA POURSUITE RESOLUE D'UNE POLITIQUE DE PAIX DESTINEE A TENIR LA FRANCE HORS DU CONFLIT. »"

Le texte fait référence au programme de gouvernement de février 1941 intitulé "Pour le salut du Peuple de France" dans lequel le Parti communiste définit ainsi ses objectifs en politique extérieure :

"1° Libération du territoire national et des prisonniers de guerre. Pour mener cette tâche à bien, le Gouvernement du Peuple mettrait tout en œuvre pour établir des relations PACIFIQUES avec tous les peuples; il s'appuierait sur la puissance que lui conféreraient LA CONFIANCE DU PEUPLE FRANCAIS, LA SYMPATHIE DES AUTRES PEUPLES ET L'AMITIE DE L'UNION SOVIETIQUE.
2° Etablissement de rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand en rappelant l'action menée par les communistes et par le peuple français contre le traité de Versailles, contre l'occupation du bassin de la Rhur, contre l'oppression d'un peuple contre un autre peuple.
3° Conclusion d'un pacte d'amitié et d'un traité commercial avec l'URSS et poursuite résolue d'une politique de paix destinée à tenir la France en dehors du conflit impérialiste."

Dans ce programme, le Parti communiste plaide pour l'établissement de "relations PACIFIQUES" entre la France et l'Allemagne ainsi que l'instauration de "rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand"

Pour les communistes la libération nationale sera donc la conséquence d'un traité de Paix franco-allemand et non le résultat d'une lutte armée.

3) Condamnation de l'Angleterre et du Général de Gaulle

A ceux qui pensent que la libération de la France ne peut être que la conséquence de la défaite militaire de l'Allemagne nazie, le Parti communiste répond :

"Certains Français et certaines Françaises qui souffrent de voir notre pays opprimé par l'envahisseur placent à tort leurs espérances dans le mouvement de Gaulle. A ces compatriotes, nous disons que ce n'est pas derrière un tel mouvement d'inspiration REACTIONNAIRE ET COLONIALISTE, à l'image de l'impérialisme britannique, que peut se réaliser l'unité de la Nation française pour la libération nationale".
 
Conformément aux instructions de l'IC, le Parti communiste accuse le Général de Gaulle d'être à la tête d'un mouvement "REACTIONNAIRE ET COLONIALISTE" !!!

La même accusation vise la Grande-Bretagne. Seul pays en guerre contre Hitler, cette dernière est aussi dénoncée comme une puissance impérialiste. 


Invasion de l'URSS (Partie VI)

Le 22 juin 1941, l'Allemagne est en mesure d'envahir l'Union soviétique en raison de leur frontière commune issue de leur partage de la Pologne en septembre 1939. Cette attaque marque la fin de l'alliance germano-soviétique dont le fondement était le Pacte de non-agression du 23 août 1939 et le Traité de frontières et d'amitié du 28 septembre 1939.

On fera remarquer que sans cette initiative d'Hitler les communistes auraient été les alliés des nazis jusqu'en 1954 aux termes de l'article 6 du Pacte germano-soviétique :

"Le présent traité est conclu pour une durée de dix ans avec cette stipulation que, si l'un des deux contractants ne le dénonce pas une année avant l'expiration de ce délai, la durée de la validité de ce traité sera considérée comme prolongée automatiquement pour une période de cinq ans."

Pour sa défense l'URSS peut compter sur le soutien de l'Internationale communiste qui mobilise immédiatement ses membres.

La Section Française de l'Internationale Communiste (SFIC) autrement dit le Parti Communiste Français (PCF) reçoit ses Instructions dans un télégramme du 25 juin 1941 portant les signatures de Dimitrov et de Thorez :

"Le moment est venu rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste, dont partisans comprennent que lutte héroïque peuple soviétique contre agression hitlérienne répond intérêts peuple français et que libération France est liée à victoire Union soviétique. Collaboration doit s'établir sur la base suivante. Lutte commune pour libération nationale. Efforts communs contre ennemi commun, le fascisme allemand". (1)

Dans ce télégramme, Moscou recommande aux communistes français de "rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste" pour combattre ensemble un "ennemi commun : le fascisme allemand".

C'est sur la base de ces instructions que le Parti communiste s'engagera dans la lutte contre l'occupant allemand.

Cet engagement marquera un changement radical de sa ligne politique. On pourra illustrer ce fait en soulignant trois points fondamentaux. Tout d'abord, pour justifier son combat contre les Allemands, le Parti communiste définira la guerre contre l"Allemagne nazie comme une guerre antifasciste. Dans la période précédente son opposition à la guerre était fondée sur la dénonciation de son caractère impérialiste. Ensuite, il abandonnera son programme de gouvernement de février 1941 intitulé "Pour le salut du Peuple de France" dans lequel il plaidait pour la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste. Enfin, il n'accusera plus le Général de Gaulle d'être un traître au service de l'impérialisme anglais. Il le célébrera comme un patriote qui se bat pour libérer son pays de la barbarie nazie avec le soutien de l'héroïque Angleterre.

Les communistes se battront contre les Allemands dans le but de libérer leur patrie : l'Union soviétique.

Preuve que cet objectif sera bien celui des communistes, l'IC précise dans son télégramme que "libération France est liée à victoire Union soviétique" autrement dit la libération de la France sera la conséquence de celle de l'Union soviétique. La première sera donc subordonnée à la seconde.

Tous ces éléments imposent de faire une claire distinction entre Résistance française et Résistance communiste. La première fondée par le Général de Gaulle en juin 1940 a pour objectif de libérer le territoire national. La seconde initiée par le PCF en juin 1941 est un soutien à l'effort de guerre soviétique.

La création par les communistes de structures non partisanes ayant pour objectif la libération de la France ne sera qu'une tactique visant à recruter des Français pour combattre les Allemands. L'objectif stratégique sera toujours le même.

(1) B. Baleiner, M. Narinski, B. Studer, S. Wolikow, Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003, p. 441-442 (Télégramme du 25 juin 1941).


Résistance communiste (Partie VII)

Créé en mai 1941, le Front National de lutte pour l'indépendance de la France changera radicalement de nature après le 22 juin 1941 et l'invasion de l'URSS par les armées allemandes pour devenir un mouvement de Résistance ayant pour objectif la défaite de Hitler.

Pour le Parti communiste la libération nationale sera désormais le résultat d'une lutte armée. Il ne fera donc plus référence à la Paix avec l'Allemagne. Quant à l'indépendance nationale, elle sera invoquée pour justifier l'opposition des communistes à toute contribution française à l'effort de guerre allemand. Le soutien à l'Angleterre ne sera donc plus condamné.

Deux textes publiés dans les Cahiers du bolchévisme des 2e et 3e trimestres 1941 attestent de ce changement radical :

1) un appel du 1er juillet 1941 signé par le "Le Parti Communiste Français (SFIC)" sous le titre "Français ! Françaises ! Vous devez savoir que Hitler veut asservir tous les peuples".

D'abord diffusé dans un numéro spécial de l'Humanité, cet appel est le premier texte dans lequel le Parti communiste s'attaque directement à Hitler.

Ce texte de juillet 1941 met donc fin à la période de silence qu'observait le Parti communiste à l'égard du dictateur nazi depuis septembre 1939.

Signalons la diffusion à la même période du tract "Qui est Hitler ?", véritable réquisitoire contre l'ancien allié de Staline, signé "Le Parti Communiste Français (SFIC)".

2) un appel du Comité d'organisation du Front national de lutte pour l'indépendance de la France (en réalité le PCF) de juillet 1941 intitulé "Le Front National de lutte pour l'indépendance de la France est constitué".

Ce texte a été diffusé dans un tract qui présente la particularité de reproduire sur la partie supérieure... un liséré tricolore. Il existe deux versions de ce tract : texte sur une page ou texte sur deux pages.

On apportera la précision suivante sur les Cahiers du bolchévisme des 2e et 3e trimestres 1941 : publication communiste dans laquelle sont reproduits les tracts les plus importants de la période, ils ont été diffusés après le 22 juin 1941 et de ce fait ils sont composés de textes qui ont été publiés antérieurement et postérieurement à cette date. Les premiers sont marqués par le pacifisme du Parti communiste, les seconds illustrent son engagement dans la Résistance.

Dans "Français ! Françaises ! Vous devez savoir que Hitler veut asservir tous les peuples", on peut notamment lire :

"Hitler, le félon, violant cyniquement un pacte de non-agression conclu avec l'URSS, s'est jeté commun chacal sur le pays du socialisme, mais l'Armée Rouge résiste à l'agression et lui inflige de terribles pertes. [...]
Neuf cent quatre-vingt dix-neuf français sur mille souhaitent et veulent la défaite de Hitler. Ainsi notre pays, jadis si divisé retrouve son unité dans une haine sacrée de l'oppresseur. [...]
Ainsi, le Front National de lutte pour l'Indépendance de la France se constitue dans l'unité de nos haines et de nos espoirs. Il doit maintenant s'organiser partout dans les usines, les villes et les villages.
Tous ensemble, nous devons lutter par tous les moyens :
1° Pour empêcher que les ressources de notre pays et les travailleurs français puissent être utilisés par la machine de guerre nazie; [...]."

On notera trois différences majeures entre l'appel du 1er juillet 1941 et celui du 15 mai 1941.

Tout d'abord l'objectif final du Front National de lutte pour l'Indépendance de la France n'est plus la Paix avec l'Allemagne mais "la défaite de Hitler". Ensuite, l'appel du 1er juillet 1941 fait état de la "haine" que suscite la présence allemande. Celui du 15 mai 1941 indiquait au contraire que "le peuple de France ne prononcera pas des paroles de haine à l'égard de la Nation allemande". Enfin, l'appel du 1er juillet 1941 appelle les Français à se mobiliser pour empêcher que les ressources de la France et les travailleurs français "puissent être utilisés par la machine de guerre nazie". Contrairement à celui du 15 mai 1941, il ne fait aucun référence à l'Angleterre.

On citera du texte "Le Front National de lutte pour l'indépendance de la France est constitué", l'extrait suivant :

LE FRONT NATIONAL
de lutte pour l'indépendance 
de la France est constitué

Français ! Françaises !

I. - Au début du mois de juillet (nous ne précisons pas la date pour ne donner aucun indice à la Gestapo), se sont réunis des Français et des Françaises de diverses opinions et croyances, mais tous animés de la volonté de lutter sans trêve ni relâche pour libérer la patrie de l'odieuse oppression hitlérienne. [...]

II. - Toutes les personnalités présentes à la réunion constitutive du Front National de l'indépendance de la France ont été unanimes à considérer que la guerre nationale menée par le peuple soviétique sous l'impulsion énergique de son gouvernement ainsi que la guerre menée par l'Angleterre intéressent l'humanité entière et en premier lieu notre pays qui ne peut se libérer que par la défaite hitlérienne.
Tous les Français dignes de ce nom doivent être aux côtés de l'URSS, de l'Angleterre et de tous les ennemis de l'hitlérisme qui combattent pour la libération de la patrie. [...]

III. - Le Comité d'organisation du Front National de l'Indépendance de la France, désormais constitué, a conscience de parler au nom de la France entière. [...]

IV. - Le Comité d'organisation du Front National de l'Indépendance de la France, fermement décidé à lutter contre toute tentative d'entraîner le peuple français dans la guerre aux cotés de l'Allemagne, proclame qu'il ne s'agit pas d'attendre seulement la libération du pays des victoires de la Russie ou de l'Angleterre. Oui, ces victoires assureront notre liberté, mais tout Français doit travailler à en hâter l'heure dans l'intérêt de la France.

Au nom des intérêts supérieurs de la Patrie,
Nous appelons tous les Français et Françaises à s'unir, à constituer des Comités du Front National dans les villes, dans les usines, dans les magasins, dans les bureaux, dans les administrations, dans les universités, à l'armée, dans les escadrilles d'aviation, sur les bateaux de guerre. [...]
Nous appelons tous les Français et Françaises à agir en commun, par tous les moyens :
1° pour empêcher que les ressources de la France servent la machine de guerre allemande; [...]
6° pour diffuser les écrits, appels et documents du Front National et dénoncer systématiquement les mensonges de l'ennemi;  [...]

Français, Patriotes, debout, unissez-vous, luttez coude à coude. Par nos efforts joints aux efforts des soldats soviétiques et des aviateurs anglais, l'heure de la résurrection et de l'indépendance de la France sonnera bientôt.

Vive la France libre et indépendante !

(adopté à l'unanimité quelque part en zone occupée. Début juillet 1941)

Le Comité d'organisation
du FRONT NATIONAL 
de lutte pour l'Indépendance de la France

Par son contenu, l'appel du Comité d'organisation du FRONT NATIONAL de juillet 1941 est l'acte fondateur du Front national en tant que mouvement de Résistance.

On notera deux différences majeures avec l'appel du 15 mai 1941. Tout d'abord, la référence à la "défaite hitlérienne". Ensuite, le soutien répété à l'Angleterre qui n'est plus qualifiée d'impérialiste puisque "la guerre menée par l'Angleterre intéress(e) l'humanité entière et en premier lieu notre pays".

Dans les faits, le Front national sera en mesure de s'implanter dans la zone occupée et dans la zone non occupée du fait de la présence du PCF sur l'ensemble du territoire.

Son développement se fera dans un premier temps grâce aux initiatives locales des militants communistes. A ces comités locaux viendront s'ajouter des comités représentant une catégorie socio-professionnelle particulière (avocats, médecins, universitaires, écrivains).

Le mouvement se structurera en zone sud à la fin de 1941 avec la création d'un comité directeur autour de Georges Maranne (communiste). Pour la zone nord - occupée par les Allemands - un comité directeur se formera à la fin de 1942. A sa tête Pierre Villon (communiste) qui sera ultérieurement le représentant du Front national au Conseil national de la résistance. Des liaisons régulières entre les deux comités directeurs garantiront l'unité du mouvement.

Au printemps 1942, les Franc-tireurs et Partisans, bras armé de la Résistance communiste, seront rattachés formellement au Front national sans aucun lien de subordination avec un seul objectif : faciliter le recrutement de Français dans l'organisation dirigée par Charles Tillon.

Dernier élément, conçu au départ avec l'objectif d'être la seule incarnation de la Résistance française, le Front national sera au final l'un des huit mouvements représentés au CNR.


Front National des Ecrivains Français (Parie VIII)

En février 1942 paraît dans la clandestinité le deuxième numéro de La Pensée Libre, revue des intellectuels communistes.

Ce numéro se distingue du premier numéro diffusé en février 1941 par sa ligne politique : la lutte contre l'occupant allemand. Illustration de cette nouvelle ligne du PCF, il publie un appel du Front national des écrivains et un manifeste des intellectuels de la zone non occupée.

1) La Pensée Libre de février 1941.

En février 1941, trois intellectuels communistes, Jacques Decour, professeur d'allemand, Jacques Solomon, physicien, et Georges Politzer, philosophe, lancent une revue clandestine sous le titre La Pensée Libre.

Dans ce numéro d'une centaine de pages, il est précisé que cette publication sera mensuelle : "La Pensée Libre paraitra tous les mois". Dans les faits le numéro de février sera le seul de l'année 1941.

Sur le fond, La Pensée Libre reprend la thèse du Parti communiste selon laquelle la guerre est impérialiste.

Illustration de ce fait, dans son éditorial intitulé "Notre Combat", la revue communiste justifie son titre en expliquant que la pensée de ses contributeurs est "libre" car ils n'ont aucun lien - "matériel" ou "idéologique" - avec les impérialismes français, anglais ou allemand qui sont tous responsables de la guerre :

"Cette revue s'appelle la PENSEE LIBRE par ce qu'elle est rédigée par des savants, des écrivains, des penseurs et des artistes libres de tout lien matériel et idéologique avec les impérialismes qui ont jeté les peuples, pour la seconde fois au XXe siècle, dans une guerre pour le partage du monde."

En d'autres termes, la pensée n'est libre qu'à la condition d'être soumise à l'URSS et à Staline !!!

Autre exemple, la condamnation de l'Angleterre impérialiste dans l'article "L'avenir de la science" :

"Quand, par exemple, le gouvernement de l'Angleterre « démocratique » persécute, lui aussi, ceux qui démontrent que la guerre actuelle a un caractère impérialiste du côté de tous les belligérants et qu'elle se poursuit, en dernière analyse, pour le profit capitaliste, des deux côtés; il y a là un acte de persécution à l'égard de ceux, qui pour éclairer les masses populaires, opposent au mensonge de la propagande de guerre la vérité scientifique. Car l'affirmation selon laquelle l'enjeu de cette guerre, ce sont les colonies, l'hégémonie en Europe et dans le monde, et que les principaux responsables ce sont les trusts de tous les pays, n'est pas une thèse politique ordinaire; c'est la seule thèse politique conforme à la vérité scientifique, c'est-à-dire aux faits et à leurs rapports effectifs. Mais aucun des impérialismes belligérants ne peut supporter cette vérité objective, et c'est pourquoi ils font tous de l'obscurantisme."

Dans ce texte anglophobe, La Pensée Libre élève au rang de "vérité scientifique" la thèse du Parti communiste selon laquelle la guerre opposant l'Angleterre démocratique à l'Allemagne nazie est une guerre impérialiste. En outre, elle condamne "l'obscurantisme" de l'Angleterre soi-disant démocratique ("l'Angleterre « démocratique »") qui se manifeste à la fois dans ses "mensonges" visant à justifier sa guerre contre les nazis et dans sa répression des communistes qui par pour leur action s'attachent à "éclairer les masses populaires" sur la nature impérialiste de cette guerre.

La "vérité scientifique" selon laquelle "la guerre actuelle a un caractère impérialiste du côté de tous les belligérants" s'effondrera le 22 juin 1941 avec l'invasion de l'URSS par les armées allemandes.

2) La Pensée Libre de février 1942.

En février 1942, paraît le deuxième numéro de La Pensée Libre. Analysant la guerre contre Hitler comme une guerre antifasciste, ce numéro publie trois textes posant les bases de la Résistance des intellectuels français... sous le contrôle indirect du PCF.

Le premier rend compte de la mobilisation des intellectuels français. Le second est un appel du Front National des Ecrivains Français. Enfin, le troisième est un manifeste des intellectuels de la zone non occupée :

1) Déclaration de La Pensée Libre :

LES INTELLECTUELS FRANÇAIS
FORMENT LE FRONT NATIONAL
----------------------------------------------------

Les tentatives multiples que l'Allemagne et ses agents ont déployé pour diviser les Français ont échoué. Tout le Peuple français a compris qu'à l'union des soldats alliés du front, devait répondre l'union des patriotes dans les pays opprimés.
Cette union a pris en France la forme d'un vaste rassemblement de tous les patriotes sans distinction de tendance sociale, politique et confessionnelle.
Au mois de juillet 1941, des personnalités appartenant aux diverses tendances : allant des gaullistes aux communistes, venant des milieux politiques et syndicaux, des membres du clergé, des personnalités intellectuelles, ont constitué un Comité d'organisation du Front National pour la Liberté et l'Indépendance de la France.
Le manifeste publié par le Comité d’Organisation appelle tous les Français à l'union pour la lutte contre l'ennemi barbare, pour le soutien des alliés du Peuple français : la Grande-Bretagne, l'U.R.S.S., les Etats-Unis et des nations groupées autour d'eux.
Cet appel eut dans le pays une répercussion immense. Partout se sont constitués des comités du Front National.
L'union pour défendre, contre l'ennemi barbare, le patrimoine français, devait être aussi la base du rassemblement des intellectuels. C'est ainsi que dans les deux zones se sont formés des Comités du Front National, groupant les écrivains, les artistes, les universitaires, et d'une manière générale tous les représentants de l'intelligence française.
Les divers documents que ces Comités ont diffusés, montrent la volonté des intellectuels français de prendre leur part à la grande lutte pour la libération nationale, au grand combat de la civilisation contre la barbarie.
Nous sommes heureux de publier les plus importants de ces documents.

Ce texte rend compte de la mobilisation des intellectuels français en soulignant qu'elle répond à l'appel du Comité d'organisation du Front national de juillet 1941.

2) Appel du Front National des Ecrivains Français :

« Nous sauverons l'honneur des Lettres françaises
proclament les écrivains de la zone occupée »
----------------------------------------------------

Le Peuple Français ne s'incline pas.
L'immense mouvement de résistance aux oppresseurs allemands et à leurs agents français a trouvé son expression dans le Front National de lutte pour la Liberté et l'Indépendance de la France. Le Front National groupe tous les Français, à l'exception des traîtres et des capitulard qui font la besogne ou le jeu de l'envahisseur. Aux tentatives faites par l'adversaire pour diviser l`opinion française, les patriotes ont répondu par l'union dans le Front National, qui est dès maintenant une force décisive dans le combat pour la libération du pays.
Mais le plan hitlérien d'asservissement de la France est aussi un plan d'assassinat de l'intelligence française. Hitler et ses complices rêvent d`assigner à nos Lettres, à notre Science et à nos Arts une place de second plan dans une Europe livrée à la barbarie germanique.
La grandeur française les offusque : il faut la mettre sous le boisseau. Le régime qui nous est imposé, où toute liberté de pensée et d'expression est supprimée; où, seuls, ont le droit d'écrire ou de parler ceux qui chantent les louanges de l'ennemi, préfigure ce que serait dans « l'Ordre Nouveau » le sort de notre Culture.
Ecrivains français, nous devons jouer notre rôle dans la lutte historique engagée par le Front National. Les Lettres françaises sont attaquées. Nous les défendrons.
Représentants de toutes les tendances et de toutes les confessions : gaullistes, communistes, démocrates, catholiques, protestants, nous nous sommes unis pour constituer le Front National des Ecrivains Français.
Nous proclamons notre admiration pour la lutte que mènent contre la barbarie les peuples de Grande-Bretagne, d`Union Soviétique, des Etats-Unis et de Chine.
Nous proclamons notre admiration pour les victimes de la terreur organisée en France par Hitler et son valet, le gouvernement de Pétain. Nous saurons faire vivre dans la mémoire des Français les noms de ces héros.
Nous sauverons par nos écrits l'honneur des Lettres françaises. Nous fustigerons les traîtres vendus à l'ennemi. Nous rendrons l'air de notre France irrespirable à ces scribes de l'Allemagne.
Nous défendrons les valeurs qui ont fait la gloire de notre civilisation.
Nous appelons tous les écrivains français à s'unir dans le Front National pour la défense et l'illustration des Lettres françaises.

Février 1942

Cet appel du Front national des écrivains a été rédigé par Jacques Decour qui avait reçu à l'été 1941 la mission créer un comité du Front national au niveau des écrivains.

Il devait paraître dans le premier numéro des Lettres Françaises qui est resté au stade de projet en raison de l'arrestation de Jacques Decour en février 1942.

Un premier numéro de l'organe du FNE paraîtra en septembre 1942 sous la direction de Claude Morgan, adjoint de Decour.

Ce premier numéro reproduira l'appel du FNE de février 1942 en y ajoutant ce passage :

"Aujourd'hui les signataires de cet appel créent ce journal, LES LETTRES FRANÇAISES, qui est l'expression même du FRONT NATIONAL.
LES LETTRES FRANÇAISES sera notre instrument de combat et par sa publication, nous entendons nous intégrer, à notre place d'écrivains, dans la lutte à mort engagée par la Nation française pour se délivrer de ses oppresseurs."

3) Manifeste des intellectuels de la zone non occupée :

« La cause de la France est celle de la civilisation... »
affirment les intellectuels de la zone non-occupée
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Au cours de l'été 1941, quelque part en zone libre, des intellectuels venus de tous les horizons de la Science, de la Pensée et de l'Art, se sont réunis sans égard à leurs divergences religieuses, philosophiques ou politiques.
Solidaires avec tous ceux qui, dans les deux zones, résistent dans leur cœur, par leur pensée, par leurs actions contre l`asservissement de la France, ils se déclarent prêts à défendre le trésor spirituel de leur pays, dans sa totalité, tel que le leur ont légué vingt siècles de Culture française. Ils affirment leur foi en la France que ne pourront détourner de sa haute mission ni la force brutale, ni la trahison.
C'est pourquoi ils déclarent que tout le sol de la France, sans en excepter une parcelle, doit être libéré; que doit être levée l'hypothèque de l'ennemi sur la vie française : que la France doit recouvrer sa pleine indépendance.
Pour cela, tous les Français, croyants ou libres penseurs chrétiens ou juifs, gaullistes ou communistes, républicains ou monarchistes, oublieux de tout ce qui n'est pas la France, doivent s'unir contre l'envahisseur et la poignée de traitres qui, de Düsseldorf à Vichy, complètent l'œuvre des panzerdivisionen.
Ils s'adressent particulièrement aux intellectuels de la zone occupée, dont ils sont abusivement séparés, et leur demandent de manifester avec eux que la cause de la France est celle de toute la civilisation, que c'est pour elle qu`ils luttent, et pour ce véritable esprit européen que défendent les patriotes de dix pays opprimés par les hommes de la croix gammée, et nos amis traditionnels, les grands peuples d'Angleterre et de Russie.
D'un commun accord, ils mettront à la disposition de leur patrie toutes les ressources de l'Esprit français; ils s'ingénieront à aider à la libération du territoire; ils refuseront toute aide à l'infâme entreprise de la collaboration et ne collaboreront qu'à l’œuvre de résistance.
Contre la barbarie ! La France, toute la France !

Ce manifeste des intellectuels de la zone non occupée a été publié dans L'Université libre numéro spécial de septembre-octobre 1941.


Falsification (Partie IX)

Après juin 1941 et son engagement dans le Résistance, le Parti communiste n'aura de cesse de nier son pacifisme de la période antérieure avec un procédé très efficace : la citation tronquée qui permet de falsifier le contenu réel d'un texte.

Ainsi, grâce à ce procédé, l'appel au "Peuple de France" de juillet 1940, dans lequel le Parti communiste revendiquait la constitution d'un gouvernement de Paix, deviendra après juin 1941 l'acte fondateur de... la Résistance communiste.

De même, le Front National de lutte pour l'Indépendance de la France sera célébré comme un mouvement de Résistance créé le 15 mai 1941 sur la base de citations tronquées du texte original dans lesquelles on n'aura supprimé toute référence à la Paix avec l'Allemagne, à l'impérialisme britannique et à la condamnation du Général de Gaulle. On pourra citer trois exemples de cette imposture :

1) Texte "Notre politique" de juillet 1941.

"Notre politique" est un texte de juillet 1941 publié dans les Cahiers du bolchévisme des 2e et 3e trimestres 1941. Il présente l'intérêt d'être le premier texte rédigé après le 22 juin 1941 dans lequel est reproduit un extrait de l'appel du 15 mai 1941 :

"Oui notre peuple de France a conscience qu'il ne suffit pas d'attendre la délivrance de la victoire de l'URSS et de l'Angleterre, mais que la lutte doit être menée en France même contre l'oppresseur. Mais pour lutter il faut s'unir, il faut rassembler toutes les forces nationales en un bloc puissant, et c'est parce que notre Parti s'est fait le champion du Front National de lutte pour l'indépendance de la France qu'il voit monter vers lui des sympathies, chaque jour, plus nombreuses.
Notre Parti, qui bien avant la guerre, tendit la main aux travailleurs catholiques et fit appel à l'Union de tous les Français, n'a cessé de faire entendre ses appels à l'Union de la Nation Française depuis que la défaite, conséquence de tant de trahisons, s'est abattue sur notre pays.
Dans l'appel lancé, au nom du Comité central du Parti Communiste Français et publié clandestinement, les camarades Maurice Thorez et Jacques Duclos, disaient, en juillet 1940, aussitôt après la défaite : [...].
Au mois d'août 1940, poursuivant sa politique d'union de tous les Français, le Parti communiste publiait, clandestinement, un appel intitulé « Vive l'Union de la Nation Française », un appel dans lequel on pouvait lire : [...].
En octobre 1940, dans une lettre adressée aux militants communistes, les camarades Maurice Thorez et Jacques Duclos écrivaient : [...].
Ainsi, s'affirme la continuité de notre politique d'union de tous les Français, sous le drapeau de la liberté et de l'indépendance de la Patrie, politique que nous avons suivie même à un moment où le gouvernement de Vichy n'apparaissait pas encore aux yeux de tous comme un gouvernement au service de l'envahisseur, mais notre action en faveur du rassemblement de tous les Français ne devait pas s'arrêter là.
Le 27 mai dernier le Parti communiste publiait clandestinement un appel à la formation du Front National de lutte pour l'Indépendance de la France dans lequel on peut lire : [...] ".
Telles ont été les étapes de l'action du Parti Communiste qui abouti à la publication d'une déclaration annonçant la constitution du Front National de l'indépendance de la France, déclaration qu'on trouvera plus loin dans ce numéro des « Cahiers ».

Signalons que la mention du 27 mai 1941 comme date de publication de l'appel Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France est la raison pour laquelle l'appel du 15 mai 1941 est parfois désigné comme l'appel du 27 mai 1941.

2) Tract "L'activité nationale et le Parti communiste : Constance et Inflexibilité".

En octobre ou novembre 1943, le Parti communiste publie le tract "L'activité nationale et le Parti communiste : Constance et Inflexibilité" qui sera repris dans Les Cahiers du Communisme du 1er trimestre 1944. Ce tract vise à "rétablir la vérité" sur l'attitude du Parti communiste entre 1939 et 1941 en montrant que sa lutte contre Hitler est constante et inflexible depuis... 1933, année de son arrivée au pouvoir.

Consacré à la période qui suit la défaite de la France, le chapitre "Le Parti communiste organisateur de l'union et de l'action contre l'envahisseur" exalte le patriotisme du Parti communiste en mettant notamment en avant son appel publié "le 15 mai 1941" :

"Alors même que le pacte de non-agression germano-soviétique était toujours parfaitement en vigueur, que personne en France n'en prévoyait la rupture, en mai 1941 le Parti Communiste mettait en application l'idée du Front National de lutte pour l'indépendance de la France; prenant l'initiative de l'union de tous les patriotes, sans distinctions de conditions philosophiques, de croyances religieuses ou d'opinions politiques, pour la délivrance et le relèvement de la Patrie. C'est le 15 mai 1941 que paraissait la déclaration sur cette question :
« Guidé par le souci exclusif de réaliser l'union de la Nation pour la cause sacrée entre toutes de l'indépendance nationale, le Parti communiste, mettant au-dessus de tout l'intérêt du pays déclare solennellement qu'en vue d'aboutir à la création d'un large Front de la Libération Nationale, il est prêt à soutenir tout gouvernement Français, toute organisations de tous les hommes dont les efforts seront orientés dans le sens d'une lutte véritable contre l'oppression nationale subie par la France et contre les traîtres au service de l'envahisseur »."

3) Discours de Jacques Duclos du 12 novembre 1974.

En réaction aux propos du ministre de l'Intérieur suggérant que le Parti communiste n'a résisté qu'après le 22 juin 1941, le sénateur Jacques Duclos, ancien responsable du Parti communiste clandestin, prend la parole à la séance du 12 novembre 1974 pour rappeler le comportement héroïque du Parti communiste dès la défaite de la France :

"Depuis, vous avez aggravé votre cas en disant, à l'Assemblée nationale, que vous rendiez hommage à l'action des communistes dans la Résistance à partir du printemps 1941, ce qui sous-entend que notre parti n'aurait rien fait avant. (Murmures ironiques au centre et et droite.)
Le 10 juillet 1940, j'ai lancé avec Maurice Thorez un appel destiné à faire connaître aux communistes éparpillés à travers la France que leur parti était toujours debout. Dénonçant les traîtres de Vichy au service des occupants, nous appelions à la constitution du Front de la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France. [...]
Ce n'est pas tout encore. Le 15 mai 1941, nous avons lancé un appel à la formation d'un Front national de lutte pour l'indépendance de la France. Je peux d'autant mieux en parler que j'ai été l'un des rédacteurs de cet appel. Nous partions du fait que le peuple de France, étouffant sous le poids de l'oppression nationale, aspirait, de plus en plus, à sa libération.
Il s'agissait donc de réaliser une large union et de livrer un combat à la fois national et social contre les envahisseurs et contre les traîtres de Vichy qui rançonnaient le pays pour le compte des occupants hitlériens." (1)

(1) J.O du Sénat du 13 novembre 1974 pp. 1698-1699.


Document 1 : Tract "Pour la formation d'un Front National de lutte pour l'Indépendance de la France" du 15 mai 1941 reproduit dans les Cahiers du bolchévisme des 2e et 3e trimestres 1941.