Le 14 juin 1940, le président du Conseil, Paul Reynaud, adresse un message au président des Etats-Unis dans lequel il lui demande de déclarer la guerre à l'Allemagne et lui expose les conséquences d'un refus en des termes emprunt d'un certain désespoir :
"Mais je viens vous dire, à cette heure grave dans votre histoire, comme dans la nôtre, que si vous ne pouvez pas donner à la France, dans les heures qui viennent, la certitude que les Etats-Unis entreront en guerre à très brève échéance, le destin du monde va changer.
Vous verrez alors, la France s'enfoncer comme un homme qui se noie et disparaître, après avoir jeté un dernier regard vers la terre de liberté d'où elle attendait le salut". (Doc. 1)
Conséquence du Conseil des ministres du 12 juin et du Conseil interallié du 13 juin, la requête du président Reynaud, qui a aussi été formulée dans un discours radiodiffusé la veille, sera rejetée par le président Roosevelt avec l'argument que seul le Congrès des Etats-Unis est compétent pour déclarer la guerre.
Conseil des ministres
Le 12 juin, un Conseil des ministres est organisé à 19 h 30 au Château de Cangé dans la banlieue de Tours.
Il débute par un exposé du commandant en chef des armées françaises, le général Weygand. Ce dernier affirme qu'il n'est pas en mesure d'établir une ligne de défense continue face à l'avancée des armées allemandes. Il souligne aussi que la destruction totale des armées françaises conduiraient à l'effondrement de l'Etat et au chaos. Sur la base de ces éléments, il recommande d'entrer rapidement en pourparlers avec l'Allemagne pour négocier un armistice. Il reçoit le soutien du vice-président du Conseil : le Maréchal Pétain.
Dans le débat qui suit, le président du Conseil, Paul Reynaud, s'oppose à cette proposition en arguant qu'on ne peut négocier avec le pouvoir nazi compte tenu de sa nature, que la France peut continuer la guerre si le gouvernement se réfugie en Afrique du Nord et enfin que les accords franco-anglais interdisent aux deux parties de conclure un armistice séparé.
Divisé, le Conseil des ministres ne prend aucune décision concernant la proposition de Weygand : ni rejet, ni approbation.
Il s'accorde un délai en décidant de consulter l'Angleterre afin de connaître sa position sur une éventuelle demande d'armistice du gouvernement français.
Dans le débat qui suit, le président du Conseil, Paul Reynaud, s'oppose à cette proposition en arguant qu'on ne peut négocier avec le pouvoir nazi compte tenu de sa nature, que la France peut continuer la guerre si le gouvernement se réfugie en Afrique du Nord et enfin que les accords franco-anglais interdisent aux deux parties de conclure un armistice séparé.
Divisé, le Conseil des ministres ne prend aucune décision concernant la proposition de Weygand : ni rejet, ni approbation.
Il s'accorde un délai en décidant de consulter l'Angleterre afin de connaître sa position sur une éventuelle demande d'armistice du gouvernement français.
Conseil interallié
Le 13 juin se tient à la préfecture de Tours, un Conseil suprême interallié auquel participent, du côté français, Paul Reynaud et Paul Baudoin et, du côté britannique, Winston Churchill, lord Halifax, lord Beaverbrook et le général Spears.
Evoquant l'hypothèse d'une demande d'armistice française, Paul Reynaud demande à Winston Churchill si l'Angleterre accepterait de libérer la France de l'Accord du 28 mars 1940 interdisant aux deux parties de négocier un armistice séparé.
Opposé à tout armistice franco-allemand, le premier ministre britannique convainc le président du Conseil de solliciter l'intervention des Etats-Unis en arguant qu'une réponse favorable donnera à la France un motif légitime pour continuer la guerre et que le cabinet anglais s'engage dans le cas contraire à étudier la question posée par le gouvernement français.
C'est dans ce contexte qu'à 23 heures 30 Paul Reynaud lance à la radio un appel au président Roosevelt
Le lendemain, avant de quitter Tours pour Bordeaux, le président du Conseil remet à Anthony Biddle, adjoint de l'ambassadeur américain William Bullitt qui est resté à Paris, un message à l'attention du président Roosevelt dans lequel il renouvelle sa demande. Ce message est transmis le jour même par télégramme (Doc. 2).
Opposé à tout armistice franco-allemand, le premier ministre britannique convainc le président du Conseil de solliciter l'intervention des Etats-Unis en arguant qu'une réponse favorable donnera à la France un motif légitime pour continuer la guerre et que le cabinet anglais s'engage dans le cas contraire à étudier la question posée par le gouvernement français.
C'est dans ce contexte qu'à 23 heures 30 Paul Reynaud lance à la radio un appel au président Roosevelt
Le lendemain, avant de quitter Tours pour Bordeaux, le président du Conseil remet à Anthony Biddle, adjoint de l'ambassadeur américain William Bullitt qui est resté à Paris, un message à l'attention du président Roosevelt dans lequel il renouvelle sa demande. Ce message est transmis le jour même par télégramme (Doc. 2).
Réponse du président Roosevelt
Le 15 juin, le président Roosevelt donne sa réponse dans un télégramme (Doc. 3 et 4). Dans ce texte, il rend hommage au courage des armées françaises, promet de nouvelles livraisons d'armes, s'engage à ne reconnaître aucune annexion portant atteinte à l'intégrité du territoire français mais il écarte toute idée de déclarer la guerre à l'Allemagne au motif que cette décision appartient au Congrès.
Paul Reynaud prendra connaissance de la réponse du président Roosevelt à Bordeaux dans la soirée. Le lendemain à 11 heures se tiendra un Conseil des ministres au cours duquel il informera le gouvernement.
Paul Reynaud prendra connaissance de la réponse du président Roosevelt à Bordeaux dans la soirée. Le lendemain à 11 heures se tiendra un Conseil des ministres au cours duquel il informera le gouvernement.
Document 1 :
Message de Paul Reynaud du 14 juin 1940 adressé au Président des Etats-Unis Franklin Roosevelt |
Monsieur le Président, Je vous remercie d'avoir publié en Amérique le message que je vous ai adressé le 10 juin. Je vous disais alors que, depuis six jours et six nuits, nos troupes se battaient sans une heure de répit, à un contre trois, avec un matériel de guerre cinq fois moins puissant. Quatre autres jour de sanglants combats se sont déroulés depuis lors. Notre armée est maintenant coupée en plusieurs tronçons. Nos divisions sont décimées. Il arrive que des généraux commandent des bataillons. La Reichswehr vient d'entrer dans Paris. Nous allons tenter de replier nos forces épuisées pour livrer de nouveaux combats. Il est douteux qu'étant aux prises avec l'ennemi qui renouvelle incessamment ses troupes, elles puissent y parvenir. A l'heure la plus tragique de son histoire, la France doit faire un choix. Va-t-elle continuer à immoler sa jeunesse dans une lutte sans espoir ? Son gouvernement va-t-il quitter le territoire national pour ne pas se livrer lui même à l'ennemi, et pouvoir continuer la lutte sur mer et en Afrique du Nord ? Le pays tout entier va-t-il vivre alors, abandonné à lui-même, dans la nuit de la domination nazie avec tout ce que cela signifie pour son corps et pour son âme. Ou bien la France va-t-elle demande à Hitler ses conditions d'armistice ? Nous ne pouvons choisir la première voie, celle de la résistance, que si une chance de victoire apparaît dans le lointain, que si une lumière brille au fond du tunnel. Or, dans la situation présente, malgré l'affaiblissement des forces de l'ennemi dû aux sacrifices de l'armée française, la défaite de notre loyale alliée, l'Angleterre, laissée à ses seules forces apparaît, comme possible, sinon probable. Dès lors, la France ne peut continuer la lutte que si l'intervention américaine vient renverser la situation, en rendant la victoire des Alliés certaine. La seule chance de sauver la nation française, avant-garde des démocraties, et par là de sauver 1'Angleterre, aux côtés de qui la France pourra alors rester avec avec sa puissante flotte, c'est de jeter, aujourd'hui même, dans la balance, le poids de la puissance américaine. C'est la seule chance aussi d'éviter qu'après avoir détruit la France, puis l'Angleterre, Hitler s'attaque à l'Amérique, renouvelant ainsi le combat d'Horace contre les trois Curiaces. Je sais qu'une déclaration de guerre ne dépend pas de vous seul. Mais je viens vous dire, à cette heure grave dans votre histoire, comme dans la nôtre, que si vous ne pouvez pas donner à la France, dans les heures qui viennent, la certitude que les Etats-Unis entreront en guerre à très brève échéance, le destin du monde va changer. Vous verrez, alors, la France s'enfoncer comme un homme qui se noie et disparaître, après avoir jeté un dernier regard vers la terre de liberté d'où elle attendait le salut. PAUL REYNAUD (Jacques Benoîst-Méchin, Soixante jours qui ébranlèrent l'Occident pp. 393-394) |
Document 2 :
The President of the French Council of Ministers (Reynaud) To President Roosevelt, June 14, 1940 (1) [Telegram] Mr. PRESIDENT: I thank you for having published in America the message I sent you on June 10. I told you then that for six days and six nights our troops had been fighting without an hour of respite, and at one against three, with war material five times less powerful. Four days of bloody fighting have gone by since then. Our army is now cut into several parts. Our divisions are decimated. Generals are commanding battalions. The Reichswehr has just entered Paris. We are going to attempt to withdraw our exhausted forces in order to fight new battles. It is doubtful, since they are at grips with an enemy which is constantly throwing in fresh troops, that this can be accomplished. At the most tragic hour of its history France must choose. Will she continue to sacrifice her youth into a hopeless struggle ? Will her Government leave the national territory so as not to give itself up to the enemy and in order to be able to continue the struggle on the sea and in North Africa? Will the whole country then live abandoned abating itself under the shadow of Nazi domination with all that that means for its body and its soul ? Or will France ask Hitler for conditions of an armistice? We can choose the first way, that of resistance only if a chance of victory appears in the distance and if a light shines at the end of the tunnel. In the present situation in spite of the weakening of the enemy's forces due to the sacrifice of the French army the defeat of England, our loyal ally, left to her own resources, appears possible if not probable. From that time on France can continue the struggle only if American intervention reverses the situation by making an Allied victory certain. The only chance of saving the French nation, vanguard of democracies, and through her to save England, by whose side France could then remain with her powerful navy, is to throw into the balance, this very day the weight of American power. It is the only chance also of keeping Hitler, after he has destroyed France, and then England from attacking America thus renewing the fight of the Horatii against the three Curiatii. I know that the declaration of war does not depend on you alone. But I must tell you at this hour, so grave in our history as in yours, that if you cannot give to France in the hours to come the certainty that the United States will come into the war within a very short time, the fate of the world will change. Then you will see France go under like a drowning man and disappear after having cast a last look towards the land of liberty from which she awaited salvation. PAUL REYNAUD (1) Transmitted in a telegram from the Ambassador in France (Bullitt). (Department of State Peace and War : United States Foreign Policy, 1931-1941) |
Document 3 :
Télégramme du Président Roosevelt
du 15 juin 1940 |
Le 15 juin 1940 Je réponds à votre message d'hier, et je suis sûr que vous comprendrez qu'il a été étudié avec la plus grande attention et dans les sentiments les plus amicaux. Et tout d'abord, permettez-moi de vous renouveler l'expression de l'admiration croissante avec laquelle le peuple américain et le gouvernement considèrent le magnifique courage des armées françaises résistant aux envahisseurs de leur patrie. Je désire également souligner particulièrement le fait que, réalisant tous les efforts possibles dans la situation actuelle, le gouvernement des Etats-Unis a permis aux armées alliées de recevoir, durant les semaines qui viennent de s'écouler, des avions, de l'artillerie et des munitions de nombreux types, et que ce gouvernement redoublera ses efforts dans ce but, tant que les gouvernements alliés continueront de résister. Je crois pouvoir déclarer que chaque semaine qui s'écoulera verra une nouvelle augmentation de matériel dirigé vers les Nations alliées. Conformément à sa politique de ne pas reconnaître les résultats des conquêtes de territoires acquis par des agressions militaires, le gouvernement des Etats-Unis ne considérera pas comme valides les tentatives quelconques faites par la force pour violer l'indépendance et l'intégrité territoriale de la France. Dans ces heures si navrantes pour le peuple français et pour vous-même, je vous assure de ma sympathie la plus profonde et je puis vous affirmer, en outre, que tant que le peuple français continuera de défendre sa liberté, qui constitue la cause commune des institutions démocratiques du monde entier, il sera assuré que les Etats-Unis lui enverront en quantités croissantes du matériel et des approvisionnements de toutes sortes. Je sais que vous comprendrez que ces déclarations n'impliquent aucun engagement sur le plan militaire. Seul le Congrès peut prendre de tels engagements. (Pierre-Etienne Flandin, Politique Française 1919-1940) |
Document 4 :
President Roosevelt to the President of the French Council Of Ministers (Reynaud) [Telegram] JUNE 15, 1940 . I am sending you this reply to your message of yesterday which I m sure you will realize has received the most earnest, as well as the most friendly, study on our part. First of all, let me reiterate the ever-increasing admiration with which the American people and their Government are viewing the resplendent courage with which the French armies are resisting the leaders on French soil. I wish also to reiterate in the most emphatic terms that, making every possible effort under present conditions, the Government of the United States has made it possible for the Allied armies to obtain during the weeks that have just passed airplanes, artillery and munitions of many kinds and that this Government so long as the Allied governments continue to resist will redouble its efforts in this direction. I believe it is possible to say that every week that goes by will see additional materiel on its way to the Allied nations. In accordance with its policy not to recognize the results of conquest of territory acquired through military aggression, the Government of the United States will not consider as valid any attempts to infringe by force the independence and territorial integrity of France. In these hours which are so heart-rending for the French people and yourself, I send you the assurances of my utmost sympathy and I can further assure you that so long as the French people continue in defense of their liberty which constitutes the cause of popular institutions throughout the world, so long will they rest assured that materiel and supplies will be sent to them from the United States in ever-increasing quantities and kinds. I know that you will understand that these statements carry with them no implication of military commitments. Only the Congress can make such commitments. (Department of State Peace and War : United States Foreign Policy, 1931-1941) |