Le 10 juillet 1940 à Vichy, l'Assemblé nationale - réunion de la Chambre des députés et du Sénat - adopte à la demande du Gouvernement Pétain le projet de loi constitutionnelle suivant :
"Article unique. L'Assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la
République, sous l'autorité et la signature du maréchal
Pétain, à l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes
une nouvelle constitution de l'État français. Cette constitution
devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie.
Elle sera ratifiée par la Nation et appliquée par les
Assemblées qu'elle aura créées."
Investi des pouvoirs constituants, le Maréchal Pétain signe le lendemain les Actes constitutionnels n° 1, 2 et 3 en vertu desquels il est désigné "chef de l'Etat français" - fonction qui se
substitue à celles de président de la République et de président du
Conseil - cumulant sur sa personne les pouvoirs exécutif et
législatif : le Régime de Vichy est né; la IIIe République est morte.
Le soir, l'ancien président du Conseil prononce à la radio son premier discours en temps que chef de l'Etat de français :
Discours du Maréchal Pétain
du 11 juillet 1940 |
Français,
L'Assemblée nationale m'a investi de pouvoirs étendus. J'ai à vous dire comment je les exercerai.
Le Gouvernement doit faire face à une des situations les plus
difficiles que la France ait connu : il lui faut rétablir les communications
du pays, rendre chacun à son foyer, à son travail, assurer
le ravitaillement.
Il lui faut négocier et conclure la paix.
[Attaque anglaise contre la flotte française à Mers el-Kébir]
En ces derniers jours, une épreuve nouvelle a été
infligée à la France : l'Angleterre, rompant une longue
alliance, a attaqué à l'improviste et a détruit des
navires français immobilisés dans nos ports et partiellement
désarmés. Rien ne laissait prévoir une telle agression.
Rien ne la justifiait.
Le gouvernement anglais a-t-il cru que nous accepterions de livrer à
l'Allemagne et à l'Italie notre flotte de guerre ? S'il l'a cru,
il s'est trompé; mais il s'est trompé aussi quand il a
pensé que, cédant à la menace, nous manquerions aux
engagements pris à l'égard de nos adversaires : ordre a
été donné à là marine française
de se défendre et, malgré l'inégalité du combat,
elle l'a exécuté avec résolution et vaillance.
La France, vaincue dans des combats héroïques, abandonnée,
hier, attaquée aujourd'hui par l'Angleterre, à qui elle
avait consent de si nombreux et durs sacrifices, demeure Seule en face
de son destin Elle trouvera une raison nouvelle de tremper son courage
en conservant toute sa foi dans son avenir.
[Nouveau gouvernement]
Pour accomplir la tâche immense qui nous incombe, j'ai besoin de
votre confiance. Vos représentants me l'ont donnée en votre
nom. Ils ont voulu, comme vous et comme moi-même, que l'impuissance
de l'Etat cesse de paralyser la nation.
J'ai constitué un nouveau gouvernement. Douze ministres se répartiront l'administration du pays. Ils seront
assistés par des secrétaires généraux qui
dirigeront les principaux services de l'Etat. Des gouverneurs seront placés à la tête des grandes
provinces françaises. Ainsi, l'administration sera à la
fois concentrée et décentralisée. Les fonctionnaires ne seront plus entravés dans leur action par
des règlements trop étroits et par des contrôles trop
nombreux. Ils seront plus libres; ils agiront plus vite. Mais ils seront
responsables de leurs fautes.
Afin de régler plus aisément certaines questions dont la
réalisation présente un caractère d'urgence, le Gouvernement
se propose de siéger dans les territoires occupés. Nous avons demandé, à cet effet, au gouvernement allemand,
de libérer Versailles et le quartier des ministères à
Paris.
Notre programme est de rendre à la France les forces qu'elle a
perdues. Elle ne les retrouvera qu'en suivant les règles simples qui ont
de tout temps assuré la vie, la santé et la prospérité
des nations. Nous ferons une France organisée, où la discipline des
subordonnés réponde à l'autorité des chefs,
dans la justice pour tous. Dans tous les ordres, nous nous attacherons à créer des
élites, à leur conférer le commandement, sans autre
considération que celle de leurs capacités et de leurs mérites.
[Travail]
Le travail des Français est là ressource suprême
de la patrie. Il doit être sacré.
Le capitalisme international
et le socialisme international qui l'ont exploité et dégradé
font également partie de l'avant-guerre. Ils ont été
d'autant plus funestes que, s'opposant l'un à l'autre, en apparence,
ils se ménageaient l'un et l'autre en secret. Nous ne souffrirons
plus leur ténébreuse alliance. Nous supprimerons les dissensions
dans la cité. Nous ne les admettrons pas à l'intérieur
des usines et des fermes.
Pour notre société dévoyée, l'argent, trop
souvent serviteur et instrument du mensonge, était un moyen de
domination. Nous ne renonçons ni au moteur puissant qu'est le profit, ni aux
réserves que l'épargne accumule. Mais la faveur ne distribuera plus de prébendes. Le gain restera
la récompense du labeur et du risque. Dans la France refaite, l'argent
ne sera que le salaire de l'effort.
[Famille]
Votre travail sera défendu. Votre famille aura le respect et la
protection de la nation.
La France rajeunie veut que l'enfant remplisse vos cœurs de l'espoir
qui vivifie et non plus de la crainte qui dessèche. Elle vous rendra,
pour son éducation et son avenir, la confiance que vous aviez perdue.
Les familles françaises restent les dépositaires d'un long
passé d'honneur. Elles ont le devoir de maintenir à travers
les générations les antiques vertus qui font les peuples
forts. Les disciplines familiales seront sauvegardées.
Mais, nous le savons, la jeunesse moderne a besoin de vivre avec la jeunesse,
de prendre sa force au grand air, dans une fraternité salubre qui
la prépare au combat de la vie. Nous y veillerons.
Ces vieilles traditions qu'il faut maintenir, ces jeunes ardeurs qui
communieront dans un zèle nouveau, forment le fond de notre race.
[Patrie]
Tous les Français fiers de la France, la France fière de
chaque Français, tel est l'ordre que nous voulons instaurer. Nous
y consacrerons nos forces. Consacrez-y les vôtres.
La patrie peut assurer, embellir et justifier nos vies fragiles et chétives.
Donnons-nous à la France; elle a toujours porté son peuple
à la grandeur.
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