Au début de septembre 1940, après avoir déjà diffusé quatre tracts en juin et juillet, les communistes bordelais se sont une nouvelle fois
distingués en diffusant une brochure d'une vingtaine de pages intitulée
"Union du peuple pour libérer la France".
La diffusion de cinq textes dans les conditions de l'été 1940 a été un
succès remarquable pour les communistes bordelais. Elle a aussi été une
exception au sein du Parti communiste dont l'action a été fortement
pénalisée par la mobilisation, les démissions, la répression et enfin
l'exode consécutif à l'avancée des armées allemandes.
Cette activité exceptionnelle a été la conséquence directe de la présence de
Charles Tillon. Député de la Seine, membre du Comité central, ce
dernier dirigeait l'action du Parti communiste clandestin dans tout le
Sud-Ouest.
La brochure" Union du peuple pour libérer la France a été
rédigée par Charles Tillon. Datée de "AOUT 1940", elle a été tirée à
300 exemplaires.
Sa diffusion visait deux objectifs : 1) faire connaître aux cadres locaux la
position du Parti dans une France défaite et occupée par les armées
allemandes, 2) leur permettre de diffuser sous forme de tract les textes
composant cette publication.
En totale conformité avec la ligne fixée par la direction centrale, la
brochure "Union du peuple pour libérer la France" accusait les
gouvernements français des années 1930 d'avoir mené une politique étrangère
pro-hitlérienne et antisoviétique, condamnait la guerre impérialiste de
1939-1940, célébrait l'action pacifiste des communistes pendant ce conflit,
dénonçait le général de Gaulle et l'impérialisme anglais, plaidait pour un
Gouvernement communiste qui négocierait la Paix avec l'Allemagne (libération
nationale) et instaurerait un régime socialiste (libération sociale), et
enfin témoignait de la fidélité des communistes français à l'IC et à l'URSS.
Autre thème significatif : la condamnation du Maréchal Pétain et de son
régime. Un exemple, la brochure avait pour surtitre "L'ordre nouveau c'est le fascisme".
Pour illustrer le contenu pacifiste, anglophobe et antipatriotique de cette
publication d'août 1940, on citera un extrait dans lequel le Parti
communiste donne sa définition du patriotisme :
"La vérité tragique est maintenant perceptible à tous les français
honnêtes : les communistes accusés de trahison parce qu'ils s'opposaient
aux plans criminels des 200 familles, condamnés à des siècles de prison
pour avoir réclamé la paix quand elle était possible sans désastre, et
pour s'être opposés à la transformation de la France en Dominion de
l'Angleterre, les communistes étaient et demeurent les véritables
patriotes dont l'amour véritable de la Patrie exige que celle-ci soit
libérée de ses exploiteurs et de ses traîtres."
Revenant sur l'action du Parti communiste au cours de la guerre de
1939-1940, Charles Tillon affirme que "les communistes étaient et demeurent les véritables patriotes" en raison de leur
opposition à l'Angleterre et de leur engagement en faveur de la paix avec
Hitler !!!
Au cours du conflit franco-allemand, l'ennemi n'était donc pas l'Allemagne nazie mais la France dont le bellicisme s'expliquait par sa soumission à l'impérialisme anglais.
Au sens communiste du terme, Charles Tillon mérite pleinement le titre de "patriote" puisqu'il a été condamné à la "prison pour avoir réclamé la paix".
Après cet éloge du patriotisme communiste, il appelle à libérer la France
"de ses exploiteurs et de ses traîtres" autrement dit des
capitalistes et des partisans de la guerre. Aucune référence aux Allemands
qui devaient sûrement être... des touristes.
Enfin, on fera remarquer que l'extrait cité n'a été repris dans aucun des livres que Charles Tillon a publiés après la guerre. Silence identique chez tous le célèbrent comme le premier Résistant.
Autre exemple de l'anglophobie du Parti communiste : le dirigeant communiste affirme dans cette publication d'août 1940 que "Churchill" ne fait partie ni de "Nos alliés" ni de "nos amis"
On pourra aussi décrire la brochure "Union du peuple pour libérer la France" en mettant en avant deux caractéristiques marquantes du texte : une
dénonciation obsessionnelle de l'antisoviétisme et une volonté manifeste de
fasciser le régime républicain.
Sur le premier point, la brochure affirme, par exemple, que la France est
entrée en guerre par haine de l'URSS !!!
Subtilité communiste : constatant l'échec de sa politique étrangère
pro-hitlérienne et antisoviétique avec le refus de l'Allemagne d'attaquer
l'URSS, la France a déclaré la guerre à Hitler puis s'est abstenue de toute
offensive majeure sur le front Ouest pour inciter les Allemands à poursuivre
leur invasion de la Pologne vers les territoires soviétiques.
Sur le second point, la brochure accuse le gouvernement français d'avoir
profité de la guerre pour imposer à la classe ouvrière un "esclavage fasciste" !!! Autre accusation : pendant toute la durée du conflit le pouvoir
exécutif a mené une "répression fasciste, anticommuniste"
avec le soutien de "Blum" !!! Un dernier exemple, l'Union sacrée
contre l'Allemagne nazie est dénoncée en ces termes : "cette politique d'union sacrée pro-hitlérienne antisoviétique" !!!
Exclu du PCF en 1970, Charles Tillon a évoqué la brochure "Union du peuple pour libérer la France" dans ses livres publiés en 1977 (On chantait rouge) et 1991 (Les FTP, soldats sans uniforme). Il a rebaptisé ce texte le "Manifeste de Bordeaux" et donné comme
date de rédaction le "18 juillet 1940" dans le premier livre, le "28 juillet 1940" dans le second.
En citant un long extrait de cette brochure, il entendait montrer que les
communistes bordelais s'étaient engagés dès l'été 1940 dans la lutte contre
l'occupant allemand et que de fait ils s'étaient émancipés de la direction
centrale et de ses textes qui ne disaient rien contre les Allemands en
raison de sa soumission aux Instructions de Moscou.
Pour juger de la qualité de ce témoin dont les écrits ont servi de base aux historiens officiels pour affirmer que les communistes bordelais s'étaient engagés dans la Résistance dès l'été 1940, on reproduira trois phrases de l'extrait publié dans On chantait rouge en mettant en gras la partie qu'il a censurée :
Pour juger de la qualité de ce témoin dont les écrits ont servi de base aux historiens officiels pour affirmer que les communistes bordelais s'étaient engagés dans la Résistance dès l'été 1940, on reproduira trois phrases de l'extrait publié dans On chantait rouge en mettant en gras la partie qu'il a censurée :
1) "Depuis la venue d'Hitler au pouvoir, les bourgeoisies française et
anglaise qui écrasaient le peuple allemand sous les exigences du traité
de Versailles, contre lequel notre Parti luttait parce que ce traité impérialiste
menait à de nouveaux conflits, firent preuve d'intérêt pour l'incendiaire du Reichstag".
2) "A la lumière de cette politique d'union sacrée pro-hitlérienne antisoviétique, les événements fulgurants des derniers mois de la guerre prennent leur
véritable signification".
3) "Couverts de sang français inutilement répandu, les responsables de
guerre et Les organisateurs de la défaite n'entendent pas être jugés par le
peuple."
On peut constater que le Charles Tillon de l'après-guerre n'était pas très
fier de ce qu'il avait écrit pendant l'occupation allemande...
Est-ce que les mensonges du stalinien français ont été dénoncés par les historiens ? Certainement pas.
Un exemple : Olivier Wieviorka. Dans son ouvrage "Les orphelins de la République : destinées des députés et des sénateurs français, 1940-1945", publié en 2001 et réédité en 2015, l'historien évoque en ces termes le cas de Charles Tillon qui était député de la Seine :
Est-ce que les mensonges du stalinien français ont été dénoncés par les historiens ? Certainement pas.
Un exemple : Olivier Wieviorka. Dans son ouvrage "Les orphelins de la République : destinées des députés et des sénateurs français, 1940-1945", publié en 2001 et réédité en 2015, l'historien évoque en ces termes le cas de Charles Tillon qui était député de la Seine :
"Désobéissant aux consignes de son parti, il se prononce d'emblée pour
la lutte contre l'occupant et joint les actes aux paroles. Après avoir
appelé à la lutte le 18 juillet 1940 par son appel de Bordeaux, il
entreprend de transformer les groupes de l'Organisation spéciale du
Parti en francs-tireurs."
Deux remarques. Premièrement, l'historien décrit l'attitude de Charles
Tillon au début de l'occupation allemande en mettant en avant son appel de
Bordeaux du 18 juillet 1940. Par la date et le lieu, on peut établir qu'il
fait référence à la brochure "Union du peuple pour libérer la France".
Deuxièmement, il affirme que cette brochure était un texte de rupture avec le PCF et un appel à la Résistance !!! Dans cette histoire alternative qui élève Charles Tillon au rang de dissident et de résistant, l'historien ne précise pas la raison pour laquelle ce dernier n'a pas été exclu par le PCF, parti bolchévique qui ne concevait que deux options pour le militant : application de la ligne ou exclusion.
Deuxièmement, il affirme que cette brochure était un texte de rupture avec le PCF et un appel à la Résistance !!! Dans cette histoire alternative qui élève Charles Tillon au rang de dissident et de résistant, l'historien ne précise pas la raison pour laquelle ce dernier n'a pas été exclu par le PCF, parti bolchévique qui ne concevait que deux options pour le militant : application de la ligne ou exclusion.
Insistons sur le fait suivant : Olivier Wieviorka est présenté comme l'un
des meilleurs spécialistes de la Seconde Guerre mondiale !!!
Le présent texte est composé de cinq parties. Dans les Partie I et II, on montrera que le pacifisme du Parti communiste a été constant pendant toute la durée de la guerre franco-allemande de 1939-1940 et dans les premiers mois de l'occupation allemande.
Le présent texte est composé de cinq parties. Dans les Partie I et II, on montrera que le pacifisme du Parti communiste a été constant pendant toute la durée de la guerre franco-allemande de 1939-1940 et dans les premiers mois de l'occupation allemande.
Dans la Partie III, on suivra l'action de Charles Tillon sur la même
période.
La Partie IV sera consacrée au traitement de la brochure "Union du peuple pour libérer la France" dans On chantait rouge et Les FTP, soldats sans uniforme, deux ouvrages publiés par
Charles Tillon en 1977 et 1991.
Dans la Partie V, on analysera le contenu de cette brochure d'août
1940 en citant des extraits qui n'ont pas été inclus dans les deux livres de Charles Tillon.
Partie I
"Paix immédiate"
Le 1er septembre 1939, Hitler attaque la Pologne avec comme motif le refus
du gouvernement polonais de satisfaire des revendications territoriales
qu'il juge légitimes et limitées. Alliés des Polonais, la France et
l'Angleterre réagissent le 3 septembre en déclarant la guerre à
l'Allemagne nazie.
Moins de trois semaines après le début des combats entre les armées
françaises et la Wehrmacht, suivant des Instructions de
l'Internationale communiste motivées par le Pacte germano-soviétique, le
Parti communiste abandonne sa ligne favorable à la défense nationale pour
s'engager en faveur de la Paix. Dissous le 26 septembre 1939, il
poursuivra son action dans la clandestinité.
Sa position : la guerre est une guerre impérialiste et sa cause n'est pas le nazisme mais le capitalisme. Ses mots d'ordre : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate" et "L'ennemi est dans notre propre pays". Ses objectifs : la Paix et, pour en garantir la pérennité, la destruction du régime capitaliste. On peut les résumer d'une phrase : la Paix par la Révolution socialiste.
Sa position : la guerre est une guerre impérialiste et sa cause n'est pas le nazisme mais le capitalisme. Ses mots d'ordre : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate" et "L'ennemi est dans notre propre pays". Ses objectifs : la Paix et, pour en garantir la pérennité, la destruction du régime capitaliste. On peut les résumer d'une phrase : la Paix par la Révolution socialiste.
Fixés par l'IC, ces deux objectifs ont été formellement énoncés par son secrétaire général, Georges Dimitrov, dans un texte qui a été diffusé en novembre 1939 sous le titre "La guerre et la classe ouvrière des pays capitalistes" :
"Les impérialistes des pays belligérants ont commencé la guerre pour
un nouveau partage du monde, pour la domination universelle, en vouant
à l'extermination des millions d'hommes. La classe ouvrière est
appelée à en finir avec cette guerre à sa façon, dans son intérêt,
dans l'intérêt de toute l'humanité travailleuse, et à supprimer,
ainsi, à tout jamais, les causes essentielles qui engendrent les
guerres impérialistes".
"Thorez au pouvoir"
Le 25 avril 1940, sur le constat qu'après huit mois de guerre le
gouvernement français est toujours déterminé à combattre Hitler, le Parti
communiste appelle les Français à se mobiliser pour la constitution d'un
Gouvernement de Paix communiste.
Désormais centrale dans son projet politique, cette revendication est formellement formulée par Maurice Thorez,
secrétaire général du PCF, dans un article publié
dans l'Humanité clandestine sous le titre "Les Pitt et Cobourg de 1940" :
LES "PITT ET COBOURG" DE 1940
Par MAURICE THOREZ
[...]
Ecoutez-les, ces représentants des 200 familles ! Ils défendent la
France. Leur guerre, la guerre des capitalistes, c'est la guerre du
droit, de la justice, de la civilisation, de l'indépendance.
Rien de neuf dans ces mensonges usés de 1914 à 1918. Mais leur
cynisme ne connait aucune borne. Tandis qu'ils s'enrichissent du sang
et de la misère du peuple de France, ils se présentent comme les
défenseurs de la Patrie.
Tout ce qui ne s'incline pas devant leur malfaisance, leurs vols et
leurs crimes, est jugé ennemi de la Patrie, traître, agent de
l'étranger.
Quels sont-ils ces vertueux personnages ? Comment conçoivent-ils
l'indépendance de la France ? Tout simplement à la façon de leurs
ancêtres, les aristocrates de 1792.
"Pitt et Cobourg" tel était le qualificatif que le peuple de France
décernait aux contre-révolutionnaires qui complotaient avec les
ennemis de la France et de la Révolution, avec l'Autriche, le roi de
Prusse et l'Angleterre.
Les "Pitt et Cobourg" de 1940 ne sont pas émigrés, ils ne sont pas en
prison, ils dirigent momentanément, et pour son malheur, les destinées
de la France. [...]
Quant à ceux qui exécutent les ordres des impérialistes de Londres,
ils sont également légion. Notre Président du Conseil se distingue
parmi ceux-là. Ce qu'on dit de l'alliance franco-anglaise est
particulièrement insultant pour notre pays : "La France est un
dominion de l'Angleterre". Le malheur est que c'est vrai et que les
responsables se présentent encore comme les défenseurs de
l'indépendance de la France.
En 1792, les "Pitt et Cobourg" avaient leurs girondins. En 1940, les
"Pitt et Cobourg" ont les leurs. Les "Brissotins" s'appellent
aujourd'hui Léon Blum [dirigeant de la SFIO], Paul Faure [secrétaire
général de la SFIO], Jouhaux [secrétaire général de la
CGT], Déat [secrétaire général de l'Union socialiste
Républicaine]. [...]
Peuple de France, il faut nous débarrasser des "Pitt et Cobourg" de
1940. Notre pays mérite un autre sort que celui d'être cité comme
l'exemple de la réaction et comme dominion de l'Angleterre. [...]
Le gouvernement que veut le pays n'est pas celui des "Pitt et
Cobourg". C'est un gouvernement de paix, s'appuyant sur les masses
populaires, donnant des garanties contre la réaction, assurant la
collaboration avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la
paix générale.
Seulement un tel gouvernement assurera l'indépendance de notre pays
en le libérant de la tutelle des agents du capital français et
anglais.
Maurice THOREZ,
secrétaire général du P.C.
Illustration de cette nouvelle orientation, le mot d'ordre "Thorez au pouvoir". Est-il un meilleur choix qu'un déserteur pour négocier la Paix avec
Hitler ?
Rappelons que Maurice Thorez a déserté au mois d'octobre sur les ordres de
Moscou. Après un court séjour en Belgique, le secrétaire général du PCF
s'est réfugié en Russie. Ce départ a été caché aux militants pour ne pas
les démobiliser.
La revendication d'un Gouvernement de Paix communiste sera une constante
de la propagande communiste jusqu'au... 22 juin 1941 et
l'invasion de l'URSS par les armées allemandes.
Tout d'abord, dans sa forme développée, la revendication communiste
comprend quatre éléments distincts et significatifs :
1) un gouvernement "s'appuyant sur les masses populaires".
2) un "gouvernement de paix".
3) un gouvernement "assurant la collaboration avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la paix générale".
4) un gouvernement "donnant des garanties contre la réaction".
Ensuite, point central du projet pacifiste communiste, le texte indique qu'une alliance avec l'URSS garantira le succès d'une négociation de Paix franco-allemande. Cette proposition est un rappel explicite que Moscou et Berlin sont des alliés.
1) un gouvernement "s'appuyant sur les masses populaires".
2) un "gouvernement de paix".
3) un gouvernement "assurant la collaboration avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la paix générale".
4) un gouvernement "donnant des garanties contre la réaction".
Ensuite, point central du projet pacifiste communiste, le texte indique qu'une alliance avec l'URSS garantira le succès d'une négociation de Paix franco-allemande. Cette proposition est un rappel explicite que Moscou et Berlin sont des alliés.
De plus, logique communiste, le silence sur les ennemis allemands est
compensé par une ferme condamnation des alliés anglais.
Démonstration de l'anglophobie du Parti communiste, Maurice Thorez accuse
le gouvernement français "d'exécuter les ordres des impérialistes de Londres", affirme que la France n'est qu'un "Dominion de l'Angleterre" et
enfin appelle à libérer la France "de la tutelle des agents du capital français et anglais".
Enfin, sur le plan intérieur, le Gouvernement Thorez s'engage à libérer la
France du capitalisme. On retrouve ainsi les deux objectifs fixés par
l'IC : la Paix et la Révolution socialiste.
Offensive allemande de mai 1940
Le 10 mai 1940, l'Allemagne prend l'initiative sur le front Ouest en
envahissant la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Après avoir percé
le front français dans le secteur de Sedan le 13 mai, les divisions
blindées allemandes foncent en direction de la Manche pour prendre à
revers les unités françaises et le contingent anglais qui sont entrés en
Belgique pour repousser la Wehrmacht. Victorieuse, cette
première phase de l'offensive allemande se termine le 4 juin. Les armées
françaises qui ne se sont pas engagées en Belgique constituent dans
l'intervalle une ligne de défense sur la Somme et l'Aisne. Le 5 juin, les
Allemands déclenchent la seconde phase de leur plan en attaquant sur la
Somme puis sur l'Aisne quelques jours après. La ligne de défense française
est rapidement enfoncée permettant ainsi aux unités allemandes d'avancer à
l'Ouest, à l'Est et sur Paris, déclarée ville ouverte la capitale tombe le
14, puis de se répandre sur tout le Sud. Le 17 juin, jugeant la situation
militaire catastrophique, le Maréchal Pétain, nommé la veille à la
présidence du Conseil, demande l'armistice qui est signé le 22 juin.
Les combats de mai et juin 1940 sur le territoire français n'ont provoqué
aucun changement dans la ligne pacifiste du PCF comme l'attestent tous les
numéros de l'Humanité qui ont été diffusés au cours de
cette période.
Un exemple de l'attitude des communistes, l'appel publié dans l'Humanité n° 47 du 17 mai 1940 sous le titre "Pour sauver notre pays et notre peuple de la misère, de la ruine et
de la mort" :
"Le Parti Communiste a dit et répété que cette guerre a été provoqué
par les capitalistes. Pour avoir réclamé la paix, avant que les
massacrent ne commencent, des milliers de ses membres ont été jetés
en prison, dans les camps de concentration ou dans les bagnes
africains. D'autres sont menacés de la peine de mort ! [...]
Aujourd'hui où l'angoisse étreint des millions d'hommes et de
femmes de notre pays le Parti Communiste dit, comme toujours, ce
qu'il considère être l'intérêt des travailleurs et du peuple de
France.
Le rétablissement de la paix, la sécurité et l'indépendance du
pays, la liberté et le progrès social exigent que soit
impitoyablement chassé le gouvernement des 200 familles qui a
entraîné notre pays dans l'aventure présente. [...]
PEUPLE DE FRANCE ! Pour la paix, le pain, la liberté,
l'indépendance, SOIS UNIS !
Lutte pour :
Un gouvernement de paix, s'appuyant sur les masses populaires,
prenant des mesures contre la réaction, un gouvernement qui
s'entende sans délai avec l'Union Soviétique pour le
rétablissement de la Paix générale dans le monde."
Particularité de cet appel, il sera repris dans les deux premiers tracts
diffusés par les communistes bordelais au mois de juin.
Ce fait prouve d'une part qu'il y a eu une liaison entre Paris et
Bordeaux et d'autre part que les communistes bordelais ont fidèlement
appliqué la ligne fixée par la direction centrale.
Partie II
Gouvernement Pétain
Le 16 juin 1940, réfugié dans la ville de Bordeaux depuis deux jours, le
Gouvernement Reynaud démissionne à 22 heures en raison de sa division
entre opposants et partisans de l'armistice.
A la tête de ceux qui veulent mettre fin au conflit avec l'Allemagne
et qui défendent au sein du gouvernement la même position que le
Commandant en chef des armées françaises, le Général Weygand : le
Maréchal Pétain, vice-président du Conseil et ministre d'Etat. Ce
dernier est aussitôt chargé par le Président de la République de
former un nouveau gouvernement.
Parmi ceux qui veulent continuer de se battre contre les
Allemands : le Général de Gaulle, sous-secrétaire d'Etat à la
Défense nationale et à la Guerre attaché à la présidence du Conseil.
En mission en Angleterre, il apprendra la démission du gouvernement à
son retour à Bordeaux dans la soirée. Après la constitution dans la
nuit d'un cabinet marquant la victoire du clan des défaitistes, il
décide le lendemain matin de repartir pour Londres. Il s'embarquera
dans l'avion ramenant en Angleterre l'envoyé spécial de Churchill, le
Général Spears.
Le 17 juin, en début d'après-midi, le nouveau président du Conseil
annonce aux Français qu'il est entré en contact avec le gouvernement
allemand pour négocier un armistice.
Armistice franco-allemand
Signé le 22 juin, l'armistice franco-allemand marque la défaite de la
France. Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix,
cet armistice impose au pays vaincu l'occupation d'une zone couvrant
les trois-cinquièmes de son territoire et comprenant sa capitale, le
maintien en captivité de 1,5 million prisonniers de guerre, la
démobilisation et le désarmement de ses forces armées, et enfin le
paiement d'une indemnité journalière pour les frais d'occupation dont
le montant sera fixé quelques semaines tard à 400 millions francs et
représentera pour le budget français un prélèvement massif et abusif
relevant plus des réparations de guerre que de l'entretien d'une armée
d'occupation.
Pour connaître la réaction du PCF à la défaite de la France et à
l'occupation allemande qui en est la conséquence, il suffit de
lire l'Humanité du 24 juin 1940 et son article leader intitulé... "Construire la paix" :
"L'armistice est signé.
Ah, certes nous serrons les poings à la pensée qu'une autre paix
eut pu être conclue en Septembre-Octobre dernier comme la
proposaient les Communistes. Mais à cette époque Daladier jugeait
que les ordres de la Cité de Londres devaient
être obéis.
Construire la Paix ! Voilà donc la tâche urgente.
Nous savons bien, nous autres communistes, qu'il n'y aura de paix
véritable que lorsque auront été extirpées les racines profondes
de la guerre. LA PAIX C'EST LE SOCIALISME.
Lutter pour la paix, c'est coordonner l'action des prolétaires de
tous les pays dans la lutte pour la victoire du socialisme, de ce
socialisme dont l'URSS offre au monde le resplendissant exemple.
Tel est notre but.
Préparer cette paix implique que la France est un gouvernement
capable de comprendre et de traduire les aspirations populaires.
La France de juin 1940 ne possède pas un [tel] gouvernement. [...]
Pour négocier la paix, il faut pouvoir parler au nom du peuple.
On ne parle pas au nom du peuple quand on tient en prison et dans
les camps des milliers de militants du peuple. Seul, sera digne de
négocier une paix équitable, le gouvernement qui rendra au
prolétariat ses droits et sa liberté. [...]
Que disparaissent les fauteurs de guerre, les responsables du
désastre, les valets de la Cité de Londres : PLACE AU PEUPLE !".
Dans ce texte approuvant l'armistice franco-allemand, l'Humanité affirme que seul le Parti communiste est en mesure de négocier
avec Hitler "une paix véritable" ou encore une "paix équitable" car il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre et à pouvoir
en outre bénéficier du soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne.
Ajoutons quatre remarques supplémentaires.
Tout d'abord, l'Humanité rappelle l'initiative pacifiste des députés communistes à la fin de la Campagne de Pologne et en attribue l'échec à la soumission du gouvernement français aux "ordres de la Cité de Londres".
De plus, toujours dans le but de montrer que seul le projet pacifiste
du Parti communiste est légitime, l'Humanité plaide
pour une "paix équitable" ou encore une "paix véritable"
par opposition à une paix inéquitable ou à une fausse paix négociée
par le Maréchal Pétain.
Ajoutons quatre remarques supplémentaires.
Tout d'abord, l'Humanité rappelle l'initiative pacifiste des députés communistes à la fin de la Campagne de Pologne et en attribue l'échec à la soumission du gouvernement français aux "ordres de la Cité de Londres".
Ensuite, formulé dans le but de prouver que les communistes sont des
pacifistes de la première heure, ce rappel est aussi une
dénonciation implicite du Maréchal Pétain qui est accusé par la
propagande communiste de n'être qu'un belliciste, autrement dit un
agent du capitalisme français et anglais, dont l'engagement tardif
en faveur de la Paix n'est qu'un opportunisme.
C'est d'ailleurs pour mettre en avant le bellicisme de ce dernier
que le texte décrit le président du Conseil ainsi que les membres de
son Gouvernement de Paix comme des "fauteurs de guerre"
(impérialisme français) et des "valets de la Cité de Londres"
(impérialisme anglais).
Enfin, par son contenu, cet article est en totale conformité avec le projet défendu par les communistes depuis le début du conflit à savoir la Paix par la Révolution socialiste ("LA PAIX C'EST LE SOCIALISME").
Appel du PCF
A la fin de juillet 1940, soit un mois après la signature de
l'armistice franco-allemand, le Parti communiste clandestin lance un
Appel au "Peuple de France".
Signé "Au nom du Comité Central du Parti Communiste Français"
par Maurice Thorez et Jacques Duclos, secrétaire général et secrétaire
du PCF, cet appel est un véritable plaidoyer pour la constitution...
d'un Gouvernement de Paix communiste.
Pour justifier cette revendication et en même temps marquer la
différence entre son projet pacifiste et celui du Maréchal Pétain, le
Parti communiste affirme que seuls les communistes sont en mesure de
négocier avec Hitler une "Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France" ou encore "une paix véritable" car "seuls, les Communistes ont lutté contre la guerre".
Un dernier élément, cet appel est le tract le plus important diffusé
par les communistes à l'été 1940.
Partie III
Charles Tillon
A l'entrée en guerre de la France en septembre 1939, Charles Tillon est
membre du Comité central du Parti communiste français, responsable de la
Région Paris-Nord du PCF et député de la Seine.
Trois semaines après le début du conflit, le Parti communiste est dissous
en raison de son approbation du Pacte germano-soviétique, de son soutien à
l'entrée des troupes soviétiques en Pologne et enfin de sa mobilisation en
faveur de la Paix.
Dernière tribune légale du Parti, le groupe parlementaire communiste se
mobilise dans les jours qui suivent le partage de la Pologne entre la
Russie de Staline et l'Allemagne d'Hitler pour demander dans une lettre
adressée au président de la Chambre l'organisation d'un vote du Parlement
en faveur de la Paix.
Jugeant que la diffusion de cette lettre constitue une infraction au décret de dissolution, la
justice militaire engagera des poursuites contre tous les députés
communistes. Elle cherchera aussi à déterminer si l'article 75 du code pénal qui définit la trahison peut s'appliquer à cette initiative qui invoque la diplomatie soviétique.
Absent de son domicile par mesure de sécurité, Charles Tillon échappe à
l'arrestation comme neuf de ses camarades. Contraint à la clandestinité,
il n'a aucune activité politique pendant plusieurs semaines.
En novembre, Benoît Frachon l'envoie à Bordeaux pour diriger l'action du
Parti dans une zone couvrant une douzaine de départements allant de la
Charente aux Pyrénées.
Responsable du PCF clandestin, ce dernier formulera un jugement positif
sur le travail de Tillon dans une lettre du 20 janvier 1940 adressée à
Jacques Duclos, secrétaire du PCF réfugié à Bruxelles :
"Pour Ch T. [Tillon] je crois qu'il faut le laisser encore un peu où
nous l'avons mis et où il fait un excellent travail. Je pense que
lui-même préfère cela. Ici il craignait un peu de sortir, de prendre
des contacts. Là-bas, ça va beaucoup mieux. Je suis d'avis de le faire
revenir, mais pas tout de suite". (1)
Le 5 février 1940, les députés communistes sont renvoyés devant le tribunal militaire de Paris où ils seront jugés pour infraction au décret de dissolution. La procédure concernant la trahison est disjointe et ne visera que les 9 députés toujours recherchés dont Charles Tillon. Elle n'ira pas à son terme à cause de la défaite de juin 1940.
Le 20 février, le député de la Seine est déchu de son mandat par une
Résolution de la Chambre votée en application de la loi du 20 janvier 1940
prononçant la déchéance de tous les élus communistes qui n'ont pas rompu
avec le PCF.
En mars-avril se tient le procès des 44 députés communistes mis en cause
pour la lettre au président Herriot. Jugé par contumace, Charles Tillon est condamné à 5 ans de prison, peine maximale prévue par le décret
de dissolution. Cette condamnation sera amnistié par une ordonnance du 1er juillet 1943 signée par le général de Gaulle.
A l'été 1940, Charles Tillon est le principal dirigeant communiste dans la
région du Sud-Ouest.
Juin 1940
Dixième et dernier mois de la guerre franco-allemande, le mois de juin
1940 a été marqué par quatre événements majeurs.
Le 5, les Allemands ont lancé leur offensive sur la Somme. Le 10, l'Italie
a déclaré la guerre à la France. Le 17, le Maréchal Pétain a manifesté au
gouvernement allemand son désir de mettre fin au conflit. Le 22,
l'armistice franco-allemand a été signé.
Sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais ont été les
seuls au sein de l'organisation communiste à réagir à chacun de ces
événements en diffusant à chaque fois un tract signé « Le Parti communiste français (SFIC) » :
1) "Pour la Paix, le Pain, la Liberté, l'Indépendance !".
2) "Pour sauver notre pays !".
3) "Pour la Défense de la liberté et de l'Indépendance / Rassemblement".
4) "Appel au Peuple de France".
Réponses à l'invasion de la France par les armées nazies et fascistes, ces
tracts appelaient tous à la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste !!!
"Union du peuple pour libérer la France"
Autre succès de la propagande communiste dans la région de Bordeaux : la
diffusion au début de septembre 1940 d'une brochure intitulée : "Union du peuple pour libérer la France".
Signée « Le Parti communiste français (SFIC) », cette
brochure a été reproduite dans Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943 (2012), livre de l'historien communiste Roger
Bourderon, sur la base d'un exemplaire conservé aux Archives
départementales de la Gironde.
- un titre : "Union du peuple pour libérer la France".
- un surtitre : "L'ordre nouveau c'est le fascisme".
- une citation : "Si le socialisme ne triomphe pas en Europe, la paix entre les états
capitalistes ne sera qu'une trêve, qu'une interruption dans la
préparation de nouveaux carnages. (Lénine1918)".
- une date : "AOUT 1940". (1)
En s'appuyant simplement sur cette première page, on peut constater que
cette brochure d'août 1940 appelle les Français à se rassembler pour
libérer la France du capitalisme synonyme de guerre et instaurer un régime
socialiste synonyme de Paix.
On peut résumer ce projet en une phrase : la Paix par la Révolution
socialiste.
On notera que c'est le projet défendu par les communistes depuis le début
du conflit et que la défaite de la France n'a donc provoqué aucun
changement dans la ligne du PCF.
Une différence cependant avec la période antérieure, le Gouvernement
Pétain incarne une version fasciste du régime capitaliste.
D'une vingtaine de pages, la brochure "Union du peuple pour libérer la France" est composé d'un seul texte intitulé : "« L'Ordre nouveau » du Gouvernement de la 5e colonne, c'est
le fascisme hitlérien !".
Ce texte se divise en deux parties. La première est consacrée à l'avant-guerre, à la guerre et à la défaite. La seconde est une série d'appels s'adressant successivement aux "Prolétaires de France", aux "Ouvriers, ouvrières", aux "Paysans de France" et enfin aux "Travailleurs socialistes", aux "Républicains" et aux "Catholiques".
(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 81.
Ce texte se divise en deux parties. La première est consacrée à l'avant-guerre, à la guerre et à la défaite. La seconde est une série d'appels s'adressant successivement aux "Prolétaires de France", aux "Ouvriers, ouvrières", aux "Paysans de France" et enfin aux "Travailleurs socialistes", aux "Républicains" et aux "Catholiques".
(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 81.
Partie IV
Résistant et dissident
Ancien dirigeant des Francs-tireurs et partisans, bras armé de la
Résistance communiste, Charles Tillon a témoigné de son action pendant la
Seconde Guerre mondiale dans Les FTP (1962) et dans deux
livres publiés après son exclusion du PCF en 1970 : On chantait rouge (1977) et Les FTP, soldats sans uniforme (1991).
Dans ces deux derniers livres, il affirmait qu'à l'été 1940 il avait
organisé la Résistance communiste dans la région de Bordeaux et que de
fait il s'était émancipé de la direction centrale du PCF qu'il accusait non seulement d'avoir été soumise
à l'IC et à ses consignes respectueuses du Pacte germano-soviétique mais aussi d'avoir tenté de reprendre une activité légale dans les premières
semaines de l'occupation.
Comme preuve de sa résistance et de sa dissidence, il mettait en avant
trois documents : deux tracts rédigés le 10 et le 17 juin et une
brochure préparée au mois de juillet.
On chantait rouge
Dans On chantait rouge, cette brochure était mentionnée
dans le chapitre "Manifeste de Bordeaux" :
"Bien avant l'entrée des occupants dans Bordeaux, je me sentais en
état de révolte ouverte contre l'Internationale. Ses injonctions
venues de Bruxelles, c'était l'acceptation de l'occupation. Or depuis
le 17 juin, mon premier appel désignait notre ennemi, c'était
l'envahisseur ! L'avoir dit de ma part n'était qu'un engagement
politique. Il fallait à présent mettre les actes en accord avec les
mots. [...]
Dans les premiers jours de juillet, j'avais convoqué les camarades
sur qui reposait l'organisation clandestine pour les consulter et pour
agir en liaison avec l'ex-secrétaire de l'Union des syndicats Leray
qui, hélas, serait interné. [...]
La discussion renforçait notre résolution, effaçait nos angoisses
communes. On bégayait le mot : Résistance. Il faudrait retrouvé
ceux qui nous avait abandonnés dans la toundra où nous subissions le
pacte germano-soviétique, et réorganiser le parti, ses liens, ses
moyens; veiller plus que jamais au travail clandestin. Croire à la
légalité avec l'hitlérisme ? Un suicide. Vainqueur il n'a pas changé
de nature... L'accord établi, les camarades m'approuvèrent d'avoir
entrepris la rédaction d'un bulletin d'information sur la fonction
nouvelle et la lutte antifasciste nécessaire après les errements
passés [1]. Il serait adressé à tous les militants restés fidèles
dans la région Sud-Atlantique. J'étais sûr que Frachon, qui m'avait
fait confiance, m'approuverait." (1)
La note "[1]" présentait le contenu suivant :
"Ce bulletin de 20 pages, intitulé L'ordre nouveau, c'est le fascisme
hitlérien, existe dans son édition originale aux Archives de la
Gironde ainsi qu'aux archives du Centre Jean Moulin de Bordeaux. Ce
furent les camarades Sautel et la Georges Beyer qui en assurèrent le
tirage après maintes difficultés éprouvées à s'en assurer les moyens.
Plusieurs tracts furent édités, reprenant le thème du bulletin qui fut
tiré à 300 exemplaires pour les cadres et diffusé dans les cinq
départements dans les dernières semaines de juillet. Le lecteur en
trouvera quelques passages en annexe du présent chapitre." (2)
A la fin du chapitre était reproduit sous l'intitulé "Le manifeste de Bordeaux" un long extrait de ce bulletin qui débutait par un titre "« L'Ordre nouveau » du Gouvernement de la 5e colonne, c'est
le fascisme hitlérien !" et se terminait sur les mentions suivantes : "Le Parti Communiste Français / Bordeaux, le 18 juillet 1940".
Trois remarques. Tout d'abord, le titre de la brochure. Charles Tillon
réussit l'exploit de donner deux titres qui sont tous les deux erronés. Le
premier, "L'ordre nouveau, c'est le fascisme hitlérien", correspond
au surtitre de la brochure. Le second, "Le manifeste de Bordeaux", est totalement absent du texte.
Ensuite, la date du "18 juillet 1940" n'apparaît sur aucune
des pages de cette publication. La seule date mentionnée est celle de la
page titre : "AOUT 1940".
Enfin, l'extrait cité est une juxtaposition de paragraphes tirés de la
brochure. A de rares exceptions, les coupes dans les paragraphes ou entre
les paragraphes ne sont pas indiquées. Certains paragraphes sont composés
de phrases venant de différentes parties du texte. Enfin plusieurs phrases
sont incomplètes.
Pour illustrer ce dernier point on citera trois exemples en mettant en
gras la partie censurée.
Exemple 1 :
Exemple 1 :
"Depuis la venue d'Hitler au pouvoir, les bourgeoisies française et
anglaise qui écrasaient le peuple allemand sous les exigences du
traité de Versailles, contre lequel notre Parti luttait parce que ce traité impérialiste
menait à de nouveaux conflits, firent preuve d'intérêt pour l'incendiaire du Reichstag".
On peut constater que dans le texte original, le PCF se flattait en pleine
occupation allemande d'avoir combattu le Traité de Versailles dont
l'abrogation avait formé la base du projet d'Hitler en politique
étrangère.
Exemple 2 :
Exemple 2 :
"A la lumière de cette politique d'union sacrée pro-hitlérienne antisoviétique, les événements fulgurants des derniers mois de la guerre prennent
leur véritable signification".
L'Union sacrée désignait l'adhésion de tous les partis politiques à la guerre contre l'Allemagne avec une exception : le PCF.
On notera encore une fois la subtilité de l'argumentaire communiste qui
associe la lutte contre les nazis à un engagement pro-hitlérien.
"Couverts de sang français inutilement répandu, les responsables de
guerre et Les organisateurs de la défaite n'entendent pas être jugés par le
peuple."
Pour le PCF, les responsables de la guerre n'étaient pas les Allemands
mais les impérialistes français dont le bellicisme était tellement
fanatique qu'ils avaient comme objectif... la défaite.
(1) C. Tillon, On chantait rouge, 1977, pp. 304-306.
(2) Ibid. p. 306.
Les FTP, soldats sans uniforme
La diffusion d'une brochure à l'été 1940 était aussi évoquée avec quelques
différences notoires dans Les FTP, soldats sans uniforme :
"Partout où survit l'espérance, il faut se recroqueviller et
s'inventer une façon de se battre. Sans nouvelle, de Frachon, je
reçois des informations de Paris par un cheminot. Les roulants disent
que, dans la région parisienne, le PCF publie l'Humanité et réclame
que la kommandantur lui rende ses municipalités comme un échange à
valoir du respect du pacte germano-soviétique. Dans le Sud-Ouest la
chasse aux militants continue et nos consignes exigent la plus stricte
clandestinité en tout. Il me parait alors nécessaire d'énoncer une
autre façon de se dire communiste sous l'Occupation, et de dire
comment je vois les choses et les moyens de s'organiser. Je rédige
donc, le 28 juillet 1940, une sorte de manifeste de vingt pages, avec
pour titre :
L'Ordre nouveau du Gouvernement de la 5e colonne, c'est le fascisme
hitlérien !
[Suit un extrait de la brochure qui reprend 50% de celui reproduit
dans On chantait rouge.]
Je signe ce long manifeste qui cherche à répondre aux questions de
l'heure au nom du parti communiste dont je reste le délégué du Comité
central depuis 1939 [1]." (1)
La note "[1]" apportait les précisions suivantes :
"Ce bulletin existe dans son édition originale aux archives de la
Gironde ainsi qu'aux archives du centre Jean Moulin de Bordeaux. Ce
furent les camarades Louis Liard et la dactylo Paulette Lacabe qui en
assurèrent le tirage après maintes difficultés éprouvées pour en
assurer les moyens. Plusieurs tract furent édités, reprenant le thème
du bulletin qui fut tiré à 300 exemplaires pour les cadres et diffusés
dans cinq départements dès les premières semaines de septembre." (2)
Rappelons que le titre indiqué par l'auteur n'est pas celui de la brochure
mais celui placé au début du texte.
En s'appuyant sur le second témoignage de Charles Tillon - plus conforme à la date d'août 1940 puisqu'il indique le 28 juillet comme date de rédaction - on peut soutenir que la brochure "Union du peuple pour libérer la France" (ce titre n'est jamais cité par l'ancien dirigeant communiste) a été diffusée à 300 exemplaires au début de septembre 1940 dans les départements du Sud-Ouest avec deux objectifs précis : faire connaître aux cadres communistes la position du Parti et leur permettre de diffuser sous forme de tract les textes composant cette publication.
En s'appuyant sur le second témoignage de Charles Tillon - plus conforme à la date d'août 1940 puisqu'il indique le 28 juillet comme date de rédaction - on peut soutenir que la brochure "Union du peuple pour libérer la France" (ce titre n'est jamais cité par l'ancien dirigeant communiste) a été diffusée à 300 exemplaires au début de septembre 1940 dans les départements du Sud-Ouest avec deux objectifs précis : faire connaître aux cadres communistes la position du Parti et leur permettre de diffuser sous forme de tract les textes composant cette publication.
(1) C. Tillon, Les FTP, soldats sans uniforme, 1991, p. 23-25.
(2) Ibid. p. 25.
Partie V
La Paix par la Révolution socialiste
Pour Charles Tillon, son "Manifeste de Bordeaux" était un acte de
résistance et une manifestation d'émancipation.
En réalité, la brochure "Union du peuple pour libérer la France"
s'inscrivait totalement dans la ligne fixée par la direction centrale
puisqu'elle soutenait les deux objectifs du PCF : la Paix et la Révolution
socialiste.
Pour appuyer cette affirmation, on citera des extraits de la brochure qui sont absents des deux livres de Charles Tillon et qui permettent d'illustrer les thèmes suivants :
Pour appuyer cette affirmation, on citera des extraits de la brochure qui sont absents des deux livres de Charles Tillon et qui permettent d'illustrer les thèmes suivants :
2) Célébration du pacifisme communiste pendant la guerre de 1939-1940.
3) Condamnation de l'armistice au nom du pacifisme.
4) Condamnation du Général de Gaulle.
5) Paix avec l'Allemagne nazie (libération nationale).
6) Révolution socialiste (libération sociale).
7) Fidélité à l'IC et à l'URSS.
Condamnation
de la guerre impérialiste de 1939-1940
Revenant dans ses premières pages sur la situation de la France dans les
années 1930, la brochure "Union du peuple pour libérer la France"
accuse les gouvernements français d'avoir mené une politique étrangère
pro-hitlérienne et antisoviétique.
Sont notamment visés Léon Blum et Edouard Daladier. Le premier pour sa
politique de non-intervention pendant la guerre d'Espagne ("la criminelle non-intervention de Blum"). Le second pour les Accords de Munich attribuant à l'Allemagne une
partie de la Tchécoslovaquie. ("la trahison de Munich"). (1)
Pour le Parti communiste, ces choix de politique étrangère n'avaient
qu'une seule finalité : renforcer Hitler pour l'inciter à attaquer l'URSS.
Abordant ensuite le conflit de 1939-1940, la brochure expose les raisons
pour lesquelles la France a déclaré la guerre à l'Allemagne :
"La guerre déclarée au côtés de l'Angleterre avait trois buts
essentiels :
a) Organiser une croisade anti-soviétique.
b) Régler les rivalités impérialistes avec l'Allemagne.
c) Organiser à l'intérieur l'esclavage fasciste de la classe ouvrière." (1)
a) Organiser une croisade anti-soviétique.
b) Régler les rivalités impérialistes avec l'Allemagne.
c) Organiser à l'intérieur l'esclavage fasciste de la classe ouvrière." (1)
Pour expliquer l'entrée en guerre de la France le Parti communiste donne
comme première explication :
l'antisoviétisme !!!
Si la France a déclaré la guerre à Hitler ce n'était pas pour aider la
Pologne, défendre sa propre sécurité ou combattre l'idéologie nazie mais
par haine de l'URSS.
Subtilité communiste : constatant l'échec de sa politique étrangère
pro-hitlérienne et antisoviétique avec le refus de l'Allemagne
d'attaquer l'URSS, la France a déclaré la guerre à Hitler puis s'est
abstenue de toute offensive majeure sur le front Ouest pour inciter les
Allemands à poursuivre leur invasion de la Pologne vers les territoires
soviétiques.
Troisième explication : l'instauration en France d'un "esclavage fasciste" !!!
Deux remarques. Tout d'abord, la fascisation du régime républicain est un procédé récurrent dans cette brochure d'août 1940. Ensuite, pendant le conflit de 1939-1940, le PCF a dénoncé le gouvernement français pour sa guerre impérialiste sur le plan extérieur et sa guerre de réaction sur le plan intérieur.
(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 49.
(2) Ibid, p. 50.
Célébration du pacifisme communiste
pendant la guerre de 1939-1940
Dans sa brochure, le Parti communiste nous donne sa définition du
patriotisme :
"La vérité tragique est maintenant perceptible à tous les français
honnêtes : les communistes accusés de trahison parce qu'ils
s'opposaient aux plans criminels des 200 familles, condamnés à des
siècles de prison pour avoir réclamé la paix quand elle était possible
sans désastre, et pour s'être opposés à la transformation de la France
en Dominion de l'Angleterre, les communistes étaient et demeurent les
véritables patriotes dont l'amour véritable de la Patrie exige que
celle-ci soit libérée de ses exploiteurs et de ses traîtres." (1)
Revenant sur l'action du Parti communiste au cours de la guerre de
1939-1940, Charles Tillon affirme que "les communistes étaient et demeurent les véritables patriotes" en raison de leur opposition à
l'Angleterre et de leur engagement en faveur de la paix avec Hitler !!!
Au cours du conflit franco-allemand, l'ennemi n'était donc pas l'Allemagne
d'Hitler mais la France républicaine dont le bellicisme s'expliquait par
sa soumission à l'impérialisme anglais.
Au sens communiste du terme, Charles Tillon mérite pleinement le titre de
"patriote" puisqu'il a été condamné à la "prison pour avoir réclamé la paix".
Ajoutons sur ce point que la brochure rend hommage aux députés communistes et à la lettre qu'ils ont adressée au président Herriot à la fin de la Campagne de Pologne pour demander l'organisation d'un vote du Parlement en faveur de la Paix :
Dernier élément, le texte appelle à libérer la France "de ses exploiteurs et de ses traîtres" autrement dit des capitalistes et des partisans de la guerre. Aucune référence aux Allemands qui devaient sûrement être... des touristes.
Ajoutons sur ce point que la brochure rend hommage aux députés communistes et à la lettre qu'ils ont adressée au président Herriot à la fin de la Campagne de Pologne pour demander l'organisation d'un vote du Parlement en faveur de la Paix :
"Mais lorsque les député communistes demandaient immédiat (sic) de la paix alors qu'il était possible d'éviter la tuerie qui a abouti
à la colonisation de la France, nos élus étaient déchus et sauvagement
condamnés, les syndicats détruits, 15 000 travailleurs étaient arrêtés
et les chefs socialistes poussaient à l'institution de la peine de
mort contre les communistes, mettant ainsi la répression en France au
niveau de la répression hitlérienne". (2)
Dernier élément, le texte appelle à libérer la France "de ses exploiteurs et de ses traîtres" autrement dit des capitalistes et des partisans de la guerre. Aucune référence aux Allemands qui devaient sûrement être... des touristes.
(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 56.
(2) Ibid. p. 51.
Condamnation de l'armistice
au nom du pacifisme
La brochure évoque l'armistice franco-allemand en ces termes :
"L'ARMISTICE DÉBUT D'UNE AUTRE GUERRE. [...]
Pas plus que le Munich de 1938, l'armistice de capitulation des
munichois de Bordeaux n'est la paix.
L'armistice demandé par les 200 familles, s'il a mis
fin aux hostilités entre la France et l'Allemagne, ne signifie pas la fin de la guerre impérialiste, mais la mise à
la disposition d'Hitler du potentiel économique et militaire de la
France, de ses possessions, afin que les 200 familles puissent encore
agir, même en favorisant la guerre contre l'Angleterre, en vue de
l'agression dont ils rêvent contre l'URSS, et de bénéficier d'un
nouveau partage du monde, en échange de l'exploitation sanglante du
pays." (1)
Pour Charles Tillon l'armistice du 22 juin 1940 marque la fin du conflit
avec l'Allemagne mais pas la fin de la guerre impérialiste.
En effet, il estime qu'après avoir servi l'impérialisme anglais, la France
va désormais s'engager dans la guerre au profit de l'impérialisme
allemand : "l'armistice début d'une autre guerre".
En d'autres termes, cet armistice n'est pas synonyme de Paix mais de
guerre. C'est donc l'armistice pétainiste qui est condamné et
non le principe de l'armistice.
Pour illustrer la différence entre l'armistice pétainiste et celui
qu'aurait négocié le PCF, on citera le tract "Pour la Défense de la liberté et de l'Indépendance / Rassemblement" diffusé par les communistes bordelais pendant les négociations de
l'armistice :
"Maintenant, ils négocient une paix fasciste. [...]
PEUPLE DE FRANCE, TRAVAILLEUR, TRAVAILLEUSES !
Il est encore temps d'empêcher la livraison du peuple à Hitler et
Mussolini et aux hitlériens français qui lui ont ouvert la route !
A bas un nouveau Munich pour assassiner la France laborieuse.
POUR SAUVER L'INDÉPENDANCE ET LA LIBERTÉ
Il faut immédiatement un gouvernement appuyé sur les masses populaires, brisant le complot fasciste de la réaction et faisant appel à l'URSS pour le rétablissement d'une Paix véritable
dans le monde !" (2)
Appel à la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste, ce tract
fait la distinction entre la "paix fasciste" qui est négocié par le
Gouvernement du Maréchal Pétain deouis l7 juin et la "Paix véritable" que le PCF pourrait conclure avec Hitler.
Autre élément, l'extrait cité met en évidence un trait caractéristique de la brochure : sa dénonciation obsessionnelle de l'antisoviétisme.
En effet, envisageant une entrée en guerre de la France aux côtés de l'Allemagne, elle affirme que le pays menacé n'est pas l'Angleterre, qui est pourtant le dernier pays à résister aux nazis, mais l'Union soviétique qui semblerait ne pas avoir signé un Pacte de non-agression avec Berlin !!!
Signalons pour terminer que cet extrait de la brochure a été repris dans On chantait rouge et dans Les FTP, soldats sans uniforme avec une censure toutefois puisque le mot "impérialiste" a été supprimé.
Autre élément, l'extrait cité met en évidence un trait caractéristique de la brochure : sa dénonciation obsessionnelle de l'antisoviétisme.
En effet, envisageant une entrée en guerre de la France aux côtés de l'Allemagne, elle affirme que le pays menacé n'est pas l'Angleterre, qui est pourtant le dernier pays à résister aux nazis, mais l'Union soviétique qui semblerait ne pas avoir signé un Pacte de non-agression avec Berlin !!!
Signalons pour terminer que cet extrait de la brochure a été repris dans On chantait rouge et dans Les FTP, soldats sans uniforme avec une censure toutefois puisque le mot "impérialiste" a été supprimé.
"L'armistice demandé par les 200 familles, s'il a mis fin aux
hostilités entre la France et l'Allemagne, ne signifie pas la fin de
la guerre, mais la mise à la disposition d'Hitler..." (3) (4)
(2) Ibid. p. 46.
(3) C. Tillon, On chantait rouge, 1977, p. 312.
(4) C. Tillon, Les FTP, soldats sans uniforme, 1991, p. 24.
Condamnation du Général de Gaulle.
La brochure prend positon sur le Général de Gaulle en déclarant :
"La classe ouvrière n'a pas le droit d'oublier que les prébendiers du
régime qui ont quitté le pays sous prétexte de continuer la guerre
avec l'Angleterre ont, jusque dans leurs derniers actes
gouvernementaux ou politiques, poursuivi leur collaboration au
mensonge, à la provocation anti-soviétique, aux crimes contre le
peuple, et livré au gouvernement Pétain (qu'ils qualifient aujourd'hui
de « gouvernement félon ») tous les militants communistes et
les autres travailleurs, par eux jetés dans les prisons et les camps
de concentration." (1)
Dans sa brochure d'août 1940, le PCF dénonce le Général de Gaulle comme un
être vénal ("prébendiers du régime") qui a fui en Angleterre
pour... échapper à ses responsabilités dans la défaite de la France.
Les causes de cette défaite étant le bellicisme, l'antisoviétisme et
l'anticommunisme des gouvernements français dont celui de Paul Reynaud
auquel il participé du 5 au 16 juin 1940.
Le bellicisme est associé aux mensonges visant à justifier la guerre.
L'antisoviétisme fait surtout référence aux armes que la France a envoyées
à la Finlande pour se défendre contre l'agression soviétique.
L'anticommunisme renvoie à la répression des militants communistes en
raison de leur engagement en faveur de la Paix.
Paix avec l'Allemagne nazie
(libération nationale)
Preuves incontestables du contenu pacifiste de la brochure, quatre
extraits appelant les Français à se mobiliser pour la Paix avec
l'Allemagne :
Extrait 1 :
"La classe ouvrière n'oubliera pas qu'une autre issue aurait pu être
trouvée pour la France, si tous les partis n'avaient pas ensemble,
réprimé l'appel du Parti communiste qui demandait notamment en mai
1940 (par l'Humanité illégale et ses publications éditées au prix de
tant d'abnégation) le rétablissement des libertés démocratiques, des
mesures brisant la 5e colonne, un gouvernement sans traîtres, et
capable de faire appel à l'Union Soviétique pour pratiquer une
politique d'amitié confiante, permettant sa collaboration en faveur du
rétablissement de la paix véritable dans le monde." (1)
"Femmes, jeunes filles, soyez unies pour exiger la Paix véritable et
que vous soient rendus les prisonniers d'Hitler et des capitalistes." (2)
"Reconstituons, avec les enseignements de l'expérience, dans les
masses profondes, le Front Populaire de Combat, pour le Pain, la
Liberté, la Paix, par l'action de masse à l'usine, dans chaque
quartier, au village, défendons." (3)
"Pour la Paix et la Liberté, pour la Libération et l'indépendance de la
France". (4)
Dans l'extrait n° 1, la brochure fait une référence directe à l'Appel du PCF qui a été publié dans l'Humanité n° 47 du 17 mai 1940 sous le titre "Pour sauver notre pays et notre peuple de la misère de la ruine et de la mort" et dans lequel on pouvait lire :
"Le Parti Communiste a dit et répété que cette guerre a été provoqué par
les capitalistes. Pour avoir réclamé la paix, avant que les massacrent
ne commencent, des milliers de ses membres ont été jetés en prison, dans
les camps de concentration ou dans les bagnes africains. D'autres sont
menacés de la peine de mort ! [...]
Aujourd'hui où l'angoisse étreint des millions d'hommes et de femmes de
notre pays le Parti Communiste dit, comme toujours, ce qu'il considère
être l'intérêt des travailleurs et du peuple de France.
Le rétablissement de la paix, la sécurité et l'indépendance du pays, la
liberté et le progrès social exigent que soit impitoyablement chassé le
gouvernement des 200 familles qui a entraîné notre pays dans l'aventure
présente. [...]
PEUPLE DE FRANCE ! Pour la paix, le pain, la liberté, l'indépendance,
SOIS UNIS !
Lutte pour :
Un gouvernement de paix, s'appuyant sur les masses populaires,
prenant des mesures contre la réaction, un gouvernement qui s'entende
sans délai avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la Paix
générale dans le monde."
Cet Appel était un plaidoyer pour un Gouvernement de Paix dirigé par le Parti communiste.
Charles Tillon a donc formellement approuvé un texte pacifiste de la direction centrale. C'est une preuve supplémentaire qu'à l'été 1940 il n'était ni résistant ni dissident.
(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 57.
(2) Ibid, p. 60.(3) Ibid, p. 63.
(4) Ibid, p. 64.
Révolution socialiste
(libération sociale)
Pilier du projet communiste, l'instauration d'un régime socialiste sur le modèle soviétique est
évoquée dans ces deux extraits :
Extrait 1 :
"« Si le socialisme ne triomphe pas en Europe, la paix entre les états
capitalistes ne sera qu'une trêve, qu'une interruption dans la
préparation de nouveau carnage. » (Lénine 1918)." (1)
Extrait 2 :
"Préparé par l'union sacrée anti-communiste, climat idéal pour la
trahison des riches et de la 5e colonne, le fascisme dont la lave
sanglante s'étend sur la France avec ses méthodes terroristes de
gouvernement, le fascisme, dernière forme de dictature de la
bourgeoisie pourrissante, n'est pas un signe de de force, mais
l'expression dernière d'un régime condamné à mort.
Le fascisme peut être vaincu et il le sera.
CONTRE LE FASCISME SAUVONS-NOUS NOUS-MÊMES [...]
Nos alliés, nos amis, ne sont pas les capitalistes, ni les chefs de
la 2e Internationale, ni les ministres à la Citrine, complices de
Chamberlain comme de Churchill dans les plans d'agression contre
l'URSS, complices de Blum-Paul Faure dans la répression fasciste,
anticommuniste de Daladier-Paul Reynaud-Sérol. La démagogie
démocratique des oppresseurs des peuples de l'Inde et de millions
d'esclave, est aussi hypocrite que la démagogie anti-capitaliste des
Laval et des Ferdonnet.
Nos alliés, non amis, ce sont tous les travailleurs du monde, des
métropoles et des colonies, chargé comme nous du devoir de mettre fin
à l'exploitation de l'homme par l'homme qui porte en elle la guerre et
la servitude. [...]
Notre devoir à tous est de nous unir pour conquérir notre patrie, de
nous unir pour libérer son territoire de tous les oppresseurs et
exploiteurs, pour en chasser à la fois les capitalistes, leur tourbe
de valets et de traîtres et les envahisseurs auxquels ils ont livré
l'indépendance du pays, de nous unir pour aider à la défaite de tous
les impérialismes." (2)
Trois remarques. Tout d'abord, dans son projet politique, le Parti communiste associe la libération
sociale à la Révolution socialiste en soulignant que seule la destruction
du régime capitaliste - cause de la guerre impérialiste - garantira une
paix durable avec l'Allemagne.
La brochure soutient sans aucune équivoque ce projet révolutionnaire. En
effet, elle appelle les Français à se mobiliser pour "mettre fin à l'exploitation de l'homme par l'homme qui porte en elle la
guerre et la servitude" .
Elle fait aussi le lien entre la Paix et la Révolution socialiste en
citant Lénine : "Si le socialisme ne triomphe pas en Europe, la paix entre les états
capitalistes ne sera qu'une trêve, qu'une interruption dans la
préparation de nouveau carnage."
Ensuite, caractéristique marquante de la brochure, le fascisme est défini avant tout comme une forme du régime capitaliste. On peut même dire que le mot
fascisme est un synonyme de capitalisme. On ne sera donc pas étonné que ce
terme soit utilisé pour dénoncer aussi bien le régime de Vichy que le
régime républicain qui sont pour les communistes deux formes de
gouvernement représentant les oligarchies capitalistes.
Ainsi, le gouvernement républicain est accusé d'avoir organisé une "répression fasciste, anticommuniste" avec le soutien de "Blum". Autre accusation déjà
mentionnée : sa volonté d'instaurer un "esclavage fasciste".
Ceci éclaire la formule "Contre le fascisme sauvons-nous nous même"
qui signifie que les prolétaires doivent se rassembler pour prendre la
direction du pays sous la conduite du Parti communiste avec un objectif
précis : renverser le régime capitaliste qui est désormais représenté par
le Maréchal Pétain.
Enfin, on notera la condamnation de "Churchill" qui ne fait partie ni de "Nos alliés" ni de "nos amis". Dans ses livres publiés après la guerre, Charles Tillon préférera rendre hommage... à l'héroïsme de l'Angleterre à l'été 1940.
Enfin, on notera la condamnation de "Churchill" qui ne fait partie ni de "Nos alliés" ni de "nos amis". Dans ses livres publiés après la guerre, Charles Tillon préférera rendre hommage... à l'héroïsme de l'Angleterre à l'été 1940.
(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 81.
(2) Ibid, pp. 57-59.
Fidélité à l'IC et à L'URSS
Rappel que le Parti Communiste Français (PCF) est avant tout la Section
Française de l'Internationale Communiste (SFIC), la brochure témoigne de
la fidélité des communistes français à l'Internationale communiste (IC) et à l'URSS :
Extrait 1 :
"Vive l'UNION SOVIETIQUE, Patrie du Socialisme Véritable !
Vive l'Internationale Communiste !" (1)
Vive l'Internationale Communiste !" (1)
Extrait 2 :
"Les peuples de l'Union Soviétique ont évité de se laisser entraîner
dans la guerre impérialiste, au profit de l'un ou l'autre des
belligérants avec une fermeté égale envers tous, tout en conservant la
paix sans se laisser intimider par personne, déjouant les provocations
en Finlande, en Mer Noire, et dans les Pays Baltes, arrachant à la
menace hitlérienne 13 millions d'opprimés en Pologne, libérant du
fascisme roumain la Bessarabie et la Bukovine. Chaque acte du pays du
socialisme s'inscrit au bénéfice des forces de paix et de progrès, au
service du prolétariat de tous les pays et de l'humanité tout
entière." (2)
Fervent stalinien dont la discipline ne permet aucune révolte, Charles
Tillon manifeste son adhésion totale à la ligne fixée par l'Internationale
communiste ainsi qu'aux actions de l'URSS.
Un exemple, il approuve avec enthousiasme toutes les annexions territoriales de l'Union soviétique : l'est de la Pologne, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, une partie de la Finlande et deux régions roumaines.
Fondée sur l'agression des pays limitrophes de l'URSS et le soutien de Hitler, la politique européenne de Staline est célébrée comme une politique "de paix et de progrès". Encore une subtilité communiste.
Pour terminer, on rappellera comment Charles Tillon décrivait ses rapports avec Moscou dans On chantait rouge :
On notera la différence radicale entre le texte rédigé pendant l'occupation allemande et celui écrit après la Libération.
R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 65.
(2) Ibid, p. 58.
(3) C. Tillon, On chantait rouge, 1977, p. 304.
Un exemple, il approuve avec enthousiasme toutes les annexions territoriales de l'Union soviétique : l'est de la Pologne, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, une partie de la Finlande et deux régions roumaines.
Fondée sur l'agression des pays limitrophes de l'URSS et le soutien de Hitler, la politique européenne de Staline est célébrée comme une politique "de paix et de progrès". Encore une subtilité communiste.
Pour terminer, on rappellera comment Charles Tillon décrivait ses rapports avec Moscou dans On chantait rouge :
"Bien avant l'entrée des occupants dans Bordeaux, je me sentais en état
de révolte ouverte contre l'Internationale. Ses injonctions venues de Bruxelles [antenne de l'IC], c'était l'acceptation de
l'occupation". (3)
On notera la différence radicale entre le texte rédigé pendant l'occupation allemande et celui écrit après la Libération.
R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 65.
(2) Ibid, p. 58.
(3) C. Tillon, On chantait rouge, 1977, p. 304.