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Brochure "Non, le Nazisme n'est pas le Socialisme" rédigée par Gabriel Péri en avril 1941

En avril 1941, Gabriel Péri rédige la brochure "Non, le Nazisme n'est pas le Socialisme" avec l'objectif de démontrer que le projet révolutionnaire et socialiste du Rassemblement National Populaire (RNP) - parti collaborationniste majoritairement de gauche créée en février 1941 - est une "imposture grossière".

Pour cela le dirigeant communiste s'attache à montrer d'une part que "l’Allemagne nazie est un pays authentiquement capitaliste" et que le projet du RNP qui s'en inspire présente donc les mêmes caractéristiques et d'autre part que l'URSS est le seul pays véritablement socialiste et que de ce fait le seul projet révolutionnaire et socialiste est celui défendu par le Parti communiste.

Ce texte, dans lequel la divergence entre le RNP et le PCF ne porte pas sur la Paix avec l'Allemagne nazie mais sur la nature socialiste de leur projet respectif, s'inscrit pleinement dans la ligne pacifiste défendue par les communistes depuis septembre 1939. D'ailleurs, il reprend de nombreux éléments du programme de gouvernement de février 1941 intitulé "Pour le salut du Peuple de France" dans lequel le Parti communiste plaide pour l'instauration de "relations PACIFIQUES" entre la France et l'Allemagne et l'établissement "de rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand".

Arrêté par la police française en mai 1941, Gabriel Péri est exécuté par les Allemands en décembre 1941 en représailles aux attentats commis par les communistes qui se sont engagés dans la Résistance en juin 1941 après l'invasion de l'URSS par les armées allemandes.

C'est donc à titre posthume que sa brochure - modifiée sur quelques points - est publiée en mars 1942 avec une couverture qui met en valeur à la fois l'auteur du texte et son contenu anti-nazi :

- La partie supérieure mentionne le nom et les fonctions de Gabriel Péri au sein du PCF ainsi que son exécution par les Allemands le 15 décembre 1941.

- Dans la partie inférieure on peut lire le titre de la publication - "Non, le nazisme n'est pas le socialisme" - avec ce commentaire : "Ce réquisitoire implacable a été écrit par G. Péri, en Avril 1941, avant son arrestation" ainsi qu'un appel encourageant "tous les patriotes" à lire et à diffuser ce texte.

Ces éléments permettent de suggérer que Gabriel Péri est un Résistant et que son engagement est antérieur à juin 1941.

Le Parti communiste réaffirmera dans la brochure hommage "Gabriel Péri - Un grand Français vous parle" diffusée à la fin de 1946 que ce texte d'avril 1941 fait partie des écrits témoignant de la Résistance de Gabriel Péri :

"Péri communiste, Péri patriote, restait a son poste de combat. Lorsque la trahison eut mené la France au désastre, lorsque Pétain eut étranglé la République, Péri, avec son Parti, s'employa à regrouper les forces du peuple pour arracher sa Patrie aux ténèbres de l'oppression, pour reconquérir l'Indépendance de la France. Les études, les articles de Gabriel Péri publiés clandestinement contribuent puissamment à éclairer les esprits et à relever les courages. 
[...] Dans son splendide ouvrage : « Le nazisme n'est pas le socialisme », il éclaire jusqu'au fond la réalité sordide et sanglante que recouvrent les oripeaux de la « doctrine » nazie, servilement accommodée à la sauce « française » par les traîtres du R.N.P."

Cette falsification ne sera pas remise en cause par l'historiographie qui dans son ensemble analysera la brochure "Non, le Nazisme n'est pas le Socialisme" comme une manifestation de la Résistance communiste antérieure au 22 juin 1941, jour de l'invasion de l'URSS par les armées allemandes.


RNP

Parti collaborationniste majoritairement de gauche ayant pour principal dirigeant Marcel Déat, le Rassemblement National Populaire (RNP) est créé à Paris le 1er février 1941.

Dans son numéro du 2 février 1941, L'Œuvre annonce la création de ce nouveau mouvement en soulignant l'importance du contexte : sur le plan extérieur, la défaite prochaine de l'Angleterre, sur le plan intérieur, la rupture malheureuse de la collaboration franco-allemande avec l'éviction de Pierre Laval le 13 décembre 1940. 

Le journal de Marcel Déat publie aussi le "programme d'action" adopté par les membres fondateurs du RNP :

"La France ne se sauvera qu'à deux conditions, d'ailleurs inséparables : S'INTEGRER A L'EUROPE ET FAIRE SA REVOLUTION.
Le programme d'action en découle immédiatement :

I. - POLITIQUE EXTERIEURE
Collaboration franco-allemande. [...]
Construction économique, politique et spirituelle de l'Europe. [...]

II. - POLITIQUE INTERIEURE
Etat fort, appuyé sur un mouvement national et populaire puissant, instrument de la Révolution nationale, à l'exclusion de toute influence occulte de caractère international. [...]

III. - POLITIQUE ECONOMIQUE ET SOCIALE
Economie dirigée, à base corporative, ni étatiste ni anarchique. [...]
Lutte contre le désordre né de la misère et contre la domination des trusts. Suppression du prolétariat et du profitariat capitaliste. Toutes les classes fondues dans la communauté nationale."

Ce n'est pas le projet pacifiste du RNP qui suscitera la condamnation du Parti communiste mais sa prétention à se déclarer révolutionnaire et socialiste.

Le Parti de Marcel Déat est dénoncé pour la première fois dans l'Humanité clandestine n° 99 du 8 février 1941 :

"A peine Pétain avait-il constitué son Conseil privé [référence au Conseil national], que les occupants faisaient constituer le "Rassemblement National Populaire" ainsi nommé par erreur car il n'est ni national ni populaire. Le but de l'opération est de ramener LAVAL au pouvoir. Là on trouve FONTENOY, DEAT, MARQUET, DELONCLE, Jean GOY, les socialistes SPINASSE, ALLEMANE, le gangster LEVILLAIN, le franc-maçon affairiste SENAC, RIVOLLET, les topazes Georges PRADE et de PESSAC, le forban GRISONI. Ces messieurs se sont, parait-il, occupés des vieux, mais ils n'ont pas dit qu'avec la dixième partie de ce qui est versé aux occupants, on pourrait verser 20 fs par jour à deux millions de vieux travailleurs."

Evoquant le remplacement de Flandin par Darlan à la tête du gouvernement français, le numéro suivant - l'Humanité n° 100 du 14 février 1941 - fait référence au RNP dans les mêmes termes :

"Naturellement, le fameux "Rassemblement National Populaire" qui ne ressemble à rien du tout et qui n'est ni national ni populaire, exprime son mécontentement. DEAT, Jean GOY et Cie veulent que Laval soit placé au gouvernail de l'Etat français, car tel est le désir des occupants dont ils sont les dévoués serviteurs."

Dans le n° 101 du 22 février 1941, le journal communiste conteste le succès du RNP dans un article intitulé "Vomis par le peuple" :

"La presse allemande parle des 100 000 adhérents du RNP. C'est un singulier manque d'objectivité. La vérité est que le peuple français ne veut pas que la France soit ni un dominion britannique ni un protectorat allemand et c'est pourquoi le peuple vomit le "Conseil" [Conseil national] de Pétain et le "Rassemblement" [RNP] de Laval."

On notera que dans ce texte le RNP (Paris) est dénoncé parce qu'il est pro-allemand et Pétain (Vichy) parce qu'il est... pro-anglais.

Formulée sur des formats courts - journaux, tracts, papillons - la condamnation du RNP prendra aussi la forme d'une brochure de plus de 100 pages rédigée en mars-avril 1941 par Gabriel Péri intitulée "Non, le Nazisme n'est pas le Socialisme".

Membre du Comité central, le député d'Argenteuil est passé dans la clandestinité en octobre 1939 en raison des poursuites engagées contre le groupe parlementaire communiste qui avait adressé au Président de la Chambre, à la fin de la Campagne de Pologne, une lettre demandant l'organisation d'un vote du Parlement en faveur de la Paix.

Dans cette brochure, le dirigeant communiste entend démontrer que le projet du RNP n'est ni révolutionnaire ni socialiste :

"Et quiconque ne voit pas dans le Nazisme l'éclosion magnifique du Socialisme, celui-là est un vulgaire conservateur. C'est Laval qui le dit - et avec lui, quelques fameux commis des 200 familles, représentées dans le Rassemblement national. Et ils s'y connaissent, les gaillards !

On te trompe, peuple de France
 
Eh bien nous, les communistes, défenseurs des vrais intérêts de la France, nous prenons la parole pour dénoncer cette imposture grossière, pour dire à notre peuple qu'on lui ment, qu'on prépare sur son dos une monstrueuse escroquerie. On te trompe, peuple de France. Les disciples français du Nazisme sont les agents de la réaction capitaliste. Ils vitupèrent la ploutocratie; c'est pour mieux sauver ses privilèges. Tu ne les croirais pas, tu refuserais de les entendre s'ils parlaient leur langage et s'ils se présentaient à toi tels qu'ils sont. Alors ils se maquillent et choisissent pour te parler les mots que tu as si souvent employés toi même, les grands mots de socialisme, de révolution qui expriment tes aspirations et ton effort vers une vie meilleure et un monde plus juste.
Pour eux ces mots-là, qu'ils prostituent en s'en servant, sont le "Sésame ouvre-toi" politique, grâce auquel ils prétendent forcer les portes du pouvoir au nom de leurs maîtres ploutocrates français et ploutocrates allemands."

La dénonciation de "cette imposture grossière" se fera en trois temps : Gabriel Péri commencera par démontrer que "l’Allemagne nazie est un pays authentiquement capitaliste" autrement dit que "le nazisme n'est pas le socialisme" puis il s'attachera à célébrer l'URSS de Staline comme le régime véritablement socialiste avant d'exposer dans le détail le projet du Parti communiste qui s'inspire du modèle soviétique.


L'Allemagne nazie : un régime capitaliste

La plus grande partie de la brochure "Non, le Nazisme n'est pas le Socialisme" est consacrée à la démonstration du caractère fondamentalement capitaliste de l'Allemagne nazie ainsi que du projet de ses thuriféraires du RNP.

Les éléments de cette démonstration, à savoir la genèse, le programme et les réalisations du pouvoir nazi, sont résumés dans l'extrait suivant :

"Essayons de dresser un bilan. Nous avons suivi le National-socialisme à travers les cheminements de son aventure. On nous l’avait représenté comme le bélier qui défoncerait les ploutocraties capitalistes ancestrales. Qu’avons-nous vu ? L’agitation nazie a été subventionnée par les oligarchies capitalistes menacées dans leurs privilèges. Le nazisme s’est-il comporté en mendiant ingrat ? A-t-il faussé compagnie à ses bailleurs de fonds ? Non point. Il avait été favorisé dans son ascension pour qu’il servît les magnats. Il a servi les magnats. 

Sans doute, dans un monde où le capitalisme avait administré la preuve de son incapacité et de sa faillite, devait-il, pour gagner à lui les multitudes, arborer des mots d’ordre anticapitalistes. Il s’y est prêté d’autant plus que ces mots d’ordre devaient servir de paravent à la politique extérieure du Reich qui allait le mettre en compétition avec les pays du capitalisme traditionnel, la Grande-Bretagne, la France, les États-Unis. Mais ce panneau-réclame lui-même n’était qu’une grossière falsification du socialisme ou, pour mieux dire, n’avait rien de commun avec le socialisme. Il distinguait, comme font toujours les programmes capitalistes, entre « bons » et « mauvais » capitalistes; il substituait au socialisme des notions que le socialisme a toujours répudiées, qu’il ne peut pas répudier sans cesser d’être le socialisme : nationalisme forcené, antisémitisme barbare.

Maître du pouvoir, le nazisme a comblé les espoirs de ceux qui lui avaient ouvert le chemin de la dictature. À l’usine, il a rétabli l’absolutisme patronal et fait des potentats les dirigeants officiels de l’économie allemande. Il a subordonné sa politique douanière aux exigences des hobereaux. Il a délivré les premiers des frêles entraves de l’état et des charges de la fiscalité ; il s’est institué leur client. Il a, sous les formes les plus variées, protégé la puissance des seconds. Grâce à la dictature nazie, la foule des victimes de l’exploitation capitaliste a grandi. Victimes, les ouvriers privés de leurs droits de libre organisation, tenus à l’écart de la marche de l’économie, dépouillés de leurs conventions collectives; victimes, les paysans écrasés par la machine bureaucratique nazie, construite pour servir les intérêts exclusifs des hobereaux; victimes, les intellectuels et victimes aussi, les petits artisans et les petits bourgeois des villes, toujours broyés par les trusts et les grands magasins.

Ecrivons-le encore et encore, ces catégories de victimes, que le socialisme se propose de défendre, mais que le nazisme victorieux en Allemagne a laissées pantelantes sur le bord du chemin, seraient pareillement sacrifiées en France si elles se laissaient prendre aux attrapes-nigauds du « Rassemblement Déat »
."

L'Allemagne nazie est donc condamnée pour les mêmes motifs que l'Angleterre, la France ou les Etats-Unis : la nature capitaliste de son régime.

Cette condamnation illustre la thèse de la guerre inter-impérialiste défendue par le PCF depuis septembre 1939. Suivant cette thèse, le conflit entre les puissances européennes se résume à l'affrontement de pays capitalistes pour la domination du monde. La cause de la guerre n'est donc pas le nazisme mais le capitalisme.
 
C'est pour cette raison que la France vaincue de juin 1940 ne doit pas s'engager dans la guerre qui oppose désormais l'impérialisme anglais à l'impérialisme allemand car la victoire de l'Angleterre ou de l'Allemagne n'aurait qu'une seule conséquence : le maintien d'un régime capitaliste en France. Les communistes plaident pour une solution non impérialiste autrement dit pour la constitution d'un gouvernement communiste qui renversera le régime capitaliste (libération sociale) et fera la Paix avec l'Allemagne (libération nationale).

Sur la notion d'une résolution non impérialiste du conflit on mentionnera deux textes de Gabriel Péri, le premier dénonçant l'impérialisme allemand, le second l'impérialisme anglo-américain et japonais :

a) "Il n’est donc pas vrai que les hommes soient condamnés soit à vivre derrière des frontières hérissées, soit à se rassembler sous le joug du dominateur ou d’un directeur, selon l’euphémisme dont usent les employés de Göbbels. L’expérience soviétique atteste la possibilité et la supériorité d’une autre solution, d’une solution non impérialiste, d’une solution socialiste et nationale."
("Non, le nazisme n'est pas le socialisme")

b) "Les deux forces, l'anglo-américaine et la japonaise, qui se heurtent en Extrême-Orient dans une guerre virtuelle sont deux forces impérialistes. L'impérialisme japonais veut défendre des "droits", des intérêts, des acquisitions qu'il impose par la violence et la ruse. C'est dire que la victoire de l'un ou de l'autre bloc serait également contraire à l'intérêt des peuples de l'Extrême-Orient et à l'intérêt de la Paix internationale."
(La politique communiste n° 4 de mars 1941)

Après l'invasion de l'URSS, les communistes s'engageront dans la Résistance en expliquant que la guerre contre l'Allemagne nazie est désormais une guerre anti-fasciste.

Dernier élément, cette brochure permet de mettre en évidence la notion de collaboration vraie développée par Gabriel Péri dans un texte intitulé "la Politique de Montoire-sur-(le-)Loir".

Ce texte de décembre 1939, oppose à la collaboration pétainiste la collaboration communiste. La première, marquée par la soumission à l'impérialisme allemand, ne garantira pas la Paix mais conduira la France à s'engager militairement contre l'Angleterre. La seconde - qualifiée de "collaboration vraie" - permettra à un gouvernement communiste de négocier sur un pied d'égalité avec Hitler et de signer de ce fait un traité de paix équitable. Le modèle et la garantie de ces négociations étant l'URSS.

On retrouve dans le texte rédigé en avril 1941 la distinction entre ces deux formes de collaboration  :

a) "Mais la raison d’être des nazillons français est de forger à la France les chaînes de son asservissement à un impérialisme étranger : l’impérialisme allemand. Cet asservissement, sans doute est-il baptisé « collaboration »".

b) "Quand on parle aux Français de « collaboration », certains pensent à des rapports sur la base de la réciprocité et cette idée les séduit."


 L'Union soviétique : le seul régime socialiste

Dans la partie suivante, Gabriel Péri célèbre avec enthousiasme l'URSS de Staline en soulignant que c'est le seul régime socialiste au monde :

- "Il n’y a au monde qu’une expérience socialiste : c’est celle que les communistes ont fait triompher en Union Soviétique ; c’est-à-dire qu’il n’y a pas plusieurs socialismes. Il n’y en a qu’un."
- "Ecoutez-nous : Le salut, c’est le socialisme. Mais l’on n’est socialiste qu’en étant communiste. Car il n’y a dans le monde qu’une expérience socialiste, c’est celle qui se poursuit depuis vingt-trois ans sur le territoire de l’Union Soviétique sous la direction des communistes."
- "Voilà le principe du socialisme. Ce principe n’est appliqué que dans un pays, dans le pays où les communistes ont le pouvoir, en Union Soviétique".

Du bilan dithyrambique de l'action de Staline, on retiendra ces quelques exemples :

- "Il faut croire que le stimulant du socialisme est supérieur au stimulant capitaliste puisque, alors que l’économie du monde capitaliste, au plus fort de son essor, en 1937, n’a jamais atteint plus de 96% de son niveau de 1929, l’industrie soviétique a atteint 428% de son niveau de 1929 et a septuplé par rapport à l’avant-guerre."
- "En URSS, le salaire annuel moyen est passé en dix ans de 514 roubles à 2882 roubles."
- "En URSS, de 1932 à 1938, les crédits consacrés aux œuvres sociales sont passés de 6 milliards à 35 milliards de roubles."
- "Au pays du vrai socialisme, la consommation du pain a augmenté en six ans de 28%, celle des fruits de 94%, celle de la viande de 87%, celle des vêtements de 89%."
- "Le pays du socialisme, lui, a construit la vraie démocratie, "la démocratie des travailleurs", c'est-à-dire la démocratie "pour tous" (Staline)".


Projet du Parti communiste français

Pour terminer, Gabriel Péri décrit le projet du PCF, inspiré du modèle soviétique, en détaillant les mesures que prendrait un gouvernement communiste en matière de politique extérieure et intérieure.

L'intérêt de la brochure réside dans ce constat : tous les éléments qui composent ce projet sont en fait tirés du manifeste-programme pacifiste intitulé "Pour le salut du Peuple de France".

On rappellera qu'en matière de politique extérieure ce programme propose les mesures suivantes :

"1° Libération du territoire national et des prisonniers de guerre. Pour mener cette tâche à bien, le Gouvernement du Peuple mettrait tout en œuvre pour établir des relations PACIFIQUES avec tous les peuples; il s'appuierait sur la puissance que lui conféreraient LA CONFIANCE DU PEUPLE FRANCAIS, LA SYMPATHIE DES AUTRES PEUPLES ET L'AMITIE DE L'UNION SOVIETIQUE.
2° Etablissement de rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand en rappelant l'action menée par les communistes et par le peuple français contre le traité de Versailles, contre l'occupation du bassin de la Rhur, contre l'oppression d'un peuple contre un autre peuple.
3° Conclusion d'un pacte d'amitié et d'un traité commercial avec l'URSS et poursuite résolue d'une politique de paix destinée à tenir la France en dehors du conflit impérialiste."

Dans sa brochure, Gabriel Péri consacre un paragraphe à "La véritable entente franco-allemande" en rappelant que "c'est le Parti Communiste qui s'est dressé en France contre le Traité de Versailles, contre l'attentat de la Ruhr et qui a répudié l'oppression d'un peuple par un autre." Dans un autre intitulé "Rapprochement avec l'URSS", il écrit qu' "Un gouvernement du peuple consacrerait son effort à la libération du territoire national et des prisonniers de guerre" et qu' "il négocierait un pacte d'amitié et un traité de commerce" avec l'URSS.

On notera que l'on retrouve tous les éléments du programme du PCF avec deux réserves :
- Il n'y a pas de référence directe à l'établissement de "relations PACIFIQUES" entre la France et l'Allemagne. On peut toutefois citer une phrase de la brochure qui témoigne du projet pacifiste du PCF : "La France doit être l'amie de l'URSS parce que la politique de paix ferme et constante du pays des Soviets correspond au désir de paix du peuple français". Elle est d'ailleurs tirée du programme communiste.
- la mention "l'occupation de la Rhur" est remplacée par "l'attentat de la Rhur".

Ces deux points laissent supposer que la brochure a été modifiée entre la rédaction en avril 1941 et la diffusion en mars 1942.

Pour être exhaustif on citera les passages de la brochure "Non, le Nazisme n'est pas le Socialisme" qui sont consacrés au projet du Parti communiste en renvoyant avec des notes aux paragraphes correspondants du programme Pour le salut du peuple de France :

Non, le Nazisme 
n'est pas le Socialisme



[...]

10 - Les communistes contre les falsificateurs du socialisme

Tu sais bien, travailleur de France, paysan de France, petit bourgeois de France, que le national-socialisme est l'esclavage qui meurtrit et qui tue.

[...]

Un programme clair et précis (1)

Te défendre, c'est s'engager à extirper la racine du mal. C'est précisément l'engagement que ne prennent pas les escrocs du "Rassemblement"
[NdB : Rassemblement National Populaire (RNP)] ankylosés par les chaînes qui les tiennent au capitalisme français, au capitalisme allemand. Leur raison d'être est de défendre des maîtres qui sont tes ennemis. La raison d'être d'un gouvernement du peuple est de te libérer de la dictature de ces maîtres en mettant les oligarchies hors d'état de nuire. Par quelles mesures ? Nationalisation sans indemnité des banques, compagnies d'assurances, mines, chemins de fer et de l'ensemble des sociétés capitalistes aryennes et juives (électricité, produits chimiques, textiles, métallurgie, gaz, etc...). Révision de tous les marchés de guerre, par des commissions composées de délégués des ouvriers, des paysans, des petites gens et confiscation de tous les bénéfices de guerre avec affichage au lieu d'habitation des intéressés des sommes confisquées et des noms des personnes passibles de ces confiscations. Privation des droits civils et politiques pour tous les administrateurs et gros actionnaires des sociétés anonymes, sans distinction de religion ou de race. Recensement des fortunes et des biens des gros capitalistes aryens et juifs en vue de prélèvement confiscation pour subvenir aux besoins immédiats des masses laborieuses (programme du parti communiste). (2)

Pour donner leur plein sens à ces mesures, le gouvernement du peuple, cela va sans dire, rétablirait le droit syndical dans sa plénitude et il appellerait la classe ouvrière organisée à la direction de l'économie nouvelle. (3)

[...]

Mesures à prendre pour les paysans et petits commerçants (4)

En effet, le paysan, le petit commerçant, ont besoin de mesures qui concernent le ravitaillement. Fixation de prix agricoles à la production pour assurer au paysan une juste rémunération de son travail et suppression des intermédiaires fauteurs de vie chère; suppression des réquisitions; organisation d'un service de ravitaillement assurant équitablement la répartition des produits et mettant fin aux passe-droits, au règne du bon plaisir, des pots de vin existant actuellement; contrôle du ravitaillement par les petits et moyens commerçants, par les petits et moyens paysans et par les syndicats ouvriers (programme du parti communiste). Ils ont besoin d'une autre série de mesures qui a trait aux dédommagements que les classes moyennes atteintes par les conséquences de la guerre ont le droit d'attendre d'un gouvernement du bien public. Mais il y a d'autres remèdes encore à leurs grands maux dont ne veulent entendre parler les rebouteux du "Rassemblement" :

Confiscation des grandes propriétés foncières privées et répartition de la terre aux ouvriers agricoles, aux petits et moyens paysans, par des commissions composées de représentants des ouvriers agricoles, des petits et moyens paysans; monopole d'état du commerce extérieur et du commerce de gros avec fixation obligatoire des prix de gros et de détail; nationalisation sans indemnité des grands magasins et application dans ces grands magasins des prix de détail imposés à l'ensemble des commerçants détaillants (programme du parti communiste).

Les imitateurs du nazisme se gardent bien de proposer de telles mesures et le gouvernement de Vichy de les prendre. Car le gouvernement qui prendrait ces mesures aurait construit les assises d'une véritable démocratie populaire. Il les aurait complétées en liquidant véritablement le passé et en aménageant l'avenir.

Liquider le passé : c'est notamment ouvrir les portes des prisons et des camps (5) où sont enfermés des patriotes français, c'est renoncer aux mesures policières dirigées contre des Français et des Françaises adversaires de l'oppression nationale, c'est déférer devant une Cour suprême (6), composée d'ouvriers, de paysans, de membres des classes moyennes et de défenseurs des Français persécutés, les responsables de la guerre, les responsables de la défaite, les responsables de l'asservissement. [NdB : des modifications substantielles ont été apportées à ce paragraphe entre la rédaction du texte en avril 1941 et sa publication en mars 1942]

Aménager l'avenir, c'est abolir les ignobles décrets racistes, proclamer l'égalité des droits de tous les citoyens français sans distinction de nationalité ou de race, la liberté de conscience (7), l'octroi de tous les droits politiques à partir de 18 ans, l'égalité de l'homme et de la femme dans toutes les branches de l'activité (8).

Le malheur d'être jeune

[...]

Le socialisme veut faire des jeunes des hommes complets et non des recrues des fauteurs de coups de mains ou des fauteurs de guerre.

Un programme pour les jeunes
(9)

Un gouvernement qui aurait le souci des intérêts de la jeunesse proclamerait : le droit à l'instruction par la réorganisation de l'enseignement public, l'élimination des conceptions obscurantistes admises encore dans les programmes scolaires, l'institution de nombreuses bourses d'études, le droit d'accès de tous au plus haut degré de l'enseignement et la gratuité de l'enseignement à tous les échelons. Il proclamerait le droit à un métier pour chaque citoyen et il créerait un vaste réseau d'écoles d'apprentissage. Il accorderait les droits politiques à chaque citoyen et à chaque citoyenne à partir de 18 ans. Il proclamerait le droit au repos par la limitation de la journée de travail et l'institution de congés payés, le droit à la joie par le développement du sport, le droit au foyer par l'attribution d'une prime aux jeunes ménages, le relèvement des allocations familiales, l'institution d'un congé de trois mois avant, trois mois après l'accouchement. 

[...]

Il n'y a pas de vraie liberté dans la servitude nationale. Un gouvernement du peuple doit être le gouvernement de la libération sociale et de l'indépendance nationale. Or la France a, depuis sa défaite, son territoire occupé par l'armée allemande, et elle est placée depuis sous la dépendance de plus en plus sévère de l'Allemagne. 

Quelle est, pour la France, la voie du salut ?
 
11 - Une France indépendante

[...]

La véritable entente franco-allemande (10)

Rien n'est plus vrai. L'entente franco-allemande serait en effet une chimère si elle était l'oppression d'une nation par une autre; elle serait un instrument suspect si elle était la coalition de deux forces impérialistes et contre-révolutionnaires. Une entente de ce genre, même consignée sur des parchemins, ne vaudra jamais rien car elle ne recueillera jamais l'adhésion de notre peuple; il n'y aura d'entente franco-allemande véritable que celle conclue dans l'indépendance des nations, dans le respect de leurs libertés, dans leur désir d'ouvrir à tous le contrat dans l'égalité. Rappelons que c'est le Parti Communiste qui s'est dressé en France contre le Traité de Versailles, contre l'attentat de la Ruhr [NdB : signalons une autre modification de texte : avant le 22/6/41 le PCF dénonçait "l'occupation de la Rhur"] et qui a répudié l'oppression d'un peuple par un autre. C'est dire combien les communistes sont les partisans sincères d'une entente entre les peuples basée sur le respect de leurs droits nationaux mais aussi combien ils sont les adversaires résolus de l'oppression nationale.

Rapprochement avec l'URSS

Une politique extérieure indépendante et française, voilà la politique qui serait celle d'un gouvernement du peuple. Un gouvernement du peuple consacrerait son effort à
la libération du territoire national et des prisonniers de guerre (11). Mais une tâche pareille, on ne peut l'accomplir lorsqu'on est devenu la risée du monde comme l'est devenue la France de Pétain, lorsqu'on affaiblit le pays, lorsqu'on élargit ses blessures, lorsqu'on prête son aide à l'ennemi pour mieux vous étrangler, lorsqu'en se faisant le fournisseur des bottes de la contre-révolution, on a soulevé contre soi le mépris de tous les peuples.
 
Est-ce que le gouvernement de Vichy, s'il était un gouvernement voulu par le peuple, pourrait pratiquer sa politique d'isolement de la France, d'hostilité à peine cachée envers l'Union Soviétique ? Certainement pas. Un gouvernement du peuple pratiquerait une politique d'intime rapprochement avec l'Union Soviétique. Avec elle, il négocierait un pacte d'amitié et un traité de commerce (12). La France doit être l'amie de l'URSS parce que la politique de paix ferme et constante du pays des Soviets correspond au désir de paix du peuple français; parce que la politique de respect de l'indépendance des nations, poursuivie par le pays du socialisme, correspond aux profondes aspirations du peuple français; parce que le régime de liberté dont jouissent les peuples du pays des Soviets correspond à la volonté de liberté du peuple français; enfin parce que si un large courant d'échanges était assuré entre la France et le grand pays des Soviets, le redressement de l'économie nationale pourrait être rapidement effectué et de cruelles souffrances et de terribles privations pourraient être épargnées au peuple de France (13) .

[...]

Pour assurer le salut de la France, il faut rendre la parole au peuple. Le seul gouvernement digne de la France sera celui qui imposera la volonté de son peuple. (14)

[...]


Fin avril 1941, Paris.

Au vu de ces éléments on peut donc affirmer que Gabriel Péri a approuvé le programme de gouvernement de février 1941 intitulé "Pour le salut du peuple de France" dans lequel le Parti communiste plaidait pour l'instauration de "relations PACIFIQUES" entre la France et l'Allemagne et l'établissement "de rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand". Ajoutons que de nombreux indices laissent supposer qu'il a participé à la rédaction de de ce texte.


Publication en mars 1942

Le 18 mai 1941, Gabriel Péri, est arrêté en région parisienne par la police française pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 qui proscrit toute activité communiste. Le dirigeant communiste était aussi sous le coup d'une condamnation à 5 ans de prison ferme prononcée le 3 avril 1940 par le 3e tribunal militaire de Paris en raison de la lettre au président Herriot du 1er octobre 1939.

Le propagande communiste dénoncera l'arrestation de Gabriel Péri en célébrant... son pacifisme. Exemple, l'appel publié dans L'Université libre n° 20 du 1er juin 1941 sous le titre "Libérez Péri !" :

"Gabriel Péri est trop connu et trop aimé en France et hors de France, dans la classe ouvrière, par les amis de la paix et de la liberté pour qu'il soit nécessaire de rappeler qui il est . [...]

Gabriel Péri a été envoyé en prison pour la première fois en 1923, par POINCARE, pour avoir lutté contre le traité de Versailles et l'occupation de la Rhur. M. Hitler enregistrait alors ses premiers succès en se réclamant de la lutte contre les chaînes de Versailles et l'occupation de la Rhur. En 1941, M. Hitler est au mieux avec les capitalistes et les politiciens français qui firent, il y a 20 ans, Versailles, et il y a 18 ans la Rhur, et sa Gestapo traque, avec la police de Vichy, nuit et jour, dans les trois zônes [zone occupée, zone non-occupée et zone nord rattachée administrativement au commandement allemand de Bruxelles], ceux qui, comme Péri, ont réellement aidé le peuple allemand dans sa lutte contre les chaînes de Versailles. [...]

En octobre 1939, Péri signe la fameuse lettre dans laquelle les députés du Parti communiste ont demandé à Herriot la réunion de la Chambre pour discuter de la paix. On connait la suite : arrestation, déchéance, persécution et le procès historique où, avec LANGEVIN, les intellectuels les plus courageux viennent proclamer leur admiration pour ces hommes qui fidèles à la parole donner au peuple et à leur idéal, ont eu le courage de lutter réellement pour la paix avant la catastrophe."

Si l'on devait retenir une seule phrase de cet appel :  "(la) Gestapo traque, avec la police de Vichy, nuit et jour, dans les trois zônes, ceux qui, comme Péri, ont réellement aidé le peuple allemand dans sa lutte contre les chaînes de Versailles".

A la suite de l'invasion de l'URSS par les armées allemandes le 22 juin 1941, le Parti communiste abandonne sa ligne pacifiste pour la lutte armée.

Le 15 décembre 1941, Gabriel Péri est fusillé par les Allemands au Mont Valérien en représailles à un attentat de la Résistance communiste. 

C'est finalement en mars 1942 que la brochure "Non, le nazisme n'est pas le socialisme" est publiée par le Parti communiste avec... quelques modifications. Cette publication vise un double objectif : construire la fiction d'un Gabriel Péri résistant de la première heure et inciter les français à rejoindre la Résistance communiste.

Pour illustrer le premier point, on reproduira la couverture de la brochure. Quant au second, on citera l'appel publié à la fin de la publication.

1) Couverture.

La couverture met en valeur à la fois l'auteur du texte et son contenu anti-nazi :


- La partie supérieure mentionne le nom et les fonctions de Gabriel Péri au sein du PCF ainsi que son exécution par les Allemands le 15 décembre 1941.

- Dans la partie inférieure on peut lire le titre de la publication - "Non, le nazisme n'est pas le socialisme" - avec ce commentaire : "Ce réquisitoire implacable a été écrit par G. Péri, en Avril 1941, avant son arrestation" ainsi qu'un appel encourageant "tous les patriotes" à lire et à diffuser ce texte.

Ces éléments permettent de suggérer que Gabriel Péri est un Résistant et que son engagement est antérieur à juin 1941.

2) Appel

La brochure se termine sur un appel à adhérer au Parti communiste : 

"Français qui venez de lire ce témoignage irrécusable de Gabriel Péri contre le nazisme, adhérez au Parti dont les militants savent lutter et mourir pour la France à l'exemple de ce héros de la libération nationale, au Parti Communiste Français de Maurice THOREZ, Jacques DUCLOS, André MARTY, benoît FRACHON, Arthur RAMETTE, Gaston MONMOUSSEAU, Charles TILLON, etc, au Parti de la lutte sans merci  pour la liberté et l'indépendance de la France."


Altération du texte publié 

Rédigée en avril 1941 quand le Parti communiste défendait la Paix avec l'Allemagne nazie, la brochure "Non, le nazisme n'est pas le socialisme" a été publiée en mars 1942 quand les communistes combattaient les Allemands.

Le texte a donc été modifié pour tenir compte de cette évolution. A défaut de connaître le texte original, on peut identifier au moins trois modifications en comparant le texte publié avec la propagande diffusée par le Parti communiste avant le 22 juin 1941.

1) "la lutte contre l'impérialisme français".

Dans le texte publié en mars 1942, Gabriel Péri salue l'initiative courageuse des députés communistes d'octobre 1939 en faveur de la Paix - la lettre au président Herriot - en dénonçant Marcel Déat et ses amis pour avoir abandonner leurs convictions pacifistes : 
 "A l'époque où Marcel Déat faisait contrition dans le cabinet d'un juge d'instruction et où les amis de Marcel Déat chantaient les louanges de Daladier et de Paul Reynaud, les communistes prêchaient la lutte contre l'impérialisme."
a) Marcel Déat.

Revenant sur le comportement de Marcel Déat en octobre 1939, Gabriel Péri reproche au fondateur du RNP d'avoir renoncer à ses convictions pacifistes dès le début de la guerre franco-allemande.

En effet, mis en cause par la justice militaire pour avoir signé le tract "Paix immédiate !" diffusé par l'anarchiste Louis Lecoin en septembre 1939, Marcel Déat a contesté cette signature au cours de son audition par le magistrat instructeur le 12 octobre 1939 en expliquant qu'on lui avait soumis une note sans titre et sans mention d'une quelconque publication.

b) les amis de Marcel Déat.

Gabriel Péri dénonce aussi le bellicisme opportuniste des amis de Marcel Déat autrement dit des pacifistes de gauche : "les amis de Marcel Déat chantaient les louanges de Daladier et de Paul Reynaud".

c) lettre du 1er octobre 1939.

A la lâcheté de Marcel Déat et de ses amis, Gabriel Péri oppose le courage des députés communistes qui "à la même époque" sollicitèrent le président de la Chambre - dans une lettre en date du 1er octobre 1939 - pour obtenir l'organisation d'une délibération du Parlement sur la Paix.

Gabriel Péri fait référence à cette initiative en ces termes : "les communistes prêchaient la lutte contre l'impérialisme."

Or avant le 22 juin 1941, les communistes célébraient la lutte contre "l'impérialisme français".

On citera comme exemple Les Instructions de juillet 1940 qui font référence à la fois au passé (la guerre franco-allemande) et à l'avenir proche (l'occupation allemande)  : 

"L'impérialisme français vient de subir sa plus grande défaite de l'Histoire.
Résultat et suite logique de Munich : trahison et politique réactionnaire.

BILAN. - L'ennemi - qui est à l'intérieur dans toute guerre impérialiste - est par terre.

La classe ouvrière française et mondiale doit retenir cet événement comme une victoire et comprendre qu'il faut voir là un ennemi de moins. Il importe donc de mettre tout en œuvre pour que la chute de l'impérialisme français soit définitive. Il ressort, à la constatation de cet état de chose, que la lutte du peuple français a eu le même objectif que la lutte de l'impérialisme allemand contre l'impérialisme français. Il est exact qu'en ce sens ce fut un allié occasionnel."

C'est donc après l'invasion de l'URSS par les armées allemandes que l'impérialisme français a cessé d'être l'ennemi du Parti communiste.

Au final ce premier extrait permet de confirmer ces deux points : 1) rédigée en avril 1941, la brochure "Non, le nazisme n'est pas le socialisme" est une illustration de ligne pacifiste défendue alors par le Parti  communiste, 2) elle a été altérée avant sa publication en mars 1942.

2) "l'occupation de la Rhur".

Dans le texte de mars 1942 on peut lire :
"Rappelons que c'est le Parti Communiste qui s'est dressé en France contre le Traité de Versailles, contre l'attentat de la Ruhr et qui a répudié l'oppression d'un peuple par un autre."
Avant le 22 juin 1941, le Parti communiste dénonçait "l'occupation" de la Rhur par les armées françaises en 1923 :

a) L'Humanité n° 61 du 13 juillet 194 :
"Les conversations amicales entre travailleurs parisiens et soldats allemands se multiplient.
Nous en sommes heureux. Apprenons à nous connaître, et quand on dit aux soldats allemands que les Députés communistes ont été jetés en prison pour avoir défendu la Paix, quand on leur dit qu'en 1923, les Communistes se dressèrent contre l'occupation de la Rhur, on travaille pour la fraternité franco-allemande."
b) L'Humanité n° 65 du 27 juillet 1940 :
"Nous avons eu l'occasion d'entendre une conversation entre un travailleur parisien et un soldat allemand. L'ouvrier parisien disait : "Nous sommes les ennemis des capitalistes français et les amis de tous les peuples, allemand, italien, anglais etc... ainsi que des peuples coloniaux. Quand les impérialistes français occupèrent la Rhur, les travailleurs français, derrière le Parti Communiste combattirent l'occupation, car nous savions qu'un peuple qui en opprime un autre ne peut être libre. Les impérialistes français ont voulu la guerre, mais des milliers d'ouvriers ont lutté pour la paix et sont emprisonnés.
Cà, c'est la vraie France, France de la liberté et de l'indépendance des peuples."
c) "Lettre aux militants communistes" de novembre 1940" :
"Notre parti est opposé à toute guerre de conquête, à toute guerre d'oppression, et de même que nous avons lutté contre les impérialistes français, contre le Traité de Versailles et contre l'occupation de la Rhur, de même que nous avons avec le camarade Thaelmann et le Parti Communiste Allemand défendu le peuple allemand contre l'oppression des Alliés, de même nous nous élevons contre un traité de Versailles à Rebours qui ruinerait la France pour le plus grand profit de quelques ploutocrates, tout comme l'Allemagne fut ruinée après la première guerre impérialiste pour le profit de quelques parasites capitalistes. "
d) Programme "Pour le salut du peuple de France" de Février 1941:
"Etablissement de rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand en rappelant l'action menée par les communistes et par le peuple français contre le traité de Versailles, contre l'occupation du bassin de la Rhur, contre l'oppression d'un peuple contre un autre peuple."
Après le 22 juin 1941, le Parti communiste s'est dressé contre l'occupation... de la France par les armées allemandes.


3) "défenseurs du peuple emprisonnés par les fauteurs de guerre".

Dans le texte de mars 1942, Gabriel Péri plaide pour la création d'une "Cour suprême" : 
"déférer devant une Cour suprême, composée d'ouvriers, de paysans, de membres des classes moyennes et de défenseurs des Français persécutés, les responsables de la guerre, les responsables de la défaite, les responsables de l'asservissement."
Dans son programme de février 1941, le Parti communiste proposait l'institution d'une "Cour suprême de justice populaire" : 
"Création d'une Cour suprême de justice populaire composée de représentants des ouvriers, des paysans, des anciens combattants, des défenseurs du peuple emprisonnés par les fauteurs de guerre, en vue de juger les responsables de la guerre".
On notera entre ces deux propositions trois différences majeures :

a) désignation de la Cour suprême

La proposition communiste relative à la Cour suprême de justice populaire s'inspirait en fait de la Cour suprême de justice instituée par le Maréchal Pétain le 30 juillet 1940. 

Pour éliminer cette référence clairement pétainiste, le texte de mars 1942 mentionne simplement une Cour suprême.

b) compétence de la Cour suprême.

La Cour suprême de justice populaire avait pour mission principale de juger "les responsables de la guerre" autrement dit tous ceux qui avaient soutenu la guerre contre l'Allemagne nazie indépendamment de son résultat.

Dans le texte de mars 1942, la Cour suprême sera chargée de juger "les responsables de la guerre, les responsables de la défaite, les responsables de l'asservissement" autrement dit les bellicistes qui ont conduit la France à la défaite et - nouveauté - les dirigeants de Vichy.

c) composition de la Cour suprême.

La Cour suprême de justice populaire devait être composée notamment "des défenseurs du peuple emprisonnés par les fauteurs de guerre".

Cette formule fait référence aux militants communistes condamnés par les tribunaux de la République entre septembre 1939 et juin 1940 en raison de leur engagement en faveur de la Paix avec l'Allemagne.

Dans la brochure publiée en mars 1942, il est écrit que la Cour suprême comptera parmi ses membres des "défenseurs des Français persécutés".

Dans ce texte les militants communistes ne sont donc plus célébrés comme les défenseurs de la Paix mais comme ceux des Français persécutés.