Décret-loi du 18 novembre 1939
suspendant pendant la durée des hostilités
certaines des dispositions applicables
aux personnels des collectivités publiques et des services concédés.
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Le Président de la République française,
Sur le rapport du président du conseil, ministre de la défense nationale et de la guerre et des affaires étrangères, du vice-président du conseil, du ministre de l'intérieur, du ministre des finances, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre des travaux publics, du ministre du travail, du ministre de la marine militaire, du ministre de l'air, du ministre du blocus, du ministre de l'armement, du ministre des colonies, du ministre des anciens combattants et pensionnés, du ministre de l'éducation nationale, du ministre du commerce, du ministre de l'agriculture, du ministre de la santé publique, du ministre des postes, télégraphes et téléphones et du ministre de la marine marchande ;
Vu la loi du 19 mars 1939, tendant à accorder au Gouvernement des pouvoirs spéciaux;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :
Art. 1er. — Pendant toute la durée des hostilité, la suspension des dispositifs de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 (Document 1), prévue en ce qui concerne les personnels de l'Etat par le dernier alinéa de l'article 15 du décret du 1er septembre 1939 (Document 2), s'applique à l'ensemble des personnels des services ou établissements publics de l'Etat, des départements, des communes, des colonies et des territoires d'outre-mer, ainsi que des services concédés relevant de ces collectivités.
Art. 2. — Pendant la même période, les mesures disciplinaires contre tous les personnels des services ou établissements visés à l'article 1er et de tous organismes recevant une subvention ou une garantie de l'Etat sont prises par l'autorité compétente pour les nommer, sans aucune des consultations ou délibérations prévues par les lois, règlements ou conventions en vigueur.
En ce qui concerne les personnels des services municipaux, les mesures visées par le présent article peuvent être prises dans les conditions prévues aux articles 1er et 2 du décret du 26 septembre 1939, relatif à la tutelle administrative. Le préfet et le sous-préfet conservent, d'autre part, le pouvoir de révocation qui leur est conféré par les articles 102 et 103 de la loi 5 avril 1884, modifiée par le décret 5 novembre 1926.
Toutefois, avant de prendre une mesure disciplinaire, l'autorité compétente provoquera, sauf en cas d'urgence motivée par l'intérêt du service ou de la défense nationale, ou en cas de cessation ou d'abandon du travail, les observations de l'intéressé sur les faits relevés contre lui.
Art. 3. — Les personnels qui auront été l'objet d'une peine disciplinaire dans les conditions fixées par les dispositions qui précèdent pourront, dans le mois qui suivra la cessation des hostilités, demander la révision de la mesure prise à leur égard.
Les conditions dans lesquelles s'effectuera cette révision seront déterminées par un décret pris en la forme des règlements d'administration publique.
Art. 4. — Pendant la même période, toute mesure ayant pour objet le déplacement ou la suspension, dans l'intérêt du service, des personnels visés à l'article ci-dessus, sera prise par l'autorité compétente sans consultation des conseils ou organismes dont l'avis préalable serait requis par les règlements ou conventions en vigueur.
Art. 5. — Les dispositions qui précédent ne s'appliquent pas aux magistrats inamovibles, qui demeurent soumis aux règles actuellement en vigueur à leur égard.
Art. 6. — Le présent décret, qui recevra exécution immédiate, sera soumis à la ratification des Chambres, conformément aux dispositions de la loi du 19 mars 1939.
Art. 7. — Le président du conseil, ministre de la défense nationale et de la guerre et des affaires étrangères, le vice- président du conseil, le ministre de l'intérieur, le ministre des finances, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre des travaux publics, le ministre du travail, le ministre de la marine militaire, le ministre de l'air, le ministre du blocus, le ministre de l'armement, le ministre des colonies, le ministre des anciens combattants et pensionnés, le ministre de l'éducation nationale, le ministre du commerce, le ministre de l'agriculture, le ministre de la santé publique, le ministre des postes, télégraphes et téléphones et le ministre dela marine marchande sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 18 novembre 1939.
ALBERT LEBRUN.
Par le Président de la République :
Le président du conseil, ministre de la défense nationale et de la guerre et des affaires étrangères, EDOUARD DALADIER. Le vice-président du conseil, CAMILLE CHAUTEMPS. Le ministre de l'intérieur, ALBERT SARRAUT. Le ministre des finances, PAUL REYNAUD. Le garde des sceaux, ministre de la justice, GEORGES BONNET. Le ministre des travaux publics, A. DE MONZIE. Le ministre du travail, CHARLES POMARET. Le ministre de la marine militaire, C. CAMPINCHI. Le ministre de l'air, GUY LA CHAMBRE. Le ministre du blocus, GEORGES PERNOT. Le ministre de l'armement, RAOUL DAUTRY. Le ministre des colonies, GEORGES MANDEL. Le ministre des anciens combattants et pensionnés, RENÉ BESSE. Le ministre de l'éducation nationale. YVON DELBOS. Le ministre du commerce, FERNAND GENTIN. Le ministre de l'agriculture. HENRI QUEUILLE. Le ministre de la santé publique, MARC RUCART Le ministre des postes, télégraphes et téléphones. JULES JULIEN. [Alfred JULES-JULIEN] Le ministre de la marine marchande, A. RIO. (Journal officiel du 19 novembre 1939) |
Le 18 novembre 1939, le Gouvernement Daladier modifie le statut disciplinaire des fonctionnaires en adoptant un décret-loi qui suspend pour la durée des hostilités certaines dispositions qui leur sont applicables.
Ce décret suspend tout d'abord l'application de "l'article 65 de la loi du 22 avril 1905" pour l'ensemble des personnels des services de l'Etat, des départements et des communes, ainsi que des services concédés.
Cet article 65 (Document 1) reconnaissait à tous les fonctionnaires civils ou militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques le droit à la communication personnelle de tout leur dossier, savant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office.
En outre, il prévoit que les mesures disciplinaires contre les employés des services publics ou concédés seront prises par l'autorité compétente pour les nommer, "sans aucune des consultations ou délibérations prévues par les lois, règlements ou conventions en vigueur".
De même, toute mesure ayant pour objet le déplacement ou la suspension, dans l'intérêt du service, sera prise par l'autorité compétente "sans consultation des conseils ou organismes dont l'avis préalable serait requis par les règlements ou conventions en vigueur".
De fait, le décret-loi du 18 novembre 1939 vise le cas des fonctionnaires se rendant coupables de propagande communiste.
D'ailleurs l'Humanité clandestine n° 8 du 23 novembre 1939 dénoncera ce décret en affirmant dans un article titré "Comme chez Hitler" que son contenu témoigne de "l'Hitlérisation de la France" :
Rappelons que l'Humanité défend la Paix avec l'Allemagne nazie et que c'est pour cette raison qu'elle combat le Gouvernement Daladier qu'elle accuse en outre d'être fasciste !!!
Le bilan de la répression des activités communistes sera dressé le 19 mars 1940 dans un discours prononcé au Sénat par le ministre de l'intérieur, le radical-socialiste Albert Sarraut :
Ce décret suspend tout d'abord l'application de "l'article 65 de la loi du 22 avril 1905" pour l'ensemble des personnels des services de l'Etat, des départements et des communes, ainsi que des services concédés.
Cet article 65 (Document 1) reconnaissait à tous les fonctionnaires civils ou militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques le droit à la communication personnelle de tout leur dossier, savant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office.
En outre, il prévoit que les mesures disciplinaires contre les employés des services publics ou concédés seront prises par l'autorité compétente pour les nommer, "sans aucune des consultations ou délibérations prévues par les lois, règlements ou conventions en vigueur".
De même, toute mesure ayant pour objet le déplacement ou la suspension, dans l'intérêt du service, sera prise par l'autorité compétente "sans consultation des conseils ou organismes dont l'avis préalable serait requis par les règlements ou conventions en vigueur".
De fait, le décret-loi du 18 novembre 1939 vise le cas des fonctionnaires se rendant coupables de propagande communiste.
D'ailleurs l'Humanité clandestine n° 8 du 23 novembre 1939 dénoncera ce décret en affirmant dans un article titré "Comme chez Hitler" que son contenu témoigne de "l'Hitlérisation de la France" :
"Poursuivant l'Hitlérisation de la France, le gouvernement de dictature Daladier vient de faire un nouveau pas dans la voie du fascisme. [...]
Il [Daladier] abolit aussi tout statut des fonctionnaires, se réservant de révoquer ou de déplacer d'office tout suspect."
Rappelons que l'Humanité défend la Paix avec l'Allemagne nazie et que c'est pour cette raison qu'elle combat le Gouvernement Daladier qu'elle accuse en outre d'être fasciste !!!
Le bilan de la répression des activités communistes sera dressé le 19 mars 1940 dans un discours prononcé au Sénat par le ministre de l'intérieur, le radical-socialiste Albert Sarraut :
"J'ai parlé, d'autre part des intelligences que le communisme avait dans les administrations de l'Etat. [...]
En
ce qui concerne mon ministère, à l'heure présente, plus de 400
sanctions — révocations, licenciements, mises à la retraite d'office,
etc. — ont été prises dans les cadres départementaux dépendant
directement ou indirectement de mon autorité.
En
ce qui concerne mes collègues ministériels, je leur ai demandé quelles
mesures ils avaient prises. A la date de ce jour, d'après les états qui
m'ont été fournis et qui sont incomplets, parce que certaines enquêtes
continuent, voici les chiffres des sanctions prononcées depuis six mois,
y compris celles de mon ministère : 700, parmi lesquelles j'en relève
131 au titre de l'éducation nationale et une centaine pour le ministère
des transmissions. J'ai donc le droit de dire que, dans ce compartiment,
la vigilance gouvernementale n'a pas été prise en défaut. [...]
Voilà, messieurs, les indications que j'ai à vous fournir et que je résume dans le tableau synthétique que voici :
Perquisitions
: 11 000, dont 4 000 dans la Seine; arrestations : 3 400, dont 1 460
dans la Seine, avec 1 500 condamnations déjà prononcées; application du
décret du 18 novembre 1939 : 555 arrestations; épuration chez les
fonctionnaires à ce jour : environ 700 et d'autres vont suivre;
radiations d'affectations spéciales effectuées à la demande des préfets :
3 500, dont 200 concernant des fonctionnaires. En tout, plus de 8 000
mesures individuelles, qui ont eu pour effet de retirer du milieu où ils
avaient une action nocive ceux qui en ont été l'objet."
Document 1 :
Art 65
de la loi du 22 avril 1905
Article 65 - Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté.
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L'article 65 de la loi du 22 avril 1905 reconnait à tous les agents publics un droit à la communication de leur dossier administratif en cas de procédure disciplinaire.
Le décret-loi du 1er septembre 1939 - article 15, denier alinéa (Document 2) - a suspendu ce droit pendant la durée des hostilités pour les personnels de l'Etat.
Le décret-loi du 18 novembre 1939 - article 1 - étend cette mesure "à l'ensemble des personnels des services ou établissements publics de l'Etat, des départements, des communes, des colonies et des territoires d'outre-mer, ainsi que des services concédés relevant de ces collectivités".
Le décret-loi du 1er septembre 1939 - article 15, denier alinéa (Document 2) - a suspendu ce droit pendant la durée des hostilités pour les personnels de l'Etat.
Le décret-loi du 18 novembre 1939 - article 1 - étend cette mesure "à l'ensemble des personnels des services ou établissements publics de l'Etat, des départements, des communes, des colonies et des territoires d'outre-mer, ainsi que des services concédés relevant de ces collectivités".
Document 2 :
Article 15, dernier alinéa
du décret-loi du 1er septembre 1939
fixant la situation des personnels des administrations de l'Etat en temps de guerre Article 15 - [...]
Sont suspendues, pendant la période d'application du présent décret, les dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.
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