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Programme d'épuration de février 1941


Programme d'épuration de février 1941
(Extrait du programme "Pour le salut du peuple de France" de février 1941)

POUR LE JUGEMENT DES RESPONSABLES DE LA GUERRE

Création d'une Cour suprême de justice populaire composée de représentants des ouvriers, des paysans, des anciens combattants, des défenseurs du peuple emprisonnés par les fauteurs de guerre, en vue de juger les responsables de la guerre à savoir :
1° L'ancien président de la République (Lebrun);
2° Les présidents du Sénat et de la Chambre (Jeanneney, Herriot);
3° Les anciens présidents du conseil depuis 1933 (Paul-Boncour, Sarraut, Chautemps, Flandin, Laval, Blum, Daladier, Paul Reynaud);
4° Les anciens ministres de la défense nationale (guerre, marine, air) depuis 1933 (Daladier, Colonel Fabry, Général Maurin, Maréchal Pétain, Pierre Cot, Guy la Chambre, Général Denain, Marcel Déat, Campinchi etc...);
5° Les anciens ministres des affaires étrangères (Bonnet, Laval, Delbos, Flandin);
6° Les députés et sénateurs ayant soutenu la politique de guerre de Daladier-Reynaud;
7° Les journalistes, hommes publics et agents occultent ayant mené campagne en faveur de la guerre contre l'URSS dans le secret dessein d'affaiblir la France et de préparer sa défaite;
8° Les généraux Gamelin, Weygand et les membres des conseils supérieurs de la guerre, de la marine et de l'air depuis 1933;
9° Les gouvernants, hommes politiques et journalistes qui, depuis l'armistice, ont trahi les intérêts de la France, détruit les libertés publiques et honteusement sacrifié l'intérêt de la Nation aux intérêts des trusts, des oligarchies capitalistes.
Publication de tous les renseignements relatifs à la culpabilité des responsables de la guerre.
Publication de toutes les clauses secrètes des divers traités conclus par la France afin d'informer le peuple des agissements de ses gouvernants.
En février 1941, le Parti communiste diffuse clandestinement le manifeste-programme "Pour le Salut du Peuple de France" dans lequel est présenté l'ensemble des mesures de "politique intérieure et extérieure indispensables au salut du pays" que prendrait un "Gouvernement du Peuple".

Diffusé en tract à 100 000 exemplaires avec un second tirage identique le mois suivant, ce texte est aussi reproduit en mars 1941 dans les 20 000 exemplaire des Cahiers du Bolchévisme du 1er trimestre 1941.

Signé par le Comité Central du Parti Communiste Français (SFIC), ce programme de gouvernement prévoit en politique extérieure la Paix avec l'Allemagne nazie (libération nationale) et en politique intérieure la Révolution socialiste (libération sociale).

Illustré avec des mots d'ordre tel que "Thorez au pouvoir", "Vive le Gouvernement du Peuple" ou "Vive la République française des Soviets", le projet du Parti communiste doit permettre l'instauration en France d'un régime socialiste avec comme modèle l'URSS de Staline.

Pour réussir son projet de soviétisation de la France, le Parti communiste prévoit notamment un plan d'épuration visant principalement le personnel politique de la IIIe République auquel il est reproché d'avoir soutenu la guerre contre l'Allemagne nazie.

Ce plan sera mis en œuvre par une "Cour suprême de justice populaire" qui sera chargée de "juger les responsables de la guerre".

L'absence de référence à la défaite de la France indique clairement que les hommes politiques de la IIIe République seront poursuivis pour leur bellicisme et que leur crime est avant tout un crime contre la Paix, "le plus grand crime de l'histoire" comme l'écrit Gabriel Péri dans la brochure "Jeunesse de France"  publiée en janvier 1941 :

"Les communistes ont bien servi la Paix et bien servi la France. Ceux qui pendant dix mois ont organisé la Terreur Blanche contre les communistes ont été les assassins de la Paix et les perfides ennemis de la France.
Voilà la sentence... que ne prononcera pas la Cour de Riom, créée et mise au monde par les plus dangereux complices des inculpés. Mais voilà le verdict que prononcerait un Tribunal du Peuple. Le tribunal des paysans, des soldats à qui serait confié le dossier du plus grand crime de l'histoire."

Pour garantir son impartialité, la Cour suprême de justice populaire comptera parmi ses membres... "des défenseurs du peuple emprisonnés par les fauteurs de guerre".

Cette formule fait référence aux militants communistes condamnés par les tribunaux de la République entre septembre 1939 et juin 1940 en raison de leur engagement en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie.

Enfin, preuve que ce Tribunal du peuple sera indépendant, le Parti communiste publie... une liste nominative d'accusés devant comparaître devant cette juridiction.

Cette liste est composée de neuf catégories. Les 6 premières visent le personnel politique de la IIIe République dont les "anciens président du Conseil" parmi lesquels figure... "Blum". 

On notera que le nom du "Maréchal Pétain" est mentionné dans la catégorie des "anciens ministres de la défense". L'ancien président du Conseil ne sera donc pas jugé pour avoir signé l'armistice franco-allemand. Il comparaitra devant la Cour suprême comme l'un des responsables de la guerre en raison de ses anciennes fonctions ministérielles.

La catégorie 7 met en cause les journalistes "ayant mené campagne en faveur de la guerre contre l'URSS". Cette campagne anti-soviétique désigne en réalité la mobilisation de la presse en faveur d'une aide à la Finlande après son agression par l'URSS.

Aux termes de la catégorie 8 seront aussi jugés les officiers généraux qui ont approuvé la guerre contre l'Allemagne nazie.

Enfin, la dernière catégorie vise "Les gouvernants, hommes politiques et journalistes" qui depuis la signature de l'armistice servent les "oligarchies capitalistes". Les pétainistes seront donc jugés pour leur adhésion au régime de Vichy qui est condamnable en raison de sa nature capitaliste et non pour son projet pacifiste.

En proposant de créer une Cour suprême de justice populaire, le Parti communiste rend hommage au Maréchal Pétain et à sa Cour suprême de justice instituée le 30 juillet 1940 pour juger les responsables de la guerre et de la défaite. Cette proposition est aussi une critique de la justice pétainiste que les communistes jugent laxiste au vu du nombre limité d'accusés renvoyés devant la Cour de Riom.

Publié en février 1941, le programme de gouvernement du Parti communiste sera caduc après l'invasion de l'URSS par les armées allemandes en juin 1941. On peut donc faire le constat que c'est grâce... à Hitler que le Parti communiste n'a pas constitué de Gouvernement de Paix ni mis en œuvre son plan d'épuration.