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Directive de l'IC du 22 juin 1940

Texte fondamental, la Directive de l'Internationale communiste du 22 juin 1940 définit l'action du Parti communiste dans une France défaite et occupée par les armées du IIIe Reich.

On peut la définir par ce qu'elle n'est pas : un appel à lutter contre les Allemands.

En effet, elle prescrit au PCF d'orienter sa propagande sur la constitution d'un gouvernement communiste et de justifier cette revendication avec l'argument qu'il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre, lui recommande de tirer profit de la présence des nazis pour reprendre une activité légale et enfin lui demande d'encourager les contacts entre les travailleurs français et les soldats allemands.

Reçues à Paris au début du mois de juillet, ces Instructions seront formellement approuvées par Jacques Duclos, le chef du Parti communiste clandestin.

Le présent texte se compose de six parties. Dans la Partie I, on décrira la situation politique de la France en juin 1940, Dans la Partie II, on présentera la Directive de l'IC du 22 juin 1940. Dans les Parties III, IV et V, on en étudiera le contenu. La Partie VI évoquera l'accord de Jacques Duclos.


PARTIE I

Gouvernement Pétain

Le 16 juin 1940, réfugié dans la ville de Bordeaux depuis deux jours, le Gouvernement Reynaud démissionne à 22 heures au terme d'un Conseil des ministres au cours duquel se sont une nouvelle fois affrontés opposants et partisans de l'armistice.

A la tête de ceux qui veulent mettre fin au conflit avec l'Allemagne et qui défendent au sein du gouvernement la même position que le Commandant en chef des armées françaises, le Général Weygand : le Maréchal Pétain, vice-président du Conseil et ministre d'Etat. Ce dernier est aussitôt chargé par le Président de la République de former un nouveau gouvernement. Ce Gouvernement de Paix sera formé en moins d'une heure.

Parmi ceux qui veulent continuer de se battre contre les Allemands : le Général de Gaulle, sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale et à la Guerre attaché à la présidence du Conseil. En mission en Angleterre, il apprendra la démission du gouvernement à son retour à Bordeaux dans la soirée. Après la constitution dans la nuit d'un cabinet marquant la victoire du clan des défaitistes, il décide le lendemain matin de repartir pour Londres. Il s'embarquera dans l'avion ramenant en Angleterre l'envoyé spécial de Churchill, le Général Spears.


Demande d'armistice

Le 17 juin, en début d'après-midi, le nouveau président du Conseil prononce à la radio une courte allocution dans laquelle il déclare qu'il faut mettre fin au conflit avec l'Allemagne ("il faut cesser le combat") avant d’annoncer qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

Illustration de l'alliance germano-soviétique, quelques heures après cette annonce, Viatcheslav Molotov, président du Conseil et commissaire du peuple aux Affaires étrangères, convoque l'ambassadeur allemand à Moscou, Friedrich Werner von der Schulenburg, pour lui exprimer "les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes". (Télégramme n° 1167 du 17 juin 1940)

Le lendemain, à Londres, le Général de Gaulle s'exprime à la BBC pour condamner la demande d'armistice et appeler les Français à poursuivre le combat contre l'envahisseur allemand. L'Appel du 18 juin 1940 est l'acte fondateur de la Résistance française : "Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".


Armistice franco-allemand

Signé le 22 juin, l'armistice franco-allemand marque la défaite de la France. Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix, cet armistice impose au pays vaincu l'occupation d'une zone couvrant les trois-cinquièmes de son territoire et comprenant sa capitale, le maintien en captivité de 1,5 million prisonniers de guerre, la démobilisation et le désarmement de ses forces armées, et enfin le paiement d'une indemnité journalière dont le montant sera fixé quelques semaines tard à 400 millions francs soit une somme absolument délirante relevant plus des réparations de guerre que de l'entretien d'une armée d'occupation.

Pour connaître la réaction du PCF à la défaite de la France et à l'occupation allemande qui en est la conséquence, il suffit de lire l'Humanité clandestine du 24 juin 1940 et son article leader intitulé... "Construire la paix" :

"L'armistice est signé.
Ah, certes nous serrons les poings à la pensée qu'une autre paix eut pu être conclue en Septembre-Octobre dernier comme la proposaient les Communistes. Mais à cette époque Daladier jugeait que les ordres de la Cité de Londres devaient être obéis.
Construire la Paix ! Voilà donc la tâche urgente.
Nous savons bien, nous autres communistes, qu'il n'y aura de paix véritable que lorsque auront été extirpées les racines profondes de la guerre. LA PAIX C'EST LE SOCIALISME.
Lutter pour la paix, c'est coordonner l'action des prolétaires de tous les pays dans la lutte pour la victoire du socialisme, de ce socialisme dont l'URSS offre au monde le resplendissant exemple. Tel est notre but.
Préparer cette paix implique que la France est un gouvernement capable de comprendre et de traduire les aspirations populaires. La France de juin 1940 ne possède pas un [tel] gouvernement. [...]
Pour négocier la paix, il faut pouvoir parler au nom du peuple. On ne parle pas au nom du peuple quand on tient en prison et dans les camps des milliers de militants du peuple. Seul, sera digne de négocier une paix équitable, le gouvernement qui rendra au prolétariat ses droits et sa liberté. [...]
Que disparaissent les fauteurs de guerre, les responsables du désastre, les valets de la Cité de Londres : PLACE AU PEUPLE !".

Dans ce texte approuvant l'armistice franco-allemand, l'Humanité affirme que seul le Parti communiste est en mesure de négocier avec Hitler "une paix véritable" ou encore une "paix équitable" car il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre et à pouvoir en outre bénéficier du soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne.
 
Par son contenu, ce numéro prouve que la défaite de la France n'a pas modifié la ligne politique du PCF qui s'est engagé en faveur de la Paix dès septembre 1939 en arguant que la guerre contre l'Allemagne était une guerre impérialiste et que sa cause n'était pas le nazisme mais le capitalisme.


Jacques Duclos,
Chef du Parti communiste clandestin

Jacques Duclos, secrétaire du PCF, et Maurice Tréand, membre du Comité central et responsable de la Commission des cadres, arrivent à Paris le 15 juin 1940 soit le lendemain de l'entrée des troupes allemandes dans la capitale.

La veille, ils ont quitté Bruxelles où ils étaient réfugiés depuis octobre 1939. Particularité de la capitale belge : la présence d'une antenne de l'Internationale communiste qui est dirigée par Eugen Fried et dont la mission est de contrôler les partis communistes d'Europe occidentale.

Motivé par un télégramme de Moscou reçu quelques jours après l'invasion de la Belgique par les armées allemandes le 10 mai 1940, ce départ a été retardé pour des raisons de sécurité.

A son arrivée, Jacques Duclos prend la direction du Parti communiste clandestin en raison des absences de Maurice Thorez et de Benoît Frachon.

Secrétaire général du PCF, le premier s'est réfugié en Russie après sa désertion en octobre 1939 et un court séjour en Belgique. Ce départ a été caché aux militants pour ne pas les démobiliser. Secrétaire de la CGT, ancien membre du Bureau politique du PCF, placé à la tête du Parti en octobre 1939, le second a quitté Paris avant l'arrivée des Allemands.

Le 18 juin, sur la base des consignes orales d'Eugen Fried, le Parti communiste engage des négociations avec les autorités allemandes pour obtenir la légalisation de son organe central : l'Humanité.

On fera remarquer que cette négociation débute avant même la signature de l'armistice franco-allemand et donc avant même l'arrêt des combats.

Les prescriptions d'Eugen Fried seront confirmées par une Directive de l'IC du 22 juin 1940 définissant les conditions d'une activité légale communiste.


PARTIE II

Directive de l'IC

Le 22 juin 1940, à Moscou, l'Internationale communiste adopte une Directive en relation avec sa section française autrement dit le Parti communiste français.

Cette Directive est envoyée le jour même à Eugen Fried dans un télégramme signé par Georges Dimitrov, secrétaire général de l'IC, et Maurice Thorez, secrétaire général du PCF.

Signalons que le texte du Télégramme présente quelques différences de rédaction avec le texte de la Directive. (1)
 
Représentant de l'IC auprès du PCF, Eugen Fried s'est installé à Bruxelles au mois de septembre 1939. Sa mission : organiser une antenne de l'IC dans la capitale belge en vue d'assurer le contrôle des tous les partis communistes d'Europe occidentale. Il transmettra les Instuctions de Moscou à Jacques Duclos, secrétaire du PCF, qui assume à Paris la direction du Parti communiste clandestin.

Texte fondamental, la Directive du 22 juin 1940 définit l'action du Parti communiste dans une France défaite et occupée par les armées du IIIe Reich.

Trois facteurs en déterminent le contenu. Tout d'abord, l'alliance germano-soviétique fondée sur le plan politique par le Pacte germano-soviétique du 23 août 1939 et le Traité de frontières et d'amitié du 28 septembre 1939. Ensuite la position de l'IC sur le conflit européen qui est analysé comme une guerre impérialiste qui doit être combattue par la classe ouvrière de tous les pays belligérants. Enfin, l'armistice demandé par le Gouvernement Pétain le 17 juin 1940 et conclu le 22 juin.

Pour l'IC la défaite de la France constitue avant tout une opportunité offrant au PCF la possibilité de prendre le pouvoir.

C'est pour cette raison qu'elle lui fixe en matière de propagande l'objectif suivant : expliquer aux Français qu'il est le seul Parti légitime pour diriger la France au motif qu'il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre.

Autre considération d'importance, l'IC demande au PCF de tirer profit de la présence des nazis pour reprendre une activité légale. Cette présence n'est donc un obstacle à la prise du pouvoir par les communistes. elle est même vu au contraire comme... un avantage.

Dernier élément prouvant que la Directive de l'IC n'appelle nullement les communistes à combattre les Allemands : la recommandation demandant au PCF d'encourager les contacts entre les travailleurs français et les soldats allemands.

(1) La Directive de l'IC du 22 juin 1940 a été publiée dans les Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993 (pp. 186-187). Quant au Télégramme de l'IC du 22 juin 1940, on peut lire son contenu dans Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern, 1939-1941, 2003 (pp. 240-242).


PARTIE III

Propagande

Adoptée le jour même de la signature de l'armistice franco-allemand, la Directive du 22 juin 1940 définit le contenu de la propagande que le Parti communiste doit diffuser dans une France défaite et occupée par les armées allemandes :

"Désastres militaires subis et occupation de la France provoquent souffrances et indignation illimitées masses. La banqueroute bourgeoisie et socialistes est totale. Indispensable expliquer peuple cette banqueroute, démasquer trahison bourgeoisie, ses partis, ses politiciens, ses socialistes, démasquer leurs responsabilités pour guerre, désastres militaires, occupation France, afin détruire chez peuple derniers restes confiance envers eux.
Indispensable expliquer et démontrer par les faits que seulement classe ouvrière dirigée par parti communiste est capable réaliser unité de la nation en puissant front défense ses intérêts vitaux et de lutte contre le joug étranger pour une France indépendante et réellement libre." (1)

Pour Moscou, l'objectif prioritaire de la propagande communiste doit porter sur la constitution d'un gouvernement communiste. L'argumentaire justifiant cette revendication s'articule autour de deux axes. Tout d'abord, le discrédit de tous les partis politiques qui ont soutenu la guerre. Ensuite, la légitimité du seul Parti communiste pour diriger la France en raison de son opposition à la guerre.

L'Appel au "Peuple de France" de juillet 1940 suivra fidèlement cet argumentaire.
 


Appel du PCF de juillet 1940

A la fin de juillet 1940, soit un mois après la signature de l'armistice franco-allemand, le Parti communiste lance un Appel au "Peuple de France !".

Signé "Au nom du Comité Central du Parti Communiste Français" par Maurice Thorez et Jacques Duclos, secrétaire général et secrétaire du PCF, cet appel est un véritable plaidoyer pour la constitution... d'un Gouvernement de Paix communiste.

Pour justifier cette revendication et en même temps marquer la différence entre son projet pacifiste et celui du Maréchal Pétain, le Parti communiste affirme que seuls les communistes sont en mesure de négocier avec Hitler une "Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France" ou encore "une paix véritable" car "seuls, les Communistes ont lutté contre la guerre".

Autres caractérisques marquantes du texte : la condamnation de "l'impérialisme britannique", la célébration du "Pacte germano-soviétique", l'éloge de la fraternité franco-allemande ("la fraternité des peuples que de toutes nos forces nous voulons") ou encore la revendication portant sur "la libération des défenseurs de la Paix".

Par son contenu, ce tract prouve que la défaite de la France en juin 1940 et l'occupation allemande qui en a été la conséquence n'ont provoqué aucun changement dans la ligne pacifiste, anglophobe et germanophile défendue par le PCF depuis le début du conflit européen.

Un dernier élément, cet appel est le tract le plus important diffusé par les communistes à l'été 1940.


PARTIE IV

Ligne légaliste
 
Dans sa Directive du 22 juin 1940, l'IC recommande au PCF de tirer profit de la présence des nazis pour reprendre une activité légale :

"Nécessaire réaliser ralliement force du peuple sous forme différents comités assistance, ravitaillement aide pratique aux masses, chômeur réfugiés, blessés, démobilisés. [...]
Indispensable reconstituer syndicats introduisant dans directions maximum nos camarades. Obtenir avec concours masses libération militants communistes et syndicaux emprisonnés et réintégration conseillers et maires communistes à leurs postes.
[...] Utilisez moindre possibilité favorable pour faire sortir journaux syndicaux, locaux, éventuellement l'Humanité en veillant que ces journaux restent sur ligne défense intérêts sociaux et nationaux peuple et ne donnent aucune impression solidarité avec envahisseur ou leur approbation. [...]
Au cas où membres du Parti, conseillers municipaux, responsables syndicaux ou responsables comité d'aide, travailleraient légalement ou semi-légalement, éviter tout ce qui pourrait donner impression solidarité avec envahisseurs." (1)

On notera que Moscou autorise explicitement le PCF à négocier avec les Allemands sur les points suivants : reparution de sa presse et notamment de l'Humanité, libération de ses militants, reconnaissance de ses comités populaires et enfin rétablissement des municipalités communistes.

Elle vient ainsi confirmer les consignes orales qu'Eugen Fried a donné à Jacques Duclos le 15 juin 1940 concernant la légalisation de l'Humanité.

L'IC fixe une seule limite : ne pas "donner impression solidarité avec envahisseurs".

La pertinence de cette limite suppose de considérer qu'en elle-même une activité autorisée par les Allemands n'est pas un soutien aux envahisseurs.

Pour souligner la justesse de cette critique on citera le numéro de février 1941 de La Penseé Libre dans lequel les intellectuels communistes posaient le principe suivant : "Aujourd'hui, en France, littérature légale veut dire : littérature de trahison".



Négociations de l'été 1940

A l'été 1940, dans une France occupée par les nazis, sur des Instructions de l'Internationale communiste, le Parti communiste a mené au mois trois négociations avec les autorités allemandes dans le but d'obtenir la légalisation de ses activités.

La première s'est tenue les 18, 19 et 20 juin 1940, autrement dit avant même la signature de l'armistice franco-allemand et donc l'arrêt des combats, entre une militante communiste et la Propoganda Staffel Frankreich avec pour unique objet la reparution de l'Humanité dont la publication avait été suspendue le 26 août 1939 en raison de son soutien... au Pacte germano-soviétique.

La deuxème s'est déroulée entre le 26 juin et le 27 août 1940 entre Robert Foissin, avocat communiste, et Otto Abetz, le représentant d'Hitler en France. Deux dirigeants communistes ont participé à cette négociation qui a eu pour cadre l'ambassade d'Allemagne. Elle a porté sur la reparution de l'Humanité puis celle de Ce Soir. Autres sujets évoqués : la libération des militants communistes détenus ou internés pour avoir défendu la Paix, le retour dans leurs fonctions électives des élus communistes déchus de leur mandat et plus particulièrement le rétablissement des municipalités communistes et enfin la légalisation des Comités populaires comme les Comités populaires d'entr'aide et de solidarité qui visaient à organiser, à l'échelle locale, le ravitaillement des populations ou encore les Comités populaires d'usine, appelés aussi Comité populaires d'entreprise, qui rassemblaient les personnels d'une entreprise en vue d'assumer deux fonctions : ravitailler en vivre les familles du personnel et remettre l'entreprise en activité. Au cours de ces pourparlers, les deux parties ont même discuté d'un... gouvernement communiste dans la zone nord. Ce dernier point a suscité une vigoureuse réaction de l'IC qui a demandé l'arrêt immédiat des négociations avec Abetz et rappelé qu'elle n'avait autorisé que des pourparlers avec l'admnistration militaire sur des points précis et à la seule condition qu'ils ne fussent menés que par des militants.

La troisième engagée à la mi-août visait à la légalisation de La Vie Ouvrière et n'a duré que quelques jours.

Les négociations entre les nazis et les communistes ont pris fin le 27 août 1940 avec la décision du PCF de ne pas les poursuivre. Deux raisons expliquent cette décision. Tout d'abord, l'absence de résultat, à l'exception de la libération des militants communistes détenus dans la zone occupée. Ensuite, une virulente critique de l'IC motivée par le comportement des communistes français qui étaient totalement sortis du cadre fixé en acceptant de discuter avec Abetz d'un gouvernement révolutionnaire à Paris. Pour expier la dérive dénoncée par l'IC, le Parti communiste a exclu Robert Foissin au mois de septembre. Cette décsion a été immédiatement annoncée dans un numéro de l'Humanité. Pour justifier cette exclusion la déclaration du Parti mettait en avant la collusion du militant avec un journal pro-allemand La France au Travail. Dire le véritable motif c'était reconnaître la réalité des négociations entre les communistes et Abetz.

Au final, les négociations de l'été 1940 constituent une preuve incontestable de... la Résistance communiste.


PARTIE IV

Fraternité franco-allemande

Preuve supplémentaire que la Directive du 22 juin 1940 n'appelle nullement à lutter contre les Allemands, la recommandation encourageant les contacts entre les travailleurs français et les soldats allemands dans le but de dissuader ces derniers de commettre des actes de violence contre la population civile :
 
"Déjouant les provocations et actions prématurées néanmoins indispensable soutenir et organiser résistance masses contre mesures violence, spoliations, arbitraire envers peuple de la part envahisseurs. Soulevez haine des masses contre Chiappe et tous les autres agents des envahisseurs.
Indispensable organiser travail correspondant parmi armée occupation et utilisation tout contact population civile avec soldats allemands pour les inciter à renoncer commettre actes de violence et leur faire comprendre que assujettissement peuple français est contraire véritables intérêts peuple allemand".

On fera trois remarques sur l'extrait cité. Tout d'abord, on notera que les Allemands sont désignés comme des "envahisseurs" à deux reprises, une "armée occupation" et des "soldats allemands". Dans le reste du texte, on peut lire "envahisseurs" à deux reprises et "joug étranger". Conclusion : dans cette Directive définissant l'action du PCF dans une France défaite et occupée, les envahisseurs n'ont ni idéologie, ni chef. Des oublis sûrement...

Ensuite, le texte envisage le cas des violences qui seraient commises par les Allemands et uniquement ce cas. L'occupation en elle-même n'est donc pas une violence.

Enfin, Moscou prescrit trois types d'actions :

1) organiser "résistance masses" contre "mesures violence, spoliations, arbitraire envers peuple de la part envahisseurs".
2) dénoncer ces actes dans des tracts diffusés "parmi armée occupation".
3) inciter les Français à fraterniser avec les Allemands dans le but, premièrement, de prévenir toute exaction allemande et, deuxièmement, de convaincre les soldats allemands "que assujettissement peuple français est contraire véritables intérêts peuple allemand" suivant l'axiome marxiste qu'un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre.
 

 L'Humanité clandestine

L'occupation de la France par les armées allemandes a permis aux communistes de réaliser l'un des objectifs qu'ils s'étaient fixé pendant la guerre de 1939-1940 : instaurer des rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand.

Illustration de cette réalité, à l'été 1940, plusieurs numéros de l'Humanité clandestine ont encouragé les travailleurs français à fraterniser avec les envahiseurs nazis.

On citera tout d'abord l'Humanité n° 55 du 17 juin 1940 dans laquelle été publiée en allemand et en français un appel à l'union de tous les prolétaires :

"Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! Proletarier aller Länder, vereinigt euch !"
 
Cet appel à l'union des travailleurs français et des soldats allemands a été republié dans l'Humanité n° 56 du 19 juin 1940 :

"Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! Proletarier aller Länder, vereinigt euch !"
 
Ensuite, on reproduira des articles publiés dans :
 
- l'Humanité n° 59 du 4 juillet 1940 sous le titre "Travaileurs français et soldats allemands" :

"Il est particulièrement réconfortant, en ces temps de malheurs, de voir de nombreux travailleurs parisiens s'entretenir amicalement avec des soldats allemands, soit sur la rue, soit au bistrot du coin.
Bravo, camarade, continuez, même si cela ne plait pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants.
La fraternité des peuples ne sera pas toujours une espérance, elle deviendra une réalité vivante."

- l'Humanité n° 61 du 13 juillet 1940 sous le titre "Fraternité franco-allemande" :

"Les conversations amicales entre travailleurs parisiens et soldats allemands se multiplient.
Nous en sommes heureux. Apprenons à nous connaître, et quand on dit aux soldats allemands que les Députés communistes ont été jetés en prison pour avoir défendu la Paix, quand on leur dit qu'en 1923, les Communistes se dressèrent contre l'occupation de la Rhur, on travaille pour la fraternité franco-allemande."

- l'Humanité n° 65 du 27 juillet 1940 sous le titre "Une conversation avec un soldat allemand" :

"Nous avons eu l'occasion d'entendre une conversation entre un travailleur parisien et un soldat allemand. L'ouvrier parisien disait : "Nous sommes les ennemis des capitalistes français et les amis de tous les peuples, allemand, italien, anglais etc... ainsi que des peuples coloniaux. Quand les impérialistes français occupèrent la Rhur, les travailleurs français, derrière le Parti Communiste combattirent l'occupation, car nous savions qu'un peuple qui en opprime un autre ne peut être libre. Les impérialistes français ont voulu la guerre, mais des milliers d'ouvriers ont lutté pour la paix et sont emprisonnés.
Cà, c'est la vraie France, France de la liberté et de l'indépendance des peuples."

Dans ces appels à la fraternisation, l'organe central du PCF affirme que les soldats allemands ne sont pas des envahisseurs mais des prolétaires avec lesquels il faut s'unir pour combattre l'ennemi commun : le capitalisme qui est la cause de toutes les guerres impérialistes. Autre argument tout aussi délirant : les soldats allemands sont, comme les communistes, des victimes de l'impérialisme français.
 

Rapports de Jacques Duclos

Les rapports de Jacques Duclos adressés à l'IC en date du 30 juin 1940 et du 18 juillet 1940, offre un éclairage intéressant sur l'attitude des communistes à l'été 1940.

Dans le premier, le chef du Parti communiste clandestin se félicite des scènes de fraternisation entre les "ouvriers" et les "soldats allemands" :

"En bref, la population parisienne n'aime pas les occupants, elles se sent profondément humiliée, mais cependant, et c'est très heureux, on voit se généraliser des attroupements d'ouvriers conversant avec des soldats allemands et les amenant "au bistrot du coin" pour parler plus à l'aise devant une tournée; les conversations de cet ordre roulent toujours sur le capitalisme, sur le socialisme, sur l'URSS pays du socialisme, sur les communistes et d'une manière générale les ouvriers parisiens ne sont pas à court d'arguments dans les discussions avec les soldats allemands. (1)

Dans le second, il met en avant le comportement bienveillant des soldats et sous-officiers allemands affectés à la garde des prisonniers de guerre français :

"Pour ce qui est des soldats allemands qui gardent les prisonniers ils sont « chics » et se conduisent humainement. Ces soldats s'efforcent de faciliter aux femmes qui vont voir soit un fils soit le mari soit un frère l'approche du camp et permettent de passer lettres et paquets « à la sauvette ». Les sous-officiers aussi ont dans plusieurs cas facilité les contacts entre civils et prisonniers mais la discipline est très sévère et voici ce qui disait une camarade à ce propos : « Soldats et sous-officiers allemands ont très peur de leurs officiers. Aussitôt qu'arrivait un offiicier, ils nous faisaient signe de partir avec des airs vraiment affolés pour d'ailleurs venir nous rechercher quand les officiers étaient partis »." (2)
 
(1) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993, p. 188
(2) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993, p. 221


 Programme du PCF de février 1941

Preuve que la fraternité franco-allemande a été un élément central du projet défendu par les communistes dans la période de l'occupation allant de juin 1940 (défaite de la France) à juin 1941 (invasion de l'URSS par les armées allemandes) : le programme du PCF de février 1941 intitulé "Pour le salut du peuple de France" .
 
Dans ce programme de gouvernement, le Parti communiste s'engageait à établir des "des relations PACIFIQUES" entre la France et l'Allemagne et à instaurer des "rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand".
 
 
PARTIE V

 
Accord de Jacques Duclos
 
Les Instructions adoptées par l'IC le 22 juin 1940 seront reçues à Paris au début du mois de juillet et seront formellement approuvées par Jacques Duclos comme l'atteste son rapport du 3 juillet 1940 :
 
"Nous venons de recevoir vos indications avec lesquelles nous sommes entièrement d'accord". (1)

Les documents cités permettent de prouver l'existence non seulement de communications entre Paris et Moscou mais aussi d'un accord entre Georges Dimitrov (direction de l'IC), Maurice Thorez (direction moscovite du PCF) et Jacques Duclos (direction parisienne du PCF) sur le contenu de la Directive du 22 juin 1940 et notamment sur l'opportunité de négocier avec les Allemands.

Au vu de ces éléments, on s'étonnera que des historiens puissent soutenir qu'à l'été 1940 la direction du PCF était totalement isolée et qu'elle n'avait aucun lien avec Moscou. L'étonnement disparait quand on fait le constat que leur but n'est pas d'établir la vérité mais d'écarter la responsabilité de l'IC et de Thorez dans les pourparlers de l'été 1940.

(1) Cahiers d'histoire de l'I.R.M, n° 52-53, 1993, p. 209.