Le 10 mai 1940, l'Allemagne nazie lance une offensive majeure sur le front Ouest avec un objectif précis : abattre la France.
Est-ce que l'invasion du territoire français par les armées hitlériennes va susciter un sursaut patriotique du Parti communiste dont la ligne politique est fondée depuis le début du conflit sur les mots d'ordre suivants : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate" et "L'ennemi est dans notre pays" ?
La réponse est... non. Un exemple : le manifeste "Nous accusons" (Doc. 1) qui est la première réaction du PCF à l'offensive allemande du 10 mai.
Présentation
Ce manifeste est un virulent réquisitoire contre... le gouvernement français. Son auteur : Maurice Thorez secrétaire général du PCF qui s'est réfugié à Moscou après sa désertion au début du mois d'octobre 1939.
Approuvé par l'Internationale communiste le 22 mai 1940, le texte sera publié dans le Daily Worker du 24 mai 1940 (organe du PC anglais). Titré "We accuse / Manifesto of the Communist Party of France", daté de "may, 1940" et signé "The Communist Party of France", il sera aussi reproduit dans le numéro 4 daté d'avril 1940 (sic) de la revue The Communist International, mensuel publié à New-York par les communistes américains. Les numéros publiés à partir de janvier 1940 ne portent plus la mention "Organ of the Executive Committee of The Communist International" (Organe du Comité exécutif de l'Internationale Communiste) et font seulement une référence au chef du PC américain : "Editor : Earl Browder" (Rédacteur en chef : Earl Browder) (Doc. 2 et 3). Au mois de juin, les communistes américains le diffuseront une nouvelle fois sous la forme d'une brochure avec le texte de André Marty qui servira de titre à cette brochure : "Who betrayed France". Le manifeste "Nous accusons" ne sera pas diffusé sur le territoire français en raison de l'offensive allemande qui a temporairement rompu les liaisons avec la direction parisienne du PCF.
Contenu
Les communistes débutent leur manifeste en justifiant sa publication : "dans ces heures cruelles et tragiques où la guerre fait rage et s'étend déjà sur le sol de France, [...] nous estimons qu'il est de notre devoir sacré, une nouvelle fois, de dire toute la vérité à notre peuple."
Dire la vérité consiste à formuler une série d'accusations visant la bourgeoisie française, le gouvernement français et les socialistes. Pas un seul mot contre les hordes nazies qui déferlent sur la France. Un oubli sûrement...
Illustration du mot d'ordre "l'ennemi est dans notre pays", le texte décline avec une virulence jamais égalée les deux accusations récurrentes de la propagande communiste contre tous ceux qui soutiennent la guerre contre l'Allemagne : guerre impérialiste à l'extérieur et guerre réactionnaire à l'intérieur.
Citons un extrait condamnant la guerre impérialiste : "Nous accusons la bourgeoisie française d'avoir provoqué la guerre actuelle en réduisant en esclavage le peuple allemand grâce aux monstrueuses dispositions du traité de Versailles, cette sanction impérialiste d'une guerre impérialiste."
Un autre extrait dénonçant le caractère réactionnaire du gouvernement français : "Nous accusons la bourgeoisie française d'avoir sacrifié les intérêts de notre peuple, les vies de millions de travailleurs et de paysans français dans le seul but de maintenir ses privilèges capitalistes et sa domination sur les esclaves des colonies".
Un dernier exemple du délire communiste, les staliniens français accusent "Daladier d'avoir délibérément prévu le massacre de la population civile, en particulier dans la région parisienne".
Illustration du mot d'ordre "l'ennemi est dans notre pays", le texte décline avec une virulence jamais égalée les deux accusations récurrentes de la propagande communiste contre tous ceux qui soutiennent la guerre contre l'Allemagne : guerre impérialiste à l'extérieur et guerre réactionnaire à l'intérieur.
Citons un extrait condamnant la guerre impérialiste : "Nous accusons la bourgeoisie française d'avoir provoqué la guerre actuelle en réduisant en esclavage le peuple allemand grâce aux monstrueuses dispositions du traité de Versailles, cette sanction impérialiste d'une guerre impérialiste."
Un autre extrait dénonçant le caractère réactionnaire du gouvernement français : "Nous accusons la bourgeoisie française d'avoir sacrifié les intérêts de notre peuple, les vies de millions de travailleurs et de paysans français dans le seul but de maintenir ses privilèges capitalistes et sa domination sur les esclaves des colonies".
Un dernier exemple du délire communiste, les staliniens français accusent "Daladier d'avoir délibérément prévu le massacre de la population civile, en particulier dans la région parisienne".
Après ce réquisitoire contre tous ceux qui ont provoqué "la guerre et l'invasion", le Parti communiste rend son jugement : "la trahison et les traîtres envers le peuple doivent être détruits".
En d'autres termes, seul un Gouvernement communiste pourra juger et condamner tous ceux qui ont soutenu la guerre contre Hitler. Telle est la réponse du PCF à l'offensive allemande du 10 mai 1940 !!!
Document 1 :
Le Manifeste "Nous accusons"
du 24 mai 1940 |
Dans
ces heures cruelles et tragiques, au moment où la guerre fait rage et
s'étend déjà sur le sol de France, au moment où cinq millions d'ouvriers
et de paysans français - et parmi eux plus d'un million de membres ou
de sympathisants du Parti communiste - sont obligés de verser leur sang,
nous, les communistes, seuls véritables représentants du peuple, nous
estimons qu'il est de notre devoir sacré, une nouvelle fois, de dire
toute la vérité à notre peuple.
De
même que le devoir de nos frères, les ouvriers allemands éclairés par
le Parti de Thaelmann, est de mener un combat vigoureux contre
l'impérialisme allemand et de démasquer ses objectifs criminels, de même
notre tâche, à nous communistes français, est de dénoncer ceux qui,
dans notre pays, ont contribué au déclenchement de cette guerre et qui,
par leur politique impérialiste et réactionnaire, ont ouvert la voie aux
envahisseurs. Et dire la vérité au peuple, c'est défendre ses intérêts.
Nous
accusons la bourgeoisie française d'avoir sacrifié les intérêts de
notre peuple, les vies de millions de travailleurs et de paysans
français dans le seul but de maintenir ses privilèges capitalistes et sa
domination sur les esclaves des colonies.
Nous
accusons la bourgeoisie française d'avoir provoqué la guerre actuelle
en réduisant en esclavage le peuple allemand grâce aux monstrueuses
dispositions du traité de Versailles, cette sanction impérialiste d'une
guerre impérialiste.
Nous
accusons la bourgeoisie française d'avoir attisé les flammes de la
propagande nationaliste et de l'esprit revanchard de la réaction
allemande - notamment, par sa politique de contrainte et l'occupation de
la Rhénanie - et de l'avoir, d'une certaine manière, portée au pouvoir.
[...]
Nous
accusons Daladier, Blum et Jouhaux d`avoir sapé, désorganisé et
affaibli les forces vitales de notre peuple par leur politique
réactionnaire de division de la classe ouvrière et de dissolution du
Front populaire, par cette politique qui conduisait à la suppression des
conquêtes sociales des travailleurs, à la suppression de toutes les
libertés et à l'établissement en France d'un abominable régime
d'exception et de terreur. Nous les accusons d'avoir, par là même,
provoqué la guerre et l'invasion. [...]
Nous accusons Daladier et ceux qui l'ont précédé comme prétendus ministres de la « Défense nationale » d'avoir gaspillé des centaines de milliards de francs alors qu'en réalité ils ne faisaient que poursuivre une politique impérialiste de « désertion nationale » qui a facilité l'invasion étrangère. [...]
Nous
accusons Daladier d'avoir délibérément prévu le massacre de la
population civile, en particulier dans la région parisienne, en sabotant
l'organisation de la défense antiaérienne, en chassant les
représentants communistes des conseils municipaux de la banlieue pour
les remplacer par des agents de la réaction et des espions de la police
qui méprisent les besoins et les souffrances du peuple. [...]
Nous
avons ouvertement accusé les coupables, les traîtres qui ont accumulé
défaite sur défaite et qui menacent de précipiter notre peuple dans la
catastrophe. Pour éviter cette catastrophe, pour affronter tous les
périls, d'où qu'ils puissent venir, il est nécessaire de recourir à
d'autres mesures que celles qui sont appliquées par le gouvernement. Il
est nécessaire, avant tout, d'adopter les mesures de nature à rétablir
les droits du peuple.
Il
est nécessaire en particulier de rendre immédiatement leur liberté aux
communistes et à tous les militants emprisonnés, d'abolir les mesures
d'exception prises contre les travailleurs et leurs organisations, de
rétablir les libertés démocratiques, de rendre à la classe ouvrière et
au peuple leur grand journal L'Humanité, de redonner leur mandat aux
représentants élus du peuple. La trahison et les traîtres envers le
peuple doivent être détruits, à commencer par ceux qui occupent encore
les plus hauts postes, comme Daladier
La détresse des pauvres doit être soulagée et l'on doit faire payer aux riches le prix de cette guerre injuste.
Le peuple de France doit imposer sa volonté, doit prendre en mains son propre destin.
Nous
sommes sûrs qu'alors surgiront de notre peuple toutes les forces
matérielles et morales qui le rendront capable d'éviter la catastrophe
et de sauvegarder son avenir.
(Stéphane Courtois, Le PCF dans la guerre, 1980, p. 523-526 (Texte intégral)). |
Document 2 : Sommaire du n°4 d'avril 1940 (sic) du mensuel The Communiste International.