Camarades,
Depuis
la troisième session du Conseil suprême, la situation internationale ne
s'est pas améliorée; elle est devenue, au contraire, plus tendue
encore.
Les
démarches qui ont été faites par différents gouvernements, en vue
d'éliminer cette tension, ont montré toute leur inutilité. Elles se sont
avérées sans résultat. Voilà donc pour l'Europe. En Asie orientale, la
situation ne s'est pas améliorée davantage. Tout comme auparavant le
Japon occupe avec ses troupes les principales villes et une bonne partie
du territoire de la Chine, sans qu'il s'abstienne en même temps d'actes
hostiles contre l'U.R.S.S. Ici encore la situation a pris une
orientation plus grave.
Parmi
ces événements, le pacte de non-agression entre l'U.R.S.S. et
l'Allemagne, qui écarte toute menace de guerre entre l'Allemagne et
l'U.R.S.S., est d'une très grande portée politique. Pour montrer toute
l'importance de ce pacte, il va falloir que je m'arrête sur les
négociations qui ont eu lieu ces derniers mois à Moscou avec les
représentants de la France et de l'Angleterre.
[Echec des négociations portant sur la conclusion
d'un Pacte d'assistance mutuelle anglo-franco-soviétique]
Vous
savez que les pourparlers anglo-franco-soviétiques pour la conclusion
d'un pacte d'assistance mutuelle contre l'agression en Europe ont
commencé déjà au mois d'avril. Il est vrai que les premières
propositions du gouvernement anglais étaient, comme on sait, tout à fait
inacceptables. Elles ignoraient les conditions préalables de semblables
négociations; elles ignoraient le principe de réciprocité et d'égalité
des obligations. Malgré cela, le gouvernement soviétique ne renonça
point à poursuivre les négociations et, à son tour, il présenta ses
propositions. Nous estimions qu'il était difficile aux gouvernements
d'Angleterre et de France de changer brusquement le cours de leur
politique d'inamitié à l'égard de l'Union soviétique, comme c'était le
cas tout récemment encore, lors des sérieux pourparlers avec l'U.R.S.S.
sur un pied de réciprocité quant aux obligations. Cependant les
négociations ultérieures ne se justifièrent point.
Les
négociations anglo-franco-soviétiques se poursuivirent quatre mois
durant; elles eurent pour effet de tirer au clair toute une série de
questions. Elles montrèrent en même temps aux représentants d'Angleterre
et de France que dans les questions internationales il faut compter
sérieusement avec l'Union soviétique. Mais ces négociations se
heurtèrent à des difficultés insurmontables. La question, évidemment,
n'est pas dans une « formule » quelconque pas plus que dans l'un ou
l'autre point du projet du pacte. Non, il s'agissait de questions
beaucoup plus substantielles.
La
conclusion d'un pacte d'assistance mutuelle contre l'agresseur n'avait
sa raison d'être que dans le cas où l'Angleterre, la France et l'Union
soviétique se mettraient entièrement d'accord sur des mesures militaires
déterminées contre l'agresseur. C'est pourquoi, pendant un certain
temps, il y eut à Moscou non seulement des négociations politiques, mais
aussi militaires avec les représentants de l'armée anglaise et
française.
Cependant
les pourparlers militaires ne donnèrent aucun résultat; ils se
heurtèrent au refus de la Pologne d'accepter l'aide militaire de
l'U.R.S.S., aide dont l'Angleterre, la France et l'U.R.S.S. proposaient
la garantie. On ne parvint pas à faire tomber les objections de la
Pologne. Bien mieux, les pourparlers montrèrent que l'Angleterre n'était
pas disposée à surmonter les objections de la Pologne, mais que, bien
au contraire, elle les appuyait. Il est évident que, en présence d'une
telle attitude de la Pologne et de son principal allié sur la question
d'une assistance militaire de l'Union soviétique en cas d'agression, les
pourparlers anglo-franco-soviétiques ne pouvaient donner de bons
résultats. Il apparut alors clairement que les pourparlers
anglo-franco-soviétiques étaient voués à un échec.
Que nous ont montré les pourparlers avec l'Angleterre et la France ?
Les
pourparlers anglo-franco-soviétiques ont montré que la position de
l'Angleterre et de la France n'est qu'une suite de contradictions
flagrantes.
Jugez-en vous-mêmes.
D'une
part, l'Angleterre et la France demandaient à l'U.R.S.S. une assistance
militaire à la Pologne contre l'agression. Comme on le sait, l'U.R.S.S.
était prête à l'accorder, à condition d'obtenir une assistance
semblable de la France et de l'Angleterre pour elle même. D'autre part,
cette même Angleterre et la France faisaient aussitôt apparaître la
Pologne sur la scène qui refusait catégoriquement l'assistance militaire
de l'U.R.S.S. Essayez dans ces conditions de vous entendre sur
l'assistance mutuelle lorsque l'aide de l'U.R.S.S. est considérée comme
inutile et imposée ?
En
outre, d'un côté, l'Angleterre et la France garantissaient à l'Union
soviétique une assistance militaire contre l'agression, à condition
qu'une assistance équivalente fût donnée par l'U.R.S.S.
D'un
autre côté, elles posaient de telles conditions préalables a leur
assistance en ce qui concerne l'agression indirecte qu'elles pouvaient
transformer cette assistance en fiction leur réservant le droit formel
et juridique de se dérober à leurs obligations et de mettre l'U.R.S.S.
dans une situation d'isolement en présence de l'agresseur, Essayez donc
de faire une distinction entre un pareil « pacte d'assistance mutuelle »
et un pacte de tromperie plus ou moins camouflé. (Vive animation dans
la salle.)
Il
y a plus. D'une part, l'Angleterre et la France soulignaient
l'importance et la gravité des pourparlers au sujet du pacte de
non-agression, exigeant de l'U.R.S.S. qu'elle portât une attention toute
particulière à cet acte et une solution des plus rapides des questions
liées audit pacte. D'autre part, eux-mêmes manifestaient une extrême
lenteur et un manque total de sérieux envers les pourparlers pour la
conduite desquels ils avaient chargé des agents secondaires
insuffisamment investis de pouvoirs. Il suffit de dire que les missions
militaires d'Angleterre et de France sont venues à Moscou sans pouvoirs
déterminés et sans avoir le droit de signer une convention militaire
quelconque. (Animation dans la salle.) Bien plus, la mission militaire
d'Angleterre est venue à Moscou sans le moindre mandat (Hilarité
générale), et ce n'est qu'à la demande expresse de notre mission
militaire qu'elle présenta ses pouvoirs écrits, un peu avant la rupture
des pourparlers. Or, ces pouvoirs n'avaient qu'un caractère des plus
vagues, c'est-à-dire incomplets. Essayez de voir, de faire une
distinction entre une attitude si peu sérieuse à l'égard des
pourparlers, de la part de l'Angleterre et de la France, et le jeu
étourdi pratiqué dans les pourparlers, escompté pour jeter le discrédit
sur ces pourparlers.
Telles
sont les contradictions intérieures de la position prise par
l'Angleterre et par la France dans les pourparlers avec l'U.R.S.S., et
qui ont amené l'échec de ces pourparlers
Mais où est donc l'origine de ces contradictions dans la position prise par l'Angleterre et par la France ?
En
quelques mots, la question consiste en ceci : d'une part, les
gouvernements anglais et français craignent l'agression, et c'est
pourquoi ils voudraient bien avoir un pacte d'assistance mutuelle avec
l'Union soviétique pour tout autant que cela les renforce, que cela
renforce l'Angleterre et la France. Mais, d'autre part, les
gouvernements anglais et français craignent que la conclusion d'un pacte
sérieux d'assistance mutuelle avec l'U.R.S.S. est susceptible de
renforcer notre pays, qu'un tel pacte peut renforcer l'U.R.S.S., ce qui,
paraît-il, ne répond pas à leur position. Il faut reconnaître que ces
craintes ont pris le dessus sur les autres considérations. Ce n'est
qu'en liaison avec cela qu'on peut comprendre la position de la Pologne
qui agit sur les indications de l'Angleterre et de la France.
[Signature du Pacte germano-soviétique]
Je passe maintenant au pacte de non-agression soviéto-allemand.
La
décision de conclure un pacte de non-agression entre l'U.R.S.S. et
l'Allemagne a été prise après que les pourparlers militaires avec la
France et l'Angleterre sont entrés dans une impasse, du fait des
divergences insurmontables dont il a été parlé. Ces pourparlers ayant
montré qu'il serait vain de compter sur la conclusion d'un pacte de
non-agression, nous n'avons pu ne pas poser devant nous la question de
trouver d'autres possibilités d'assurer la paix et d'écarter la menace
de guerre entre l'Allemagne et l'U.R.S.S. Si les gouvernements
d'Angleterre et de France n'ont pas voulu compter avec cela, c'est leur
affaire. Notre devoir est de penser aux intérêts du peuple soviétique,
aux intérêts de l'Union des républiques soviétiques socialistes
(Applaudissements prolongés), d'autant plus que nous sommes convaincus
que les intérêts de l'U.R.S.S. concordent avec les intérêts propres des
peuples des autres pays. (Applaudissements.)
Cependant
ce n'est là qu'un côté de la question. Une autre circonstance devait
survenir pour que le pacte soviéto-allemand de non-agression pût
exister. Il fallait qu'un changement d'orientation dans le sens des
relations de bon voisinage dans la politique extérieure de l'Allemagne
intervînt par rapport à l'U.R.S.S.
Ce
n'est qu'en présence de cette deuxième condition; ce n'est que
lorsqu'il a été clair pour nous que le gouvernement allemand désirait
changer l'orientation de sa politique étrangère dans le sens d'une
amélioration des rapports avec l'U.R.S.S. qu'une base a été trouvée pour
la conclusion d'un pacte d'assistance mutuelle avec l'U.R.S.S.
Nul
n'ignore qu'au cours de ces six dernières années, avec la venue des
nationaux-socialistes au pouvoir, les relations politiques entre
l'Allemagne et l'U.R.SS. étaient tendues. On sait aussi qu'en dépit de
la différence des conceptions et des systèmes politiques, le
gouvernement soviétique s'efforçait de maintenir des relations
d'affaires et politiques normales avec l'Allemagne. Point n'est besoin
de revenir sur les différentes phases de ces rapports au cours de ces
dernières années puisque, au fait, camarades députés, elles vous sont
parfaitement connues. Il convient, toutefois, de rappeler les
éclaircissements qui furent donnés sur notre politique étrangère, il y a
quelques mois au XVIIIe Congrès du parti.
Parlant
de nos buts dans le domaine de la politique extérieure, le camarade
Staline définissait ainsi nos rapports avec les autres pays :
1. Continuer à poursuivre la politique de paix et d'affermissement des rapports d'affaires avec tous les pays;
2.
Observer la prudence et ne pas laisser entraîner notre pays dans un
conflit par des provocateurs de guerre habitués à faire tirer les
marrons du feu par les autres. (Animation dans la salle.)
[NdB : Molotov fait référence au discours (Document 2) prononcé par Staline le 10 mars 1939 au 18e congrès du Parti communiste d'Union soviétique. Ce discours marque le point départ du rapprochement germano-soviétique. Sur le plan économique, Staline indique que l'URSS souhaite entretenir "des rapports d'affaires avec tous les pays". Sur le plan politique, il écarte toute guerre qui entrainerait l'URSS à "tirer les marrons du feu" au profit "des provocateurs de guerre" autrement dit le rôle de l'URSS n'est pas de faire la guerre à l'Allemagne au bénéfice de la France et de l'Angleterre bellicistes.]
Ainsi
que vous le voyez dans ces conclusions, le camarade Staline disait que
l'Union soviétique désirait le renforcement des rapports d'affaires avec
tous les pays. Mais dans le même temps, le camarade Staline mettait en
garde contre les fauteurs de guerre, désireux dans leurs intérêts
d'entraîner notre pays dans un conflit avec d'autres pays.
Démasquant
le bruit fait par la presse anglo-française et nord-américaine au sujet
des « plans » allemands de mainmise sur l'Ukraine soviétique, le
camarade Staline disait :
Il
semble bien que ce tapage suspect ait eu pour but de susciter la fureur
de l'Union soviétique contre l'Allemagne, d'envenimer l'atmosphère et
de provoquer un conflit avec l'Allemagne, sans motifs apparents.
Comme
vous voyez, le camarade Staline visait juste en démasquant les
intrigues des politiciens de l'Europe occidentale qui s'efforçaient de
dresser l'un contre l'autre l'Allemagne et l'Union soviétique.
Il
faut reconnaître que, dans notre pays aussi, il se trouvait des gens à
courte vue qui, influencés par une agitation antifasciste simplifiée,
oubliaient ce travail provocateur de nos ennemis. Prenant ces
circonstances en considération, le camarade Staline posa dès lors la
question sur les possibilités d'autres relations non hostiles, de
relations de bon voisinage entre l'Allemagne et l'U.R.S.S.
On
voit maintenant qu'en Allemagne on a compris en général ces
déclarations du camarade Staline et qu'on en a tiré des déductions
pratiques (Rires).
La
conclusion du pacte soviéto-allemand de non-agression prouve que les
prévisions historiques du camarade Staline se sont brillamment
justifiées. (Bruyante ovation en l'honneur du camarade Staline.)
Déjà
l'été de cette année, le gouvernement allemand proposa de reprendre les
pourparlers de commerce et de crédit. Ces pourparlers furent bientôt
repris. Grâce à des concessions réciproques on parvint à un accord. On
sait que cet accord fut signé le 19 août.
Ce
n'était point le premier accord de commerce et de crédit avec
l'Allemagne sous le gouvernement actuel, mais cet accord diffère dans un
sens plus favorable non seulement de l'accord de 1935, mais aussi de
tous les accords précédents sans parler des accords économiques avec
l'Angleterre, la France ou d'autres pays qui n'ont jamais été si
avantageux pour nous. L'accord est avantageux pour nous grâce à ses
conditions de crédit (crédit de sept ans), et il nous donne en plus la
possibilité de commander une importante quantité de matériel dont nous
avons besoin. Par cet accord l'U.R.S.S. garantit à l'Allemagne la vente
d'une quantité déterminée de nos matières premières en excédent pour son
industrie, ce qui est entièrement dans l'intérêt de l'U.R.S.S. Pourquoi
refuserions-nous un accord économique si avantageux pour nous ?
Serait-ce pour faire plaisir en général à quiconque ne voudrait point
que l'Union soviétique réalisât un accord économique avantageux avec
d'autres pays ? Or il est clair que l'accord de commerce et de crédit
avec l'Allemagne est tout entier dans l'intérêt de l'économie nationale
et dans l'intérêt de la défense de l'Union soviétique. Un tel accord
répond aux décisions du dix-huitième congrès de notre parti, lequel a
approuvé les suggestions du camarade Staline sur la nécessité de «
renforcer les relations d'affaires avec tous les pays ».
Et
lorsque le gouvernement allemand exprima le désir d'améliorer aussi les
relations politiques, le gouvernement soviétique n'avait aucune raison
de refuser. Alors se posa la question de conclure un pacte de
non-agression.
Maintenant,
des voix se font entendre, à travers lesquelles apparaît
l'incompréhension des bases les plus élémentaires du début de
l'amélioration des relations politiques entre l'Union soviétique et
l'Allemagne. C'est ainsi par exemple qu'on demande d'un air naïf :
comment l'Union soviétique a pu se décider à améliorer ses relations
politiques avec un Etat fasciste ? Est-ce que cela est possible ? On
oublie qu'il s'agit non pas de nos rapports avec le régime intérieur
d'un autre pays, mais des relations extérieures entre deux Etats. On
oublie que nous sommes pour une position de non-immixtion dans les
affaires intérieures d'autres Etats et que de ce fait, nous sommes
résolus à empêcher toute immixtion dans nos propres affaires
intérieures. On oublie aussi l'important principe de notre politique
extérieure que déjà au dix-huitième congrès du parti le camarade Staline
formulait ainsi :
Maintien
de la paix et affermissement des relations d'affaires avec tous les
pays pour tout autant que ces pays s'en tiendront à de semblables
relations d'affaires, pour tout autant qu'ils n'essayeront point de
porter atteinte aux intérêts de notre pays.
Le sens de ces mots est clair : avec tous les pays non soviétiques,
l'Union soviétique s'efforce d'avoir des relations de bon voisinage,
pour tout autant que ces pays s'en tiennent à une position semblable par
rapport à l'Union soviétique.
En
politique extérieure, avec les pays non soviétiques, nous nous en
sommes tenus et nous nous en tenons sur la base du principe léninien
connu de cohabitation pacifique de l'Etat soviétique avec les pays
capitalistes. On pourrait montrer par de nombreux exemples comment a été
appliqué ce principe dans la pratique. Je me bornerai à un petit
nombre. Depuis 1933 par exemple, nous avons un traité de non-agression
et de neutralité avec l'Italie fasciste. Il n'est venu, jusqu'à présent,
à l'idée de personne de se prononcer contre ce traité. Et cela se
conçoit. Pour autant ce traité répond aux intérêts de l'U.R.S.S., pour
tout autant il est conforme à notre principe de cohabitation pacifique
de l'U.R.S.S. avec les pays capitalistes. Nous avons aussi un traité de
non-agression avec la Pologne et avec quelques autres pays dont nul
n'ignore le régime semi-fasciste. Eh bien ! ces traités n'ont suscité
aucune suspicion. Il ne sera peut-être pas superflu de rappeler que nous
n'avons même pas de traité de ce genre avec d'autres pays
non-fascistes, bourgeois-démocratiques, disons avec cette même
Angleterre. Cependant, ce n'est pas notre faute.
Depuis
1926, la base politique de nos rapports avec l'Allemagne a été le
traité de neutralité qui a été prolongé par le gouvernement allemand
actuel en 1933. Ce traité de neutralité est en vigueur aujourd'hui
encore.
Le
gouvernement soviétique estimait, bien avant encore, qu'il était
désirable de faire un pas en avant dans le sens d'une amélioration des
relations politiques avec l'Allemagne, mais les circonstances ont été
telles que cela n'a été possible qu'en ce moment.
Il
s'agit, il est vrai, en ce moment, non pas d'un pacte d'assistance
mutuelle, comme c'était le cas dans les pourparlers
anglo-franco-soviétiques, mais seulement d'un pacte de non-agression.
Cependant, dans les conditions actuelles il est difficile de surestimer
l'importance internationale du pacte soviéto-allemand.
Voilà
pourquoi nous avons accueilli favorablement la visite du ministre
allemand des Affaires étrangères, von Ribbentrop, à Moscou.
Le
23 août 1939, date à laquelle a été signé le pacte de non-agression
soviéto-allemand, doit être considéré comme une date d'une grande portée
historique.
Le
pacte de non-agression entre l'U.R.S.S. et l'Allemagne marque un
tournant dans l'histoire de l'Europe, et non seulement de l'Europe.
Hier
encore, les fascistes d'Allemagne appliquaient à l'égard de l'U.R.S.S.
une politique étrangère qui nous était hostile. Oui, hier encore, dans
le domaine des relations extérieures nous étions ennemis. Aujourd'hui,
cependant, la situation a changé et nous avons cessé d'être ennemis.
L'habileté politique dans le domaine des relations extérieures consiste,
non pas à augmenter le nombre des ennemis pour son pays. Au contraire,
l'habileté politique consiste ici à réduire le nombre de ces ennemis et à
faire en sorte que les ennemis de la veille deviennent de bons voisins,
ayant entre eux des relations pacifiques. (Applaudissements.)
L'histoire
a montré que l'animosité et les guerres entre notre pays et l'Allemagne
n'ont pas profité à nos pays, mais qu'elles ont été nuisibles pour eux.
La Russie et l'Allemagne sont, d'entre tous les pays, ceux qui ont été
le plus éprouvés à l'issue de la guerre de 1914-1918. (Une voix : «
C'est vrai ! ») C'est pourquoi les intérêts des peuples de l'Union
soviétique et de l'Allemagne ne se trouvent pas sur la voie d'une
animosité entre eux. Au contraire, les peuples de l'Union soviétique et
de l'Allemagne ont besoin de rapports pacifiques entre eux. Le pacte de
non-agression soviéto-allemand met fin à l'animosité entre l'Allemagne
et l'U.R.S.S., ce qui est dans l'intérêt des deux pays. La différence
dans l'idéologie et dans les systèmes politiques ne doit et ne peut être
un obstacle pour l'établissement de bons rapports politiques entre les
deux Etats, de même que la même différence n'empêche point l'U.R.S.S.
d'ouvrir de bons rapports politiques avec d'autres pays non-soviétiques,
capitalistes. Seuls les ennemis de l'Allemagne et de l'U.R.S.S. peuvent
tenter de créer et d'accroître une animosité entre les peuples de ces
pays. Nous étions et nous sommes pour l'amitié des peuples de l'U.R.S.S.
et de l'Allemagne, pour le développement et l'épanouissement de
l'amitié entre les peuples de l'Union soviétique et le peuple allemand. (Applaudissements prolongés.)
Le
principal sens du pacte de non-agression soviéto-allemand réside dans
le fait que deux des plus grands Etats d'Europe se sont mis d'accord
pour mettre fin à l'animosité qui existait entre eux, pour éliminer tout
danger de guerre et pour vivre en paix. Pour ce même fait, le champ des
conflits militaires éventuels en Europe se rétrécit. Même si on
n'arrivait pas à éviter les conflits militaires en Europe, l'envergure
de ces opérations militaires serait désormais limitée. Seuls les
instigateurs de la guerre mondiale en Europe, seuls ceux qui, sous le
masque du pacifisme veulent allumer l'incendie d'une guerre
pan-européenne, peuvent ne pas être satisfaits d'une telle situation.
Le
pacte soviéto-allemand a subi de nombreuses attaques dans la presse
anglo-française et américaine. Ce sont surtout certains journaux «
socialistes » servant « leur » capitalisme national, servant ceux des
patrons qui les paye convenablement, qui font montre de zèle à cet
égard. (Rires.) Il est évident qu'on ne peut attendre de ces messieurs
l'exacte vérité.
On
s'efforce de répandre le mensonge que la conclusion du pacte de
non-agression soviéto-allemand a empêché l'aboutissement des pourparlers
avec l'Angleterre et la France au sujet du pacte d'assistance mutuelle.
Ce mensonge est déjà flétri dans l'interview avec le camarade
Vorochilov. En réalité, comme l'on sait, il en est tout autrement.
L'Union soviétique a conclu un pacte de non-agression avec l'Allemagne
pour cette raison encore que les pourparlers avec la France et
l'Angleterre se sont heurtés à des controverses insurmontables et qu'ils
ont échoué par la faute des milieux dirigeants anglo-français.
On
va jusqu'à nous accuser du fait, voyez-vous, que le pacte ne contient
pas de point précisant qu'il peut être dénoncé dans le cas où l'une des
parties contractantes se trouverait entraînée dans une guerre dans des
conditions telles qu'elles peuvent donner prétexte à un tiers de la
qualifier comme étant l'agresseur.
Mais
en même temps on oublie, on ne sait trop pourquoi, qu'un tel point et
une telle réserve manquent également dans le pacte germano-polonais de
non-agression, signé en 1934 et annulé par l'Allemagne en 1939 en dépit
du désir de la Pologne, aussi bien que dans la déclaration
anglo-allemande de non-agression signée il y a quelques mois à peine. On
se demande : Pourquoi l'U.R.S.S. ne peut se permettre ce que la Pologne
et l'Angleterre se sont permis depuis longtemps déjà ?
Enfin,
il y a des amateurs qui lisent dans le pacte bien plus que ce qu'il
contient. (Rire.) A cette fin on a recours à toutes sortes de
conjectures et d'allusions pour susciter la méfiance envers le pacte
dans l'un ou l'autre pays. Mais tout cela ne prouve que l'impuissance
désespérée des ennemis du pacte, qui se démasquent de plus en plus en
tant qu'ennemis de l'Union soviétique et de l'Allemagne
à la fois, s'efforçant de provoquer une guerre entre ces pays.
Dans
tout cela nous constatons une nouvelle confirmation de la justesse des
indications du camarade Staline au sujet de la nécessité d'observer une
prudence toute particulière envers les provocateurs de guerre, habitués à
faire tirer les marrons du feu par les autres. Nous devons être en
garde contre ceux qui voient un avantage dans les mauvais rapports entre
l'U.R.S.S. et l'Allemagne, dans l'animosité régnant entre elles, qui ne
veulent pas que la paix et des rapports de bon voisinage soient établis
entre l'Allemagne et l'Union soviétique.
Nous
comprenons qu'une telle ligne soit suivie par des impérialistes
fieffés. Mais on ne saurait passer sous silence le fait que dernièrement
ce sont surtout certains leaders des partis socialistes français et
anglais qui se sont distingués par leur zèle dans cette affaire. Ces
messieurs, en effet, se sont agités au point de sortir de leur propre
peau. (Rires.) Ces gens exigent que l'U.R.S.S. entre absolument en
guerre à côté de l'Angleterre contre l'Allemagne. Ne sont-ils pas
devenus fous, ces instigateurs de guerre si zélés ? (Rires.) Est-il si
difficile pour ces messieurs de comprendre le sens du pacte de
non-agression soviéto-allemand, en vertu duquel l'U.R.S.S. n'est pas
obligée d'entrer en guerre pas plus aux côtés de l'Angleterre contre
l'Allemagne qu'aux côtés de l'Allemagne contre l'Angleterre ? Est-il
difficile de comprendre que l'U.R.S.S. poursuit et poursuivra sa propre
politique, indépendante, s'orientant sur les intérêts du peuple de
l'U.R.S.S. et rien que sur ses intérêts ? (Applaudissements prolongés.)
Si ces messieurs ont un désir irrésistible de faire la guerre, qu'ils la
fassent eux-mêmes, sans l'Union soviétique. (Rires, applaudissements.)
Nous verrions quel genre de soldats ils sont. (Rires. Applaudissements.)
A
nos yeux, aux yeux du peuple soviétique tout entier, ce sont les mêmes
ennemis de la paix que tous les autres instigateurs de guerre en Europe.
Ceux-là seuls qui veulent une nouvelle et grande effusion de sang, une
nouvelle tuerie des peuples, tiennent à ce que l'Union soviétique et
l'Allemagne se heurtent de front; eux seuls veulent saboter le début du
rétablissement des rapports de bon voisinage entre les peuples de
l'U.R.S.S. et l'Allemagne.
L'Union
soviétique en est venue à conclure un pacte avec l'Allemagne, sûre
qu'elle était que la paix entre les peuples de l'Union soviétique et de
l'Allemagne répond aux intérêts de tous les peuples, aux intérêts de la
paix générale. Chaque sincère partisan de la paix en conviendra.
Ce
pacte répond aux intérêts vitaux des travailleurs de l'Union soviétique
sans qu'il puisse affaiblir notre vigilance dans la défense de ces
intérêts. Ce pacte est renforcé par une assurance ferme de notre force
réelle, par sa pleine capacité en cas d'une agression quelconque contre
l'U.R.S.S. (Applaudissements frénétiques.)
Ce
pacte (aussi bien que les négociations anglo-franco-soviétiques qui
viennent d'échouer) montre qu'aujourd'hui on ne peut résoudre les
problèmes importants touchant aux relations internationales —
à
plus forte raison les problèmes de l'Europe orientale — sans une
participation active de l'Union soviétique; il montre encore que toutes
les tentatives tendant à se passer de l'Union soviétique et à résoudre
ces questions en dehors de l'Union soviétique sont vouées à un échec. (Applaudissements.)
Le
pacte de non-agression soviéto-allemand constitue un tournant dans le
développement de l'Europe, tournant vers une amélioration des relations
entre deux Etats des plus grands d'Europe. Non seulement ce pacte
élimine tout danger de guerre avec l'Allemagne, rétrécit le champ des
conflits militaires éventuels en Europe et sert, conséquemment, la cause
de la paix générale, mais il doit nous assurer de nouvelles
possibilités d'accroissement des forces, la consolidation de nos
positions, l'accroissement de l'influence de l'Union soviétique sur le
développement international.
Point
n'est besoin de s'arrêter sur les différents points de ce Pacte. Le
conseil des commissaires du peuple a quelque raison d'espérer que le
pacte obtiendra votre approbation, en tant que l'un des documents
politiques les plus importants de l'U.R.S.S. (Applaudissements.)
Le
conseil des commissaires du peuple soumet le pacte de non-agression
soviéto-allemand à l'examen du Conseil suprême, et il propose de le
ratifier. (Tempête d'applaudissements prolongés. Toute l'assistance se
lève.)
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