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Traité de paix soviéto-finlandais du 12 mars 1940 (Traité de Moscou)

Traité de paix entre l'URSS et la Finlande
du 12 mars 1940

Le présidium du Soviet suprême de l'URSS, d'une part, et le président de la République de Finlande, d'autre part, animés du désir de mettre fin aux opérations militaires qui ont surgi entre ses deux pays, et d'établir de solides rapports pacifiques mutuels, convaincus que la définition des conditions exactes pour la sauvegarde d'une sécurité mutuelle y compris celle des villes de Leningrad et de Mourmansk ainsi que celle du chemin de fer de Mourmansk, correspond aux intérêts des deux parties contractantes, ont reconnu nécessaire de conclure à ces fins un traité de paix et ont nommé leurs plénipotentiaires munis des pouvoirs nécessaires :
Pour le conseil suprême de l'URSS : MM. Molotov Viatcheslav Mikhailovitch, président du conseil des commissaires du peuple de l'URSS et commissaire du peuple aux Affaires Etrangères, — Jdanov Andrei Alexandrovitch, membre du présidium du Soviet suprême de l'URSS, — Vassilievski Alexandre Mikhailovitch, commandant de brigade;
Pour le président de la République de Finlande : MM. Ryti Risto, président du conseil des Ministres de la République de Finlande, — Paasikivi Juho Kusti, ministre, — le général Valden Karl Rudolph et le professeur Vojonmaa Vjaine;
Ces plénipotentiaires, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs qui ont été reconnus en bonne et due forme, sont convenus des dispositions suivantes :

Article premier. — Les opérations militaires entre l'URSS et la Finlande cessent immédiatement, selon le processus prévu par le protocole annexé au présent traité.

Article 2. — La frontière politique entre l'URSS et la République de Finlande est fixée selon une nouvelle ligne suivant le tracé de laquelle sont compris dans le territoire de l'URSS :
L'isthme de Carélie en entier, y compris la ville de Viborg (Viipuri) avec le golfe de Viborg et les îles, — les rives occidentales et septentrionales du lac Ladoga avec les villes de Kexholm, Sortavala, Suojarvi, nombre d'îles du golfe de Finlande, le territoire à l'est de Merkjarvi avec la ville de Kuolajarvi et une partie des presqu'îles de Rybatchi (des Pêcheurs) et de Sredni, conformément à la carte jointe au présent traité.
Une description plus détaillée de la ligne frontière sera établie par une commission mixte, composée des représentants des parties contractantes. Cette commission devra être formée dans un délai de 10 jours à partir du jour de la signature du présent traité.

Article 3. — Les deux parties contractantes s'engagent à s'abstenir de toute agression l'une contre l'autre, à ne conclure aucune alliance ou à ne participer à aucune coalition dirigée contre l'une des parties contractantes.

Article 4. — La République finlandaise consent à donner à bail à l'URSS moyennant un paiement annuel par cette dernière de huit millions de marks finnois, pour une durée de trente ans, la presqu'île de Hangoe et le territoire maritime environnant dans un rayon de cinq milles au sud et à l'est et trois milles à l'ouest et au nord de ladite presqu'île et nombre d'îles avoisinantes conformément à la carte ci-jointe pour y établir une base militaire et navale capable de défendre l'entrée du golfe de Finlande contre une agression.
En outre, dans le dessein de protéger sa base maritime, l'Union soviétique acquiert le droit d'y entretenir à son compte des forces armées, terrestres et aériennes en nombre nécessaire.
Le gouvernement finlandais retirera toutes ses troupes de la presqu'île de Hangoe dans un délai de dix jours à partir de l'entrée en vigueur du présent traité et la presqu'île de Hangoe y compris les îles avoisinantes passera sous l'administration de l'URSS conformément au présent article du traité.

Article 5. — L'URSS s'engage à retirer ses troupes de la région de Petsamo, volontairement cédée à la Finlande par l'Etat soviétique conformément au traité de paix de 1920.
La Finlande s'engage, selon les stipulations du traité de paix de 1920, à ne pas entretenir sur sa côte dans les eaux de l'Océan glacial du nord, des navires de guerre et autres vaisseaux armés, à l'exclusion des vaisseaux armés jaugeant moins de cent tonnes, qu'elle pourra avoir en nombre illimité, et à ne pas entretenir plus de quinze vaisseaux de guerre et autres vaisseaux armés dont chacun ne doit pas dépasser un tonnage de quatre cents tonnes.
La Finlande s'engage, comme cela était prévu par le même traité, à ne pas entretenir dans les eaux susdites des sous-marins et des avions armés.
De même la Finlande s'engage, comme cela était prévu par le traité susdit, à ne pas établir sur cette côte de ports militaires, ni de bases pour flotte de guerre ni chantiers militaires de réparation, d'un volume excédant les besoins des navires susdits et de leur armement.

Article 6. — L'Union Soviétique et ses citoyens, comme cela était prévu par le traité de 1920, jouissent du droit de libre transit à travers la région de Petsamo pour aller en Norvège et en revenir. Le droit est conféré à l'Union soviétique d'établir un consulat dans la région de Petsamo. Les marchandises transitant la même région de l'URSS en Norvège et de Norvège en URSS sont exemptées de visite et de contrôle sauf le contrôle nécessaire à la régularisation des communications de transit. Elles ne sont soumises à aucun droit de douane, taxes de transit et autres droits.
Le contrôle susdit des marchandises en transit ne sera exercé que sous la forme observée en de tels cas en vertu des coutumes établies dans les communications internationales.
Les citoyens de l'URSS se rendant par la région de Petsamo en Norvège et de Norvège en URSS jouissent du droit de libre transit sur le vu de passeports délivrés par les autorités soviétiques compétentes.
A condition d'observer les règles générales en vigueur, les avions soviétiques non armés auront le droit d'entretenir des communications aériennes par la région de Petsamo entre l'URSS et la Norvège.

Article 7. — Le gouvernement finlandais accorde à l'Union soviétique le droit de transit des marchandises entre l'URSS et la Suède, et, afin de développer ce transit par la route ferroviaire la plus courte, l'URSS et la Finlande reconnaissent qu'il est nécessaire de construire, chaque partie sur son territoire, autant que possible au cours de l'année 1940, un chemin de fer reliant Kandalakcha à Kemijarvi.

Article 8. — Dès l'entrée en vigueur du présent traité, les relations économiques seront reprises entre les parties contractantes et, à cet effet, les parties contractantes entreprendront des pourparlers pour la conclusion d'un traité commercial.

Article 9. — Le présent traité de paix entrera en vigueur immédiatement après sa signature et sera ensuite soumis à ratification.
L'échange des instruments de ratification aura lieu à Moscou dans un délai de dix jours.
Le présent traité a été rédigé en deux expéditions dans chacune des langues russe, finnoise et suédoise, le douze mars 1940, à Moscou.

Signé : Molotov, Jdanov, Vassilievski, Risto Ryti, Paasikivi, Walden, Wjaine, Wojonmaa.

(Bulletin périodique de la presse russe n° 294 du 18 avril 1940)
Le 30 novembre 1939, l'Union soviétique envahit la Finlande en invoquant un incident de frontière... qu'elle a elle-même organisé. Cette agression, qui fait suite au refus du gouvernement finlandais de satisfaire les revendications territoriales de l'URSS, se fait avec l'accord tacite de l'Allemagne puisqu'aux termes du Pacte germano-soviétique et de son protocole additionnel secret la Finlande appartient à la sphère d'influence soviétique.

La résistance finlandaise et le risque d'une intervention franco-anglaise incitent l'URSS à rechercher un compromis de Paix qui répondent à ses exigences territoriales.

C'est dans la soirée du 12 mars 1940 et après avoir obtenu l'accord de leur Parlement que les négociateurs finlandais présents à Moscou signent avec les dirigeants soviétiques un Traité de paix qui marque la fin du conflit russo-finlandais. Les concessions territoriales finlandaises, plus importantes que celles exigées en octobre 1939, permettront à l'URSS de présenter le Traité de Moscou comme un succès éclatant alors que son objectif premier était l'annexion de la Finlande.

Pour illustrer ce dernier point on citera un extrait du discours prononcé le 29 mars 1940 par le chef du gouvernement soviétique, Viatcheslav Molotov :

"La vérité n'est pas dans ces inventions des journaux anglo-français, ni dans leur propagande anti-soviétique, qui se sont faits la main à toutes sortes de faux. La vérité est tout autre. A savoir que l'U.R.S.S., qui a battu l'armée finlandaise, et avait toute possibilité d'occuper la Finlande entière, ne l'a pas fait, et n'a exigé aucune contribution de guerre, comme l'aurait fait toute autre puissance; mais elle a réduit ses desiderata à un minimum, faisant ainsi preuve de magnanimité envers la Finlande."

Aux termes du Traité de Moscou, la Finlande cède les territoires suivants :

1° Tout l'isthme de Carélie, y compris la ville de Viborg, avec le golfe de Viborg et les îles avoisinantes. Cette annexion permet notamment de garantir la sécurité de Léningrad dont la proximité avec la frontière était un facteur de risque en cas d'invasion ou de tirs d'artillerie provenant du territoire finlandais.
2° Les rives occidentales et septentrionales du lac Ladoga, qui devient un lac complètement russe;
3° Plusieurs îles dans le golfe de Finlande;
4° Un territoire situé à l'est de la ville de Kuolajarvi et une partie de la presqu'île Rybatchi (presqu'île des Pêcheurs)
5° Cession à bail pour 30 ans, moyennant le payement annuel de 8 millions de marks finnois, de la presqu'île de Hangoe (ou Hangö), où une base navale soviétique sera établie, avec présence de forces armées russes de terre et de mer. L'URSS sera ainsi en mesure de contrôler l'entrée du golfe de Finlande au fond duquel est située la ville de Léningrad.

Autres engagements de la Finlande : 

1° Ne pas entretenir sur sa côte dans les eaux de l'Océan glacial du nord des navires de guerre, des sous-marins ou des aéronefs armés. Ne pas établir sur cette côte des ports militaires, des bases permettant le ravitaillement d'une flotte de guerre ou encore des chantiers militaires de réparation;
2° Droit de transit avec la Norvège pour les marchandises et les citoyens russes. Droit de transit avec la Suède pour les marchandises russes;
3° Participation à la construction d'un tronçon de voie ferrée entre les villes de Kemijarvi en Finlande et de Kandalakcha en Russie qui permettra de développer le transit par route ferroviaire des marchandises échangées entre l'URSS et la Suède.

On reproduira ci-après une carte des concessions territoriales finlandaises (parties en noir sur la carte) en précisant que la ville de Kuolajarvi est désignée par le nom de Salla et que la légende concernant la construction d'une voie ferrée entre les villes de Kemijarvi en Finlande et de Kandalakcha en Russie  mentionne par erreur la ville de Rovaniemi qui se situe à l'ouest de Kemijarvi  :


Protocole 
annexé au Traité de paix soviéto-finlandais 

Les parties contractantes établissent l'ordre suivant de cessation des opérations militaires et de retrait des troupes au delà de la frontière politique établie par le traité :
1° Les opérations militaires cesseront des deux côtés le 13 mars 1940, à douze heures (heure de Leningrad).
2° A partir de l'heure qui a été fixée pour l'arrêt des hostilités sera établie, entre les lignes avancées des unités de troupes, une zone neutre d'un kilomètre, de telle façon qu'au cours de la première journée, les unités de troupes de la partie contractante qui se trouveraient, selon la nouvelle frontière prévue, sur le territoire de l'autre partie contractante, soient retirées d'un kilomètre.
3° Le retrait par delà la nouvelle frontière et l'avance vers celle frontière de l'autre partie commencera à dix heures, le 15 mars 1940, sur toute l'étendue de la frontière, depuis le golfe de Finlande jusqu'à Lieksa, et à dix heures le 16 mars, au nord de Lieksa. Le retrait aura lieu par étapes journalières d'au moins 7 kilomètres par jour et l'avance des troupes de l'autre partie s'effectuera de façon à conserver entre les détachements d'arrière-garde des troupes retirées et des détachements qui avancent vers la nouvelle frontière un intervalle de sept kilomètres. Les termes de retrait des troupes sur divers secteurs de la frontière politique sont établis conformément au point trois comme suit :
Dans le secteur qui part des sources des rivières Tuntsajoki, Kuolajarvi, Takala, sur la rive est du lac Joukamojarvi, le retrait des troupes des deux parties sera terminé le vingt mars, 1940. à vingt heures.
Dans le secteur au sud de Kuhmoniemi, dans la région de Latva, le retrait des troupes sera terminé le 22 mars 1940, à vingt heures.
Dans le secteur Longavara Vjartsila, station de Matkaselka, le retrait des troupes des deux parties sera terminé le 26 mars 1940, à vingt heures.
Dans le secteur Matkaselka Koitsanlahti, le retrait des troupes sera terminé le vingt-deux mars 1940 à vingt heures.
Dans le secteur de Koitsanlahti — station d'Enso — le retrait des troupes sera terminé le vingt-cinq mars 1940 à vingt heures.
Dans le secteur station d'Enso, île Batoe, le retrait des troupes sera achevé le dix-neuf mars 1940 à vingt heures.
5° L'évacuation des troupes de l'armée rouge de la région de Petsamo sera terminée vers le dix avril 1940.
6° Pendant le retrait des troupes au delà de la frontière politique, le commandement des deux parties s'engage à prendre les mesures nécessaires dans les villes et localités qui passent à l'autre partie, en vue de leur conservation et à prendre des mesures convenables pour que les villes, localités, ouvrages défensifs et économiques (ponts, digues, aérodromes, casernes, dépôts, nœuds ferroviaires, entreprises industrielles, télégraphe, centrales électriques) soient préservés de la détérioration et de la destruction.
7° Toutes questions pouvant surgir à l'occasion de la transmission par une partie à l'autre partie de régions, villes et ouvrages indiqués au paragraphe six du présent protocole, seront résolues par des représentants des deux parties sur place, et, à cet effet, sur chaque voie principale empruntée par les deux armées, des représentants spéciaux sont désignés par le commandement.
8° L'échange des prisonniers de guerre aura lieu le plus tôt possible après la cessation des opérations militaires en vertu d'un accord spécial.

Signé : Molotov, Jdanov, Vassilievski, Risto Ryti, Paasikivi, Walden, Wjaine. Wojonmaa.

(Bulletin périodique de la presse russe n° 294 du 18 avril 1940)