Loi du 20 janvier 1940
prononçant la déchéance des élus communistes
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Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art. 1er. — Tout membre d'une assemblée élective qui faisait partie de la section française de l'Internationale communiste visée par le décret du 26 septembre 1939, portant dissolution des organisations communistes, est déchu de plein droit de son mandat, du jour de la publication de la présente loi, s'il n'a pas, soit par une démission, soit par une déclaration, rendues publiques à la date du 26 octobre 1939, répudié catégoriquement toute adhésion au parti communiste et toute participation aux activités interdites par le décret susvisé.
Art. 2. — Pour les membres des assemblées législatives, la déchéance prononcée par la présente loi est constatée, à la demande du gouvernement, par le Sénat ou par la Chambre des députés.
Pour les membres des autres assemblées, elle est constatée, à la requête du préfet, par arrêté du conseil de préfecture.
Art. 3. — Tout élu qui est condamné par application du décret du 26 novembre 1939 pour des faits postérieurs à la démission ou à la déclaration publique prévues à l'article 1er, est déchu de plein droit de son mandat, dans les conditions fixées par la présente loi du jour où la condamnation devient définitive.
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 20 janvier 1940.
ALBERT LEBRUN.
Par le Président de la République :
Le président du conseil, ministre de la défense nationale et de la guerre et des affaires étrangères, EDOUARD DALADIER. Le vice-président du conseil, CAMILLE CHAUTEMPS. Le garde des sceaux, ministre de la justice, GEORGES BONNET. Le ministre de l'intérieur, ALBERT SARRAUT. (Journal officiel du 21 janvier 1940) |
A
la séance du 9 janvier
1940, la première de la nouvelle session parlementaire, plusieurs
députés communistes permissionnaires présents dans
l'hémicycle refusent de s'associer à l'hommage rendu par la Chambre aux
armées de la République manifestant ainsi leur opposition à la guerre
contre l'Allemagne nazie.
A la suite de cet incident de séance le gouvernement soumet au parlement un texte qui prononce la déchéance de tous les élus communistes qui n'ont pas publiquement rompu avec le PCF à la date du 9 janvier 1940
Ayant remplacé la date du 9 janvier 1940 par celle du 26 octobre 1939, la Chambre des députés adopte le texte le 16 janvier 1940 par 522 pour et 2 contre : les députés communistes Adrien Mouton et Etienne Fajon.
L'Humanité n° 21 du 22 janvier 1940 leur rendra hommage dans sa condamnation du vote de la Chambre privant de leur mandat les élus communistes qui sont restés "fidèles à la cause du peuple et de la paix" :
"Sur les instances du gouvernement de dictature Daladier, la Chambre des Députés, Chambre-croupion abandonnant ses prérogatives, a voté la déchéance des élus communistes, fidèles à la cause du peuple et de la paix.
Avec courage et fermeté, notre camarade FAJON, soutenu par notre ami MOUTON, a dans une vigoureuse intervention dénoncé cette mesure aussi illégale qu'arbitraire."
Adopté dans les mêmes termes par le sénat le 19 janvier 1940 par 294 pour et 0 contre, le texte est promulgué par le président de la République Albert Lebrun le 20 janvier 1940 avant d'être publié le lendemain au Journal officiel.
La loi du 20 janvier 1940 prononce dans son article premier la déchéance de plein droit des élus communistes qui n'ont pas publiquement rompu avec le PCF à la date du 26 octobre 1939. L'article 2 précise que "pour les membres des assemblées législatives la déchéance prononcée par la présente loi est constatée, à la demande du gouvernement, par le Sénat ou par la Chambre des députés".
Conformément à cette disposition, la Chambre des députés vote le 20 février 1940 une résolution constatant la déchéance de 60 députés communistes. De même, le Sénat valide la déchéance du sénateur communiste Marcel Cachin dans une résolution votée le 29 février 1940.
Le 19 mars 1940, le ministre de l'intérieur, le radical-socialiste Albert Sarraut, prend la parole devant le Sénat pour exposer le bilan de la répression des activités communistes. Sur le point particulier de l'application de la loi du 20 janvier 1940 prononçant le déchéance des élus communistes, il apporte
les précisions suivantes :
"Les pouvoirs
légaux ? Les mandats électifs du communisme n'existent plus. Sur ce
chapitre, je n'ai pas à insister, après les débats récents où le
Parlement a consacré la déchéance des élus communistes. [...]
Et
s'il faut joindre à ces indications l'éloquence des chiffres, je
précise que le nombre des conseils municipaux communistes suspendus est
de 300 et que la procédure de déchéance instituée devant les conseils de
préfecture me donnait il y a huit jours les chiffres suivants qui sont
dépassés aujourd'hui : 87 conseillers généraux; 70 conseillers
d'arrondissement; 2 500 conseillers municipaux. Soit en y ajoutant les 60
députés et le sénateur déchu, 2 718 élus frappés de déchéance.
L'ex-parti communiste ne compte donc plus un seul de ses élus."