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"La politique de paix des communistes" (Article de Gabriel Péri de septembre 1940)

A l'automne 1940, le Parti communiste diffuse clandestinement les Cahiers du Bolchévisme du 3e trimestre 1940.

La publication de son organe théorique est l'un des objectifs qu'il s'est fixé au début de l'occupation allemande. Diffusé en janvier 1940, le précédent numéro était celui du 2e semestre 1939.
 
Brochure imprimée de 48 pages, ce premier numéro de l'année 1940 comprend quatre parties. La première est composée essentiellement des tracts les plus importants diffusés par les communistes au cours des mois de juillet, août et septembre 1940 (3e trimestre 1940). Le contenu des trois autres parties est défini par leur titre : Doctrine et Histoire, Politique Internationale, Au pays du socialisme.
 
Dans cette brochure, on peut lire un article de Gabriel Péri célébrant... "La politique de paix des communistes".
 
Dans ce texte de 12 pages rédigé en septembre 1940, le dirigeant communiste montre que son Parti s'est toujours mobilisé en faveur de la Paix sur la période allant de la fin de la première guerre mondiale à la défaite de la France en juin 1940 et qu'en conséquence il a toute légitimité pour former un gouvernement qui négociera la Paix avec Hitler.

Après avoir justifié la date et l'auteur de cet article (I), on citera un extrait (II) qu'on analysera (III).
 
 
Date et auteur
 
 On peut affirmer que l'article "La politique de paix des communistes" a été rédigé au plus tôt en septembre 1940 en s'appuyant sur deux passages du texte.

Le premier passage fait référence à un article que Jacques Duclos et Maurice Thorez ont publié dans le numéro spécial de l'Humanité du 2 septembre 1940 sous le titre "Un an après le déchaînement de la guerre impérialiste".
 
Le second passage évoque la reparution de l'Œuvre à Paris. Celle-ci a débuté le 24 septembre 1940.
 
Ensuite, pour justifier l'attribution de cet article à Gabriel Péri, on citera la brochure hommage "Gabriel Péri - Un grand Français vous parle" publiée par le Parti communiste en 1946 :

"Péri communiste, Péri patriote, restait a son poste de combat. Lorsque la trahison eut mené la France au désastre, lorsque Pétain eut étranglé la République, Péri, avec son Parti, s'employa à regrouper les forces du peuple pour arracher sa Patrie aux ténèbres de l'oppression, pour reconquérir l'Indépendance de la France. Les études, les articles de Gabriel Péri publiés clandestinement contribuent puissamment à éclairer les esprits et à relever les courages.
Dans les Cahiers du 3e trimestre de 1940, il montrait comment la « drôle de guerre », la prétendue guerre contre l'Allemagne en 1939 et 1940, avait été, au dedans, une guerre contre le peuple de France et, au dehors, une guerre dirigée en fait contre l'Union Soviétique. (1)

Cette publication est consacrée à Gabriel Péri qui était à la fois un journaliste réputé, il avait eu la responsabilité de la politique étrangère au sein du journal l'Humanité, un parlementaire communiste, il avait été élu député d'Argenteuil en 1936, et un dirigeant du PCF, il était membre du Comité central du PCF.  
 
Ce dernier a été arrêté par la police française en mai 1941 avant d'être fusillé par les Allemands en décembre de la même année.
 
La brochure célèbre sa Résistance en mettant en avant ses écrits clandestins parmi lesquels figure un texte publié dans "les Cahiers du 3e trimestre de 1940". 
 
En réalité, tous les écrits de Péri sont antérieurs à juin 1941 et à l'entrée des communistes dans la Résistance. Ils sont donc tous conformes à la ligne pacifiste alors défendue par le Parti communiste.

D'ailleurs on notera que la brochure de 1946 ne mentionne pas le titre de l'article auquel elle fait référence : "La politique de paix des communistes".
 
Article de politique étrangère, ce texte composé de neuf parties correspond à la description donnée dans la brochure qui résume le contenu des parties 6 et 7.

(1) Brochure "Gabriel Péri - Un grand Français vous parle", 1946, p. 73.


Extrait
 
Pour lever tout doute quant au contenu pacifiste de l'article "La politique de paix des communistes", on reproduira ci-après plusieurs passages de ce texte de 12 pages qui était destiné, selon la brochure précité, "à éclairer les esprits et à relever les courages" :

LA POLITIQUE DE PAIX DES COMMUNISTES


1. - LES COMMUNISTES ET L'EUROPE DE VERSAILLES

Trois grands traits ont caractérisé l'Europe d'entre les deux guerres impérialistes. Le Traité de Versailles avait imposé à l'Allemagne en même temps qu'un lourd tribut au titre des réparations une diminution de territoire, un amoindrissement de capacité politique et militaire. Le principe des nationalités posé pendant quatre années par les propagandistes de l'Entente, avait abouti à la création d'Etats nouveaux. L'Europe balkanique et danubienne prit ainsi figure d'une constellation d'Etats dont les uns s'étaient agrandis à la faveur de la guerre cependant que les autres avaient perdu armées et territoires. Des premiers la France fit ses alliés et ses vassaux. Enfin les puissances victorieuses s'étaient associées dans une haine commune de la Révolution Russe et de l'Etat Prolétarien contre lequel jusqu'en 1920 elles dirigèrent l'intervention armée. [...]

Le système de Versailles portait en lui la guerre; la vassalisation française de l'Europe centrale et orientale portait en elle la guerre; l'antisoviétisme portait en lui la guerre. Contre ces trois facteurs de guerre les communistes ont mené une lutte ardente et sans répit. [...]

Nous sommes à une heure de grands règlements de comptes, une heure à laquelle le peuple de France a le droit et le devoir de demander aux hommes et aux partis : quels sont vos états de service ? Montrez vos papiers, ouvrez vos livres, présentez votre bilan ! « Notre bilan à nous est prêt et nous pouvons le présenter avec un légitime orgueil. Au service de la Paix nous avons consacré nos plus vigoureuses campagnes; pour servir la paix contre les fauteurs de Versailles, nous avons bravé les insultes et les calomnies; pour servir la paix contre les aventuriers de la Ruhr, Marcel Cachin a bravé la prison; pour servir la paix contre les fous furieux de l'antisoviétisme, André Marty a risqué le bagne, - que d'autres se présentent avec ces titres et qualités ».

2. - AVANT LA DEUXIEME GUERRE IMPERIALlSTE

3. - LE PACTE SOVIETO-ALLEMAND

ll convient à cet égard d'insister fortement sur le dernier épisode de l'histoire d'avant la deuxième guerre impérialiste : l'échec de la négociation tripartite anglo-franco-soviétique et la conclusion du pacte soviéto-allemand du 23 août 1939. Cet acte diplomatique, on s'en souvient, servit de prétexte à la campagne la plus haineuse et à la répression la plus féroce contre le Parti Communiste français. Celui qui ne désavouait pas le Pacte était ipso facto accusé de trahison. Le « bon français » d'après la définition de MM. Blum, Daladier, Belin, et Cie était celui qui du soir au matin flétrissait le contrat signé à Moscou le 23 août.

Quelles étaient les deux affirmations essentielles de ceux qui organisèrent cette campagne ? Ils disaient : 1° la France et l'Angleterre étaient disposées à signer un accord avec l'URSS, mais l'URSS a repoussé leurs avances, elle a formulé des exigences inadmissibles et finalement elle s'est liée au Reich; 2° le traité germano-soviétique a rendu la guerre inévitable et l`U.R.S.S. supporte de ce fait une lourde responsabilité dans le déclenchement du conflit. Y a-t-il aujourd'hui un Français honnête qui oserait encore proférer ces deux solennelles inepties ? [...]

S'ils [les dirigeants français et anglais] étaient résolus à ne pas aboutir, pourquoi ont-ils poursuivi pendant si longtemps la conversation ? Pourquoi au début de mars en voyaient-ils à Moscou une délégation militaire (d’ailleurs dépourvue de mandat) ? Réponse : Ces simagrées s'expliquent sans doute par la nécessité dans laquelle se trouvaient MM. Daladier et Chamberlain de donner le change et de procurer une apparente satisfaction à l'opinion publique de leur pays. Mais elles s'expliquent aussi et surtout par une raison plus profonde, par la conception même que se faisaient ces hommes politiques de l’Entente avec les Soviets. Tandis qu’ils négociaient ils n’avaient pas renoncé à leur antisoviétisme. De même que dans leur esprit la politique dite du rapprochement franco-allemand devait être un instrument de guerre centre l’Union Soviétique, de même le « rapprochement » avec l’U.R.S.S. devait aboutir à provoquer la collision germano-soviétique au profit exclusif du capitalisme franco-anglais. Après avoir voulu faire du soldat allemand le chevalier servant de la croisade antisoviétique, MM. Daladier et Chamberlain se proposaient de faire du soldat Rouge le serviteur docile des visées politiques de la Cité de Londres. Voilà la manœuvre puérile à la quelle se sont livrés pendant trois mois les négociateurs anglo-français. Ainsi s’explique le double jeu auquel ils ne cessèrent de se livrer. [...]
Et dans quel but ce double jeu ? Dans le but de fixer à l’Est la guerre dont on a subitement accru le danger. Il n'est donc pas exact que les gouvernements de Londres et de Paris aient négocié avec l'U.R.S.S. avec la volonté de conclure un règlement pacifique. Leur dessein exclusif était de préserver leur hégémonie menacée, en transférant la guerre de l’Ouest à l'Est. Il n’est pas exact que les propositions soviétiques aient été inadmissibles. Tout Etat soucieux de sa sécurité à la veille d’un conflit possible eût formulé des propositions semblables. Ce qui est vrai, c’est que ces propositions contrariaient le double jeu des négociateurs de Londres et de Paris. La première affirmation des propagandiste de l’antisoviétisme s’effondre à la lumière des faits.

La seconde ne résiste pas davantage à l’analyse : le Pacte germano-soviétique, a-t-on dit pendant des mois, a rendu la guerre inévitable. Qui oserait aujourd’hui soutenir encore cette invraisemblable assertion ? [...]
Voilà à quoi tendait le plan anglo-français. Ce plan rendait la guerre inévitable et lui fixait un champ d’action à l’Est de l’Europe, il désignait les belligérants qui devaient se battre au profit de la France et de la Grande-Bretagne impérialistes. [L'URSS a déjoué ce plan en signant le Pacte germano-soviétique].
Ce plan, à la fois grossier et criminel, des dirigeants franco-anglais s’est heurté à la clairvoyance des bolchéviks. L’U.R.S.S., toujours disposée à tout effort de consolidation de la paix générale, n’a pas voulu jouer le rôle d’auxiliaire des visées suspectes des maîtres de l’impérialisme anglo-français.

4. - LES COMMUNISTES ET LA SAUVEGARDE DE LA PAIX EN AOUT 1939

[...]
Les communistes ont approuvé le Pacte soviéto-allemand parce qu'il consacrait l'échec d'une manœuvre malhonnête dirigée contre la sécurité de l'Etat prolétarien, mère-patrie du socialisme, espérance du prolétariat international. Les communistes ont approuvé le Pacte soviéto-allemand pour une autre raison encore. L’acte diplomatique du 23 août aurait pu servir d’avertissement au Gouvernement français. [...] Si le gouvernement français avait écouté les communistes, il eût tiré du Pacte germano-soviétique toutes les conséquences. Il eût fait de cet acte le point de départ d’un effort vigoureux dans le sens de la Paix. Mettons les points sur les i. Après le 23 août, après la réponse magistrale de Moscou au double jeu indigne des gouvernements franco-anglais, un gouvernement français digne de la France, au lieu de prodiguer de si funestes avis au colonel Beck et à la clique des dirigeants réactionnaires de la Pologne seigneuriale, se serait efforcé de provoquer un règlement pacifique du problème polonais et du litige polono-allemand. [...]

5. - OCTOBRE 1939 : NOUVEAUX EFFORTS DES COMMUNISTES

La guerre est déclarée par la Grande-Bretagne d'abord, par la France ensuite. Elle se déroulera pendant 15 jours sur le territoire de la Pologne. Ceux qui la conduisent en Pologne, seront quelques mois après accusés de trahison par leurs « successeurs » réfugiés en territoire français. Intérieurement disloqué par sa politique d'oppression des minorités nationales, de répression des mouvements populaires, accablé par vingt années de politique zigzagante et sans principe, l'Etat polonais s'effondre au bout de quinze jours. Pendant ces quinze jours aucune aide ne lui est venue de ses garants de Londres et de Paris.
Mais si la diplomatie coupable de la France et de l'Angleterre a rendu cet incendie et cette dévastation inévitables, par contre le Pacte soviéto-allemand a provoqué deux résultats salutaires. Il a épargné à l’État soviétique l'épreuve de la guerre. Sur la base des nouvelles relations soviéto-allemandes, l'URSS a libéré le 17 septembre les populations d'Ukraine occidentale et de Biélorussie annexées contre leur gré à l’État polonais. [Gabriel Péri décrit la Campagne de Pologne sans mentionner l'Allemagne nazie !!!]

Cependant une question se pose à laquelle jamais réponse valable ne sera donnée à Londres et à Paris. Pourquoi après avoir pris la Pologne sous leur protection, pourquoi après avoir transformé leur garantie en traité d'assistance mutuelle, la France et l'Angleterre ont-elle laissé succombé l’État polonais sans lui venir en aide ? Les raisons techniques généralement invoquées sont sans valeur. Les motifs véritables sont d'ordre politique. Relisons les journaux anglais et français de l'époque. Au Au lendemain de l'entrée de l'Armée Rouge en Ukraine ils écrivent : « Les Russes se taillent la part du lion » ou encore « Hitler est frustré de sa victoire par les bolchéviks » !
A quoi tendent ces propos ? A persuader les dirigeants allemands que leur partenaire soviétique est un mauvais joueur qu'ils devraient abandonner au plus vite. L'abstention de toute aide française et britannique à la Pologne n'avait pour but que de pousser l'Allemagne à développer son action militaire contre l'URSS ! Quel coup de maître si l'appel des sirènes avait été entendu, si l'Armée Rouge se voyait contrainte à se battre par la manœuvre des impérialistes français et britannique !
Ce calcul subalterne se heurte une fois de plus à la clairvoyance des bolchéviks. Le Traité soviéto-allemand est confirmé le 28 septembre par un accord Molotov-Ribbentrop qui entre autres dispositions délimite la frontière du territoire de l'URSS et de la zone d'intérêts de l'Allemagne.

Un gouvernement capable d'interpréter les aspirations du peuple eût compris le sens et la portée de ces deux expériences et de ces deux échecs [Pour Gabriel Péri les pactes germano-soviétiques d'août et septembre 1939 ont marqué à chaque fois l'échec du plan franco-anglais visant à provoquer une guerre entre l'Allemagne et l'URSS]. Il eût tiré à la fin de septembre la conclusion qu'il n'avait pas su dégager à la fin du mois d'août. L'armée française n'avait alors subi aucun échec, le sang français n'avait pas coulé, les villes françaises n`avaient pas été détruites, des milliers d'hommes et de femmes n'avaient pas péri sur les routes dans le tragique exode de l'évacuation. La paix juste et équitable, la paix négociée d'égal à égal dans une Conférence internationale à laquelle l'URSS aurait participé était possible alors. Les communistes en appellent au pays. Ils demandent au président de la Chambre de convoquer l'Assemblée. Ils se proposent de dire qu'il faut mettre un terme à une guerre injuste qui est sortie d'une diplomatie criminelle. Ils entendent affirmer que la négociation avec l'Allemagne et la collaboration avec l'Union Soviétique doivent être l'assise solide de la Paix. On sait ce qu'il advint de notre initiative et comment les signataires de la lettre historique au Président Herriot furent jetés en prison, condamnés, poursuivis pour trahison et menacés de la peine de mort. Mais les communistes savaient que le service de la Paix commande de terribles sacrifices. Ce sera leur honneur d'avoir affronté le danger pour sauver la vie de centaines de milliers de Français.
La guerre continue donc cependant que les prisons et les camps se ferment derrière les militants communistes aux applaudissements des Etats-Majors et de tous les Partis, de M. Blum à M. de la Rocque, de  M. Flandin  à MM. Belin, Doriot, Gitton et Paul Faure. L'aphorisme de Clausewitz souvent cité par Lénine « La guerre, c'est la politique qui continue par d'autres moyens » trouvera dans la suite des événements une terrible confirmation. La guerre de MM. Daladier-Reynaud c'est l'anti-soviétisme franco-anglais qui continue par d'autres moyens.

6. - LA GUERRE ANTISOVIETIQUE

7. - LA DEFAITE

[...] Seulement lorsque s'engage la bataille des Flandres, une partie du matériel français a été sacrifié en Finlande; des effectifs et du matériel ont été sacrifiés en Norvège; 500 000 hommes avec leur équipement sont immobilisés en Syrie. La guerre « sur les ailes », la conception anti-soviétique de la conduite de la guerre unanimement approuvée par un Parlement d'où les communistes ont été exclus, précipite le désastre. Et la lamentable aventure aboutit à la scène de la Forêt de Compiègne avec l'occupation des 3/5èmes du territoire et le paiement chaque jour par la France de 400 millions aux troupes d'occupation. [Gabriel Péri décrit la défaite de la France sans mentionner l'Allemagne nazie !!!] [...]

8. - UNE SERIE DE VICTOIRES
    - LA FINLANDE

[...]
Les travailleurs de tous les pays applaudissent aux succès remportés depuis dix mois par le pouvoir soviétique : 1° parce qu’ils font du pays où les ouvriers ont construit le socialisme, espoir suprême des travailleurs, une citadelle inexpugnable ; 2° parce qu’ils étendent le domaine du socialisme, ils restreignent le domaine sur lequel s'exerce la servitude capitaliste ; 3° parce qu’ils entravent la politique de l’antisoviétisme, cause de guerres dont les travailleurs sont toujours les victimes les plus douloureuses et les plus nombreuses.

9. - LES CONDITIONS DE LA PAIX

Le bilan des victoires soviétiques, c'est le bilan des victoires des communistes qui sont restés fidèles à l'URSS, au Parti de Lénine et de Staline, malgré les persécutions et les coups, malgré la prison, les camps de concentration et les verdicts des Conseils de guerre.
Des charlatans sans vergogne essayent aujourd'hui de se frayer un chemin parmi les ruines accumulées. Quels sont donc leurs titres ? Quelles épreuves ont-il endurées ? Quels risques ont-ils courus ? Quand ont-ils bravé la répression, affronté la prison ou la mort ?
Mais surtout, qu'apportent-ils en dehors de leurs plagiats, de leurs caricatures, de leurs contrefaçons ?
Les communistes offrent à notre peuple le bénéfice d'une expérience victorieuse. Le pays qu'administrent  déjà les communistes n'a pas connu les souffrances de la guerre, ses citoyens ne subissent ni les misères des conflits armés, ni les épreuves de l'invasion, ni les détresses de la crise. Les communistes ont déjà passé l'examen de l'histoire. Et ils l'ont passé victorieusement.
C'est à ce titre qu'ils posent leur candidature à la direction du redressement de la France meurtrie. Cette France offre au monde le plus lamentable spectacle en vérité. [...]

Avec une netteté sans cesse plus grande le peuple de France peut constater que le gouvernement de Vichy n'est pas un gouvernement français, que tout ce qu'il fait, tant en matière de politique intérieure qu'en matière de politique extérieure, lui est dicté, ordonné. Ce gouvernement de trahison vomi par le peuple, ne se maintient que grâce à la protection qui lui est fournie du fait de l'occupation de la France.
Et quand aujourd'hui on voit s'exprimer chez nous, dans les milieux de la bourgeoisie, deux courants qui prennent position les uns pour un groupe de belligérants, les autres pour l'autre groupe, nous disons, nous communistes, au nom de la France laborieuse, que ce n'est pas dans un choix semblable que résident le salut du pays et l'avenir de la paix.
Le salut de la France et du monde est dans la destruction du capitalisme, dans la victoire du socialisme. [Aucune référence au nazisme alors que la France est occupé par les Allemands !!!] [...]

 
Analyse
 
"La Politique de paix des communistes" est un texte composé de neuf parties dans lequel Gabriel Péri montre que son Parti s'est toujours mobilisé en faveur de la Paix sur la période allant de la fin de la première guerre mondiale à la défaite de la France en juin 1940 et qu'en conséquence il a toute légitimité pour former un gouvernement qui négociera la Paix avec Hitler.

La lecture des titres de chaque partie permet à elle seule d'apprécier le contenu du texte :

"1.- Les communistes et l'Europe de Versailles".
"2.- Avant la deuxième guerre impérialiste".
"3.- Le pacte soviéto-allemand".
"4.- Les communistes et la sauvegarde de la paix en août 1939".
"5.- Octobre 1939 : nouveaux efforts des communistes" [pour la paix avec Hitler].
"6.- La guerre antisoviétique".
"7.- La défaite".
"8.- Une série de victoires [soviétiques] / La Finlande.
"9.- Les conditions de la paix" [avec Hitler].

Par son contenu, le texte est un parfait exemple de la pensée magique des communistes qui vous décrivent la réalité telle qu'elle n'est pas. 
 
Pour illustrer ce point, on commentera en particulier les Parties 5, 6, 7, 8 et 9. Avant cela, on exposera le contenu des Parties 1, 2, 3 et 4.
 
 
"1- Les communistes et l'Europe de Versailles"
 
Dans la Partie 1, Gabriel Péri affirme que "la période entre les deux guerres impéralistes" a été façonnée par trois dynamiques qui ont toutes contribué à déclencher la guerre et contre lesquelles seuls "les communistes ont mené une lutte ardente et sans répit" :

1) "Le Traité de Versailles" qui était "un instrument d'oppression du peuple allemand",
2) "Le principe des nationalités" qui a permis "la vassalisation française de l'Europe centrale et orientale",
3) "L'antisoviétisme" qui a interdit tout rapprochement avec l'URSS.

On notera que la guerre de 1914-1918 et celle de qui a débuté en septembre 1939 sont dénoncées comme des "guerres impérialistes".
 
 
"2.- Avant la deuxième guerre impérialiste"
 
Dans la Partie 2, l'auteur écrit que "le rapprochement franco-allemand" a été à la base de la politique étrangère de la France dans les années 20 et 30 (Accords de Locarno, non-intervention dans la guerre d'Espagne, Accords de Munich), que ce rapprochement n'était nullement motivé par la volonté du gouvernement français de préserver la paix mais par son... antisoviétisme : la France voulait faire de l'Allemagne un allié dans la guerre qu'elle voulait engager contre l'URSS, et enfin que c'est pour cette raison qu'il a été combattu par les communistes.
 
Le dirigeant communiste conclut cette partie en déclarant que cette politique guidée par l'antisoviétisme a échoué et qu'en plus elle a déclenché "la seconde guerre impérialiste".
 
 
"3.- Le pacte soviéto-allemand"
 
Dans la Partie 3, Gabriel Péri nous offre toujours le même argument pour expliquer, d'une part, l'échec des pourparlers anglo-franco-soviétiques d'avril-août 1939 portant sur la conclusion d'un pacte d'assistance mutuelle et, d'autre part, la signature du Pacte germano-soviétique du 23 août 1939 : l'antisoviétisme.

Sur le premier point, il montre que ces négociations ont échoué parce que l'URSS n'a pas été dupe des véritables motivations de la France et de l'Angleterre :
 
"De même que dans leur [MM Daladier et Chamberlain] esprit la politique dite du rapprochement franco-allemand devait être un instrument de guerre contre l'Union Soviétique, de même le « rapprochement » avec l’U.R.S.S. devait aboutir à provoquer la collision germano-soviétique au profit exclusif du capitalisme franco-anglais. Après avoir voulu faire du soldat allemand le chevalier servant de la croisade antisoviétique, MM. Daladier et Chamberlain se proposaient de faire du soldat Rouge le serviteur docile des visées politiques de la Cité de Londres."

Sur le second point, il développe la thèse qu'en signant le pacte soviéto-allemand, l'URSS a déjoué le plan franco-anglais qui devait porter la guerre sur le territoire soviétique en deux étapes : tout d'abord ne fournir aucune aide à la Pologne pour permettre la victoire allemande, ensuite inciter l'Allemagne à franchir la frontière polono-soviétique.
 
 
"4.- Les communistes
et la sauvegarde de la paix en août 1939"

Dans la Partie 4 consacrée aux événements du mois d'août 1939, le dirigeant communiste approuve le Pacte germano-soviétique et déclare que cet acte diplomatique aurait dû inciter le gouvernement français à changer radicalement de position et à adopter celle du Parti communiste consistant à régler pacifiquement le litige polono-allemand en refusant de garantir la Pologne contre une agression allemande et en incitant Varsovie à satisfaire les revendications territoriales de Berlin.


"5.- Octobre 1939 : nouveaux efforts des communistes"
 
Premier passage du texte consacrée à la guerre franco-allemande de 1939-1940, la Partie 5 est intitulée "Octobre 1939 : nouveaux efforts des communistes" pour la Paix avec Hitler.

Dans les deux premiers paragraphes, Gabriel Péri décrit la Campagne de Pologne en réussissant l'exploit de ne pas mentionner... l'Allemagne nazie.

Ainsi, il écrit que la France et l'Angleterre se sont engagées dans la guerre en septembre 1939 sans préciser ni l'identité de l'ennemi ni les motifs de cet engagement !!! Ensuite, on peut lire que l'Etat polonais s'est effondré en quinze jours. Quelle est la cause de cet effondrement ? "la diplomatie coupable de la France et de l'Angleterre" !!! Les armées de Hitler et celles de... Staline ne portent donc aucune responsabilité dans cet effondrement !!! Enfin, il présente l'annexion soviétique de la partie orientale de la Pologne en ces termes : "l'URSS a libéré le 17 septembre les populations d'Ukraine occidentale et de Biélorussie annexées contre leur gré à l’État polonais".

Il ose ensuite poser cette question : "Pourquoi après avoir pris la Pologne sous leur protection, pourquoi après avoir transformé leur garantie en traité d'assistance mutuelle, la France et l'Angleterre ont-elle laissé succombé l’État polonais sans lui venir en aide ?

Pour souligner l'hypocrisie de ce questionnement sur le sort de l'Etat polonais, on rappellera la position du PCF pendant la Campagne de Pologne. Tout d'abord, les communistes étaient opposés à toute intervention militaire contre l'Allemagne nazie puisqu'ils plaidaient pour la Paix : "Nous pensons qu'on peut assurer une paix durable et la sécurité française sans pousser des millions de nos frères à la mort et sans faire de la France un vaste cimetière" (Manifeste "Il faut faire la Paix" de septembre 1939). Ensuite, ils ont approuvé "l'accord Molotov-Ribbentrop" du 28 septembre 1939 qui consacrait le partage de la Pologne entre l'URSS et l'Allemagne ou, pour reprendre les mots de Gabriel Péri, qui "délimit[ait] la frontière du territoire de l'URSS et de la zone d'intérêts de l'Allemagne",

Quant à la réponse, elle n'est pas décevante : les gouvernements français et anglais n'ont pas apporté une aide décisive à la Pologne parce qu'ils souhaitaient par leur inaction inciter l'Allemagne à attaquer l'URSS. En conséquence, la signature du Traité de frontières et d'amitié germano-soviétique du 28 septembre 1939 n'était pas le symbole de l'alliance entre l'URSS et l'Allemagne mais celui de l'échec de l'antisoviétisme franco-anglais !!!

Rappelons que l'échec de l'antisoviétisme franco-anglais est aussi l'argument central invoqué par Gabriel Péri pour justifier la signature du Pacte germano-soviétique du 23 août 1939 (Partie 3).

Dans le paragraphe suivant, le dirigeant communiste célèbre les "nouveaux efforts des communistes" en faveur de la Paix.
 
Il fait référence à l'initiative du groupe ouvrier et paysan français (anciennement groupe communiste) qui à la fin de la Campagne de Pologne a remis une lettre au président de la Chambre dans laquelle il affirme que "La France va se trouver incessamment en présence de propositions de paix" et demande en conséquence l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens."
 
Par son contenu, la lettre du GOPF a provoqué une réaction indignée de la presse, une condamnation de tous les partis politiques et le plus important l'ouverture d'une procédure judiciaire pour infraction au décret de dissolution du PCF qui a abouti à la tenue d'un procès du 20 mars au 3 avril 1940 au terme duquel 44 députés communistes ont été condamnés à 4 et 5 ans de prison par le 3e tribunal militaire de Paris.

Parmi les condamnés : Gabriel Péri, député de Seine-et-Oise qui a été jugé par contumace puisqu'il avait échappé à l'arrestation au mois d'octobre quand la justice militaire avait engagé des poursuites contre le GOPF.
 
Directement concerné par cet épisode, Gabriel Péri écrit que c'est "l'honneur" des communistes que d'avoir sollicité en octobre 1939 la convocation du Parlement dans le but de proposer la tenue d'une "Conférence internationale" qui aurait réuni les belligérants, à savoir la France, l'Angleterre, l'URSS et l'Allemagne, avec comme objectif de négocier une "paix juste et équitable". Pour atteindre ce résultat ils auraient ratifié le partage de la Pologne entre l'URSS et l'Allemagne et mis ainsi un terme à "une guerre injuste" sortie de la "diplomatie criminelle" des impérialistes franco-anglais.

Quant à la condamnation pénale des signataires de la lettre au président Herriot, elle est dénoncée par le dirigeant communiste en ces termes : "les communistes savaient que le service de la Paix commande de terribles sacrifices".

Ainsi, Gabriel Péri, ce "grand Français" (1), célébrait en septembre 1940 le sacrifice des communistes en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie alors que d'autres au même moment sacrifiaient leur vie pour libérer la France de l'occupation allemande.

La Partie 5 se termine sur le constat amer que la "guerre continue", une dénonciation de la répression qui a frappé les militants communistes qui s'étaient courageusement mobilisés en faveur de la Paix, et enfin une révélation : la France et l'Angleterre ont poursuivi la guerre contre l'Allemagne par "antisoviétisme" !!!
 


"6.- La guerre antisoviétique"
 
Dès le début du conflit franco-allemand, les communistes ont révélés aux Français que la guerre contre l'Allemagne nazie était une guerre impérialiste et donc illégitime.
 
Nouvelle révélation des communistes dans la Partie 6 du texte : cette guerre était en réalité une guerre contre l'URSS d'où le titre "La guerre antisoviétique" qui est utilisé par l'auteur pour décrire la période du conflit allant du mois d'octobre 1939 à la défaite de la France en juin 1940.
 
Pour justifier cette thèse, Gabriel Péri met avant en plusieurs faits en s'appuyant sur des documents tirés des archives du GQG français qui ont été saisies... par les Allemands en juin 1940 à la Charité-sur-Loire et publiés par ces derniers dans un Livre Blanc.

Ainsi, par exemple, c'est l'antisoviétisme qui justifie le projet discuté entre la France et l'Angleterre de détruire les installations pétrolières de Bakou et de Batoum. Explication qui offre l'avantage d'oublier que l'URSS était le principal fournisseur de pétrole de l'Allemagne et qu'ainsi l'Etat soviétique permettait à son allié nazi de ne pas subir le blocus franco-anglais.

Autre exemple, c'est encore l'antisoviétisme qui explique les plans franco-anglais d'intervention en Finlande. Aucune mention de l'auteur que ce pays a été agressé par l'URSS au mois de novembre 1939 dans le cadre du Pacte germano-soviétique.

On notera dans cet exposé couvrant huit mois du conflit européen, l'absence de toute référence au belligérant allemand. Ainsi, le plus significatif, aucune condamnation de l'invasion du Danemark et de la Norvège par les armées du IIIe Reich en avril 1940.

 
"7.- La défaite"
 
La Partie 7 est consacrée à "la défaite" de la France en juin 1940.
 
Au vu de ce qui précède, on ne sera pas étonné de cette nouvelle révélation à savoir que cette défaite est due... à l'antisoviétisme français.
 
Plus précisément, la guerre de périphérie (ex : livraison d'armes à la Finlande, débarquement franco-anglais en Norvège, projet de bombardement sur Bakou et Batoum, armée de Syrie composée de 500 000 hommes qui était déjà surestimée à 150 000 hommes dans les précédents textes communistes), dans laquelle la France et l'Angleterre se sont engagées pendant huit mois par haine de l'Etat soviétique, a consommé des ressources qui ont manqué au moment de l'offensive allemande en mai 1940.

Dans une partie analysant le défaite de la France, Gabriel Péri réussit l'exploit de mentionner la Finlande, la Norvège, et même la Syrie mais pas... l'Allemagne nazie !!!

 
"8.- Une série de victoires / La Finlande"
 
Dans la Partie 8, le dirigeant communiste s'enthousiasme pour la politique extérieure de l'URSS et ses annexions de territoires en oubliant en outre que celles-ci s'inscrivent dans le cadre du Pacte germano-soviétique.

"9.- Les conditions de la paix"
 
Dernier élément prouvant le caractère pacifiste du texte : la Partie 9 s'intitule "Les conditions de la Paix" avec Hitler.

Point central du texte, l'auteur affirme dans cette partie que le Parti communiste est le seul parti légitime pour négocier la Paix avec Hitler.
 
Les parties précédentes célébrant d'une part l'engagement constant des communistes en faveur de la Paix et d'autre part les succès diplomatiques et militaires de l'URSS, n'avaient qu'une seule finalité : justifier cette revendication communiste.
 
La ligne politique défendue dans ce texte de septembre 1940 est la même que celle qui guidait l'action des communistes pendant la guerre de 1939-1940. D'ailleurs, on rappellera que la position du PCF était la suivante : la guerre est une guerre impérialiste et sa cause n'est pas le nazisme mais le capitalisme. Ses mots d'ordre étaient : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate" et "L'ennemi est dans notre propre pays". Ses objectifs étaient : la Paix et, pour en garantir la pérennité, la destruction du régime capitaliste. On pouvaient les résumer d'une phrase : la Paix par la Révolution socialiste.

Ces deux objectifs avaient été fixés par l'IC dans un texte de son secrétaire général, Georges Dimitrov, diffusé en novembre 1939 sous le titre "La guerre et la classe ouvrière des pays capitalistes" :
 
"Les impérialistes des pays belligérants ont commencé la guerre pour un nouveau partage du monde, pour la domination universelle, en vouant à l'extermination des millions d'hommes. La classe ouvrière est appelée à en finir avec cette guerre à sa façon, dans son intérêt, dans l'intérêt de toute l'humanité travailleuse, et à supprimer, ainsi, à tout jamais, les causes essentielles qui engendrent les guerres impérialistes".
 
A l'inverse, "le salut du pays et l'avenir de la paix" ne résident pas dans la bourgeoise, qu'elle soit favorable à l'Angleterre ou à l'Allemagne. En effet, dans les deux cas (victoire allemande ou victoire anglaise) le régime capitaliste qui est la cause des guerre impérialistes serait préservé.

Conclusion de Gabriel Péri : "Le salut de la France et du monde est dans la destruction du capitalisme, dans la victoire du socialisme." Aucune référence... au nazisme alors que la France est occupée par les Allemands. 

Pour terminer, on citera le programme de gouvernement publié par le PCF en février 1941 sous le titre... "Pour le salut du peuple de France" dans lequel il propose d'établir "des relations PACIFIQUES" entre la France et l'Allemagne et d'instaurer des "rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand" !!!