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"Nous ne permettrons pas qu'on entraîne la classe ouvrière dans une guerre dite de défense de la démocratie contre le fascisme" (Discours de Maurice Thorez du 15 mars 1935)

Le 15 mars 1935, à la Chambre des députés, dans un débat consacré à la défense nationale, Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste français, prononce un discours prémonitoire annonçant l'attitude du PCF pendant la guerre franco-allemande de 1939-1940.

Parfaite illustration du défaitisme révolutionnaire des staliniens français, ce discours peut être résumé d'une phrase : "Nous ne permettrons pas qu'on entraîne la classe ouvrière dans une guerre dite de défense de la démocratie contre le fascisme".

Quels sont les arguments avancés pour justifier le refus inconditionnel de défendre la France dans le cas d'une guerre contre l'Allemagne nazie ? Pour le savoir, donnons la parole à Maurice Thorez :

"Les communistes ne croient pas au mensonge de la défense nationale. Ils ont cependant le souci des intérêts de la France qui travaille et qui pense.
C'est parce que nous aimons notre pays que nous luttons de toutes nos forces et de tout notre cœur contre un régime et contre une politique qui le conduisent à la catastrophe.
Le meilleur moyen de défendre ce pays, sous le régime d'oppression capitaliste qu'il subit, c'est de lutter contre les profiteurs, contre les impérialistes qui veulent le jeter à nouveau dans une affreuse guerre. (Applaudissements à l'extrême gauche communiste.)
« L'ennemi est dans notre propre pays. » Le cri de lutte de Karl Liebknecht reste celui des communistes.
Ici, je veux répondre à l'affirmation qu'on a produite à cette tribune: « Les travailleurs de France se lèveraient pour résister à une agression hitlérienne. »
Nous ne permettrons pas qu'on entraîne la classe ouvrière dans une guerre dite de défense de la démocratie contre le fascisme. (Très bien! très bien! à l'extrême gauche communiste.) Nous rappellerons aux travailleurs l'erreur tragique de 1914. Nous leur dirons: « En Allemagne, on a conduit les prolétaires à la guerre contre le tsar, en disant qu'il fallait défendre, contre le tsar réactionnaire, les conquêtes d'un pays plus avancé dans la voie du progrès, par conséquent dans la voie du socialisme. » Ici, en France, on a dit : « Il faut défendre la République contre Guillaume II. Il faut défendre le pays le plus démocratique, contre l'empereur, réactionnaire. »
Je déclare très nettement que les communistes ne laisseront pas propager un pareil mensonge, une telle illusion. (Très bien! très bien! à l'extrême gauche communiste.)
Par tous les moyens, nous lutterons contre le déclenchement de la guerre impérialiste. Et si, malgré les efforts des travailleurs, la guerre éclatait, fidèles à la résolution unanime du congrès socialiste international de Stuttgart, en 1907, « nous saurions intervenir pour, la faire cesser promptement et utiliser, de toutes nos forces, la crise économique et politique créée par la guerre, pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. (Applaudissements à l'extrême gauche communiste.)
Lénine et les bolcheviks ont été les seuls à respecter cet engagement solennel. Ils ont transformé la guerre impérialiste en guerre civile libératrice. Ils ont pris le pouvoir et abrégé la guerre de plus d'un an. Ils ont instauré la dictature du prolétariat et, avec elle, la plus grande force de paix dans le monde. (Applaudissements à l'extrême gauche communiste.) [...]
Les communistes ne s'en tiendront naturellement pas à une simple propagande contre la guerre. Nous sommes résolus à travailler, dans l'esprit de Lénine et des bolchevistes, à l'organisation de l'action de masse contre la guerre. Nous sommes résolus à accomplir, sans défaillance et en dépit de la répression, la tâche antimilitariste. Nous sommes résolus à préparer les conditions des futures fraternisations et de la conquête de la paix par le renversement de la domination capitaliste.
Plus que jamais, nous croyons à la vérité de la parole de Jaurès: « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage. »
La prise du pouvoir par les travailleurs est, en définitive, le seul moyen d'en finir avec la guerre, car la transformation de la société, la réorganisation de la production sur une base socialiste, en supprimant l'exploitation de l'homme par l'homme, mettront un terme à la concurrence et à la course aux profits qui sont les causes profondes de la guerre.
C'est le pouvoir des Soviets qui donnera la paix au monde. (Applaudissements à l'extrême gauche communiste.)" (1)

Radical et déterminé, le Parti communiste se caractérise avant tout par sa totale soumission à l'URSS et donc aux instructions venant de Moscou.

C'est pour cette raison qu'il abandonnera du jour au lendemain le défaitisme révolutionnaire après la signature le 2 mai 1935 d'un traité d'assistance mutuelle franco-soviétique et la déclaration publique quelques jour plus tard de Staline affirmant qu'il "comprend et approuve pleinement la politique de défense nationale faite par la France pour maintenir sa force armée au niveau de sa sécurité". (2)

C'est aussi pour cette raison qu'il renoncera tout aussi brusquement à sa ligne favorable à la défense nationale après la signature du Pacte germano-soviétique le 23 août 1939 et qu'il mettra en œuvre pendant la guerre franco-allemande de 1939-1940 le plan exposé par Maurice Thorez le 15 mars 1935 à la Chambre des députés.

(1) Journal officiel du 16 mars 1935.
(2) Le Petit Parisien du 16 mai 1935.