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Les négociations anglo-franco-soviétiques d'avril-août 1939 : un échec dû à la duplicité de Staline qui dans le même temps négociait secrètement avec... Hitler

Entre avril et août 1939 se sont tenues des négociations anglo-franco-soviétiques portant sur la signature d'un pacte d'assistance mutuelle.
 
L'objet de ces négociations : établir un mécanisme de solidarité entre la France, la Grande-Bretagne et l'URSS qui se déclencherait dans le cas d'une agression de l'Allemagne contre l'un des trois pays signataires ou contre un Etat européen bénéficiant de la garantie de ces trois puissances.
 
Malgré toutes les concessions de Paris et de Londres motivées par leur désir d'aboutir à tout prix à un accord, ces discussions n'ont pas abouti. Une seule raison pour expliquer cet échec : la duplicité de Staline qui dans le même temps négociait secrètement avec... Hitler.
 
Concessions franco-anglaises
 
On exposera ci-après toutes les concessions faites par la France et la Grande-Bretagne pour obtenir la participation de l'URSS à une alliance contre l'Allemagne nazie :
 
Première concession : la signature d'un pacte d'assistance mutuelle (stricto sensu) entre les trois puissances.

Le 30 septembre 1938, à Munich, après deux jours de négociations engagées dans le but de régler par la voie diplomatique le conflit germano-tchécoslovaque, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie et l'Allemagne ont signé un accord imposant à la Tchécoslovaquie de céder la région des Sudètes à l'Allemagne. 

Deux absences notoires à cette conférence. D'une part, la Tchécoslovaquie qui a été exclue de pourparlers qui la concernait directement. Humiliation supplémentaire : parmi les signataires d'un texte lui imposant une amputation de son territoire : la France, pays avec lequel elle était liée par un traité d'alliance. D'autre part, la Russie de Staline dont la présence n'était pas souhaitée par l'Allemagne d'Hitler.
 
Le 15 mars 1939, en violation des Accords de Munich, les troupes allemandes sont entrées dans Prague.
 
Face à ce nouveau coup de force hitlérien, la France et la Grande-Bretagne ont abandonné leur politique d'apaisement.
 
Le 14 avril, jugeant qu'une politique de fermeté supposait un rapprochement avec l'URSS, les deux puissances ont sollicité le gouvernement soviétique pour qu'il suive leur exemple et accorde une garantie unilatérale à la Pologne et à la Roumanie contre une agression allemande.
 
Paris proposait une modification du Pacte d'assistance mutuelle franco-soviétique de 1935 avec l'adoption d'une nouvelle clause prévoyant qu'il s'appliquerait si l'une des deux puissances entrait en guerre contre l'Allemagne pour défendre les Polonais ou les Roumains. 

Londres invitait Moscou à formuler sa garantie unilatérale sous la forme d'une déclaration publique.
 
A ces propositions jugées humiliantes par le rôle de supplétif qu'on lui attribuait, la Russie de Staline a répondu en formulant un ensemble d'exigences conditionnant sa participation à un système de sécurité collective.
 
La première portait sur la signature d'un accord aux termes duquel la France, la Grande-Bretagne et l'URSS s'engagent à se prêter une mutuelle assistance si l'une des trois puissances était attaquée par l'Allemagne.
 
A la fin du mois de mai, après plusieurs semaines de refus, sur la pression de Paris et constatant la fermeté de Moscou, Londres a finalement accepté de prendre cet engagement et d'avoir en conséquence une obligation de solidarité avec les Soviets.
 
Deuxième concession : la garantie des Etats baltes.
 
Au mois d'avril 1939, après l'agression allemande contre la Tchécoslovaquie, la France et la Grande-Bretagne se sont rapprochées de l'URSS pour défendre la Pologne et la Roumanie contre une attaque supposée imminente de l'Allemagne.
 
Dans les pourparlers qui ont suivi, Moscou a exigé que le pacte d'assistance accepté par la France et l'Angleterre couvre aussi la Finlande, l'Estonie et la Lettonie, trois pays baltes bordant la frontière nord-ouest de l'URSS, avec l'argument que ces pays étaient une contrepartie à ceux proposés par Paris et Londres. Signalons que la Lituanie n'avait aucune frontière commune avec l'URSS. Autre exigence : les pays garantis devaient être nommément désignés dans l'accord.
 
Sur l'argument avancé, les Français et les Anglais ont fait remarquer aux Russes que la Roumanie et la Pologne étaient limitrophes de... l'URSS.
 
Sur le fond, la demande soviétique soulevait la difficulté suivante : les Etats baltes avaient publiquement et clairement indiqué qu'ils ne voulaient pas de la garantie d'un pays tiers car, estimaient-ils, elle aurait mis en cause leur neutralité et aurait de ce fait incité l'Allemagne à les attaquer.
 
En dépit de cette difficulté, les gouvernements français et anglais ont fait plusieurs propositions aux dirigeants soviétiques qui permettaient à la fois de satisfaire leur demande et de tenir compte de la position des pays baltes. Refus à chaque fois de Moscou.
 
Au final, au début de juillet, Paris et Londres ont accepté de garantir les Etats baltes sans aucune condition et ont proposé de les désigner nommément dans un protocole secret qui a reçu l'approbation de Moscou. En contrepartie, les gouvernements français et anglais ont voulu que le pacte s'applique aussi à la Hollande, à la Suisse et au Luxembourg. Réponse du gouvernement soviétique : Non.
 
Troisième concession : l'agression indirecte.

Après avoir obtenu l'adhésion de la France et de l'Angleterre à la défense des Etats baltes (Finlande, Estonie, Lettonie) contre une attaque allemande, le gouvernement soviétique a posé la question de l'agression indirecte de ces pays.

Cette revendication a suscité la stupeur à Paris et à Londres et ce pour deux raisons. Tout d'abord, les Français et les Anglais considéraient que le cas de l'agression indirecte s'appliquait à l'URSS et désignait par exemple une attaque allemande contre un Etat balte tout comme une attaque contre la Belgique constituait une agression indirecte de la France et de l'Angleterre.
 
Ensuite, à la lecture de la définition proposée par Moscou, les gouvernements français et anglais ont jugé que cette notion était dangereuse. Jugement identique à celui qu'ils avaient porté quelques semaines auparavant sur une note soviétique adressée à l'Estonie dans laquelle le gouvernement soviétique indiquait que l'URSS ne resterait pas inactive si ce pays était victime d'une agression indirecte et donnait une définition de cette notion - toute décision politique, économique ou militaire prise librement ou sous la contrainte par le gouvernement estonien en faveur de l'Allemagne - lui permettant d'intervenir dans ce pays sous n'importe quel prétexte.

En dépit de leurs réticences, la France et la Grande-Bretagne ont accepté de prendre en compte le cas de l'agression indirecte. Dans les débats qui ont suivi, les deux puissances ont répondu positivement aux demandes soviétique de faire figurer la formule "agression directe ou indirecte" dans l'accord et d'y introduire une définition de l'agression indirecte. Point d'achoppement, Paris et Londres ont proposé une définition limitant la portée de cette notion afin de prévenir le cas où ils auraient été tenus de soutenir une intervention soviétique en Finlande, en Estonie ou en Lettonie qui aurait été en fait une ingérence dans les affaires intérieures de ces pays.

Moscou est resté ferme sur une définition large de l'agression indirecte. A la fin de juillet, jugeant que ce dernier point n'était qu'un détail de l'accord politique qui était pratiquement conclu, le commissaire du peuple aux Affaires étrangères, Viatcheslav Molotov, a proposé aux ambassadeurs français et anglais de suspendre les négociations en cours et d'engager tout de suite les discussions militaires...

Quatrième concession : accord sur la clause du pacte interdisant toute paix séparée.

En prenant l'engagement de ne pas signer de paix séparée avec l'Allemagne, les Français et les Anglais ont satisfait une énième revendication soviétique.

Cinquième concession : les négociations militaires.

La question des discussions militaires anglo-franco-soviétiques a fait à elle seule l'objet de plusieurs concessions importantes de Paris et de Londres prouvant encore une fois leur volonté manifeste d'aboutir à un accord avec Moscou. Rappel des débats sur cette question.
 
Dans les exigences qu'il a formulées au mois d'avril, le gouvernement soviétique a demandé qu'à la conclusion du pacte fussent rapidement engagées des discussions entre les Etats-majors des trois pays pour définir les obligations militaires de chaque partie dans le cas où le pacte aurait été mis en œuvre. Accord des gouvernements français et anglais.
 
Au début de juin, en réponse au projet de pacte que les Français et les Anglais leur avaient soumis quelques jours auparavant, les Russes ont proposé un contre-projet dans lequel un article prévoyait que le pacte entrerait en vigueur à la signature de la convention militaire. Pour Paris et Londres cette disposition était totalement contraire aux habitudes diplomatiques puisqu'elle subordonnait la validité d'un accord politique à la conclusion d'une convention militaire. Les négociations s'étant focalisées sur la question des Etats baltes, ce point a été laissé en suspens.
 
Le 9 juillet, Viatcheslav Molotov, chef du gouvernement soviétique et commissaire du peuple aux Affaires étrangères, a reçu au Kremlin les ambassadeurs anglais et français pour un nouvel échange sur les négociations anglo-franco-soviétiques. Il leur a fait savoir notamment que le gouvernement soviétique jugeait absolument indispensable non seulement que le pacte entrât en vigueur en même temps que la convention militaire mais aussi que les deux textes fussent signés simultanément. Et d'ajouter qu'en cas de refus, les négociations ne pourraient se poursuivre.
 
Avec cette disposition, dans le cas d'un accord sur le pacte, la France et la Grande-Bretagne ne pourraient faire état de ce succès diplomatique et rendre public le contenu du texte qu'à la signature de la convention militaire autrement dit après plusieurs semaines ou mois de discussions sur un sujet où les désaccords pouvaient être nombreux voire insurmontables. 
 
Signalons que cette nouvelle manœuvre dilatoire de la partie soviétique, qui venait s'ajouter à celle consistant à multiplier les sujets de discussions, était un indice de plus que l'URSS n'était pas motivée par la conclusion rapide d'un accord devant permettre de dissuader Hitler de tout nouvelle agression sur le continent européen. La raison de cette attitude : le Kremlin attendait de connaître le résultat des discussions secrètes et informelles qu'il avait engagées avec Berlin.

Prenant au sérieux le risque d'une rupture, la France et la Grande-Bretagne ont donné leur accord le 23 juillet.

Réaction du gouvernement soviétique : il a immédiatement demandé aux ambassadeurs français et anglais si leurs gouvernements étaient disposés a débuté immédiatement des discussion militaires et s'ils acceptaient Moscou comme lieu de ces pourparlers. Et de préciser que ces discussions militaires étaient une priorité pour lui et que leur évolution positive permettrait par la suite de faciliter le règlement des négociations politiques qui achoppaient sur un point qui était jugée négligeable à savoir la définition de l'agression indirecte.

En dépit de leur réserve motivée par le constat qu'il était incohérent de négocier le contenu d'une intervention militaire avant d'en avoir fixer le cadre politique, persuadées que leur approbation de cette nouvelle demande soviétique serait perçue par Moscou comme la preuve de leur bonne foi, désireuses de régler la question de l'agression indirecte qui était pour elles un point central de l'accord politique puisque la définition de cette notion déterminerait les circonstances dans lesquelles l'URSS serait fondée à intervenir dans les Etats baltes et à bénéficier automatiquement de leur soutien diplomatique et militaire, la France et la Grande-Bretagne ont accepté d'ouvrir des pourparlers militaires et d'envoyer à Moscou une délégation composée de représentants de leurs Etat-majors.
 
La délégation militaire franco-britannique est arrivée dans la capitale russe le 11 août.

Documents diplomatiques

Preuves des efforts des Français et des Anglais pour que les négociations engagées avec les Russes soient un succès : trois documents diplomatiques de juillet 1939 détaillant les concessions déjà faites par Londres et Paris.

Dans les Instructions du 11 juillet 1939 envoyées par le ministre français des Affaires étrangères, Georges Bonnet, à son ambassadeur à Moscou, Emile Naggiar, on peut lire :

"Les instructions suivantes vous sont adressées d'accord avec le Foreign Office qui télégraphie dans le même sens à Sir William Seeds. [...]
Les deux gouvernements sont également d'accord pour estimer le moment venu d'élever le débat sur un plan plus général et de demander à M. Molotoff s'il est disposé à nous suivre sur ce terrain de confiance et de collaboration où nous nous sommes nous-mêmes placés sans réticence. Le rappel des concessions successives que nous avons consenties à la thèse russe, substitution d'un accord à une déclaration, inclusion des Etats baltes, acceptation de la notion d'agression indirecte, interdiction de tout armistice ou paix séparée, non-inclusion des Pays-Bas, de la Suisse et du Luxembourg dans la liste des Etats tiers, suffit à donner la mesure à la fois de notre esprit de conciliation et de notre désir d'aboutir, au delà de la lettre des formules en discussion, à un accord inspiré par un esprit de collaboration sincère et efficace pour le maintien de la paix européenne. Il appartient aujourd'hui à M. Molotoff devant la dernière étape qui nous reste à franchir de répondre par une bonne volonté égale à ces efforts de compréhension et de rapprochement que nous n'avons jamais ménagés tout au long de cette négociation."

Dans les Instructions du 12 juillet 1939 adressées à son ambassadeur à Moscou, William Seeds, le ministre britannique des Affaires étrangères, Lord Halifax, écrit :

"Pour satisfaire M. Molotov, nous avons fait les concessions suivantes : 1) nous avons satisfait à la demande du Gouvernement soviétique tendant à ce que le traité couvre le cas des Etats baltes ; 2) nous avons abandonné notre demande tendant à ce que les Pays-Bas, la Suisse et le Luxembourg figurent parmi les pays visés par l'accord ; 3) nous avons accepté de prévoir le cas de l'agression indirecte ; 4) nous avons, contre notre gré, entrepris de le définir ; 5) nous sommes disposés à insérer cette définition dans l'accord lui-même ; 6) nous avons accepté la proposition de M. Molotov visant à inclure dans l'accord une disposition interdisant aux signataires de conclure un armistice ou une paix séparés".

Dernier document, le télégramme du 21 juillet 1939 de Lord Halifax à l'ambassadeur anglais à Istanbul :

"La position des négociations est brièvement la suivante :
Nous avons fait les concessions suivantes aux Russes :
(1) Le traité doit couvrir le cas des États baltes.
(2) Il ne couvrira pas les Pays-Bas, la Suisse et le Luxembourg.
(3) Il prévoira le cas d'une agression indirecte.
(4) Il y aura une disposition interdisant aux signataires de conclure un armistice ou une paix séparés.
(5) La définition de l'agression indirecte doit être incluse dans l'accord lui-même.
La seule concession faite jusqu'à présent par le gouvernement soviétique est qu'il a accepté de placer la liste des Etats couverts par l'accord non pas dans l'accord lui-même mais dans un protocole non publié. Il s'agit d'une concession de forme plutôt que de fond
."
 
Pacte anglo-franco-soviétique

A la date du 23 juillet 1939, résultat de trois mois de négociations marquées par les concessions successives franco-anglaises, le pacte anglo-franco-soviétique et son protocole secret comprenaient respectivement sept et quatre articles.
 
Dans les textes rédigés à cette date par les Français et les Anglais, ont été mis en italique les deux passages qui étaient toujours en discussion avec les Russes. Le premier passage concernait le pacte et correspondait à leur définition de l'agression indirecte. Le second portait sur la clause de consultation qu'ils avaient proposé d'introduire dans le protocole secret pour couvrir le cas des pays européens qui ne bénéficiaient pas de la garantie, et qui de fait devait s'appliquer principalement à la Suisse, à la Hollande et au Luxembourg.
 
On reproduira ci-après l'article 1 du pacte qui était la disposition centrale de l'accord et qui était dans son intégralité le fruit des concessions franco-anglaises :

"Le Royaume-Uni, la France et l'URSS s'engagent à se prêter mutuellement toute assistance immédiate et efficace si l'un de ces trois pays s'engage dans des hostilités avec une Puissance européenne à la suite soit :
1° D'une agression dirigée par cette Puissance contre un de ces trois pays, soit
2° D'une agression directe ou indirecte dirigée par cette Puissance contre tout Etat européen dont l'un des trois pays intéressés estime qu'il est obligé de défendre l'indépendance ou la neutralité contre une telle agression.
Il est convenu entre les trois Gouvernements contractants que les mots 'agression indirecte' au paragraphe 2 précédent doivent être entendus comme couvrant une action acceptée par l'Etat en question sous la menace de la force par une autre Puissance et entrainant l'abandon de son indépendance ou de sa neutralité.
L'assistance prévue au présent article sera donnée conformément aux principes de la S.D.N., mais sans qu'il soit nécessaire d'en suivre la procédure ni d'attendre que la S.D.N. entre en action."

On reproduira aussi les articles du protocole secret :

"Les trois Gouvernements contractants se sont mis d'accord sur les points suivants :
1° Le paragraphe 2 de l'article 1 de l'accord signé aujourd'hui par eux devra s'appliquer aux Etats européens suivants : Turquie, Grèce, Roumanie, Pologne, Belgique, Estonie, Lettonie, Finlande. 
2° La liste ci-dessus pourra être soumise à révision d'accord entre les trois Gouvernements contractants.
3° En cas d'agression ou de menace d'agression par une Puissance européenne contre un Etat européen non désigné dans la liste ci-dessus, les trois Gouvernements contractants, sans préjudice de l'action immédiate que l'un quelconque d'entre eux s'estimerait obligé de prendre, entreront immédiatement en consultation à la demande de l'un d'entre eux en vue de toute action qui serait décidé d'un commun accord.
4° Le présent accord annexe ne sera pas rendu public."

Comprenant uniquement huit bénéficiaires, la liste des pays garantis par le pacte correspond exactement à celle qui figurait dans le plan proposé par les Russes au mois d'avril.

L'accord franco-anglais pour la Turquie et la Grèce n'a soulevé aucune difficulté puisque les deux puissances avait accordé une garantie unilatérale à la Grèce et conclu un pacte d'assistance mutuelle avec la Turquie. Elles n'avaient donc aucune obligation nouvelle à l'égard de ces pays. Quant à la Belgique, c'était le seul pays proposé par les Russes qui couvrait les frontières... de la France et indirectement celles de l'Angleterre.

Discussions militaires d'août 1939

Le 12 août 1939 ont débuté à Moscou les pourparlers militaires anglo-franco-soviétiques.

Les délégations française, anglaise et soviétique étaient dirigées respectivement par le Général Doumenc, l'Amiral Drax et le Maréchal Vorochilov, commissaire du peuple à la Défense.

Dans une négociation devant définir les obligations militaires de chaque partie dans le cas où le pacte d'assistance mutuelle aurait été activé, le premier sujet mis en avant par le négociateur russe concernait... le passage de l'armée Rouge sur le territoire polonais avec l'argument que l'URSS et l'Allemagne n'avaient pas de frontière commune.
 
Réaction des Français et des Anglais : la Pologne ne participait pas à la présente négociation et le gouvernement soviétique aurait donc dû soumettre sa légitime demande à Varsovie.
 
Réponse du Maréchal Vorochilov : c'était aux gouvernements français et anglais d'obtenir cette autorisation car la Pologne était leur alliée et s'ils refusaient d'effectuer cette démarche il n'y aurait alors plus aucun intérêt à poursuivre les pourparlers.
 
Paris et Londres ont donc sollicité le gouvernement polonais qui a répondu en indiquant qu'il refusait d'accorder à priori un droit de passage aux armées soviétiques. La crainte des Polonais : que le pourvoir soviétique ne prît le prétexte de n'importe quelle action de l'Allemagne pour franchir la frontière et récupérer les territoires perdus au cours de la guerre polono-russe de 1919-1921.
 
Le 22 août, sur le point de convaincre les Polonais de changer leur position, la France et la Grande-Bretagne ont appris que Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du IIIe Reich, était attendu à Moscou pour signer... un pacte de non-agression.

Le Pacte d'assistance mutuelle anglo-franco-soviétique était mort. Toutes les efforts, toutes les concessions de la France et de la Grande-Bretagne n'avait servi à rien face à la trahison de la Russie de Staline dont on pourra mesurer la duplicité au fait suivant :
 
C'est le 17 avril 1939, le jour même où Moscou informa Paris et Londres des conditions de sa participation à une alliance contre Hitler que l'ambassadeur soviétique à Berlin, Alexei Merekalov, rencontra pour la première fois et à sa demande le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères allemand, le Baron Ernst von Weizsäcker, pour lui soumettre une demande de son gouvernement sur une question commerciale et lui déclarer opportunément sur le ton de la confidence personnelle que son gouvernement souhaitait une normalisation de ses relations avec Berlin et même un approfondissement de celles-ci par la suite.
 
Plus haut responsable du ministère exerçant ses fonctions avec le titre de Secrétaire d'Etat, le diplomate allemand a relaté la démarche soviétique dans un rapport rédigé le jour même à l'attention du ministre Ribbentrop :
 
"C'est alors que l'Ambassadeur me fit à peu près les déclarations suivantes :
La politique russe n'a jamais dévié de la ligne droite. Les divergences idéologiques n'ont pour ainsi dire exercé aucune influence sur les relations russo-italiennes et elles n'ont pas, pour l'Allemagne non plus, constitué dans le passé une pierre d'achoppement. La Russie des Soviets n'a pas exploité contre l'Allemagne les désaccords qui existent aujourd'hui entre elle et les démocraties occidentales et elle n'en a jamais éprouvé le désir. La Russie ne voit aucune raison de ne pas entretenir avec l'Allemagne des relations normales, relations qui pourraient aller en s'améliorant sans cesse.
C'est par cette remarque, vers laquelle le Russe avait orienté la conversation, que M. Merekalov termina l'entretien. Il a l'intention de se rendre à Moscou au cours des jours prochains".