MENU

Henri Jeanson : un journaliste de gauche au service de l'occupant allemand

"Je suis de ces esprits arriérés, pour qui le pacifisme, la lutte des classes, l'anticléralisme et tout ce qui s'ensuit, sont des mots vivants. Vous l'avouerai-je ? Je n'aime guère l'armée et n'éprouve pas le besoin de donner au drapeau, lorsque par hasard je le rencontre, un respectueux coup de chapeau. J'en suis resté aux vieux mots d'ordre révolutionnaires."

(Article "Je ne mourrai pas pour un corridor ? ET VOUS !" de Henri Jeanson publié dans SIA (Solidarité Internationale Antifasciste) du 11 mai 1939)


Auteur connu pour ses dialogues et ses scénarios, le journaliste Henri Jeanson l'est beaucoup moins pour ses écrits publiés pendant l'occupation allemande.

Au nombre des défaitistes et des pacifistes libérés par les Allemands en juin 1940, cet homme de gauche et même d'extrême gauche a manifesté ses convictions - à ne pas douter antifascistes - en publiant en juillet 1940 des éditoriaux dans le quotidien pro-hitlérien Paris-soir sous la signature X.X.X. et en prenant par la suite la direction du journal pétainiste Aujourd'hui du 10 septembre au 22 novembre 1940.

Pour illustrer son passage à Paris-Soir, citons son éditorial du 23 juillet 1940 titré "L'armistice n'est pas la Paix". Dans ce texte, Henri Jeanson écrit qu'en signant l'armistice franco-allemand les Français se sont engagés sur "l'honneur" à déposer toutes les armes - c'est-à-dire les fusils mais aussi "la plume" - et que de ce fait ils doivent renoncer " au droit de critique" et s'imposer "le silence" sur la présence des Allemands dont le régime d'occupation est un "régime de tolérance" comme l'illustre leur comportement - "correction", "simplicité, "politesse" - qui est en totale contradiction avec les "mensonges" propagées au cours du conflit par la presse belliciste.

Sa contribution au journal Aujourd'hui a été plus marquante puisqu'il a été pendant trois mois le rédacteur en chef de ce quotidien autorisé par la censure allemande. Sous cet angle, on s'intéressera à deux textes publiés dans le premier numéro du 10 septembre 1940 et à son éditorial du 6 novembre 1940.

Dans le premier numéro de Aujourd'hui, Henri Jeanson signe un éditorial titré... "Vérité mon beau souci". Dans ce texte, approuvé par la Propaganda Staffel, bordé par les communiqués militaires allemand et italien autrement dit parrainé par Hitler et Mussolini, Henri Jeanson affirme que son action à la tête du journal Aujourd'hui ne sera guidée que par le seul souci de la vérité : "Notre métier à nous, écrivain, est d’écrire sous ta dictée, ô vérité !"

Autre texte significatif publié dans ce premier numéro : l'article "Aujourd'hui : Sa raison d'être". Dans ce texte le journal définit un programme qui se caractérise notamment par l'antisémitisme, l'anglophobie et le soutien à la collaboration franco-allemande :

"Nous voulons qu'AUJOURD'HUI participe activement à la Renaissance française.
Nous avons des ambitions et un programme. [...]
Il ne suffit pas de liquider les hommes (politiciens, fonctionnaires, francs-maçons et ploutocrates israélites), il faut détruire leur œuvre de mort pour la nation laborieuse, leurs systèmes souillés de malhonnêteté civique et de mauvaise foi. [...]
Sur le plan industrielle et commercial, une entente totale avec l’Allemagne est essentielle pour ne laisser vivre que les industries ayant de réelles possibilités et des négoces sains et vivants. [...]
Rupture complète avec la politique anglaise basée sur l’action de la Cité de Londres."

Dernier exemple d'écrit au service de l'occupant allemand : son éditorial du 6 novembre 1940. Dans ce texte le pétainiste Henri Jeanson appelle les Français à "se ranger loyalement aux côtés du maréchal Pétain, lorsque celui-ci nous dit : « Collaborons ! »" :

"Qu’il n’y ait pas de paix possible en Europe sans un accord entre la France et l’Allemagne, c’est là une évidence vieille de plusieurs siècles et que nul ne songe à contester.
Cet accord, nous l’avons toujours souhaité parce que nous avons mis la paix au-dessus des partis et parce que nous savons qu’en temps de guerre, la liberté perd ses droits.
Et c’est pourquoi le devoir de tout pacifiste véritable, de tout Européen authentique est de se ranger loyalement aux côtés du maréchal Pétain, lorsque celui-ci nous dit : « Collaborons ! »".