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Décret-loi du 20 janvier 1940 complétant le décret-loi du 1er septembre 1939


Décret-loi du 20 janvier 1940
complétant le décret-loi du 1er septembre 1939
 réprimant la publication d'informations
 de nature à exercer une influence fâcheuse 
sur l'esprit de l'armée et des populations

Le Président de la République française,

Sur le rapport (Document 1) du président du conseil, ministre de la défense nationale et de la guerre et des affaires étrangères, du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de l'intérieur,

Vu le décret du 1er septembre 1939 réprimant la publication d'informations de nature à exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de l'armée et des population;

Vu la loi du 8 décembre 1939 modifiant l'article 36 de la loi du 11 juillet 1938;

Le conseil des ministres entendu;

Décrète :

Article premier. — Le décret du 1er septembre 1939 réprimant la publication d'informations de nature à exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de l'armée et des populations est complété ainsi qu'il suit :
« Art. 2 bis. — Si les discours ou propos, cris ou menaces, écrits, imprimés, placards ou affiches, visés à l'article 1er ci-dessus, sans présenter le caractère d'une information, sont, néanmoins, de nature à favoriser les entreprises d'une puissance étrangère contre la France, ou à exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de l'armée et des populations, la peine sera de un mois à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 50 à 5 000 francs ».

Art. 2. — Le président du conseil, ministre de la défense nationale et de la guerre et des affaires étrangères, le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre de l'intérieur sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera soumis à la ratification des chambres, conformément aux dispositions de la loi du 8 décembre 1939.

Fait à Paris, le 20 janvier 1940.

ALBERT LEBRUN.

Par le Président de la République :

Le président du conseil,
ministre de la défense nationale et de la guerre,
et des affaires étrangères,
Edouard DALADIER.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Georges BQNNET.

Le ministre de l'intérieur,
Albert SARRAUT.

(Journal officiel du 25 janvier 1940)
Le 1er septembre 1939, le gouvernement adopte un décret-loi aux termes duquel est puni "d'un emprisonnement d'un an à dix ans et d'une amende de 1.000 à 10.000 fr" la publication pendant la durée des hostilités de toute "information" susceptible soit de "favoriser les entreprises d'une puissance étrangère contre la France" soit "(d') exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de l'armée et des populations".

Sont visées par ce texte les informations publiées dans les formes prévues à l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :  "soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publiques, soit par des écrits, des imprimés vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publiques, soit par des placards ou affiches exposés aux regards du public"

Le décret-loi adopté le 20 janvier 1940 étend le champ d'application du décret-loi du 1er septembre 1939 avec l'ajout d'un article "article 2 bis" stipulant que :

"Si les discours ou propos, cris ou menaces, écrits, imprimés, placards ou affiches, visés à l'article 1er ci-dessus, sans présenter le caractère d'une information, sont, néanmoins, de nature à favo­riser les entreprises d'une puissance étrangère contre la France, ou à exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de l'armée et des populations, la peine sera de un mois à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 50 à 5 000 francs."

Ce nouveau texte renforce l'arsenal juridique réprimant les propos défaitistes et notamment la propagande communiste.

C'est pour cette raison que l'Humanité clandestine n° 27 du 19 février 1940 dénonce ce décret -  digne de "l'Inquisition" - dans un article titré "Contre la dictature Daladier - Pour la paix" :

"Un décret du 26 janvier (1) permet déjà de punir d'une peine d'emprisonnement ceux qui "se permettent des propos séditieux d'ordre purement subjectif (sic) qui sans constituer l'affirmation objective d'un fait précis (resic) ni présenter par eux-mêmes et par eux seuls le caractère juridique d'un acte nuisible à la défense nationale, ne sont pas moins susceptibles sur le moral de la population une influence néfaste".
C'est le régime de l'Inquisition appliquée à la "démocratie" française."

(1) Publié au Journal officiel du 25 septembre 1940, le décret-loi du 20 janvier 1940 est mentionné dans la presse parisienne du 26 janvier 1940.


Document 1 :

RAPPORT
AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


Paris, le 20 janvier 1940.

Monsieur le Président,

Le décret du 1er septembre 1939 réprimant la publication d'informations de nature à exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de l'armée et des populations permet malaisément, suivant une interprétation qui en a été donnée par plusieurs arrêts récents, de sanctionner certains propos séditieux d'ordre purement subjectif, qui, sans constituer l'affirmation objective d'un fait précis, ni présenter en eux mêmes et par eux seuls le caractère juridique d'un « acte » nuisible à la défense nationale, ne sont pas moins susceptibles d'exercer sur le moral de la population ou de l'armée une influence néfaste, et de favoriser les entreprises de l'ennemi.

Il est nécessaire cependant de sanctionner de tels propos et l'objet du présent texte est d'instituer, en vue de leur répression, des pénalités qui, tout en étant plus faibles que celles qui frappent la publication d'informations défaitistes, n'en seront pas moins efficaces.

Il convient de préciser que la nouvelle disposition envisagée ne saurait avoir pour but, dans un pays comme le nôtre, de s'opposer à toute interprétation des événements, de supprimer toute libre manifestation d'opinion.

Ce que nous entendons réprimer, ce sont ces fausses assertions qui, se présentant comme la manifestation d'opinions personnelles, correspondent en réalité aux mots d'ordre de la propagande ennemie et qui, exprimées publiquement, marquent, chez leurs auteurs, l'intention caractérisée de nuire à la défense nationale en portant atteinte au moral de l'armée ou des populations.

Nous avons l'honneur, en conséquence, de vous soumettre le texte ci-joint, avec l'espoir qu'il rencontrera votre haute approbation..

Veuillez agréer, monsieur le Président, l'hommage de notre respectueux dévouement.

Le président du conseil, 
ministre de la défense nationale et de la guerre, 
et des affaires étrangères,
ÉDOUARD DALADIER.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Georges BQNNET.

Le ministre de l'intérieur,
Albert SARRAUT.

(Journal officiel du 25 janvier 1940)