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"A la porte, le gouvernement de misère, de dictature, de guerre et d’assujettissement de la France aux banquiers de la Cité de Londres, à la finance internationale !" (Florimond Bonte, à la Chambre des députés, le 30 novembre 1939)

Le 30 novembre 1939, à la Chambre, pendant le discours du président du Conseil, le député communiste Florimond Bonte fait irruption dans l'hémicycle à la stupéfaction de tous ses collègues car il est recherché par la police dans l'affaire de la lettre au président Herriot.

Cette lettre des députés communistes du groupe paysan et ouvrier français prônaient la Paix sous les auspices de l'URSS. Elle a déclenché l'ouverture d'une instruction par la justice militaire.

Membre du Comité central, Florimond Bonte est sorti de la clandestinité pour remplir une mission précise : lire une déclaration du Parti communiste.

Après quelques phrases prononcées, le député de Paris est saisi par les huissiers et expulsé de la salle des séance. A la sortie du Palais Bourbon, il est arrêté par la police.

Accompagnée d'un hommage du Parti communiste saluant son "courage", sa déclaration sera intégralement publiée dans un numéro spécial de l'Humanité de décembre 1939.

Illustration du contenu pacifiste, anglophobe et antipatriotique de ce texte, l'extrait suivant :

"Tous unis, démasquons les traîtres au service du capital, les Blum, les Jouaux et autres. [...]
Tous unis, luttons pour briser le joug de la dictature imposée au peuple de France par le gouvernement Daladier. [...]
A bas la guerre impérialiste source de profits pour les uns, de ruines et de souffrance pour les autre !
A la porte, le gouvernement de misère, de dictature, de guerre et d’assujettissement de la France aux banquiers de la Cité de Londres, à la finance internationale !
Vive l'union des masses laborieuses contre la guerre impérialiste et pour la paix !"


Groupe ouvrier et paysan français

Le 26 septembre 1939, soit trois semaines après le début de la guerre contre l'Allemagne d'Hitler, le Conseil des ministres adopte sur la proposition du ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut, radical-socialiste, un décret-loi prononçant la dissolution de la Section Française de l'Internationale Communiste.

Cette décision du gouvernement dirigé par Edouard Daladier, radical-socialiste, s'explique par la mobilisation du Parti communiste en faveur de l'alliance germano-soviétique et de la Paix avec les nazis qui s'est manifestée dans son approbation du Pacte de non-agression signé le 23 août entre l'URSS et l'Allemagne, dans son soutien à l'entrée des troupes soviétiques en Pologne le 17 septembre et enfin dans l'adoption le 21 septembre par son Comité central d'une résolution intitulée "Il faut faire la Paix".

Le 27 septembre, jour de la publication du décret de dissolution, les députés du groupe communiste décident de former un nouveau groupe parlementaire.

Ce nouveau groupe est formellement constitué le lendemain sous le nom de groupe ouvrier et paysan français. Sa création est annoncée au Journal officiel du 29 septembre 1939. Pour marquer son absence de tout lien avec la IIIe Internationale son programme fait référence à la plateforme de 1880 du Parti ouvrier français de Jules Guedes.


Lettre au président Herriot

Le 28 septembre 1939, après deux jours de négociations, l'URSS et l'Allemagne se partagent la Pologne en signant un Traité de frontières et d'amitié.

Signé à Moscou, ce second Pacte germano-soviétique est accompagné d'une Déclaration dans laquelle les deux bourreaux du peuple polonais appellent la France et l'Angleterre à s'engager dans des négociations de paix avec Hitler.

Une seule formation politique va apporter son soutien à cette offensive de Paix hitléro-stalinienne : le Parti communiste français. Son objectif : démontrer que sa capacité d'action en faveur de la paix avec les nazis n'a pas été altérée par sa dissolution. Son mode d'action&nbsp: la mobilisation de son groupe parlementaire.

Dernière tribune légale du Parti, le groupe ouvrier et paysan français remet le 2 octobre 1939 une lettre au président de la Chambre, Edouard Herriot, radical-socialiste,dans laquelle il affirme que "La France va se trouver incessamment en présence de propositions de paix" et demande en conséquence l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens."

Pour justifier sa démarche, le groupe parlementaire communiste accuse la France et l'Angleterre d'être les responsables de la guerre, dénonce les conséquences d'une guerre longue, condamne la presse belliciste et enfin invoque la diplomatie soviétique.

Datée du 1er octobre 1939, la lettre au président Herriot est signée au nom du GOPF par Arthur Ramette et Florimond Bonte, président et secrétaire général du groupe parlementaire communiste.

Par son contenu, elle provoquera une réaction indignée de presse, une condamnation de tous les partis politiques et le plus important l'ouverture d'une procédure judiciaire pour infraction au décret de dissolution du PCF.

Dans cette procédure judiciaire, 10 députés du groupe ouvrier et paysan français échapperont à l'arrestation. Parmi eux : Florimond Bonte, député de Paris.


Séance du 30 novembre 1939

Le 30 novembre 1939, la Chambre des députés se réunit pour la première fois depuis le début de la guerre.

Cette séance est la première de la deuxième session extraordinaire de 1939. Elle présente deux particularités. Tout d'abord, elle se tient le jour même de l'invasion de la Finlande par les armées soviétiques. Ensuite, aucun député communiste n'y participera. Les raisons : la mobilisation et l'affaire du groupe ouvrier et paysan français.

La séance débute à 9 h 30 par un hommage aux "soldats de la République" prononcé par le président de la Chambre, Edouard Herriot, radical socialiste :

"Mes chers collègues, au moment où nous reprenons nos travaux, il convient que nos premières pensées aillent aux soldats de la République (MM. les députés se lèvent), aux armées de terre, de mer et. de l'air. (Applaudissements unanimes.) Depuis trois mois, en étroite coopération avec nos alliés (Nouveaux applaudissements sur tous les bancs), auxquels nous unissent une volonté commune de défendre le même idéal de liberté et une commune confiance dans la victoire finale, nos forces sont en lutte dans une guerre que l'ennemi rend chaque jour plus cruelle. [...]
La Chambre unanime voudra prier le Gouvernement qui veille avec un zèle incessant aux destinées de la patrie de faire parvenir aux armées et à leurs chefs l'expression de la reconnaissance et de l'affection nationales. (Applaudissements prolongés.)
Si ces premières semaines de guerre n'ont pas provoqué de sacrifices comparables aux terribles holocaustes de 1914, elles nous ont coûté de précieuses existences. Ce n'est pas à notre pays que l'on pourra demander d'oublier ces pertes. Le courage français n'est pas fait d'inhumanité; il sait, sans faiblir, donner sa part à la douleur. Que les morts du champ de bataille reçoivent notre hommage ! Que leurs familles nous permettent de nous associer à leur glorieuse peine ! Il est, dans cette enceinte même, des collègues atteints dans leurs parentés les plus proches; ils ne douteront pas d'une sympathie qui entend s'exprimer avec pudeur mais avec sincérité. (Applaudissements.)". (1)

(1) Journal officiel du 1er décembre 1939.


Incident de séance

Après l'allocution du président de la Chambre suit un discours du président du Conseil, Edouard Daladier, radical-socialiste.

Célébrant l'héroïsme des "soldats de France" qui combattent l'ennemi nazi depuis près de trois mois, le président du Conseil déclare que "cette guerre est pour nous la guerre de notre sécurité, la guerre de notre liberté" quand il est interrompu par un incident : l'irruption dans l'hémicycle de Florimond Bonte.

Sous le coup d'un mandat d'arrêt, l'entrée du député communiste suscite de vives protestations. Alors qu'il se dirige vers son banc, on entend diverses voix crier : "Suspension !", "A la porte !". (1)

Le président Herriot manifeste aussi son indignation : "Votre présence ici, en un pareil moment est un scandale". (2)

Le député de Paris est accompagné de Gaston Cornavin. Inculpé lui aussi pour la lettre au président Herriot, le député du Cher a été incarcéré avant d'être remis en liberté pour raison de santé.

Membre du Comité central, Florimond Bonte est sorti de la clandestinité pour remplir une mission : lire une Déclaration du Parti communiste.

Cette déclaration a été préparée par la direction communiste qui s'est installée à Bruxelles au mois d'octobre avec à sa tête Jacques Duclos, n° 2 du PCF. Présent dans la capitale belge depuis sa désertion, Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, se prépare à quitter la Belgique pour rejoindre Moscou.

A peine a-t-il commencé la lecture d'un papier qu'il a sorti de sa poche que Florimond Bonte est saisi par les huissiers et expulsé de la salle des séances. A sa sortie du Palais Bourbon, il est arrêté par la police. Dans la soirée, il rejoint ses camarades à la prison militaire de la Santé. Point particulier : la levée de son immunité parlementaire a été validée par un vote de la Chambre en début d'après-midi autrement dit après son arrestation.

Quant à Gustave Cornavin, il a profité de la confusion entourant l'exclsuion de son camarade pour quitter l'hémicycle. Privé lui aussi de son immunité parlementaire, il sera arrêté le lendemain et renvoyé en prison.

Reprenant son discours dans lequel il dénonce "l'abominable trahison des communistes", Edouard Daladier fait référence à l'incident en qualifiant les deux députés communistes de "traîtres" :

"Cette guerre est pour nous la guerre de notre sécurité, la guerre de notre liberté et c'est pour cela que le Parlement français ne peut délibérer en présence de traîtres. (Vifs applaudissements sur tous les bancs)". [...]
Sur le plan international, depuis que j'ai eu, le 2 septembre dernier, l'honneur de m'adresser à cette Assemblée, une série d'événements se sont déroulés dont les répercussions sont encore imprévisibles. Six mois après la ruée sur Prague, le Reich envahissait la Pologne. Ecrasée sous la supériorité du nombre et du matériel, l'armée polonaise était sur le point d'opérer un redressement, lorsque, le 16 septembre (3), l'agression de la Russie soviétique a rendu toute résistance impossible. Dès le 28 septembre, le territoire de la Pologne a été partagé entre l'Allemagne et les Soviets, la grande majorité ethnique polonaise étant annexée par le Reich. Cette malheureuse nation a été, pour un temps, réduite à la servitude. Les meurtres et les exécutions s'abattent sur elle. Mais, sur notre sol, un nouveau gouvernement polonais et une une nouvelle armée polonaise s'apprête à combattre, jusqu'à la victoire commune, aux côtés de nos soldats et des soldats de la Grande-Bretagne. [...]
La France reposera les armes lorsqu'elle pourra traiter avec un Gouvernement dont la signature engagera les actes. Elle traitera quand pourront être réparés les torts causés à des nations plus faibles, quand une sécurité durable pourra être établie. [...]
Mais impuissante à convaincre le monde, l'Allemagne avait pensé qu'elle briserait notre résistance par nos divisions intérieures. Elle avait compté sur l'action d'un parti qui, hier encore, dénonçait en elle et dans son régime les ennemis mortels de la civilisation et qui, aujourd'hui, prêche la trahison devant l'ennemi.
Ai-je besoin de rappeler ce que disaient les chefs communistes quelques mois, quelques jours avant que l'Allemagne ne déchaîne cette guerre ?
« Si Hitler, malgré tout, déclenche la guerre, alors qu'il sache bien qu'il trouvera devant lui le peuple de France uni, les communistes au premier rang, pour défendre la sécurité du pays, la liberté et l'indépendance des peuples. C'est pourquoi notre parti communiste approuve les mesures qui ont été prises par le Gouvernement pour garantir nos frontières et apporter, le cas échéant, l'aide nécessaire à la nation qui pourrait être agressée et à laquelle nous sommes liés par un traité d'alliance. »
Ces paroles (4) sont du 25 août . [...]
Mais dès septembre, alors que tous les Français se levaient pour défendre la Patrie, alors que les communistes du rang rejoignaient leurs régiments et allaient faire front au danger, les chefs communistes ont brusquement changé de position et se sont mis à la disposition de l'Allemagne.
Quand nous avions encore la paix, ils poussaient à la guerre. Quand nos enfants tombent sous les obus et les balles, ils rejoignent le camp de l'ennemi.
Cette abominable trahison n'a pas porté les fruits que l'Allemagne en attendait. Elle s'est heurtée au clair bon sens du peuple de France. Nous la traquerons sans trêve ni merci. Nous la briserons par toutes les rigueurs de la loi, conscients d'accomplir ainsi un devoir sacré envers ceux qui combattent et qui souffrent.
Les forces morales de la France sont intactes. Mais les complices de l'ennemi et les traitres, d'où qu'ils viennent, et quel que soit le masque qu'ils mettent sur leur visage, n'ont pas droit de cité parmi nous."

(1) Journal officiel du 1er décembre 1939.
(2) Ibid.
(3) L'URSS a envahi la Pologne le 17 septembre 1939.
(4) Communiqué de presse du groupe parlementaire communiste.


Déclaration de Florimond Bonte

Grâce à sa direction installée à Bruxelles, le Parti communiste est mesure de préparer et d'imprimer des numéros spéciaux de l'Humanité qui sont ensuite diffusés sur le territoire français.

Sous le titre "Le Parti communiste salue Florimond Bonte", l'Humanité numéro spécial de décembre 1939 publie en première page une Déclaration du PCF adressant "son plus ardent salut" à Florimond Bonte pour avoir eu "le courage" de prendre la parole à la séance du 30 novembre 1939 :

"Le Parti Communiste adresse à Florimond Bonte son plus ardent salut.
Seul, soutenu par Cornavin, à qui le Parti adresse également sa sympathie, au milieu d'une Chambre domestiquée, Florimond Bonte a eu le courage d'élever la voix au nom des masses laborieuses de France.
Il a rempli sa tâche avec un courage digne d'un vrai communiste.
Le Parti communiste est fier de compter dans ses rangs des hommes de cette trempe qu continue la tradition glorieuse de Karl Liebknecht.
L'attitude courageuse de Florimond Bonte fait ressortir davantage encore la lâcheté des renégats qui tremblent de peur et la bassesse des chefs socialistes à genoux devant le pouvoir."

Toujours en première page, ce numéro reproduit l'intégralité de la déclaration qu'il devait lire avec un texte de présentation intitulé "Il n'y a plus de Parlement".

Après avoir accusé le gouvernement français de mener avec la complicité des socialistes une guerre impérialiste sur le plan extérieur et une guerre de réaction sur le plan intérieur, cette déclaration appelle les travailleurs à s'unir dans un Front unique d'action pour chasser le Gouvernement Daladier, faire la Paix avec l'Allemagne et détruire le régime capitaliste, cause de toutes les guerre impérialistes :

"Au moment où la Chambre se réunit, trois mois après le commencement de la guerre, il est nécessaire de rappeler tout d'abord que 34 députés sont emprisonnés et 10 autres traqués par la police parce qu'ils ont défendu la cause de la paix.
Les élus communistes, que le gouvernement emprisonne et persécute au mépris de sa propre légalité, ont eu raison de demander que les les représentants de la Nation soient appelés à prendre leurs responsabilités sur les problèmes de la paix, au lieu de laisser une presse vénale et des gouvernants aux ordres des 200 familles, exalter et poursuivre une politique de guerre contraire aux intérêts du peuple de France. [...]

[Guerre de réaction]

Le gouvernement du capitalisme français ose dire qu'il défend la démocratie, mais il a détruit toutes les libertés et il fait peser sur la France une dictature militaire qui laisse loin derrière elle les périodes les plus sombres du Second Empire et de l'ordre moral.
Jaloux des lauriers de Napoléon III et des ministres de Mac-Mahon qui poursuivirent la section française de la Première Internationale, M. Daladier a dissous la section française de la Troisième Internationale (1), imitant en cela les gouvernements de fascisme et d'oppression dont le méthodes de violence et de terreur sont importées en France à la faveur de la guerre. 
Les communistes qui dénoncent la malfaisance des 200 familles, des oligarchies financières internationales coupables de lancer les peuples dans la guerre pour réaliser de monstrueux profits sont persécutés, et 150 ans après la Révolution Française, la France, terre de liberté, devient terre de camps de concentration. [...]
Il y avait aussi des camps de concentration pour les étrangers, mais il n'y en avait pas encore pour les Français. Désormais, cette lacune est comblée puisque par décret (2) le gouvernement vient de remette en vigueur la lettre de cachet de l'ancien régime, en même temps qu'il s'est arrogé le droit d'imposer à des innocents, considérés comme suspects, la résidence forcée dans un camp de concentration, et le travail forcé.
Ainsi le peuple de France qui fit le Front Populaire contre le fascisme se voit désormais appliquer les méthodes fascistes. [...]
C'est là une politique odieuse de réaction dont se dégage une vérité essentielle, c'est que nos libertés sont menacées de l'intérieur, ce qui revient à dire que les ennemis du peuple de France sont en France même. [...]
On veut réduire le peuple français à l'esclavage le plus honteux et, pour atteindre cet objectif, on a voulu briser par avance toutes les bases de résistance à l'oppression. [...]
Mais toutes ces mesures de dissolution d'organisations ouvrières et de confiscation de leurs biens n'ont pu être prises que grâce à la complicité honteuse du Parti Socialiste, dont les chefs se sont fait les fourriers de la répression, et grâce à l'attitude des dirigeants de la CGT, qui, tenue en laisse par la bourgeoisie, ont tout fait pour aboutir à la domestication des syndicats et à l'élimination de tout contrôle des masses ouvrières.

[Guerre impérialiste]

Ainsi les travailleurs mobilisés, ceux qui sont au front et à qui on dit qu'ils défendent la liberté, peuvent voir que c'est un mensonge éhonté. La guerre qu'on fait faire au peuple de France poursuit à l'extérieur des objectifs impérialistes, en même temps qu'elle permet à l'intérieur d'imposer un odieux régime de dictature militaire et de terreur au peuple de France. [...]
On ose cyniquement prétendre que la cause de la Pologne est la cause de la liberté. C'est là un mensonge abominable. Ce qui est vrai, c'est que le gouvernement polonais, qui s'effondra au bout de quinze jours de guerre, après avoir multiplié les provocations destinées à empêcher la formation d'un front de la paix, était un gouvernement d'oppression et de fascisme, qui prit de force Wilna à la Lithuanie et s'appropria des territoires de la Tchécoslovaquie.
Aujourd'hui, le gouvernement français accorde à un gouvernement polonais, qui ne représente rien, des privilèges d’extraterritorialité qui furent refusés au gouvernement de la République Espagnole, alors que la zone du centre, de Madrid à Valence, résistait encore. [...]
Comme de 1914 à 1918, ce qui est en jeu dans cette guerre, c'est la possession des matières premières, la domination des marchés, l'hégémonie impérialiste, et tandis que le régime capitaliste, avant de disparaître, fait à nouveau couler le sang des travailleurs, nous rappellerons ce que disait Jaurès de ce régime fondé sur l'exploitation de l'homme par l'homme :
« Le capitalisme porte la guerre en lui comme la nuée porte l'orage. » [...]
Pendant des années, les impérialistes anglo-français et leurs agents avaient accusé l'URSS et les communistes de vouloir une guerre idéologique contre le fascisme, alors que toujours les communistes avaient affirmé leur volonté de dresser le barrage de la paix, considérant qu'il appartient à chaque peuple de se libérer lui-même et conquérir sa liberté.
La signature du pacte germano-soviétique aurait dû être saluée comme une contribution heureuse à la pacification du monde, mais au lieu de cela les impérialistes franco-anglais se livrèrent à d'ignobles attaques contre l'URSS, contre les communistes et poussèrent le Pologne à refuser un règlement à l'amiable concernant le couloir de Dantzig, alors qu'en septembre 1938 ils avaient contraint la Tchécoslovaquie à céder sur toute la ligne.
De même que le grand socialiste allemand Karl Liebknecht se dressa courageusement contre la guerre (3) en proclamant à la face de l'Allemagne et de l'univers : « L'ennemi est dans notre propre pays », de même nous, communistes français, que rien ne pourra empêcher de rester fidèles à nos conceptions du progrès humain, à notre idéal d'affranchissement social et à notre foi inébranlable dans l'avenir du communisme, nous dénonçons et combattons les fauteurs de guerre qui sont en France, tandis que les communistes anglais luttent en Angleterre contre les ennemis du peuple anglais et que les communistes allemands mènent le combat en Allemagne contre les ennemis du peuple allemand.

[Paix par la Révolution socialiste]

La guerre actuelle provoque une crise qui fixe des tâches nouvelles aux masses ouvrières. Durant toute la période qui a précédé la guerre, les ouvriers ne pouvaient se fixer comme objectif prochain la disparition de l'esclavage capitaliste, ils luttaient pour améliorer leurs conditions d'existence, et la politique du Front Populaire, dont le Parti Communiste Français fut l'initiateur, donna de substantiels résultats; mais aujourd'hui, devant les misères et les souffrances accumulées à nouveau par le régime capitaliste, le grand problème de la disparition des causes des impérialistes et de l'exploitation des masses laborieuses va se poser avec chaque jour plus de force devant la consciences des travailleurs.
Les capitalistes ont voulu une nouvelle guerre, une nouvelle saignée des peuples, pour en faire sortir d'immenses bénéfices, en même temps qu'une vague de réaction politique et de régression sociale, mais les travailleurs voient désormais d'où vient le mal, et ils voient aussi comment il faut le conjurer. [...]
On accuse aujourd'hui les communistes d'être des agents de l'étranger; c'est là l'accusation classique dirigée de tout temps contre les révolutionnaires; mais ce que les travailleurs peuvent constater c'est que le gouvernement français subordonne les intérêts français aux intérêts des banquiers de Londres et acceptent que notre pays deviennent une sorte de Dominion.
Tout cela ne peut pas durer, ne doit pas durer pense le peuple de France convaincu de la nécessité, pour mettre fin à la guerre, de chasser le gouvernement de honte, de misère, de guerre que préside M. Daladier. Contre ce gouvernement et contre tous ses soutiens, nous appelons les travailleurs à s'unir, à réaliser dans les usines, dans les villes et dans les villages le Front unique d'action. 
Tous unis, démasquons les traitres au service du capital, les Blum, les Jouaux et autres. [...]
Tous unis, luttons pour briser le joug de la dictature imposée au peuple de France par le gouvernement Daladier. [...]
A bas la guerre impérialiste source de profits pour les uns, de ruines et de souffrance pour les autre !
A la porte, le gouvernement de misère, de dictature, de guerre et d’assujettissement de la France aux banquiers de la Cité de Londres, à la finance internationale !
Vive l'union des masses laborieuses contre la guerre impérialiste et pour la paix !"

Ce texte est une illustration de la ligne pacifiste, anglophobe et antipatriotique défendue par le PCF depuis le début du conflit. Ajoutons que dans sa construction et ses formulations, il présente de  présente de nombreuses similitudes avec l'appel au peuple de France de février 1940 rédigé par... Jacques Duclos.

(1) Décret-loi du 26 septembre 1939 prononçant la dissolution des organisations communistes.
(2) Décret-loi du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à l'égard des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique
(3) Première guerre mondiale.